Retranscription de Le moment de vérité pour les Républicains, le 15 janvier 2020.
Bonjour, nous sommes le mercredi 15 janvier 2020 et, aujourd’hui mon petit billet va s’intituler : « Le moment de vérité pour les Républicains ».
Je vous parle rarement de mes motivations générales pour parler de Trump. La première, c’est que, quand j’ai vu apparaître ce monsieur à l’horizon où il se présenterait pour devenir peut-être le Président des États-Unis et qu’il y avait une chance qu’il réussisse, j’ai voulu vous en parler tout de suite parce que le bonhomme, je savais déjà qui c’était mais je savais que c’était un type extrêmement dangereux et le voir, l’idée de le voir aux manettes de – encore – la plus grande puissance économique mondiale, les États-Unis, me paraissait extrêmement dangereux. Donc, j’ai voulu vous en parler tout de suite.
Aussi, je me suis dit : « Voilà, ça c’est un évènement ! », et je vous l’ai dit, il y a très très longtemps : en 2015 et en 2016, je vous l’ai probablement dit au moment où il est passé, où il a été élu Président : « Quoi qu’il arrive, d’ores et déjà, la présence de Trump à la tête des États-Unis sera l’un des trois éléments majeurs du XXIème siècle dont on n’est encore tout à fait qu’à son début ».
Et ma troisième motivation, j’en ai parlé sur un mode un petit peu humoristique l’autre jour, c’est le fait que je suis passionné par les mystères. Je suis passionné par les choses à découvrir, dont on dit que ça reste mystérieux ou bien, comme dans le cas de la crise des subprimes, par une certaine capacité que j’ai à relier des pointillés à l’intérieur de paysages extrêmement complexes et où la plupart des gens – à part M. Nouriel Roubini, comme moi – n’ont pas relié les pointillés qui allaient d’endroits extrêmement différents, comme le prêt à des gens qui n’ont pas beaucoup d’argent aux États-Unis, à la constitution de titres à partir de ces prêts subprimes et la possibilité pour ces titres de faire s’effondrer la finance mondiale.
Je n’ai pas l’habitude de lire des trucs quand je fais la vidéo : ou bien j’écris, ou bien je fais une vidéo mais je voudrais quand même vous rappeler quelques petites choses que j’ai écrites récemment.
Le 4 décembre, je fais un petit billet où je dis : « L’histoire, c’est un machin statique où il ne se passe jamais rien ». À quoi est-ce que je réagis en faisant ce petit billet ? Au fait que M. Trump, Président des États-Unis, a été impeached au niveau du Congrès, c’est-à-dire au niveau de la partie du Congrès qui est la Chambre des Députés et que tous les journaux, internationalement, mettent en une : « Mais il ne risque rien parce que le Sénat a une majorité Républicaine et, donc, tous les sénateurs Républicains voteront contre le fait de son impeachment, sa destitution, et donc, il ne se passera rien du tout ! ». Et moi, j’écris ceci ce jour-là :
… en lisant la presse à propos de la procédure d’impeachment en cours aux États-Unis : la plupart des journaux vous disent que Trump ne sera pas destitué parce qu’il y a une majorité Républicaine au Sénat. Point-barre. Comme si, en particulier, Trump lui-même ne créait pas un nouveau motif d’impeachment chaque jour que Dieu fait.
Et plus récemment, c’est une vidéo que je vous ai faite, c’est le 31 décembre, la Saint-Sylvestre : « Le point sur les États-Unis ». Et là, je pose la question suivante :
Qu’est-ce qu’il va se passer ? On attend. Le temps joue pour les Démocrates. D’abord parce qu’il continue à y avoir, au niveau des cours locales, des procès qui ont lieu où sont impliqués en particulier M. Giuliani, avocat maintenant de M. Trump, ancien maire de New York, chef de la « seconde équipe » en Ukraine qui parasitait celle des ambassadeurs, du consulat, du corps diplomatique classique. Et M. Giuliani […] est probablement payé par de l’argent qui vient d’oligarques soit ukrainiens, soit russes et un certain M. Lev Parnas qui va passer en procès va pouvoir expliquer d’où vient exactement l’argent de M. Giuliani pour défendre M. Trump. Il y a encore un tas de choses qui peuvent apparaitre au niveau des tribunaux locaux et aussi, il y a le fait que M. Trump est une personne qui a cette disposition toute particulière à péter les plombs.
