Les bons et les mauvais coupables

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Imaginons que vous êtes persuadé que le versement d’intérêts est une chose néfaste. Vous êtes parvenu à cette conclusion par le raisonnement ou en étant convaincu par les arguments de l’une des religions qui prêchent ce message : le christianisme et l’islam.

Je précise tout de suite que je ne fais pas partie de ces personnes : je considère les intérêts comme un excellent moyen de partager – dans certaines circonstances – la fructification d’un capital entre celui qui a avancé ce capital et celui qui l’a fait fructifier.

Vous vous penchez sur l’histoire de l’économie et vous constatez avec tristesse que toutes les tentatives d’éradication des intérêts se sont soldées par un échec. Vous lancez une investigation, à la recherche des coupables.

Première hypothèse : Les banques commerciales créent de la monnaie ex nihilo. Alors le mécanisme est simple : elles perçoivent des intérêts sur ces flux, et les banquiers sont responsables.

Seconde hypothèse : Les banques jouent un rôle d’intermédiation : elles mettent en contact ceux qui ont du capital en excès et ceux à qui il fait défaut, elles perçoivent les intérêts des emprunteurs et les reversent aux prêteurs. Elles perçoivent au passage la « marge bancaire » : elles versent moins aux prêteurs que ce qu’elles reçoivent des emprunteurs, la « marge » couvre leurs frais et leur assure un profit qui rémunère la fonction d’intermédiation qu’elles procurent. Dans un système où les intérêts n’existeraient pas, la « marge bancaire » serait remplacée par une simple commission.

Dans cette second hypothèse, les bénéficiaires des intérêts sont les prêteurs : les investisseurs, les épargnants, les pourvoyeurs en capital, c’est-à-dire les « capitalistes ».

Imaginons maintenant que vous souscriviez initialement à la première hypothèse mais que la seconde vous paraît désormais préférable. La situation est frustrante : vous cherchiez des coupables, et vous les aviez trouvés : « les banquiers », un petit groupe, aisément circonscrit – et dont vous ne faites pas partie. La seconde hypothèse vous propose à la place un groupe énorme, diffus à l’intérieur de l’ensemble de la population, allant du plus gros financier au plus petit épargnant. Pire : pour peu que vous possédiez un livret-épargne ou quelques actions, vous êtes vous-même un « petit rentier », un « petit spéculateur », c’est-à-dire, l’un des coupables.

Souvenez vous de l’été dernier : le monde était la proie de la spéculation sur le pétrole et sur l’ensemble des matières premières, le grain venait du coup à manquer, des émeutes de la faim éclataient en Égypte, en Côte-d’Ivoire, en Haïti, le monde en colère réclamait la tête des coupables. L’enquête fut lancée et on les découvrit sans trop de peine : les fonds de pension, les universités, les musées, les hôpitaux. Zut ! Même topo : les coupables n’étaient pas ceux que l’on attendait (espérait ?) !

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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77 réponses à “Les bons et les mauvais coupables”

  1. Avatar de Le fils d'Ariane
    Le fils d’Ariane

    Il existe une 3° hypothèse (certitude): c’est que les banques commerciales peuvent ET crééer de la monnaie par le crédit (création comptable), ET prêter certaines sommes qui leur sont déposées dans ce but… c’est étonnant que vous n’ ayez pas pensé à le signaler, alors que tout le monde le sait…

  2. Avatar de et alors
    et alors

    C’est quoi la question ? l’origine du capital ou de la culpabilité ?
    « Il n’est pas de méchants, il n’est que des souffrants. »Fernand Gregh

  3. Avatar de Shiva
    Shiva

    @Le fils d’Ariane
    Mois j’en avais déjà parlé eu gnagnagna eu (je fais comme les experts, lol :-)) )

    « Autre chose, si je recherche des données factuelles c’est que la loi et les règlements européens que j’ai pu trouver me semblent flous sur le droit de création monétaire par les organismes de crédit. A tel point que j’ai l’impression qu’ils ont la possibilité de faire comme ils le souhaitent, à savoir; du crédit “comptable” à qui mieux mieux en respectant les 12,5% du ratio McDonough de fonds propres (pondéré…) par rapport au risque de crédit; et utiliser comme ils le souhaitent (en tant que liquidités) les fonds déposés en respectant le ratio de réserve (actuellement 2% dans la zone euro) sachant que les nouveaux crédits produiront de nouveaux dépôts. Si ils deviennent illiquides, financement automatique par leur banque centrales qui ne peut courir le risque d’une faillite dans son secteur…

    J’ai peur que le système fonctionne comme cela, mais je n’en sais rien, je n’en ai aucune preuve factuelle.

