« Une nouvelle explication de la conscience » (2022)… ne date-t-elle pas en réalité de 1999 ?

L’un de vous m’écrit à 8h02 :

Ça me rappelle quelque chose…

A New Explanation for Consciousness – Neuroscience News
https://neurosciencenews.com/consciousness-theory-21571/

Voir l’article + plus sur Flipboard
https://flip.it/Wh6rKd

Et voici la dépêche en question :

Une nouvelle explication de la conscience, 3 octobre 2022

Résumé : Une nouvelle théorie de la conscience suggère que les décisions sont prises inconsciemment, puis environ une demi-seconde plus tard, elles deviennent conscientes.

Source : Université de Boston

La « conscience », c’est la conscience que vous avez de vous-même et du monde qui vous entoure. Cette conscience est subjective et vous est propre.

Un chercheur de la faculté de médecine Chobanian & Avedisian de l’université de Boston a élaboré une nouvelle théorie de la conscience, expliquant pourquoi elle s’est développée, à quoi elle sert, quels troubles l’affectent et pourquoi il est si difficile de suivre un régime (et de résister à d’autres envies).

« En résumé, notre théorie est que la conscience s’est développée comme un système de mémoire utilisé par notre cerveau inconscient pour nous aider à imaginer l’avenir de manière flexible et créative et à planifier en conséquence », explique l’auteur correspondant Andrew Budson, MD, professeur de neurologie.

« Ce qui est complètement nouveau dans cette théorie, c’est qu’elle suggère que nous ne percevons pas le monde, ne prenons pas de décisions et n’effectuons pas d’actions directement. Au lieu de cela, nous faisons toutes ces choses inconsciemment et ensuite – environ une demi-seconde plus tard – nous nous rappelons consciemment les avoir faites. »

Budson a expliqué qu’il a développé cette théorie avec ses coauteurs, le philosophe Kenneth Richman, PhD, du Massachusetts College of Pharmacy and Health Sciences, et la psychologue Elizabeth Kensinger, PhD, du Boston College, pour expliquer une série de phénomènes qui ne pouvaient pas être facilement compris avec les théories antérieures de la conscience.

« Nous savions que les processus conscients étaient tout simplement trop lents pour être activement impliqués dans la musique, le sport et d’autres activités nécessitant des réflexes d’une fraction de seconde. Mais si la conscience n’est pas impliquée dans de tels processus, alors une meilleure explication de ce que fait la conscience était nécessaire », a déclaré Budson, qui est également chef du service de neurologie cognitive et comportementale, chef adjoint du personnel pour l’éducation et directeur du centre de neurosciences cognitives translationnelles du Veterans Affairs (VA) Boston Healthcare System.

Selon les chercheurs, cette théorie est importante car elle explique que toutes nos décisions et actions sont en fait prises inconsciemment, bien que nous nous trompions en croyant que nous les avons prises consciemment. Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

À 10h23, un autre d’entre vous m’écrit :

Je n’ai pas encore lu l’article scientifique, mais sur la base de l’article journalistique, il y a de quoi réclamer la paternité de la découverte…

En effet, il s’agit bien de ce que j’ai expliqué dans un article publié en 1999 dans la revue L’Homme (150, 1999 : 177-202) : Le secret de la chambre chinoise, traduit en anglais en tant que The Chinese Room’s Secret.

J’avais anticipé en écrivant quelques minutes plus tôt le message suivant à Andrew Budson, premier auteur de l’article :

De : JORION Paul
Envoyé : mardi 4 octobre 2022 10:13
À :abudson@bu.edu <abudson@bu.edu>
Objet : Consciousness (1999)<

Dear Professor Budson, or should I say « Dear Andrew »?

Congratulations to you and your co-authors for your great work!
In case you were unaware of an article of mine published some twenty years ago, here is the link to « The Chinese Room’s Secret » (1999):

https://escholarship.org/uc/item/1mw1b584#main

Starting from a reflection by Jean Pouillon, it is shown – both deductively and on the basis of experimental data – that consciousness is deprived of any decisional power. Consciousness’ role is reduced to transmitting to the body instructions based on the emotional response to percepts. Language allows human beings to generate a self-justifying narrative of their deeds. Such an account does not reflect, however, the actual psychological mechanism at work. Consciousness’ actual effectiveness resides in influencing on the one hand the affect of the speaker (as speech or as “inner speech”), and on the other hand the affect of any listener. The pair “body” and “soul” gets thus validated, but their traditionally assigned responsibilities need reassigning between one body that decides and acts and one soul whose feedback operates at the affective level only.

