Réflexion (un peu [trop ?]) technique sur le stockage d’énergie (âmes sensibles s’abstenir !), par Timiota

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J’aimerais qu’on ne catégorise pas en optimiste ou pessimiste, mais plutôt en « réciproque » ou « non-réciproque » : « ce que j’ai du milieu, est-ce que je le lui rends ?  » (« avec quelle équivalence »), cela rouvre le débat.

Le moteur Stirling peut jouer un rôle central dans les récupérations/conversion d’énergie thermique. Il y a des tentatives pour les miniaturiser, mais ce n’est pas évident, c’est un peu la même raison que celle que je vais évoquer sur le stockage et sa bonne échelle : le rythme des échanges thermiques dépend de l’échelle.

À propos du solaire thermique, il est honteusement sous-développé en France (pas en Espagne, Grèce, Italie), en France du Sud en particulier. La principale objection au solaire, son intermittence à mon avis, oblige à s’écarter un peu des « solutions locales », mais pas trop (in medio stat virtus…) : Comment pallier cette intermittence, et comment satisfaire le raton-laveur du foyer (aka « la ménagère » en macho-langue) qui fait sa machine à laver à 18h30 les jours d’hiver ?

Comment stocker donc, au moins là où il y a eu soleil ? On peut faire pour cela des « thermos géants » alimentant des machines thermiques (Stirling pourquoi pas), et tenant 3 jours ou quatre. Pour moi, la bonne dose serait de ne pas mettre plus de béton dans ce gros machin de 1000 m3 (j’argumente que c’est une échelle correcte) que dans le béton des habitations qu’il dessert. Donc pas forcément individuel (pour une question de rapport volume sur surface, cela demanderait encore trop de béton), mais pas géant non plus. Je dis 1000 m3 pour tenir 3 ou 4 jours, et pas vraiment moins, car là, il est très difficile de lutter contre des choses physiques bêtes : échange de chaleur par rayonnement, 47 mW/cm2/demi-espace fois des facteurs (T^4-T’^4) et des émissivités (pouvant descendre à 0,02), tout ça conduit à dire qu’un gros réservoir de chaleur doit être dimensionné assez gros pour jouer le rôle de tampon énergétique sur des jours et pas seulement 10h.

Dans une résidence d’un ami que j’ai conseillé (11 grands appart, en « maisons mitoyennes »), il faut fournir environ 10m3/h avec un delta de 6° lors des froids à 0°C (~80 kW) . En 100h (4j), il faut 1000 m3 sur un delta de 6°, ou 100 m3 et un delta de 60°. On est donc dans le bon ordre de grandeur pour commencer à gérer l’intermittence solaire. Mais avec un coût de construction qui doit ajouter 10 ou 20% pour la « bonbonne de stockage ». La conso annuelle de gaz est 15.000 euros, dont seulement 12-15% viennent de l’eau chaude sanitaire, le seul endroit où il soit facile de mettre un 2ème serpentin mélangeur (il existe, au moment du choix du nouveau ballon thermosiphon de 1 m3, pour + 500 euros on gagne un serpentin et quelques complications). Si on gagne 40% des 15% de 15000 euros, soit 700-800 euros, c’est bien le max : une partie de la chaleur part de façon fixe dans la boucle de circuit fermée, jour et nuit. Installer 5 ou 5+x m2 sur le toit coûtera 5.000 euros. Une copropriété faite de Français ordinairement râleurs n’investit pas à 7 ou 8 ans (700€ x 7 = 4.900€), c’est donc pas évident si on ne le fait pas en même temps que d’autres travaux, au changement d’installation en profitant d’une remise globale ou des crédits d’impôts pour « bouquets », etc.

Pour les LEDs, c’est très différent : c’est tout bénef en 1 ou 2 ou au pire 3 ans, même contre des fluo-compactes, et on peut le faire progressivement… le diable est dans les détails !