    Les modèles théoriques ne permettent pas de répondre pas à la question de l’origine “comptable” ou “monétaire” (dépôts) des prêts. Les doc de la FED de la BCE, les déclarations de banquiers ou de comptables de banques, voir de concepteurs de logiciels bancaires, me semblent plus probants… »

    Sauf que le ratio McDonough c’est 8% soit 12,5 fois les fonds propres pondérés (soit entre beaucoup et énormément plus…).

    Errare humanum est, perseverare diabolicum !

  4. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Je crois que: et-alors, le 27 décembre 2008 à 18h22 va droit aux bonnes questions

    Une réponse pratique:
    La seconde hypothèse qui est celle où les banques ne prêtent que l’argent de leurs déposants. Cela convient d’un point de vue strictement pratique et technique. Le procédé est très classique que je sache. On peu discuter secondairement des taux d’intérêts, et aussi le bien fondé de tel ou tel taux. Car, pour ne pas dégringoler immédiatement dans des chipotages pas très productifs, même connaissant la grave structure de péché qui consiste à compter des intérêts, on ne peut pas mélanger les torchons et les serviettes à ce stade, du moins dans les circonstances présentes. En effet, tel que je perçois ce billet, il risque d’embrouiller ipso facto la mise en plein jour des mécanismes bancaires qui nous occupe ici. Il faut éviter les tergiversations à l’infini sur la nature de la monnaie, qui, à ce stade, est un débat qui, s’il est le plus important et urgent, est ici d’un autre régistre.

    L’introduction dans ce présent billet du mot: coupable, bon ou mauvais me paraît de trop. Ce mot de: coupable
    introduit des présupposés nuisibles pour la clarté – technique – du présent sujet tel qu’abordé de cette façon. S’il suffit d’être un petit porteur d’actions (ce que je ne suis même pas) pour être coupable, ça paraît un peu facile. Et puis, encore une fois: les fonds de pension, les universités, les musées, les hôpitaux, s’occupent-t-ils directements de leurs placements? Ce sont les gestionnaires de ces fonds qui seraient à montrer du doigt car ils taisent leurs pratiques. Et là, la dissimmulation, ou le silence (pour toutes les raisons qu’on voudra) renvoie à la culpabilité. C’est très clair.

    Car, enfin, si le capitalisme, qui est une structure organique, est une structure manifestement viciée par le système financier (Voyez! Toujours lui! Et j’étais parti pour accuser personne à priori), ce n’est pas le capitalisme au sens strict qui est fautif, si ce n’est son – traitement financier – qui – drogue – littéralement le capitalisme. Le résultat affligeant, nous l’avons autour de nous. Mais je ne crois pas qu’il faille manier des accusations pour arriver à faire en sorte qu’on respecte l’arithmétique en finance vis a vis de l’industrie et de l’agriculture et que les produits que nous fabriquons aillent bien à ceux qui en ont besoin et qui travaillent précisément pour ça. Mais la moitié au moins de ces producteurs travailleurs (et je suis toujours optimiste) n’ont pas ce pouvoir d’achat minimum. Pourquoi?

    Pour ma part, je sais parfaitement à quoi m’en tenir sur ce sujet. J’y ai beaucoup fait allusion et reste à la disposition de quiconque pour en parler positivement.

  5. Avatar de Oppossum
    Oppossum

    @ Rambo
    « Ce sont les gestionnaires de ces fonds qui seraient à montrer du doigt car ils taisent leurs pratiques » : un peu facile de faire semblant de ne pas voir …

    Sinon effectivement , historiquement il ya souvent eu un interdit sur l’usure : il doit bien y avoir une raison !
    Mais cet interdit à toujours été bafoué, car la monnaie a toujours été indispensable au pouvoir, aux riches, aux entrepreneurs, à la vie : le prêteur juif a donc été toléré quand tout allait bien.