Alors, pourquoi je vous rappelle ça ? Parce qu’on nous dit tout de suite : « Il ne va rien de passer ! », et que je vous dis, moi, « Oui, mais avec tous les gens qui sont poursuivis un peu partout dans l’entourage de M. Trump, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Sans parler même de sa capacité à lui d’aggraver les choses comme, en particulier, l’assassinat de ce général iranien ». Et qu’est-ce qu’on a appris hier ? On a obtenu une quantité de documents liés à ce procès de M. Lev Parnas qui est donc un immigré ukrainien devenu citoyen américain, dont M. Giuliani a dit à une époque qu’il faisait partie de son équipe alors que nous avons des preuves maintenant qu’en fait, c’est M. Lev Parnas qui obtenait des fonds d’Ukraine ou de Russie pour financer M. Giuliani et ce M. Lev Parnas, avec un autre monsieur appelé Fruman, ont été arrêtés au moment où ils s’apprêtaient à quitter les États-Unis avec un billet aller simple pour … Je ne sais plus si c’était pour Moscou ou pour Kiev [Francfort dans un premier temps], et ce M. Lev Parnas, très rapidement, s’est mis à table comme on dit. Il a dit qu’il allait coopérer. Il a commencé par avoir un avocat qui était un avocat de M. Trump, M. Dowd, et puis il a changé d’attitude. Il a dit : « Je vais coopérer. Je répondrai à tout ce qu’on me demandera ». Et ce qui est apparu hier, c’est une série, « a trove » : un trésor de documents appartenant à ce M. Lev Parnas dont on savait jusqu’ici essentiellement qu’il était quelqu’un qui travaillait dans l’orbite de M. Giuliani, M. Giuliani étant l’avocat de M. Trump.
Et là, hier soir, on découvre la première chose, c’est que les Démocrates ont bien caché leur jeu parce qu’ils doivent savoir depuis un moment qu’ils ont ces documents à leur disposition. Il a fallu que quelqu’un, une organisation pour la transparence politique, exige qu’on rende disponibles ces documents mais la justice devait savoir depuis un certain temps que M. Lev Parnas avait ces documents qui ont été montrés hier.
Qu’est-ce qui apparaît de cela ? C’est que ce M. Lev Parnas fait partie de l’équipe locale en Ukraine. Il n’est pas nécessairement là mais il est l’intermédiaire entre M. Giuliani et des gens qui sont sur le terrain. Et qu’est-ce qu’ils sont en train de faire ? Ça, on le savait déjà. Ils sont en train de conspirer pour qu’on puisse éliminer Mme Masha Yovanovitch, « Marie » ou Masha Yovanovitch, qui est l’ambassadrice officielle des États-Unis en Ukraine.
Et ça, on savait que cette équipe parallèle essayait de la faire disparaître. Pourquoi ? Parce que c’est une « croisée » contre la corruption, quelqu’un que les milieux corrompus d’Ukraine détestaient tout particulièrement.
Et qu’est-ce qu’on voit apparaître ? Qu’est-ce qu’on voit apparaître dans la documentation qu’on a aujourd’hui ? C’est une ligne directe, ininterrompue, entre M. Parnas, qui dirige des gens sur le terrain, et M. Trump. Ça passe en particulier par M. Dowd qui est donc l’avocat de M. Parnas. Ce M. Dowd correspond avec M. Jay Sekulow, qui est donc l’avocat officiel à la Maison-Blanche de M. Trump et, M. Jay Sekulow fait savoir qu’il agit sur les ordres du patron.
Donc, il y a des ordres qui viennent de manière directe, par des intermédiaires, mais je veux dire, ce ne sont pas des ouï-dire, ce ne sont pas des rumeurs. Il y a des ordres qui viennent tout droit de M. Trump en vue de l’élimination de Mme Yovanovitch sur le terrain en Ukraine, Ambassadrice officielle en Ukraine.
Ce qui est le plus inquiétant, c’est qu’on savait que ces gens conspiraient pour faire qu’on la rappelle à New York ou à Washington et on savait aussi qu’elle a été mise dans un avion un jour parce qu’on lui a dit : « Votre vie est en danger. Il faut que vous partiez immédiatement ! » et donc, elle a eu juste le temps de prendre sa valise et de monter dans l’avion parce qu’elle était menacée.
Et, hier soir, on a eu des informations supplémentaires d’où venaient ces menaces et ces menaces venaient de cette ligne directe qui descend de la Maison-Blanche jusqu’à M. Parnas et de M. Parnas à des gens sur le terrain. Et en particulier, ce sont des messages qui étaient cryptés, qui ont été décryptés mais qui font partie du dossier et on voit dans ces documents une correspondance par mail entre M. Parnas et un monsieur qui est sur le terrain [en réalité, non, on l’apprendra aujourd’hui 18 janvier : il correspond en direct avec quelqu’un sur le terrain] et qui s’appelle Robert F. Hyde – et qui est en ce moment candidat pour devenir député du Parti … républicain bien entendu [dans le Connecticut].
Qu’est-ce que ces conversations montrent ? La chose suivante : M. Hyde dit : « Elle est entrée dans l’appartement… Elle est en train d’en ressortir… Elle a fermé son ordinateur… Elle a fermé son téléphone… », etc. Et le dialogue s’engage alors de la manière suivante : « Qu’est-ce qu’il faut faire maintenant ? » Il s’adresse à Lev Parnas. Et la conversation, c’est la suivante [cité de mémoire ; je vais tenter de retrouver le texte exact] : « En Ukraine, évidemment, si on met l’argent, on peut faire ce qu’on veut à ce moment-là, au moment où on veut » et il est très clairement fait allusion entre M. Parnas et ce M. Robert Hyde de la possibilité de prendre quelqu’un, de s’adresser à des personnes. Il est fait allusion à des personnes qui attendent des instructions [« The guys over there asked me what I would like to do and what is in it for them » = « Les gars ici me demandent ce que je voudrais faire et ce qu’il y a à gagner pour eux »]. Ces personnes auxquelles il serait demandé de se débarrasser de Mme Yovanovitch, se débarrasser d’une manière, comment dire, amicale ou non-amicale, ce n’est pas dit, c’est laissé à notre imagination.
