L’Écho – Le cauchemar qui hantera bientôt nos jours, le 12 novembre 2019

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Le cauchemar qui hantera bientôt nos jours

La presse nous a appris un jour que 5.000 scientifiques avaient signé une pétition appelant à décréter l’état d’urgence en raison de la catastrophe environnementale, non pas qui s’annoncerait, mais qui est en cours, et dont l’enjeu n’est rien moins que l’extinction du genre humain. Le même jour, un million de personnes avaient défilé dans le monde pour attirer l’attention sur la menace.

Ce mois-ci, ce sont 10.000 scientifiques, et 10 millions de manifestants, et nul ne serait surpris si le mois prochain, c’étaient 100.000 scientifiques signant au bas de la pétition, et 100 millions de manifestants dans les rues.

Que se passera-t-il quand ce seront 1 million de scientifiques signataires, et 1 milliard de personnes défilant en cortège ?

Probablement rien de plus hélas que ce que nous observons aujourd’hui : l’un ou l’autre gouvernement prendra des mesures qui, si elles étaient tout d’abord votées et si ensuite leurs décrets d’application étaient ensuite signés, promettent – sans aucune pénalité bien entendu en cas de non respect des promesses (« À l’impossible, nul n’est tenu ! », n’est-ce pas) – que des efforts seront faits, d’ici… 2050 pour réduire la consommation de tel ou tel produit.

En « 2050 » ? Pourquoi pas en 2300 ? Ou en l’An 4000 tant que nous y sommes ? Comme si le mot « urgence » était dénué de toute signification.

Pendant ce temps-là, nous, citoyens ordinaires faisons le serment de ne plus manger de viande tous les jours (car les gaz de fermentation produits par la rumination accélèrent le réchauffement, sans compter la dévastation de la forêt amazonienne pour produire le tourteau de soja qui alimentera le bétail). Nous promettons aussi de faire davantage attention au moment de mettre telle ordure dans la poubelle, que ce soit celle à couvercle jaune plutôt qu’à couvercle noir, et de réduire notre temps passé sous la douche de 3 minutes à 2 minutes seulement. Ces changements dans les petits gestes de la vie quotidienne partent d’un bon sentiment, mais sont à situer dans le cadre que révèle une enquête dans The Guardian *, à savoir que l’extraction sur les champs pétrolifères et la production de différents types de carburant dans des raffineries sont responsables du tiers de la production de ces gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique qui menace notre existence même. Aux dommages irréparables que produit cette industrie pétrolière, nous ne sommes pour rien en tant qu’individus isolés, mais nous en sommes les coupables en tant que complices distraits d’un mode de vie qui, étant bien pratique et confortable, nous satisfait entièrement par ailleurs.

Comment envisageons-nous l’avenir ? Nous espérons, à notre habitude, que « quelqu’un quelque part », conscient de l’ampleur de la catastrophe se profilant à l’horizon, aura pris les « mesures qui conviennent ». Mais, bien sûr, pas plus que précédemment dans l’Histoire, ce « quelqu’un quelque part » n’existe vraiment : c’est notre imagination seule qui a conçu le fantasme de ce « quelqu’un » bienveillant, à l’instar de Saint-Nicolas, qui nous permet de continuer de fermer l’œil la nuit.

Comme l’enfant qui a dit : « L’empereur est tout nu ! » dans le conte de Hans Christian Andersen, une enfant suédoise a dit : « Nous ne faisons rien ! Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance ! » Ce que le conte ne révèle pas, c’est combien de « braves gens » dans la foule ont dit alors : « Cette enfant ne comprend rien aux choses sérieuses. D’ailleurs elle est autiste : elle souffre du syndrome d’Asperger ! Ses parents auraient dû la garder à la maison ! ».

Il ne suffit pas que nous « déclarions l’état d’urgence » pour le genre humain, à grand renfort d’effets de manches, de roulements de tambour et de sonneries de trompettes, il faut aussi que nous émergions de notre torpeur, et prenions enfin conscience de l’ampleur de la menace planant sur nous. Car il ne s’agit pas d’une plaisanterie : tous les voyants sont au rouge, toutes les sirènes hurlent, le tocsin sonne dans chaque ville, dans chaque village. Réveillons-nous, secouons nos (très mauvaises) habitudes, si nous voulons que nos enfants, nos petits-enfants, et les enfants de ceux-ci vivent : pas étonnant qu’ils soient bien plus conscients que nous du danger, mais ils n’ont hélas ni le droit de voter, ni d’être nommé ministre !

Le cauchemar est là, il hante déjà nos nuits, il envahira bientôt nos journées.  

* The Guardian, « Revealed: the 20 firms behind a third of all carbon emissions », par Matthew Taylor et Jonathan Watts, le 9 octobre 2019

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6 réponses à “L’Écho – Le cauchemar qui hantera bientôt nos jours, le 12 novembre 2019”

  1. Avatar de Dambrine Pierre-Yves
    Dambrine Pierre-Yves

    j’ai ce curieux sentiment, prégnant, obsédant, depuis quelques temps, quelques mois, et surtout ces dernières semaines, du moins avec cette acuité, que lorsque j’observe les choses autour de moi, que ce soit à la ville ou à la campagne, les choses se présentent désormais sous un jour inquiétant, et oppressant. C’est le même monde mais il n’apparaît plus de la même manière à ma conscience.