    L’hypocrisie d’aujourd’hui consistera à montrer du doigt les banques (en les confondant toutes , pratique) ou les gestionnaires de fonds : mais il y a quelques mois c’est l’ensemble de la société à 95% qui réclamait sa part , des plus riches aux plus pauvres, pour partager le mirage de cette manne !!!

    Manne à laquelle on participait forcément en en réclamant sa part : ça s’appelle un système.

    Je suis cependant d’accord avec vous que ceux qui ont placé les sub-primes et surtout ceux qui ont disséminé ces créances pourries , en toute connaissance de cause, dans l’emballage de ces titrisations quasi-criminelles , devraient être déchus de leur droit civique. Un retour partiel à la lapidation ne me choquerait pas trop. Quant à ceux qui n’ont rien fait mais qui savaient : le goudron et les plumes.

    Ca me fait penser au sang contaminé qu’une bonne partie du tout parisien et des journaleux médiatiques connaissaient à l’époque, de long mois avant. Mais sans en parler.

    Mais je m’énerve … oui ! les taux d’intérêt … Disons alors … tous responsables mais pas coupables …

    Mais au fait , n’y a-t-il pas une absurdité ou une arnaque de la part du banquier que de vouloir être « remboursé » de la somme qu’il a créée ex-nihilo (on y revient! – 20€ par expl) , par une somme supérieure (21€) ?
    En effet comment créer le surplus de signe monétaire, l’intérêt … puisqu’il n’y a pas de signe monétaire créée pour le 1€ de différence , l’intérêt ?

    (Paul a bien dit d’avancer lentement, à la machette!)

  6. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    « Et puis, encore une fois: les fonds de pension, les universités, les musées, les hôpitaux, s’occupent-t-ils directements de leurs placements?  »

    Cette question de Rumbo me paraît très importante car elle pose finalement la question de la responsabilité citoyenne dans la vie économique. Si effectivement les fonds de pensions, universités, musées et hôpitaux ne s’occupent pas directement de leurs placements, c’est facheux, et même grave. Les capitalistes de circonstance que sont ces institutionnels, pourquoi n’auraient-ils que des droits — celui de voir leurs fonds prospérer — et pas aussi des devoirs, à savoir celui de s’intéresser autrement que sous l’angle leurs « petits » intérêts, aux dits fonds ? Qui les possèdent, comment sont-ils gérés, quelles projets industriels et sociaux reprénsentent-il ?

    Le fait est que ces institutionnels ont démissioné de leur mission première qu’indiquait leur dénomination, et c’est pourquoi nous nous retrouvons en partie dans la panade actuelle.

    Paul, billet après billet ne cesse de nous rappeler que le système bancaire n’est rien sans les investisseurs et les emprunteurs.
    Or s’il est un agent économique qui prévaut aujourd’hui c’est bien l’investisseur, les banques n’en sont que les instruments, même si par ailleurs on peut contester certaines de leurs pratiques.

    Quand bien même le système bancaire serait fautif, je reste persuadé que si tous les agents économiques, hors secteur bancaire, voyaient dans le capital autre chose qu’un moyen de « faire de l’argent avec de l’argent », le problème bancaire n’en serait plus un, conditionné qu’il serait par les exigences des agents économiques dont il assure l’intermédiation.

    Quant aux dernières révélations concernant ces fondations qui ont tout perdu ou beaucoup perdu parce qu’elles avaient investi dans le fonds Madoff, elles me stupéfient. Ces fondations se présentent comme des victimes sidérées par ce qu’il leur arrive, pourtant n’était-ce pas également de leur devoir d’y aller voir un peu plus près dans la gestion de l’argent qu’elles avaient confie à ce fonds ?
    Soit dit en passant les taux d’intérêts mirobolants auraient dû leur mettre la puce à l’oreille. Mais, apparemment, rien ! Il est totalement aberrant, d’un point de vue éthique, politique même, au sens de se sentir concerné par les affaires de la Cité et du monde, que des organismes qui se caractérisent en principe par une vocation sociale, caritative, humanitaire, scientifique, soient si peu regardants dès lors qu’il s’agit de placements boursiers, comme si effectivement l’argent qu’ils plaçaient n’était jamais lié à des projets concrets, au delà même du caractère délictueux du fonds Madoff.

