Le petit rentier dit : « Les conséquences collectives de ce que je fais ne m’intéressent pas », et je lui réponds : « Et moi, elles m’intéressent beaucoup : je suis anthropologue et sociologue de formation, et c’est de cela que je m’occupe ». « Cela fait de vous quelqu’un de gauche ! », me répond-il et cela me rappelle ce que le chapelain de mon collège à Cambridge m’avait un jour dit : « C’est bien vous qui vous occupez de nos étudiants qui ont choisi l’anthropologie ? … ‘Anthropologie’ ? Est-ce que ce n’est pas le nom que l’on donne au communisme quand on cherche à l’enseigner dans une université ? »
J’ai évoqué quelquefois la difficulté que j’avais à communiquer avec mon père. J’ai dit aussi qu’il venait du pays de Charleroi et que la culture de la mine était la sienne de manière viscérale, même si personne dans notre famille n’y a jamais travaillé. Ce qui le caractérisait surtout, c’était une droiture que les membres de notre famille qui étaient dans les affaires appelaient en souriant : « un peu caricaturale ». Il m’arrive quelquefois, quand je termine un billet de me dire : « Tiens ! Il serait fier de moi ! » Ceux où je m’intéresse aux conséquences collectives de ce que font les petits rentiers font partie de ceux-là.
74 réponses à “Edmond Jorion (1917 – 2002)”