Once again, congratulations!

Best wishes,

Paul Jorion, Ph.D.

Mise à jour, le 7 octobre à 15h47 :

De : Budson, Andrew E <abudson@bu.edu>
Envoyé : vendredi 7 octobre 2022 14:11
À : JORION Paul <Paul.JORION@univ-catholille.fr>
Objet : Re: Consciousness (1999)

Thank you, Paul, for your email and your interest in our work! I did not know of your article but look forward to reading it.

Thanks again for reaching out, and feel free to keep in touch if you have further thoughts.

best

Andrew

Andrew E. Budson, M.D.

Chief, Cognitive & Behavioral Neurology and
Associate Chief of Staff for Education, VA Boston Healthcare System
150 South Huntington Avenue, 10B-67, Boston, MA 02130
Associate Director & Education Core Leader, Boston University Alzheimer’s Disease Center
Professor of Neurology, Boston University School of Medicine
Lecturer in Neurology, Harvard Medical School
857-364-6184, abudson@bu.edu  https://www.bu.edu/alzresearch/profile/andrew-budson-md/

De : JORION Paul <Paul.JORION@univ-catholille.fr>
Envoyé : vendredi 7 octobre 2022 15:35
À : Budson, Andrew E <abudson@bu.edu
Objet : RE: Consciousness (1999)

Thank you Andrew!

I hope you’ll enjoy reading my 1999 paper. There might be within it some further alleys along your line that you and your co-authors will think fruitful to explore.

Best wishes,

Paul Jorion, Ph.D.

Mise à jour le 8 octobre à 17h46 :

De : Richman, Kenneth <kenneth.richman@mcphs.edu>
Date: sam. 8 oct. 2022 à 17:12
Subject: FW: [EXT]: Fwd: New Form Entry: Contact Form
To: pauljorion@gmail.com <pauljorion@gmail.com>

Thank you for your interesting message! I had seen the title of your article, and am glad to know more about its content. Your support for dualism is not compatible with our understanding, or at least not with our way of describing the mind. It sounds like there are other aspects of our views that are more consistent with one another, however.

I hope to look at your article soon.

Best,

Ken

www.richmanweb.com

 ​
Kenneth Richman , PhD
Professor of Philosophy and Health Care Ethics , Chair, Institutional Review Board
School of Arts and Sciences

De : Paul Jorion Date: sam. 8 oct. 2022 à 17:44
Subject: Re: FW: [EXT]: Fwd: New Form Entry: Contact Form
To: Richman, Kenneth

Dear Kenneth,

Thanks so much for your response. In truth, dualism couldn’t be further away from my own mind (no pun intended!)
Hoping to hear from you soon with additional feedback.

Best wishes,

Paul

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42 réponses à “« Une nouvelle explication de la conscience » (2022)… ne date-t-elle pas en réalité de 1999 ?

  1. Avatar de Patrick

    La théorie unifiée du cerveau… pourquoi chercher un seul fonctionnement valable pour tout. « Et hop c’est plié ». C’est un biais classique chez l’être humain, et le scientifique.

  2. Avatar de Maddalena Gilles
    Maddalena Gilles

    @ PJn & @ « Boston University » par la même occasion… 😉

    Bonjour !
    Parfaitement d’accord avec tout ça…

    Que ça soit pour tirer à l’arc, jouer au billard ou écraser un moustique il ne faut pas « réfléchir » : Surtout pas !

    Mais…
    Et maintenant, sachant ça, on fait quoi avec ?
    G.M.

    P.S. : …et le jour où il faut aller voter ? On fait comment ?

    p.s. bis : et vos travaux sur l’IA… ça avance ? je veux dire : aura t’elle une « conscience » —au sens de cet article— ou ses capacités de mémoires lui suffiront-elles ?

    Pas besoin de « filtres » ? —donc problèmes de temps de réponse—
    (pour ne pas la rendre « chèvre », cinglée, ou risquer un effet… … »Larsen » en quelque sorte) ?

    Bonne journée !

  3. Avatar de arkao

    Échanges épistolaires entre PhD.
    Bon sang que fait l’IA d’Academia.edu
    https://www.academia.edu/
    Le titre « The Chinese Room’s Secret » n’est sans doute pas assez explicite.