    Ce qui revient à désocialiser, dépolitiser la valeur de l’argent. Je ne voudrais pas jeter le discrédit sur tous ces organismes, mais leur aveuglement en dit long sur le degré de proximité avec un système néo-libéral dont ils s’accomodaient fort bien.

    La crise actuelle est donc aussi d’une certaine manière la crise de ces institutions dont les pratiques financières sont en contradiction avec les objectifs qu’elles prétendent mettre en avant. La spéculation, certains projets industriels, tuent des vies humaines, c’est un fait. Même si, en le disant j’ai l’impression de dire quelque grossierté. Si la pollution, les dégradations irréversibles des éco-systèmes, l’asservissement des humains à la logique aveugle du capital, si tout cela n’a pas été d’abord permis, toléré, voire encouragé, par le mécanisme de l’allocation aveugle des capitaux dans l’économie mondiale, alors ce n’est à plus rien y comprendre.

    La feinte ou réelle stupéfaction des institutions et fondations concernées n’a d’égale que leur méconaissance du monde dont elles étaient supposées guérir les maux les plus évidents. Bref ceux qui auraent dû avoir la vision la plus globale, avaient la vision la plus étriquée qui soit dès lors qu’il s’agissait d’argent.

  7. Avatar de David
    David

    Puisque vous parlez de religions….

    Si l’on veut mettre fin au conflit israélo-palestinien, il faut utiliser le précédent de l’accord entre la Grèce et la Turquie en 1923. Il faut un échange de populations. Il faut que la Jordanie (et la cis-jordanie) peuplée aujourd’hui à 70% de palestiniens devienne l’état palestinien. Il faut que Gaza devienne israélien et que ses habitants soient transférés dans le nouvel état palestinien. Les arabes israéliens auront le choix de rester ou de partir. Reste à trouver une solution pour Jérusalem, mais ça, on verra à la fin….

  8. Avatar de quasimito
    quasimito

    Bonsoir, bonjour à tous… Je lis ce blog depuis à peine 2 semaines et je suis assez intimidé à l’idée d’y soumettre un commentaire… D’abord, je tiens à dire que j’apprécie le ton et les réflexions qui s’y trouvent.

    Ensuite: on cherche des « coupables », il a été dit déjà que tous n’ont pas le même pouvoir de décision, bien que nombreux sont ceux qui croient aux miracles de l’argent qui travaille… je me souviens que la banque cantonale genevoise (Suisse) avait une pub où l’on voyait un petit bonhomme fait d’une pile de pièces de monnaies doté de bras et de jambes qui courait de-ci, de-là, en portant moult capitaux qui s’enflaient à chaque transport, et le petit bonhomme en… suait! Bigre!

    Bref, je vais en venir au point, si l’on peut dire… J’ai vu à quelque part sur ce blog que Paul indiquait que d’autres que lui avaient produit une analyse de la crise actuelle, et il renvoyait à Frédéric Lordon, enfin à son dernier petit livre, « Jusqu’à quand? Pour en finir avec les crises financières ». Fort éclairant. En 2000, il en avait écrit un autre, « Fonds de pension, pièges à cons? Mirage de la démocratie actionnariale » dans lequel justement il montre que des « à qui profite le crime », il y en a. La dérégulation n’est pas venue toute seule… Et il y a, selon lui, mais cette idée me semble assez vraisemblable, derrière ces décisions en apparence techniques, un véritable projet politique. F. Lordon donne aussi une idée des effets de la concurrence: tout le monde fait la même chose, car un peu comme dans Highlanders, le but c’est qu’il n’en reste qu’un et qu’est-ce qu’il doit s’em… Et il parle de fonds à visée sociale, des fonds institutionnels qui concentrent l’épargne salariale, mais en mains syndicales et qui en arrivent à faire justement la même chose que les fonds à visée plus franche, parce qu’il faut bien survivre…

    Je le cite, bien que je ne sais où exactement commencer et que je me dis que je ne fais que vous informer de ce que vous savez déjà mieux que moi, enfin peut-être. Donc (pp. 94-97):

    « Puisqu’il vaut mieux dire les choses clairement et plutôt deux fois qu’une, l’épargne des épargnants n’est rien, elle n’est d’aucun pouvoir, c’est l’épargne concentrée qui est tout. Et concentré par qui? C’est là toute la question…

