Illustration par ChatGPT 4o
À propos de La Libre : Si tu veux la paix, prépare la paix !, le 10 mai 2025 (article reproduit ci-dessous).
Il n’aura pas fallu 24h pour que je lise à nouveau dans la presse l’irénisme de gauche que j’ai tenté de dénoncer dans mon précédent billet.
Dont un grand philosophe belge.
Beaucoup d’affirmations du texte sont contraires aux faits établis et à la simple causalité logique. On est dans le sophisme digne de la propagande de Poutine.
Je ne connais PERSONNE qui se sente menacé en Belgique par la France, sa grosse armée et ses bombes nucléaires. Je n’ai jamais lu que ce soit le cas parmi les voisins de la France.
À l’inverse, TOUS les pays voisins de la Russie se sentent menacés par elle, y compris ses « alliés » comme la Biélorussie.
Quand je lis ce genre de texte je vois du pétainisme à l’œuvre, une défaite de la pensée, une honte au regard de la souffrance des Ukrainiens.
Cela ne signifie pas que je soutiens aveuglément une hausse sans limite des dépenses militaires par les Européens.
On peut être lucide ET dans le caractère ennemi actuel de la Russie ET dans l’analyse du fait militaire et des nécessités de la stricte dissuasion défensive (dépenses militaires raisonnées).
La Gauche verse ici encore dans « ce que je ne supporte pas du réel, je me convaincs d’en nier l’existence » au prix de toute crédibilité.
L’article critiqué : « Si tu veux la paix, prépare la paix ! » (La Libre)
Une opinion de Gérard Bodifée (astrophysicien et philosophe), Réginald Moreels (chirurgien humanitaire), Tom Sauer (professeur de politique internationale, UAntwerpen) et Philippe Van Parijs (philosophe, UCLouvain)
En nous armant, nous renforçons le sentiment d’insécurité de la Russie. Plus que de défense, ce dont nous avons urgemment besoin, c’est d’engagement de la diplomatie européenne auprès de Moscou.
La sécurité est une sécurité partagée. L’Union européenne peut dépenser des centaines, voire des milliers de milliards en armes, mais si la Russie ne se sent pas en sécurité, l’insécurité persistera en Europe, et en premier lieu en Ukraine et en Europe de l’Est. Le paradoxe est qu’en nous armant, nous renforçons le sentiment d’insécurité de la Russie. Nos responsables politiques européens semblent à nouveau tomber dans ce piège, à la fois par peur de la Russie et par soif de pouvoir et de prestige.
La crainte d’une attaque russe contre un pays de l’Union européenne ou de l’OTAN (dont l’Ukraine ne fait pas partie jusqu’à nouvel ordre) est pourtant sans fondement. Les États membres européens de l’OTAN (y compris le Royaume-Uni, la Turquie et la Norvège) dépensent à eux seuls 500 milliards de dollars cette année pour la défense, soit quatre fois plus que la Russie. Nous disposons de beaucoup plus d’artillerie, de chars, de véhicules blindés, d’avions de combat, d’hélicoptères, de navires et de soldats. La Russie ne jouit d’un avantage que pour les armes nucléaires, les bombardiers et les satellites militaires. Le ministre Francken le dit lui-même : cela ne leur permettra jamais d’atteindre la Grand-Place de Bruxelles. Après des années de guerre, la Russie n’est même pas en mesure de prendre Kiev. Le danger russe est donc exagéré dans nos médias par des acteurs qui y ont intérêt, à commencer par l’appareil militaire et l’industrie de la défense.