  4. Avatar de torpedo
    torpedo

    Il faudrait peut-être que les chercheurs se penchent sur les interactions qui peuvent
    survenir dans nos cerveaux entre ce que l’on appelle si maladroitement  » la conscience » et « l’instinct ».
    Pour ma part je pense que l’instinct peut être dans certaines occasions une sorte de « super-conscience », plus rapide, plus efficace, surtout pour celui qui sait s’y fier…
    Conscience et instinct me semblent intimement liés et peuvent s’enrichir, se nourrir mutuellement,
    jusqu’à un état de conscience décuplé ou l’égo lui-même est dépassé pour garantir une efficacité maximale orientée sur un objectif inconscient de survie quasiment animal.
    Les hommes ne sont peut-être que des animaux aux instincts déficients.
    Ce qui semble faire leur malheur aujourd’hui.

    Eric.

  5. Avatar de Guinchard
    Guinchard

    N’importe quoi. Ce n’est pas la conscience qui est en jeu, c’est l’attention. L’attention, c’est le devant de la scène et il faut effectivement une fraction de seconde pour placer la chose sur le devant, d’où le décalage mesuré. Mais ce n’est absolument pas la conscience, rien à voir.
    Il y a trois façons de nous rendre compte de notre inconscient: nos désirs, nos idées et le mécanisme de l’attention.
    L’analyse de nos sensations peut être inconsciente et ponctuellement émerger, par exemple un objet qui attire notre attention et, ce faisant, nous déconcentre. L’objet a été détecté quelques dixièmes de secondes, voire plus, avant que notre attention soit transférée dessus (le transfert implique un laps de temps). Si l’on souhaite correctement travailler, il faut que rien ne nous déconcentre et nous cherchons donc à éviter ce qui peut attirer (détourner) notre attention.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Quand je dis : « J’ai laissé tomber le verre parce que je ne faisais pas attention », est-ce que je n’étais pas conscient pendant que je ne faisais pas attention ?

      1. Avatar de Guinchard
        Guinchard

        Bien sûr que si vous étiez conscient, mais pas attentif et tant pis pour le verre.
        Si vous vous concentrez sur la télé, votre verre est alors en danger de chute ou de renversement.

        Il est fort difficile de se concentrer sur plusieurs choses à la fois. Notre cerveau est suffisamment puissant pour, en théorie, qu’on lui attribue une multitude de tâches simultanées. Mais il n’est pas structuré pour le multitâches. Une chose à la fois, OK; deux, c’est la galère; plus, c’est impossible. Cela à cause de notre attention, qui nous permet de mobiliser de grandes ressources pour une tâche, mais qui part en vrille si nous tentons d’en effectuer davantage.

        Rien n’est instantané: porter son attention sur qqc demande une fraction de seconde. Les changements d’attentions sont des processus physiques, il est donc normal que des chercheurs aient identifiés des activités cérébrales ainsi que des temps et des délais de réponses. Mais ce n’est pas la conscience, simplement l’attention.

        Ah aussi: lorsque le verre tombe, nous avons des réflexes. Nos corps ont des automatismes, par exemple retrouver l’équilibre en cas de déséquilibre. Il y a l’automatisme mais également le processus cognitif qui aboutira à se focaliser sur cette nouvelle tâche: retrouver l’équilibre. Ou récupérer le verre (trop tard!).

        1. Avatar de un lecteur
          un lecteur

          C’est la conscience qui choisit ce à quoi il faut être attentif ?

          1. Avatar de Guinchard
            Guinchard

            La conscience peut porter attention, l’inconscient peut attirer l’attention.

            Il est possible de décider de porter son attention sur une chose ou une tâche. Le procédé est donc conscient (l’attention est portée).

            Ce qui complique la compréhension, c’est que notre inconscient peut lui aussi manipuler notre attention. Nos sens, plus précisément l’analyse de nos sensations par notre cerveau, est une mission de l’inconscient, afin de ne pas surcharger la partie consciente.
            De temps en temps, une sensation est suffisamment puissante pour attirer notre attention. C’est par exemple un point noir sur une surface blanche, ou un bruit juste assez fort pour nous déconcentrer. Nous pouvons tenter d’ignorer l’élément perturbant, mais cela ne marche guère, il vaut mieux y remédier.

            Le fonctionnement de nos sens et de l’attention permet de comprendre que nous possédons un inconscient et d’en saisir quelques bribes.
            D’autre part, ces phénomènes prennent du temps et même si ces délais sont très courts, un temps est nécessaire et doit donc, à priori, être mesurable. Ils prennent aussi de la matière grise et doivent donc, à priori, être visualisables.

