L’explication du prix par le rapport de force (V) Le « prix » d’un emprunt ou d’une obligation (deuxième partie)

(I) Quand plusieurs mécanismes se greffent les uns sur les autres
(II) Keynes et le double mécanisme de détermination du prix
(III) L’intervention du temps dans la détermination du prix
(IV) Le « prix » d’un emprunt ou d’une obligation (première partie)

Résumons ce que j’ai expliqué dans Le « prix » d’un emprunt ou d’une obligation (première partie). Mis à part les tombées d’intérêt, il existe deux moments majeurs dans la vie d’un emprunt : son émission et son échéance. Entre ces deux moments existe une période durant laquelle il peut être acheté et vendu sur un marché secondaire.

Le premier moment est sa naissance sur un marché primaire où son prix se détermine, ce « prix » étant alors son taux d’intérêt : c’est la partie du contrat véritablement négociable à cet instant entre prêteur et emprunteur. Le taux d’intérêt a deux composantes : le rendement marginal du capital et la prime de crédit. Les deux composantes du taux sont déterminées indépendamment l’une de l’autre, la première partie est universelle : elle dépend du marché des capitaux dans son ensemble, la seconde partie est singulière : elle est propre à l’emprunt spécifique lui-même.

Si le prêteur revend son emprunt, celui-ci va alors vivre sa vie sur un marché secondaire où son « prix » ne sera plus son taux d’intérêt, mais cette fois la somme versée par un candidat prêteur au prêteur auquel il se substitue : cette somme, dont la base de calcul est le montant du principal : la somme qui a initialement été prêtée, est cette fois la partie négociable, non plus entre prêteur et emprunteur, mais entre vendeur et acheteur de l’emprunt en cours, l’acheteur se substituant au vendeur en tant que prêteur de fait. Trois facteurs vont jouer ici sur l’évolution du prix : 1) le temps qui passe et qui rapproche l’emprunt de son échéance ; 2) l’évolution générale du marché des capitaux qui va déterminer la part rendement marginal du capital du taux, et 3) la bonne santé financière de l’emprunteur qui va déterminer la part prime de crédit.

Cerise sur le gâteau : pour les deux dernières influences possibles : rendement marginal du capital et prime de crédit, ce n’est pas nécessairement un mécanisme unique qui va déterminer le montant de chacune des deux composantes du taux d’intérêt. La raison en est qu’une revente est une transaction de nature instantanée où va donc pouvoir jouer le rapport de force « ici et maintenant » entre l’acheteur et le vendeur, indépendamment du fait qu’un emprunt ou une obligation est en soi de nature temporelle entre son émission et son échéance. Ce qui veut dire que bien que la part « universelle » du taux d’intérêt de l’emprunt représente le rendement marginal du capital, elle reste influençable par le rapport de force instantané entre ceux qui cherchent à acheter et ceux qui cherchent à revendre un tel emprunt sur son marché secondaire. De même, bien que la part « singulière » du taux d’intérêt de l’emprunt représente le risque de contrepartie, à savoir le risque de non-remboursement et de non versement des tombées d’intérêts par l’emprunteur, et a donc un fondement objectif « actuariel », c’est-à-dire véritablement inscrit dans la réalité empirique du monde tel qu’il est, elle reste influençable, soit, et si l’on en croit Keynes, par la représentation du monde en devenir par les êtres humains aux prises avec lui, soit, si l’on accepte ma propre interprétation, par le rapport de force instantané entre ceux qui cherchent à acheter et ceux qui cherchent à revendre un tel emprunt sur son marché secondaire ; c’est spécifiquement à ce second aspect que faisait allusion Keynes dans le passage de A Treatise on Probability que j’ai reproduit dans Keynes et le double mécanisme de détermination du prix, j’y reviendrai à propos de l’illustration par le Credit-default Swap (CDS).

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