Une affaire de pouvoir
Si les dirigeants politiques d’Europe occidentale se rallient à ce point de vue, c’est moins une affaire de sécurité qu’une affaire de pouvoir. Ou plutôt, c’est parce qu’ils ont le sentiment d’avoir trop peu de pouvoir. La réaction crispée de l’Union européenne lors de la rencontre entre les Américains et les Russes en Arabie saoudite en était un exemple frappant. Se sentant ignorée, elle a jugé que c’est surtout de puissance militaire qu’elle manquait. Mais quelqu’un devrait tout de même arriver à lui faire comprendre ce que signifient les chiffres cités ci-dessus concernant les budgets et les capacités de défense. Dans la mesure où cette course aux armements se fait au détriment d’autres dépenses publiques bien plus utiles, elle finira par nuire gravement à l’économie européenne. Certains affirment du reste que c’est là précisément l’intention de l’administration Trump.
Écoutez l’ »ennemi », essayez de vous mettre à sa place et informez-vous sur les causes historiques, politiques et culturelles du conflit, plutôt que de vous contenter de répéter « C’est la Russie qui est l’agresseur ».
Plus que de défense, ce dont nous avons urgemment besoin, c’est d’engagement de la diplomatie européenne auprès de Moscou. Depuis plus de trois ans, l’Union européenne évite cette voie. Aujourd’hui encore. Les visites à Kiev, accompagnées ou non de larmes, ne feront pas avancer les choses. Osez plutôt vous rendre à Moscou ! Menez le dialogue jusqu’au bout.
À la table des négociations
Écoutez l’ »ennemi », essayez de vous mettre à sa place et informez-vous sur les causes historiques, politiques et culturelles du conflit, plutôt que de vous contenter de répéter « C’est la Russie qui est l’agresseur ». Mieux encore que de rechercher un cessez-le-feu, asseyez-vous immédiatement à la table des négociations pour élaborer un accord de paix durable.
Une fois l’accord de paix conclu, l’UE devra veiller à ce que non seulement l’Ukraine, mais aussi la Russie se sentent en sécurité. C’est possible à condition de tenir compte des intérêts légitimes de cette grande puissance régionale en matière de sécurité nationale. Tant que la Russie ne sera pas intégrée sur un pied d’égalité dans l’architecture de sécurité européenne, elle sera contrainte d’utiliser l’Ukraine comme État tampon neutre. Ce n’est que normal dans une constellation d’équilibre des pouvoirs, qui est par définition précaire.
Il s’impose bien plutôt de créer une organisation régionale de sécurité collective incluant l’Ukraine et la Russie. Cela peut se faire dans le cadre de l’OTAN, désormais conçue comme une organisation de sécurité collective et non de défense collective. Cela peut aussi se faire sous la forme d’une Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dûment renforcée. De telles organisations ne sont pas dirigées contre un ennemi extérieur, mais visent à garantir la sécurité entre les États membres en concluant des accords sur la guerre et la paix, y compris l’assistance militaire mutuelle si l’un des États membres enfreint les règles. Elles devront se substituer aux alliances dirigées contre un ennemi extérieur qui existent aujourd’hui à l’Est comme à l’Ouest.
Menaces de guerre hybride
Au sein de cette organisation régionale de sécurité collective, il est opportun, pour des raisons d’efficacité, que l’Union européenne poursuivre son intégration en matière de défense sans pour autant tenter d’édifier un complexe militaro-industriel à l’image des États-Unis ou de l’URSS à l’époque de la guerre froide. Et il est encore plus opportun qu’elle se concentre sur la lutte contre les menaces de guerre hybride (même si ces menaces diminueront considérablement après un accord de paix), et surtout qu’elle s’attaque, avec la collaboration de tous les pays du monde, à ces fléaux majeurs que sont le réchauffement climatique et la prolifération des drogues. Pour tout cela, nous n’avons nul besoin de chasseurs F-35 supplémentaires équipés d’armes nucléaires européennes.
Au lieu de son attitude défensive actuelle, l’UE doit se ressaisir de toute urgence et prêter main-forte – en les infléchissant – aux efforts diplomatiques désordonnés de l’administration Trump, afin de mettre fin au plus vite à cette guerre meurtrière et destructrice.
Le droit d’entrer en guerre est invoqué bien trop facilement. Une guerre vraiment juste est une fiction. Pour chacun d’entre nous, la recherche de la paix est un devoir politique.
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