            1. Avatar de un lecteur
              un lecteur

              Quand la conscience porte l’attention, elle est en retard sur d’éventuelles « volontés » de l’inconscient d’attirer votre attention selon votre logique.
              Cet avantage de l’inconscient, c’est peut-être ce que vous désignez par « manipuler » ?
              Si vous admettez le prima de l’inconscient, alors vous éliminez la nécessiter d’avoir une instance consciente dans notre cerveau. C’est à la construction d’un récit par votre cerveau que naissent les distinctions « porter », « attirer » et « manipuler », qui différencie le signal (ce n’est pas encore de l’information) de l’inconscient en regard des signaux en mémoire, la connaissance et le savoir (les mots portent un affect, le récit est construit au plus proche du signal de l’inconscient, voir PJ).

      2. Avatar de torpedo
        torpedo

        Conscience, Instinct,
        (Et Attention)

        « Comme c’est bizarre les mots,
        Pourquoi comme ça et pas comme ça?
        Ahh! Il faut être bête comme l’homme l’est si souvent
        Pour dire des choses aussi bêtes
        Que « Bête comme ses pied »
        Ou « gai comme un pinson »!
        Mais le pinson n’est pas gai,
        Il est seulement gai quand il est gai,
        Et triste quand il est triste,
        …Ou ni gai ni triste…
        D’ailleurs, est ce qu’on sait seulement ce que c’est qu’un pinson?…
        En réalité il ne s’appelle peut-être pas comme ça…
        C’est l’homme qui a appelé cet oiseau ainsi…
        Pinson, pinson, pinson, pin-son, pin-son, pin-son, pin-son !
        … Et puis pourquoi « bête comme ses pieds »?
        C’est très intelligent les pieds!
        Quand vous voulez aller quelque part, ils marchent…
        Et quand vous ne voulez pas bouger, ils restent là,
        Ils vous tiennent compagnie… Hé, hé !
        …Et puis, quand y a d’la musique ils dansent…
        – On entends un petit air et Montant danse.

        ( Y. Montant sur un texte de Prévert, à l’Olympia en 58, heu… de mémoire…)

        Magnifique! Mais je ne me souviens plus de la suite…
        Curieux, Je viens de prendre conscience que ça revenait d’instinct,
        Presque sans y faire attention…
        Et maintenant que j’y fais attention, hop! Plus rien…

        Eric.

  6. Avatar de François Marenne
    François Marenne

    Ne sont-ils pas en retard d’une autre bien plus grande découverte ? Ils se bornent à déchoir la conscience d’un pouvoir illusoire sans soupçonner son pouvoir réel qui n’est pas nul.

     » L’efficacité réelle de la conscience consiste à influencer d’une part l’affect du locuteur (en tant que discours ou en tant que « discours intérieur »), et d’autre part l’affect de tout auditeur. » (PJ)

    Les récents développements restent encore en dessous de vos intuitions !

  7. Avatar de Tom
    Tom

    Bonjour,

    Le problème à mon avis pour votre idée et celle de ces chercheurs (la même en fait), c’est que vous envisagez le siège de la conscience uniquement dans le cerveau.
    Pourquoi chaque élément du corps n’aurait-il pas un pouvoir de conscience plus ou moins important mais également avec un pouvoir de réponse plus ou moins développé, rapide, etc.
    De la même façon que l’on s’est rendu compte que les récepteurs sensitifs n’était pas forcément assignés à une seule forme de sens, il est très probable que toute forme de cellule nerveuse et même que toute forme de cellule tout court du corps ait des capacités de conscience et de réponse à des degrés divers. Le cerveau ne peut traiter que ce qui lui est déjà parvenu (ou une imagination/simulation). D’où l’importance de l’entrainement et de la visualisation préalable pour la réalisation la plus parfaite possible d’une tâche.

    « The pair “body” and “soul” gets thus validated, but their traditionally assigned responsibilities need reassigning between one body that decides and acts and one soul whose feedback operates at the affective level only. »

    Je pense que vôtre « corps » et votre « âme » sont complètement mêlés mais avec des centres de gravité différents.
    Pour décider et agir, il faut que le corps ait une représentation de lui-même. C’est montré avec des blobs (https://fr.wikipedia.org/wiki/Physarum_polycephalum)