    La moindre chose qui s’ajoute au monde, n’importe quoi, un sachet en plastique, une nouvelle publicité dans la rue, un emballage plastique, un SUV qui circule en toute impunité, un avion dans le ciel qui laisse sa trace, tout est devenu le signe et surtout la réalité de la fin du monde.

    Il faudrait tout de suite prendre les mesures à la hauteur du péril mortel, mais non, tout continue comme avant en pire, puisqu’au mal on ajoute encore le mal. Et pourtant le mal était déjà suffisamment grand pour qu’on en rajoutât pas.

    Nos contemporains ne vont-ils pas connaître ce même sentiment un jour ou l’autre ?
    Un être humain peut-il longtemps supporter le trop de tout, et l’absence de l’essentiel ?
    Les divertissements en tous genres vont-ils encore anesthésier longtemps ?

    Arrive-t-il un moment où la pub, les discours creux, n’ont plus aucun effet ?

    1. Avatar de arkao

      @Dambrine Pierres-Yves
      J’ai l’impression que nos contemporains sont plus préoccupés par un autre péril, plus immédiat, c’est à dire pas à l’échéance 10 ans mais demain, celui de la paupérisation. La peur d’avoir froid, la peur d’avoir faim, la peur d’un avenir « professionnel » déliquescent. Application des nouvelles règles de l’indemnisation du chômage depuis le 1er novembre, épée de Damoclès des retraites. Pour beaucoup le risque misère c’est aujourd’hui, le risque environnemental c’est demain… Et demain est un autre jour.
      Émeutes de la colère, suicides par immolation, voilà l’actualité vécue dans la chair et le sang. L’angoisse environnementale, c’est pour ceux qui ont la panse pleine et les miches au chaud.

  2. Avatar de Tout me hérisse
    Tout me hérisse

    Il est un fait que pour la plupart des ‘responsables’ à la tête des différents pays, le mot URGENCE a perdu sa signification première, ils lui donne plutôt cette définition : il est urgent d’attendre…

  3. Avatar de Francis Caudron
    Francis Caudron

    Du temps de l’exploitation, les ouvriers et les soldats pouvaient faire la grève et REFUSER DE SERVIR.
    Au temps de la consommation (la production et la guerre étant faites par les machines), la seule solution serait de REFUSER DE CONSOMMER.
    Or les manifestations surtout les plus violentes contribuent à la consommation.
    Mieux vaudrait ne plus procréer et arrêter d’acheter plein de choses inutiles.
    Et puisque nous sommes là, mourir (sans se faire incinérer, ce qui consomme du gaz)
    pour disparaître et ne plus consommer ?
    Revendre notre voiture. Ne plus prendre l’avion.

  4. Avatar de Chabian
    Chabian

    Je m’interroge sur ces mots de l’article : « complices distraits d’un mode de vie »… C’est tout naturel de parler ainsi, mais il faut peut-être aller plus loin. Il faut d’abord nous considérer comme déniant la situation, et refusant d’intervenir (non assistance à personne en danger, ce qui est plus que de l’indifférence). Le déni s’accompagne de distraction, mais.. Ensuite il faut sans doute parler de notre responsabilité entière dans ce mode de vie. Chaque individu peut se penser « complice », mais collectivement nous sommes tous entièrement coupables. Notre seule excuse est de n’avoir pas vu venir le crime, en extrayant le pétrole, et avant lui le charbon, et avant en adoptant l’agriculture et l’élevage… et bien d’autres détails de l’histoire. Car le coupable désigné est « le mode de vie ». A qui donc couper la tête ? Se plaindre des élus et dirigeants économiques (ce qui est aussi tout naturel) est encore une forme de déni. En fait, nous avons tout à perdre et rien à gagner au changement de mode de vie. Je crains qu’il faille encore longtemps manifester en procession autour de la muraille de notre propre forteresse.

  5. Avatar de Michel Cresp
    Michel Cresp

    Le pouvoir politique, tout à fait informé et conscient du problème, est pris par un affreux dilemme : si on appuis sur le frein production/consommation on ajoute un ou deux millions de chômeurs, c’est la guerre sociale. Si on prend des mesures cosmétiques on enraye pas le problème mais on le refile aux suivants… nous aurions besoin d’une économie de guerre pour avancer (Churchill, qui avait promis du sang et des larmes) mais aucun candidat avec un tel programme a la moindre chance d’être élu, surtout quand on connait les lobbies qui financent les campagnes, la presse appartenant aux milliardaires et les instituts de sondages qui sont aussi sous contrôle.
    Peut-être qu’une solution viendra – probablement bientôt – d’un écroulement de la finance sous le poids de la dette, de l’argent factice créé par les banques centrales, le chaos engendré étant alors la bonne occasion pour remettre beaucoup de choses à plat ? mais de toutes façons nous aurons le sang et les larmes…

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  2. @bb Oui, et, mon avis, la plupart (si pas la totalité) des diverses religions(et autres sectes) ont, de tous temps,…

  3. Garorock. Vous vociférer mon vieux. J ai écrit 2 fois sur le sujet des pierres qui parlent. Dont une fois…

  4. @GmM C’est une blague avec Garorock, on a pris l’habitude de dire le Minou pour ChatGPT, donc américain ou plus…

  5. Bonjour Pascal! Pouvez-vous préciser, svp, qui a écrit ce texte (et d’autres qui précédent), car de toute évidence, ce n’est…

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