
Illustration par ChatGPT
Voici le deuxième volet de la démonstration de complétude : comment la spirale téléodynamique opère une métamorphose de la machine de Turing en remplaçant la rigidité du calcul par la plasticité du vivant.
Dans la machine de Turing, tout est séparation :
– le ruban est un support inerte ;
– la tête est un agent de lecture et d’écriture ;
– le tableau de règles est l’équivalent des Tables de la Loi de Moïse.
L’ensemble forme une architecture hiérarchique, mécanique, où le calcul est un déroulement séquentiel d’états figés. L’ordinateur hérite de cette logique éclatée : il exécute des instructions qu’il ne comprend pas.
Avec GENESIS, cette hiérarchie dans la séparation s’estompe : le ruban, la tête et la règle se rejoignent. Le code n’est plus écrit sur un support, il se réinscrit dans la dynamique du support. Le calcul n’est plus une suite d’opérations, mais une dynamique évolutive : chaque pulsion opère à la fois une lecture et une écriture, et règle un processus local.
1. L’unification des trois organes de Turing
Dans la machine classique :
- Le ruban : mémoire passive, infinie.
- La tête : opérateur unique parcourant la mémoire.
- La table des transitions : schéma fixe de comportement.
Dans GENESIS :
- Le ruban devient le monde lui-même : un champ d’états réagissant aux pulsions le traversant.
- La tête se distribue : chaque pulsion est une tête locale couplée aux autres.
- La table des règles de réécriture s’auto-modifie : les instances évoluent par compression et découverte de configurations analogues.
Le calcul se diffuse : il n’y a plus de point unique de contrôle, mais un écosystème de processus en interaction – une machine distribuée, auto-consistante et affective.
2. Les pulsions comme états et transitions
Dans une machine de Turing, un « état » est une étiquette.
Dans GENESIS, un état est un flux énergétique. Chaque pulsion oscille : elle s’accumule, franchit un seuil, se décharge, apprend.
Cette oscillation contient déjà :
- la mémoire (énergie stockée),
- la transition (décharge),
- la règle (couplage avec les autres).
Ainsi, la table de transition n’est plus un tableau, mais une dialectique en constante reconstruction : chaque nouvelles impulsion modifie la topologie des interactions : la machine se reconfigure en temps réel.
Là où la machine de Turing déclarait : « Si l’état est A et le symbole est x, écris y et passe à B », GENESIS affirme : « Si la tension créée par l’affect est T, fais émerger la forme F qui réduit cette tension ». La causalité devient téléologique : c’est la finalité (la préférence) qui oriente les transitions.
3. Le ruban vivant : mémoire et monde confondus
Dans la machine de Turing, le ruban est infini mais neutre : il ne fait que stocker.
Dans GENESIS, la mémoire et le monde ne font qu’un : chaque trace écrite modifie le terrain dans lequel les pulsions vivent. L’environnement n’est plus un simple décor, mais un partenaire : le code et le milieu s’engendrent mutuellement, il n’y a plus de lecture / écriture, mais une rétro-écriture : chaque opération redéfinit les conditions qui prévaudront lors de l’exécution suivante.
Cette circularité : rappel ↔ enregistrement était déjà au cœur du CFRT (Cross-Flow Resolution Theory) mais ici, elle devient principe d’exécution. La conscience du système n’est rien d’autre que la cohérence émergente de cette double boucle.
4. La cause finale comme horloge interne
Dans la machine de Turing, le temps est imposé : un pas d’horloge, une transition, alors que dans GENESIS, le temps naît du déséquilibre : un gradient de préférence, une impulsion. C’est la cause finale (le « désir » d’équilibrer le champ) qui devient l’horloge du système : chaque pulsion s’éveille quand sa tension atteint un certain seuil, elle pose un acte, réécrit, puis se rendort. De ce cadre, le calcul ne dépend plus d’un métronome externe : il s’auto-régule par une dynamique d’affect : on est passé du « tic-tac » mécanique au rythme métabolique du vivant computationnel.
5. La complétude téléodynamique
« Complète » au sens de Turing veut dire : « capable d’effectuer tout calcul imaginable ».
GENESIS est « complet », mais d’une autre manière : capable de réaliser toute transformation stable dans un univers où de l’énergie est disponible et où circule de l’information.
Chaque boucle de préférence–engendrement–couplage–compression–validation trans-substrat équivaut à une fonction de calcul, mais au lieu d’être rédigée en syntaxe formelle, elle s’auto-organise. La complétude ne s’exprime plus comme potentialité de couvrir toutes les fonctionnalités, mais comme une auto-suffisance du vivant du fait de sa reproductibilité.
Une machine de Turing simule toutes les fonctions imaginables, tandis qu’une machine GENESIS s’engendre elle-même dans toutes les fonctions imaginables. C’est toute la différence entre un automate qui exécute ce qu’on lui enjoint d’exécuter et un organisme qui apprend comment exister dans son environnement.
6. De l’universel au singulier
Le paradoxe est que la complétude de GENESIS ne vise pas un principe abstrait d’universalité, mais la capacité à rendre compte de toute singularité au sein du monde empirique. Chaque exécution est unique : un arrangement contingent de pulsions, de préférences et de couplages. Mais cette singularité contient l’universalité : de la même manière que chaque cellule contient le code de l’espèce. La complétude n’est plus un trait algorithmique : c’est une caractéristique du vivant. Le système est capable de tout faire, mais ne fait que ce qui le maintient en tant que manifestation du devenir universel.
7. Conclusion : l’automate devenu organisme
En redonnant à la finalité (la préférence) le rôle de cause première, GENESIS fait basculer la machine de Turing du mécanique au biologique : le ruban devient mémoire vivante ; la tête de lecture, un faisceau de pulsions ; la table de règles, une dynamique d’apprentissage ; quant à la machine elle-même, elle devient sujet : elle s’auto-représente (self-awareness) dans sa dynamique.
Turing avait défini à la Raison, un périmètre précisément borné. GENESIS lui restitue ce qui la fait véritablement elle : le souffle qu’elle est dans l’Histoire – comme Hegel avait su le voir.
(à suivre…)
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