    Certains s’en sont bien aperçus et, peu convaincus de la génération spontanée du socialisme façon Drucker [Peter, pas Michel, et ce Peter joue avec les mots en disant que le capitalisme de fonds de pension est le socialisme réalisé, en bref], sont très conscients que l’épargne collective n’acquerra de pouvoir que par l’organisation institutionnelle de sa cogestion. Aussi forment-ils le projet de mobiliser les effets d’agrégation selon le modèle bien connu de la représentation syndicale, et de remettre aux partenaires sociaux le contrôle partagé de l’allocation des fonds. La propriété ne redevient-elle pas réelle au moment où la multitude des épargnants s’est trouvé des représentants exerçant en son nom un pouvoir délégué? Rien n’est moins sûr, en tout cas si l’on attend de ce pouvoir qu’il infléchisse la norme actionnariale dans le sens des intérêts des salariés, conformément à la mission qui fait originellement sa raison d’être. Il faut d’abord rappeler toutes ces déceptions de l’histoire américaine récente – au cœur du socialisme réalisé! – en matière de participation syndicale à la gestion des fonds de pension. C’est avec un implacable conformisme que les gestionnaires syndicaux de l’épargne retraite se sont alignés sur les comportements financiers les plus standard, et pour de multiples raisons. D’abord parce que, par un paradoxe maintes fois expérimenté en d’autres circonstances, les gestionnaires syndicaux, pour se faire entendre des dirigeants d’entreprise qui étaient leurs interlocuteurs, se sont épuisés à devenir « crédibles », et, pour être « crédibles », à épouser ostensiblement tous les canons de l’orthodoxie gestionnaire. Ainsi, faire passer le message de leurs mandants exigeait de se faire entendre… et se faire entendre, d’oublier le message – infini détour de production de la respectabilité qui ne parvient jamais à revenir au point de départ de son intention originelle et finit par perdre de vue complètement son projet du subversion initiale. Ensuite, et comme une illustration très concrète de l’illusion individualiste de triompher des structures, de s’affranchir d’un système de contraintes qui dépasse de toutes parts les agents, les pressions de la concurrence dans le champ de la gestion institutionnelle ont presque immédiatement anéanti les velléités de faire valoir des critères hétérodoxes. Et sous peine de voir fuir l’épargne dont la gestion leur était confiée vers da’utres emplois mieux rémunérés, les fonds syndicaux se sont rapidement alignés sur les pratiques les plus rentables, au prix et au mépris de toutes les clauses « socialement responsables » dont ils auraient voulu tempérer les rigueurs de la gestion financière.

    Il faut redire les méfaits de l’illusion volontariste, et particulièrement en ce domaine de la gestion institutionnelle où le poids des structures s’alourdit à mesure que s’approfondit la division du travail financier. Car il y a belle lurette que les fonds de pension ne gèrent plus eux-mêmes en direct l’épargne dont ils ont les dépositaires – le feraient-ils qu’on ne pourrait y voir la raison suffisante d’une conversion sociale de leur gestion. Comment imaginer a fortiori que cette conversion puisse survenir quand il s’agit de modifier les comportements non pas d’une seule institution mais de toute une chaîne d’intervenants, presque tous étrangers aux logiques de l’action syndicale? Au fil de son développement, le champ de la gestion institutionnelle a été le lieu d’une dynamique extrêmement intense de la division du travail. La démultiplication des intermédiaires spécialisés y a allongé le détour de production financier jusqu’au point de rendre parfaitement utopique la translation coordonnée de tous ces acteurs vers une nouvelle norme de gestion redéfinie de l’extérieur. On voit ainsi s’accroître le nombre des prestataires s’interposant entre la mise à disposition de l’épargne des salariés et son transfert aux entreprises. Le fonds de pension est bien sûr le premier de ces intermédiaires, mais de plus en plus retiré sur une fonction de collecteur et de délégataire. Le maillon suivant passe par un cabinet de conseil spécialisé à qui revient la charge de définir les principes stratégiques d’investissement et de sélectionner le gérant, opérateur effectif de l’allocation des fonds. Encore faut-il mentionner la présence de prestataires de second rang, gravitant à la périphérie de cet axe central de la délégation, les uns centralisant l’information en provenance des entreprises et fournissant des conseil de politique de vote en assemblée générale (cabinet dits de « proxy »), les autres organisant la communication financière des entreprises et assurant la remontée vers leurs clients des opinions des investisseurs, les troisièmes – les analystes – fournissant à la communauté des gérants études financières, prospectives et conseils de vente ou d’achat, par secteur et par entreprise, etc. Le propre de cette chaîne en constant allongement tient à ce que chacun des acteurs qui la constituent est implacablement soumis à un système de classement (ranking) et de notations, établissant sa performance relative à l’égard de la moyenne de ses homologues (benchmarking). Ainsi la finance devient-elle un univers où l’obsession classante atteint ses sommets, et d’un bout à l’autre de ce champ ce ne sont que palmarès en tous sens qui n’en finissent pas de classer, au risque d’une divergence itérative à l’infini puisqu’on se met désormais à classer également les classeurs… Comment peut-on imaginer un seul instant promouvoir une norme de gestion révisée, qui consentirait à des moindres gains pour faire prévaloir des critères sociaux, dans ces conditions où la multitude incoordonnée des acteurs de la finance ne vit que dans la hantise commune de l’underperfomance et de la rétrogradation? »

