La bombe David Holmes, le 16 novembre 2019 – Retranscription

Retranscription de La bombe David Holmes, le 16 novembre 2019.

Bonjour, nous sommes le samedi 16 novembre 2019 et la vidéo aujourd’hui va s’appeler : « La bombe de M. David Holmes ». 

Je vous ai parlé hier en direct. J’ai fait des commentaires, assez longs d’ailleurs, sur ce qui se passait : l’audition de Mme Marie dite Masha Yovanovitch, ancienne ambassadrice des États-Unis en Ukraine. Il faudra que je revienne là-dessus.

Il faudra que je revienne sur le fait que les Démocrates ont avancé des pions de manière assez considérable, au point qu’on a entendu surtout beaucoup de silence, un grand mutisme du côté des Républicains. Il y a bien eu une intervention de Mme [Elise] Stefanik mais pour dire quelque chose qui n’est pas recevable, c’est-à-dire qu’il fallait absolument que le lanceur d’alerte qui avait lancé toute cette histoire doive parler, doive s’expliquer. C’est tout à fait contraire au statut même du lanceur d’alerte. Donc il s’agit de quelque chose que les Démocrates de la commission peuvent rejeter sans la moindre difficulté. Les lanceurs d’alerte, à l’intérieur du système administratif américain et gouvernemental, sont protégés et rien ne les oblige à venir témoigner en public, d’autant que, dans le camp de M. Trump, et en particulier dans le petit groupe d’extrême droite extrêmement virulent autour de lui, on appelle au meurtre de ce lanceur d’alerte, ce que M. Trump a suggéré lui-même aussi en disant qu’il y avait une époque où on réglait le cas de personnes comme ça de manière beaucoup plus expéditive. Un véritable appel au meurtre…

Donc, je reviendrai là-dessus. Je l’ai commenté en direct. J’ai dit déjà pas mal… beaucoup de choses. J’ai même fait allusion au fait que, pendant ce temps-là, on apprenait le verdict du procès de M. Roger Stone, : qu’il était condamné sur 7 chefs d’inculpation, en particulier subornation de témoin. Subornation de témoin : les menaces qu’il avait adressées à M. Randy Credico, disant qu’il allait tuer son chien, qu’il allait le tuer lui et ainsi de suite.

Ça tombait relativement bien puisqu’il s’est passé un évènement dont je n’ai pas parlé de manière très approfondie mais dont la presse a beaucoup parlé, c’est le fait que pendant que Mme Yovanovitch parlait, le président a tweeté et, en particulier, a ajouté des menaces supplémentaires à son égard. Alors, le président de la commission Adam Schiff a lu le tweet de M. Trump et a demandé à Mme Yovanovitch ce qu’elle en pensait, si elle voyait là une intimidation. Elle a dit très poliment qu’elle ne pouvait pas savoir ce qui se passait dans la tête de M. Trump. Quand Schiff a insisté, elle a dit que, oui, à titre personnel, elle ressentait ça comme de l’intimidation, ce sur quoi Adam Schiff a ajouté : « Vous savez, Madame, dans cette commission-ci, nous prenons les questions de ce type-là, d’intimidation, nous les prenons extrêmement au sérieux », ce qui voulait dire à mots couverts : « M. Trump, faites attention parce que ça pourrait être un chef d’inculpation, un chef d’impeachment supplémentaire, un article d’impeachment supplémentaire ».

Je voulais faire une vidéo ce matin spécifiquement là-dessus, sur les chefs possibles d’impeachment. Il faudra que j’y revienne. Mais je veux vous parler de cette histoire de M. David Holmes par priorité.

Qui est ce M. David Holmes ? Il y a 3 jours, dans sa déposition, M. Bill Taylor – qui est l’ambassadeur faisant office en ce moment en Ukraine – avait tenu à préciser dans la lecture de sa déclaration préalable qu’un fait nouveau était intervenu entre le moment où il  avait déposé devant la commission et le moment où il avait été auditionné à nouveau, il avait appris un élément d’information important. Il s’agissait de la chose suivante : un de ses associés, un de ses subordonnés, lui avait dit la chose suivante : c’est qu’il avait, lui, le 26 juillet, assisté à une conversation entre M. Trump et M. Gordon Sondland qui est donc l’ambassadeur officiel des États-Unis auprès de l’Union européenne – un monsieur qui doit son titre essentiellement au fait qu’il est un grand donateur de la campagne de M. Trump. Et dans la conversation que ce M. Holmes rapporte, ce M. Sondland a parlé essentiellement à des gens de l’ambassade qui étaient autour de lui des soucis que ça lui donnait de gérer ses hôtels en ce moment. Une commentatrice, Rachel Maddow, faisait remarquer que c’est à ça que l’argent du ministère des Affaires Etrangères était utilisé dans les ambassades [sourire].