  8. Avatar de Jean-Yves
    Jean-Yves

    Entretien entre Joachim Gasquet et Paul Cézanne.
    « Cézanne : Le soleil brille et l’espoir rit au coeur.
    Joachim Gasquet : Vous êtes content ce matin..?
    C : Je tiens mon motif (il joint les mains). Un motif, voyez vous, c’est ça.
    JG : Comment..?
    C : Eh oui ! (il refait son geste, écarte ses mains, les dix doigts ouverts, les approche lentement; lentement, puis les joint, les serre, les crispe, les fait pénétrer l’un dans l’autre).
    Voilà ce qu’il faut atteindre…si je passe trop haut, ou trop bas, tout est flambé. Il ne faut pas qu’il y ait une seule maille trop lâche, un trou par où l’émotion, la lumière, la vérité s’échappent.
    Je mène, comprenez un peu, toute ma toile à la fois, d’ensemble…je rapproche dans le même élan, la même foi, tout ce qui s’éparpille…tout ce que nous voyons, n’est-ce pas, se disperse, s’en va. La nature est toujours la même, mais rien ne demeure d’elle de ce qui nous apparaît. Notre Art doit, lui, donner le frisson de sa durée avec les éléments, l’apparence de tous ses changements. Il doit nous la faire goûter éternelle. Qu’est-ce qu’il y a sous elle..? Rien peut-être. Peut-être tout.
    Tout, comprenez vous..?
    Alors je joins ses mains errantes. Je prends à droite à gauche, ici, là partout, ses tons, ses couleurs, ses nuances, je les fixe, je les rapproche…Ils font des lignes. Ils
    deviennent des objets, des rochers, des arbres, sans que j’y songe. Ils prennent un volume. Ils ont une valeur. Si ces volumes, si ces valeurs correspondent sur ma toile, dans la sensibilité, aux plans, aux taches que j’ai, qui sont là sous nos yeux, eh bien !!, ma toile joint les mains. Elle ne vacille pas. Elle ne passe, ni trop haut, ni trop bas. Elle est vraie, elle est dense, elle est pleine…Mais si j’ai la moindre distraction, la moindre défaillance, surtout si j’interprète trop un jour, si une théorie aujourd’hui m’emporte qui contrarie celle de la veille, si je pense en peignant, si j’interviens, patatras !!! tout fout le camp. »

      1. Avatar de Jean-Yves
        Jean-Yves

        Merci Hervey pour l’illustration….!
        Je crois que Cézanne peignait cet « espace » d’avant la conscience, juste avant.
        Il est loin d’être un peintre réaliste ou absolument figuratif et pourtant, il écrit cette phrase le 23 octobre 1905 à Emile Bernard : « Je vous dois la vérité en peinture, et je vous la dirai ».

        1. Avatar de Hervey

          Il disait vouloir « faire du Poussin sur nature ». Je crois que c’est Gasquet qui rapportait ses paroles.
          Mais on l’apprécie aujourd’hui pour tout autre chose.
          Une exposition Monet/Mitchell se tient ces jours ci chez le marchand de sacs montrant les eaux souterraines qui parcourent et alimentent la peinture et montrant bien ce côté déconstruit issu de l’impressionnisme … et Cézanne ronchon n’aimait pas beaucoup cela. Peut-être pour l’avoir lui-même pas mal pratiqué avant qu’il ne se pose devant sa montagne et tente de rendre ce qui peut durer …
          Merci à vous Jean-Yves.

    1. Avatar de arkao

      @Jean-Yves
      Mouais, c’est pas un peu du blabla tout ça, pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes ?
      L’art que je préfère, c’est celui qui se passe de commentaires.

      1. Avatar de Hervey

        Oh ! arkao, c’est quoi ce commentaire ?
        😉

      2. Avatar de Jean-Yves
        Jean-Yves

        @Arkao
        Je partage cet avis et l’Art qui se fonde ou repose uniquement sur la densité du commentaire est inévitablement douteux et ressemble plus à de la communication.
        Mais il ne s’agit pas de cela. Mon « commentaire » tentait de montrer que Cézanne cherchait peut-être à rester en permanence dans cette « demie seconde » d’inconscient avant de basculer dans la conscience. C’est le sens que je donne à son blabla lorsqu’il dit, « il doit nous la faire goûter éternelle ». Une définition de l’Art..?

  9. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    PJ : « The pair “body” and “soul” gets thus validated, but their traditionally assigned responsibilities need reassigning between one body that decides and acts and one soul whose feedback operates at the affective level only. »

    Thom (mon gourou) (1977) :

    « Tous nos actes de conscience élémentaire sont toujours plus ou moins des déplacements. Nous essayons de saisir un objet et c’est l’étincelle de conscience primaire. L’espace vu de cette manière ressemble à une couronne, et le corps à un trou, situé à l’intérieur de cette couronne. Le trou est constitué par les points que nous ne pouvons pas atteindre. Et il est bizarrement rempli par la douleur et le plaisir. C’est pour moi une sorte de miracle. La peau est une sorte d’onde de choc qui sépare deux types de conscience, la conscience motrice à l’extérieur et la conscience essentiellement affective et cénesthésique à l’intérieur. » ;