En généralisant un peu à l’ensemble des solutions du binôme le plus tentant (source = solaire + économie = isolation), je suis plutôt d’accord qu’il existe des possibilités techniques, mais j’ai le sentiment que les coûts en restent perçus comme faramineux. Pour avoir un apport de chauffage solaire pour l’ECS (eau chaude sanitaire) l’été dans ladite résidence par fluide calo-porteur (je ne parle donc pas de photovoltaïque), il faut investir 5.000 euros pour en gratter 800 par an si tout va bien, et l’on est assez facilement mal conseillé.

L’immense ignorance de ce que nous pourrions faire d’assez simple, assez vite et à la bonne échelle est un gros frein, non seulement par inertie des gens, mais par excès de coût pour cause de non constitution de l’expertise adéquate (niveau plombier ++, pas niveau ENA ). Les chauffagistes sont obsédés par le nombre et la géographie de leurs clients, ils n’ont pas de contacts « de quartier » pour faire circuler l’info sur les meilleures solutions, sur les choses à faire avec soin (les ballons à double serpentins pour l’ECS à apport solaire par exemple).

Autre voie, pour l’isolation : du double vitrage « cheap » (plastique), qui existe déjà « un peu », mériterait assurément d’être développé, car là aussi, il manque toujours 2.000 ou 3.000 euros pour démarrer le processus vertueux de poser de vrais doubles vitrages. Soit du plexi, en mode juste « pliable » comme le mètre d’arpenteur, soit d’autres éléments astucieux de type chauffage optimisé près des fenêtres pour y stabiliser l’air et faire une zone isolante en dynamique, ce ne sont pas les idées qui manquent.

Mais de nouveau, leur adoption est lente, très lente, c’est ce que remarque Vaclav Smil dans ses divers articles (son site web), université du Manitoba, + des vidéos de lui, en anglais, sont dispo sur le web, ou dans l’excellente revue IEEE Spectrum, dont l’éthique est surprenamment bonne (revue créée un peu « par les lecteurs », comme la relativement, célèbre NYRB, New York Review of Books), soit dit en passant).

En réalité, on doit se demander si un frein au bon usage de l’énergie tient dans la considération de la propriété privée qu’ont les propriétaires. Ils considèrent que « l’on ne doit plus payer quand on est propriétaire » sauf pour les réparations.

C’est limite d’être de « l’abusus » : certes, ledit propriétaire aurait aimé qu’on lui explique avant son achat que sa baraque est une passoire énergétique, mais il devrait assumer tout ce que lui lègue la génération d’avant, à la fois la facilité d’avoir ces murs et équipements édifiés à relativement bas coût, et la nécessité de repasser du (K)Capital au « fonctionnement » (le symétrique du Revenu) et d’acter la taille importante de ce dernier sur de longues durées.

Pour la biomasse, voici le calcul « back of the envelope » (vite fait) que MacKay proposait à l’unique conf que j’ai vue de lui :

Sur une nationale, il roule 400 véhicule/h en moyenne à 90 km/h qui consomment 10 kW. Ils sont en moyenne espacés de 90/400=225 m.

Quelle est la largeur X de la bande de terre construite sur une longueur de 225 m  qui donne 10 kW avec de la biomasses à 0,5 (c’est la « largeur verte » de la route, on pourrait la définir ainsi) ? Il te faut 10/0,005=2000 kW de soleil incident. Pour un pays comme UK, où la moyenne annuelle (jour nuit) est 100W/m2, il te faut donc 200 m de large. Pour une 2x2voies à 2×2000 v/h, c’est 1 km de chaque côté.

Je crois que si on ne donne pas aux gens un feeling soit intergénérationnel du bien pour lequel ils dépensent de l’énergie, soit un feeling immédiat de l’énergie qu’ils dépensent (ils accélèrent dans leur Porsche), il y aura seulement des changements lents. Dans l’intergénérationnel, je mets typiquement le soin pour l’isolation, et dans le feeling immédiat, il faudrait quasiment que dans une voiture, l’appui sur l’accélérateur « fasse mal » physiquement.

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