La conversation était la suivante : ce M. David Holmes sort avec M. Sondland d’une conversation avec M. Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine. M. Sondland dit à M. Holmes et à deux autres personnes qui sont là, de l’ambassade : « Allons manger ensemble ».

Ils vont manger ensemble et, au cours du repas, M. Sondland prend son téléphone portable, appelle la Maison-Blanche et après avoir passé quelques personnes intermédiaires, il a M. Trump au bout du fil. Et là, la conversation se déroule. M. Trump lui demande comment ça s’est passé avec M. Zelensky et il lui demande en particulier si la délégation a obtenu de M. Zelensky ce qu’on voulait, c’est-à-dire en fait un engagement de sa part de lancer une enquête sur la famille Biden père et fils, Joe et Hunter, en Ukraine et sur l’affaire supposée des ingérences de l’Ukraine dans l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis.

La presse américaine, les commentateurs se sont toujours demandé d’où venait cette hypothèse que ce n’étaient pas les Russes qui avaient interféré avec l’élection présidentielle mais que c’étaient les Ukrainiens et non pas du côté de M. Trump mais du côté de Mme Hillary Clinton. Moi, j’avais fait la supposition qu’il s’agissait simplement de quelqu’un qui avait inventé ça quelque part aux États-Unis, pour simplement essayer de faire contrepoids [cf. depuis, 21/11/19 – Auditions Commission impeachment – Commentaires en direct : « Hill explique que le scénario que ce serait l’Ukraine et non la Russie qui aurait interféré avec l’élection présidentielle de 2016 a pour origine les services secrets russes. […] Hill dit que selon elle le fait que cette hypothèse circule aux États-Unis ne signifie pas nécessairement qu’elle soit venue de Russie, elle n’exclut pas qu’elle soit née en parallèle dans les deux pays ».] Puisqu’on dit que ce sont les Russes qui l’ont fait du côté de Trump, on va inventer une histoire et on va la lancer. On va dire que c’est le contraire, c’est-à-dire que ce sont les Ukrainiens du côté de Mme Clinton. Ceci dit, ces jours derniers, et en particulier, ça a été mentionné par la personne. M. Goldman, qui interrogeait Mme Yovanovitch, ex-ambassadrice, hier, a révélé d’où venait l’information. Cette information, elle vient en fait d’une conversation que M. Poutine a eue en Russie avec [Viktor Orban], qui a été transmise à M. Kimilnik qui est un collaborateur de M. Manafort et c’est M. Manafort qui a lancé cette rumeur, probablement simplement une désinformation, qu’il a lancée, lui, du côté américain. Et M. Trump en est absolument convaincu puisqu’il avait exigé, pour le déblocage des fonds d’aide militaire à l’Ukraine, que M. Zelensky fasse une déclaration officielle disant que le pays a lancé des procédures d’enquête sur les activités de M. Biden père et fils en Ukraine et pour trouver le pot aux roses, pour découvrir ce qui s’était passé exactement comme interférences, comme ingérences de l’Ukraine dans les élections présidentielles américaines.

Comment se fait-il que ce M. Holmes entend la conversation de M. Trump avec ce M. Sondland ? Il faut imaginer donc qu’il a 4 personnes assises autour de la table, dans un restaurant à Kiev. Et au moment où M. Trump commence à parler au bout du fil, M. Sondland est, comment dire ? « taken aback » : il est obligé d’écarter le téléphone de son oreille parce que M. Trump crie de l’autre côté, ou en tout cas le volume est trop élevé et donc, pendant la conversation, M. Sondland est obligé de tenir le téléphone à une certaine distance de son oreille, ce qui permet à tous les gens autour d’entendre exactement ce qui est dit.