    PJ : « and one soul whose feedback operates at the affective level only » ;

    Thom :

    « (…) chez les animaux supérieurs, nous savons parfaitement qu’il y a apprentissage par l’affectivité: les choix malheureux conduisent à la douleur, les choix heureux au bien-être. A la sélection par la mort a succédé la sélection par l’affectivité. L’affectivité peut donc être vue comme une rétroaction du flux final ramifié sur la dynamique de commande des pré-programmes. Et je n’ai jamais compris pourquoi ces effets de rétroaction ne pourraient être transmis héréditairement (au niveau des modes de stimulation du génome, sinon sur la composition de l’ADN lui-même), ce que nie la biologie moléculaire classique. » (Apologie du logos p.159) ;

    PJ lamarckien?

    1. Avatar de BasicRabbit
      BasicRabbit

      (suite, en rapport avec le commentaire initial de Patrick)

      Selon mon gourou Thom (dans sa tentative de théorisation de la biologie) , nous avons deux cerveaux, l’un prédateur, dans le boîte crânienne, près de la bouche, siège de la conscience « extérieure », l’autre proie qu’il situe le long de la moelle épinière (et moi plutôt vers l’extrémité « sacrée » de celle-ci…) , siège de la conscience « intérieure » :

      « On devrait avoir en principe deux systèmes nerveux distincts : l’un prédateur, chargé d’attirer et de capturer les proies ; l’autre proie fictive, chargée d’éviter ou de repousser les prédateurs éventuels. Ces deux systèmes existent sûrement chez tout animal : à côté de l’âme appétive il y a l’âme sensible. Mais la grande découverte des vertébrés est d’avoir créé un cerveau-proie tout au long du corps, le long de l’axe céphalo-caudal, la moelle épinière. Le cerveau-prédateur, lui, solidaire de la bouche, est localisé dans le cerveau. Le vertébré a pris le risque de renoncer à cette ligne Maginot, l’exosquelette, il l’a remplacé par une carapace de douleur virtuelle.  » (Esquisse d’une sémiophysique, chap. 5).

      Le décalage temporel observé par Libet : le temps mis par le cerveau-prédateur (cerveau » extérieur ») pour informer le cerveau-proie (cerveau « intérieur ») ?

  10. Avatar de un lecteur
    un lecteur

    Ça me fait penser à la place de la boucle de rétroaction dans le vivant. Pour construire un oscillateur, il faut un filtre et un amplificateur qui interagissent sur le flux d’un source. L’oscillateur c’est aussi un générateur d’onde stationnaire, un signal captif, local. Comme je postule la dualité du signal, sous forme locale, la mémoire (l’oscillateur), et sous forme globale, un flux ondulatoire (un oscillateur couplé), je suis contraint d’élever la boucle de rétroaction au rang de substrat du signal.
    Que le processus d’apprentissage, de mémorisation soit une boucle de rétroaction est juste du bon sens, c’est l’ajustement du filtre et de l’ampli à la source qui nous fait résonner.

    1. Avatar de Paul Jorion

      C’est du bon sens, mais il fallait le voir … comme vous le faites ! 😉

    2. Avatar de BasicRabbit
      BasicRabbit

      @un lecteur

      Je pense que mon gourou Thom écrit grosso modo la même chose que vous:

      « Notre modèle offre d’intéressantes perspectives sur le psychisme et sur le mécanisme lui-même de la connaissance. En effet, de notre point de vue, notre vie psychique n’est rien d’autre qu’une suite de catastrophes entre attracteurs de la dynamique constituée des états stationnaires de nos neurones. La dynamique intrinsèque de notre pensée n’est donc pas fondamentalement différente de la dynamique agissant sur le monde. On s’expliquer ainsi que des structures simulatrices des forces extérieures puissent par couplage se constituer à l’intérieur même de notre esprit, ce qui est précisément le fait de la connaissance. »

      1. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @un lecteur.

        Thom va plus loin dans votre sens -il me semble…- dans « Topologie et signification » (1968), l’un de ses articles « fondateurs », plus précisément dans les sections 4 et 5 intitulées respectivement « La notion de résonance en Dynamique » et « Résonance et signification ».