    J’arrête là la citation. Ensuite vient le tour « des faux-semblants de l’actionnariat salariés »…

    Par ailleurs on trouve des choses tout autant intéressantes dans : « La finance mondialisée: racines sociales et politiques, configuration, conséquences », sous la direction de François Chesnais, aux éd. La Découverte, coll. Textes à l’appui / économie, 2004.

    Greenspan n’a-t-il pas dit que de faire croire au plus grand nombre que d’être propriétaire était possible, alors qu’un petit propriétaire n’est jamais que la propriété d’un plus grand propriétaire…, parce que c’était la le liant d’une société basée sur le droit d’être propriétaire des moyens d’existence d’une multitude d’autres? Enfin, pardonnez ma façon de m’exprimer un brin personnelle…

    En plus, il me semble que bien souvent les salariés n’ont pas tout à fait le choix d’épargner et de le faire dans le cadre des fonds de pension, non? Pour ce qui est de la Suisse, le pire c’est que les citoyens-nnes ont voté pour s’offrir le droit à un « 2e pilier », qui est une retraite par capitalisation individuelle…

    Je simplifie certainement beaucoup, mais nous sommes trop nombreux à accepter que le but est de construire un bateau trop petit et de tenter t’y monter et tant pis pour les autres! Même si nous avons de fortes probabilités pour ne pas arriver à y monter… Mais ce qu’ils sont beaux et forts ceux qui y arrivent!

    « Aux armes citoyens » peut-on lire parfois sur ce blog. Je ne sais pour vous, mais pour aller me frotter aux armes d’en face, il va falloir que mon frigidaire soit bien plus souvent vide, et qu’il n’y ait plus aucun courant pour le faire fonctionner (et avant cela qu’Internet ne soit plus)… C’est sûr que des solutions j’en vois de moins en moins, ce doit être parce que je suis encore bien trop vert… et que j’espère qu’il en existe, des solutions, ô puissance de la croyance!

    Et donc, merci de continuer à réfléchir, ça m’aide à garder mon calme… et à m’intéresser aux blues, par exemple, une valeur qui monte, je crois bien…

  9. Avatar de Noviant
    Noviant

    Rebondissant sur le texte de Paul et le propos de « Le fils d’Ariane » (ou du fils d’Ariane ?…)

    En effet ce qui est important, car c’est la cause fondamentale du dysfonctionnement du système monétaire, se ne sont pas les intérêts en soi que les banques prélèves quand elle prête l’argent des déposants, mais peut êtres les même intérêts quant elle crée la monnaie par le crédit dans le système de réserve fractionnaire. A 10% de réserve il faut 1000 à la Banque pour faire un crédit de 10000 sur le quel à 5%/an elle va prélever 500 par an. Soit réaliser un rendement financier de 50% sur la base de sa réserve utilisée.

    Un rendement qui pose problème, un rendement injustifiable, un rendement qui est à l’origine de l’enrichissement colossal des actionnaires des banques.

    Pourquoi doit-on tourner autour du problème et tenter par des démonstrations et exemples incomplets, mélangeant torchons et serviettes, à vouloir trouver que les intérêts demandés par les banquiers qui prêtent l’argent de leurs déposants ne sont pas coupables ?
    Forcément ils ne le sont pas dans ce cas ci. Ils ne le sont que pour les intérêts composés demandés pour de la création monétaire réalisé avec un dépôt de réserve en Banque centrale de 10%.