Donc, M. Trump, manifestement, s’intéresse aux résultats de la conversation et M. Sondland, lui, le rassure en disant : « M. Zelinsky fera exactement ce que vous lui direz de faire », [et ajoute] : « C’est un type qui vous adore ». Il emploie en fait une expression ordurière que je ne vous répèterai pas, même en anglais.

La conversation étant terminée, ces personnes parlent encore quelques minutes de ce qu’ils ont entendu et là, c’est là que M. Holmes obtient de M. Sondland le commentaire suivant : « Le président me dit qu’en fait, il ne s’intéresse, pour ce qui est de l’Ukraine, qu’à « The big stuff » : qu’aux choses véritablement importantes ». Sur quoi M. Holmes – de bonne foi ou de mauvaise foi, ça il ne le dit pas – lui dit : « Vous voulez dire sans doute la guerre civile dans le Donbass ? » et M. Sondland lui répond : « Non, pas du tout : l’enquête sur Biden et sur l’élection présidentielle de 2016 ».

Ce M. Holmes qui a donc déposé hier en parallèle à ce qui se passait par ailleurs avec Mme Yovanovitch, mais cette fois-ci à huis clos, a dit non seulement ce qu’il a dit là dans sa déclaration préalable mais il a dû donner des renseignements supplémentaires. Et, alors qu’on avait pu dire, les Républicains avaient pu dire que, oui, c’était de la part de M. Taylor encore des hearsay [ouï-dire] des choses qu’il a entendues de seconde main, etc., pas des choses qu’il a entendues en direct, ce M. Holmes dit non seulement qu’il était là, non seulement qu’il a entendu la conversation, qu’il a entendu également les commentaires de M. Sondland à ce sujet mais qu’il y avait encore deux autres témoins. Donc, là, sur cette question en fait de : qu’a fait exactement M. Trump qu’on pourrait lui reprocher ? Il s’agit de ce qu’on appelle aux États-Unis, on appelle ça bribery, en particulier dans la constitution, quand on parle de l’impeachment, Il y a 4 postes : la haute trahison, bribery, « high crimes and misdemeanours », c’est-à-dire des délits de haute importance ou des délits de moindre importance et, là, la question qu’on se posait, c’était : y a-t-il bribery ? Y a-t-il corruption. Ou, dans un cas plus particulier en français, on appelle ça aussi « concussion » quand ce sont des sommes qui passent directement à un fonctionnaire en échange de services qui ont été rendus.

La question est de savoir si on peut faire un article d’impeachment qui s’appelle bribery proprement dit et là, les Républicains n’arrêtent pas d’insister sur le fait qu’il faudrait qu’il y ait un échange de bons procédés [donnant-donnant]. Il faudrait que M. Trump ait dit « Nous allons débloquer l’aide militaire si vous lancez l’enquête comme on a dit ». En fait, la constitution ne demande absolument pas cela. Le mot, l’expression qui a été utilisée par Trump et qui suffit amplement est quand Trump lui dit dans la conversation du 25 juillet dont on a la retranscription : « Est-ce que vous pourriez nous faire une petite faveur ? ». Ça suffit entièrement. Il n’y a pas de nécessité qu’il y ait véritablement mention des choses qui ont été promises ou non et là, si on avait encore besoin, je dirais, de la confirmation d’un échange de bons procédés, là, dans ce que dit M. David Holmes avec non seulement comme témoins les deux autres personnes qui participaient à la conversation et dont on ne connaît pas encore le nom mais de M. Sondland lui-même. Ce n’est plus simplement M. Bill Taylor qui dit : « J’ai un subordonné qui a entendu parler de cette affaire ». Ce monsieur a dit ça devant de la commission hier et non seulement il l’a dit devant la commission mais il l’avait déjà écrit dans sa déposition préalable, son document préalable, où c’est écrit noir sur blanc. C’est un reporter de CNN qui avait obtenu ce papier de ce monsieur et qui a pu nous le faire connaître immédiatement.

Voilà. Il y a encore des tas de choses à raconter. Il m’est arrivé ces jours-ci de faire deux vidéos dans la journée. Je crains qu’un jour ou l’autre, je serai obligé de faire trois vidéos dans la journée mais voilà, ce coup-ci, je vous ai parlé de la bombe de la révélation de M. David Holmes.

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