        1. Avatar de un lecteur
          un lecteur

          Merci, je vais devoir trouver le temps de lire Thom. 🙂

        2. Avatar de BasicRabbit
          BasicRabbit

          @ un lecteur

          Une autre citation, en rapport assez évident avec votre commentaire bien qu’il s’agisse ici de locution, extraite du chapitre « Langage et catastrophes » (que l’on trouve avec « Topologie et signification » dans « Modèles mathématiques de la morphogenèse » (1974) :

          « La signification d’un mot peut être considérée comme un oscillateur (…) de la dynamique neuronique. Un tel système [régulé] forme une sorte de passage obligé entre deux types d’activités psychiques : l’activité sensorielle ou affective, d’une part, qui nous pousse à dire quelque chose, et l’activité motrice d’autre part : car tout mot est finalement, au stade de l’émission, un champ moteur musculaire (une chréode au sens de Waddington), affectant les muscles du thorax, de la glotte, des cordes vocales, de la bouche…. L’aspect « entrée » peut être considéré comme une embryologie de la forme sémantique ; une fois que celle-ci est constituée dans sa plénitude, elle atteint le stade de la « maturité sexuelle » : dans une zone spéciale de la figure de régulation, l’analogue de la gonade des êtres vivants, elle engendre une forme qui, par simplification progressive, retourne au centre organisateur de la structure, comme chez les gamètes des êtres
          vivants. L’énergie apportée par l’évanouissement de cet oscillateur local sert alors à déclencher le champ moteur musculaire. Ces deux processus : constitution et destruction de la forme sémantique peuvent être considérés — en première approximation — comme inverses l’un de l’autre. Après émission du mot, la forme sémantique devient instable et se désagrège rapidement (peut-être subsiste-t-elle quelque temps dans la mémoire immédiate comme un souvenir stérile à l’instar d’un individu âgé devenu incapable de procréer). ».

          1. Avatar de un lecteur
            un lecteur

            Simple curiosité, est-ce-que Thom parle de l’effet diode (clapet qui laisse passer un flux que dans un sens).
            Notre cerveau comme le système nerveux utilise les axones pour émettre des signaux. Un neurone est une diode sophistiquée qui lui confère un sens, une direction dans l’espace du corps et de la pensée. Le sens fondamental est celui de l’extérieur vers l’intérieur.

            1. Avatar de BasicRabbit
              BasicRabbit

              @ un lecteur.

              Je n’avais pas vu passer ce commentaire. La citation suivante peut être vue, je crois, comme une réponse qui va dans votre sens en ce qui concerne le système nerveux (Thom parle de « carapace de douleur virtuelle ») :

              On devrait en principe avoir deux systèmes nerveux distincts : l’un
              prédateur, chargé d’attirer et de capturer les proies ; l’autre, proie fictive,
              chargé d’éviter ou de repousser les prédateurs éventuels. Ces deux systèmes
              existent sûrement chez tout animal : à côté de l’âme appétitive, il y a l’âme
              sensible. Mais la grande découverte des Vertébrés est d’avoir créé un
              cerveau-proie tout au long du corps, selon l’axe céphalo-caudal, la moelle
              épinière. Le cerveau-prédateur, lui, solidaire de la bouche, est localisé dans
              le cerveau. Le vertébré a pris le risque de renoncer à cette ligne Maginot,
              l’exosquelette ; il l’a remplacé par une carapace de douleur virtuelle. « ( Esquisse d’une sémiophysique,1988, ch. 5).

              De cette citation on peut au contraire plutôt en déduire que, pour Thom, le sens fondamental va de l’intérieur vers l’extérieur, les Vertébrés étant d’abord des prédateurs.

              Mais je m’aventure dans un domaine que je ne connais pas du tout : il faut lire Thom dans le texte (et le contexte).

            2. Avatar de BasicRabbit
              BasicRabbit

              @ un lecteur.

              « Ainsi se trouve réalisée cette fusion du sujet et de l’objet qui caractérise la conscience humaine. ».

              Cette citation termine le paragraphe intitulé « Le cerveau humain ». (René Thom, Esquisse d’une sémiophysique, fin du chapitre 5). Ci-après le paragraphe complet.

              « Dans le mésencéphale se trouvent les centres (système limbique, thalamus…) qui colorent de prégnances affectives (bonnes ou mauvaises) les stimuli sensoriels. On peut décrire les fonctions du cortex selon deux grandes directions.

              D’une part, joindre les qualités « bon-mauvais » qui sont les extrémités d’un spectre de comportements (attractifs-répulsifs) par un continuum de qualités intermédiaires à caractère plus neutre -les « concepts ». Le remplissage et la structuration de ce spectre continu originairement indifférencié se réalisent lors de l’apprentissage du langage par l’enfant (c’est la ramification de la prégnance biologique liée au corps de la mère décrite au chapitre 2, paragraphe B) ; cette fonction se trouve localisée dans l’hémisphère gauche.