Et donc, vous avez compris maintenant pourquoi j’ai cité mes propres billets en disant au moment de l’impeachment : « Écoutez, ne dites pas que c’est réglé d’avance « parce que les sénateurs, etc. » : il va encore se passer plein de choses qui viendront soit de Trump lui-même, soit de ce qu’on va apprendre des tribunaux qui sont en train de travailler sur un certain nombre de dossiers ».
Et qu’est-ce qui se passe ? Eh bien, c’est ça bien entendu. Ça devrait être cet après-midi pour nous que les deux articles d’impeachment seraient transmis. Mais on a appris aussi ces jours derniers que la commission qui a produit ces deux articles d’impeachment continue de travailler et continue de voir s’il y a des choses à ajouter au dossier et qu’en particulier, les documents auxquels je viens de faire allusion, ces documents feront partie des pièces qui seront transmises au Sénat au moment du procès en destitution.
Et donc, voilà, c’est ça qui est en train de se passer. Les deux articles ont été transmis. On continue à travailler sur le terrain pour étoffer le dossier et on envoie au Sénat, à l’intention des sénateurs Républicains, un dossier qui est de plus en plus compromettant et où, vous savez, la ligne de défense, j’en ai parlé souvent, du Parti républicain : « Oui, mais tout ça repose sur des ouï-dire, tout ça repose sur des rumeurs. Il n’y a encore rien de sérieux ». Ici, on peut les voir : moi, je les ai vues à la télévision mais on les montre un peu partout. Il y a des mails qui sont signés Jay Sekulow, qui est l’avocat direct de M. Trump. Il y a M. Giuliani qui dit : « J’en ai parlé au N° 1 », etc. Plus besoin de relier des pointillés : c’est en traits épais maintenant, la ligne qui va de Trump à Sekulow, de Sekulow qui va à Dowd, de Dowd qui va à Lev Parnas sur le terrain et qui, lui, est en train de comploter avec des gens, y compris des Américains (comme ce M. Robert Hyde) : ils sont en train d’organiser l’élimination d’une manière ou d’une autre de l’ambassadrice officielle des États-Unis en Ukraine. Cette histoire est tellement rocambolesque qu’il est difficile même de l’imaginer.
Une toute petite note pour terminer. J’ai lu maintenant, je vous ai dit que j’allais le faire. J’ai lu maintenant le rapport Horowitz qui avait été lancé pour savoir si le FBI n’avait pas fait son métier quand il avait lancé une enquête sur M. Trump. Le rapport disait de manière tout à fait sans équivoque qu’il y avait effectivement « sufficient grounds », qu’il y avait assez d’éléments pour effectivement lancer cette enquête.
Il y a eu des incorrections. On a poussé un peu. Il y a eu de fausses signatures pour essayer d’incriminer en particulier un M. Carter Page qui, en fait, travaillait par ailleurs, et on ne le savait pas – enfin, ce n’était pas su de tout le monde en tout cas – qui travaillait en collaboration par ailleurs avec la CIA. Mais ce qui apparaît surtout dans ce rapport – et là, on cite M. Steele et son fameux dossier, on le cite à peu près à toutes les pages des 433 pages de ce rapport – et rien n’est dit – moi, je n’ai absolument rien vu, j’ai peut-être sauté une page – je n’ai rien vu qui laisse entendre qu’il y ait des erreurs dans ce fameux dossier Steele.
Je vous ai dit, j’allais chercher en particulier le passage où il était sous-entendu que M. Steele avait une relation antérieure avec quelqu’un de la famille Trump, préalablement à toute cette commotion et aussitôt, le lendemain – j’ai longuement parlé de ça – la chaîne ABC avait dit qu’il s’agissait de Mme Ivanka Trump, la propre fille du président. Et ce que la presse n’avait pas rapporté dans tous ses résumés, et que j’ai trouvé là, dans la note où il est question de ça, où il n’est pas dit « Mme Ivanka Trump ». On parle d’un « membre de la familleTrump » mais ce qui est ajouté, c’est une chose très intéressante, c’est que M. Steele aurait dit… il aurait dit au FBI – enfin, c’est ce qu’eux notent dans leur rapport – qu’il a bien insisté qu’à son avis, la personne en question avec laquelle il avait eu une relation qu’il appelait « d’ordre personnel », qu’elle n’a pas été impliquée dans toutes ces magouilles [« Steele stated that he could not see the Trump family member being involved in any nefarious activities« , p. 111]. Voilà, c’était une petite gentillesse qu’il a adressée à son ancienne copine pour le jour où on découvrirait qui elle est.
Voilà, je vous laisse là-dessus. Allez, à bientôt !

Blaise Agüera y Arcas identifie par ailleurs dans la vidéo la vie à la reproduction. Du coup – par transitivité…