              D’autre part, situer l’image affective du corps fournie par le cerveau-proie dans l’espace des activités motrices du cerveau-prédateur. Ce serait la fonction principale de l’hémisphère droit. Ainsi se trouve réalisée cette fusion du sujet et de l’objet qui caractérise la conscience humaine. ».

              Je ne sais pas si PJ voit les choses comme ça. Mais lui le sait.

    3. Avatar de Hervey

      Du coup je comprends que la demi-conscience c’est un ajustement réduit de moitié.
      😉
      J’ai fait un rêve curieux à ce sujet où j’étais dans une situation périlleuse et qui devait requérir toute mon attention.
      J’étais donc sur une bicyclette en train de négocier un virage dans la position des coureurs à moto penchés sur le bitume proche du point de rupture. Ne riez pas !
      Il ne fallait pas que je me réveille car la moindre inattention (là la conscience que je rêvais) pouvait avoir des conséquences catastrophiques sur la suite de mon rêve et que donc dans cet état de demi-conscience, il fallait absolument que je me « rendorme » pour que le rêve « se termine bien » et que je ne parte pas dans le décor.
      Vous saisissez le dilemme ?
      Contre mon gré, je me suis réveillé.

      J’ai toujours pas compris pourquoi j’avais fait ce rêve ni sa signification.

      Si un interprétateur a une idée …

      1. Avatar de Guy Leboutte

        Dans « L’interprétation du rêve » (ou « des rêves »), Freud conclut à une fonction principale du rêve: protéger le sommeil.
        Le cauchemar serait le rêve qui rate cette protection: le dormeur se réveille.
        Si je me souviens bien.

        1. Avatar de Hervey

          Merci Guy Leboutte, ça a du sens mais comme je rêvais qu’il fallait que je me rendorme pour ne pas que la chute advienne, c’est là un peu tordu comme démarche, si tant est que le cauchemar soit la chute et le rêve le plaisir de poursuivre mes acrobaties à vélo.
          Je souhaitais donc poursuivre mon rêve, donc me rendormir.
          J’ai probablement cru que je m’étais éveillé alors que j’étais toujours dans mon rêve, que cette impression faisait elle-même partie du rêve.
          J’ai cru que j’étais semi conscient ou semi éveillé mais non.
          Un leurre complet.
          C’est peut-être ça et finalement ç’est pas si mal.

          Enfin j’espère que des événements contraires ne viendront pas ternir le jugement que je m’en fais à cet instant.

    4. Avatar de Dup
      Dup

      Gaffe au Larsen quand même 🙂

    5. Avatar de chaton
      chaton

      Ben oui n’y allons pas par 4 chemins , une simple boucle de rétroaction !
      Un thermostat! Voire une chasse d’eau , oui une chasse d’eau !!

    6. Avatar de Mich
      Mich

      Et qui sait , quand votre oscillateur résonne , peut être qu’il raisonne ?

      1. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        Je réponds ici à « un lecteur » parce que Mich pose la question du rapport entre « résonner » et « raisonner ».

        Je viens de reparcourir rapidement l’article de Thom intitulé « Topologie et signification » (1968) (sans avoir tout compris, loin de là!). Après les sections 4 (la notion de résonance en dynamique) et 5 (résonance et signification) suivent les sections 6 (le logos d’une forme ou d’un système) et 7 (le logos des êtres vivants).

        Et on sait que « logos » en grec a donné « ratio » en latin et « raison » en français.

  11. Avatar de Guy Leboutte

    Dans cette « nouvelle théorie de la conscience », est-ce que la conscience, l’analyse ex post, la maturation, la méditation sur les réponses, … mettent en forme ou influencent les réponses du corps?
    Si ces dernières s’améliorent ou évoluent, est-ce que le corps « apprend » ? Est-il informé (mis en forme) ou déformé, en partie ou non, par la conscience ?
    Je suis frappé par le fait que souvent les réponses du corps respectent les codes, moraux notamment, de la conscience. Par exemple, quand je parle en mode « impro », avec l’impression que lorsque la première syllabe d’un mot sort de ma bouche, je ne connais pas encore le mot entier, en général je ne dis rien qui soit contraire à mon sens des convenances.

    1. Avatar de Manuel
      Manuel

      Ce ne serait pas le Surmoi qui veille au respect des codes moraux et des convenances ?
      😉

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