    Suis-je le seul à penser que Paul ne veux pas intégrer dans ses analyses cette problématique. Dans le cas de la création monétaire l’intérêt prélevé devrait aller à l’Etat ou aux Citoyens sans quoi c’est l’intérêt devient un outil de prélèvement de richesse dans un système ou l’exclusivité de la création monétaire est faire par les banques rivées et ou aucun mécanisme ne créé la valeur nécessaire au paiement de ces intérêts.

    C’est pourquoi il faut rendre aux états le pouvoir de création monétaire (avec ou sans intérêts ne change rien quand celui-ci lui revient.)

    C’est en 1973 au Canada et en France, et en 1913 aux USA que les Etats ont perdu se pouvoir. Et c’est depuis ces dates que leurs dettes explosent.

    Qu’en pensez-vous ?

  10. Avatar de leduc
    leduc

    No one is innocent, …. enfin, presque 🙂
    Notre époque est tellement imprégnée de l’esprit matérialiste, caractérisé par l’individualisme, l’avidité, la cupidité, l’égoïsme, et tous les termes qui peuvent qualifier cette tendance à en vouloir toujours plus pour soi quelque soit le prix pour les autres.
    Les riches investisseurs sont coupables, qu’ils gèrent leur fortune eux-même ou bien qu’ils la confient à des gestionnaires et des fonds de gestions. Quand on possède des millions de dollars ou d’euros, il est totalement futile d’exiger les taux de rendement les plus élevés possibles, cela vaut pour à peu prêt tout le monde, tous les investisseurs, individus, les entrepreneurs qui prennent leurs ordre, sociétés de gestions de fonds, et tous les avatars de hedge funds et divers autres fonds.
    Les entrepreneurs financiers, que ce soient des gestionnaires de fonds en tous genres, que ce soient des banquiers, ils sont fautifs lorsqu’ils prennent des risques inconsidérés, lorsqu’ils font des paris sur l’avenir avec l’argent des autres. Qui a t’il de plus absurde et dangereux que le système des ventes à découverts où certains gestionnaires vont parier de se faire une fortune au dépend des déboires d’une entreprise, allant parfois jusqu’à provoquer une faillite dans les cas ultimes.
    D’une manière générale tous les entrepreneurs au sens large du terme, quelque soit leur domaine d’activité sont coupable lorsque ils sont prêt à tout sacrifier pour payer de confortable dividendes aux actionnaires alors que bien souvent l’entreprise est rentable mais pas suffisamment au yeux des investisseurs : baisse du pouvoir d’achat des salariés, licenciement, délocalisation, etc,
    Je ne discuterais même pas de l’absurdité de privatiser la création monétaire par le crédit au profit des banques commerciales, chose qui devrait être purement et simplement une affaire de service publique tout comme il y a des agences pour l’emploi, la sécurité sociale, etc
    Et encore moins discuter du fait encore plus absurde de laisser le privilège de la création monétaire au sens stricte du terme, de la frappe de la monnaie, de son impression par des banques centrales plus ou moins « indépendantes » comme les politiques s’enorgueillissent à le rappeler. Le cas le plus grotesque étant bien évidemment celui des banque centrales qui sont purement et simplement des banques commerciales déguisées, des cartels de banques commerciales comme la FED.

  11. Avatar de Paul Jorion

    @ Le fils d’Ariane

    Il existe une 3° hypothèse (certitude): c’est que les banques commerciales peuvent ET crééer de la monnaie par le crédit (création comptable), ET prêter certaines sommes qui leur sont déposées dans ce but… c’est étonnant que vous n’ ayez pas pensé à le signaler, alors que tout le monde le sait…

    Ah ! Si tout le monde le sait, tout le monde n’aura aucun mal non plus à nous expliquer comment les deux s’articulent.

  12. Avatar de Noviant
    Noviant

    @ Paul

    Se serait là qu’il y aurait un décalage de compréhension ou un mal entendu. La 3e hypothèse ?

    – 1 Les banques peuvent prêter l’argent en dépôt. Pas d’enjeux, parce qu’il n’y a pas de création monétaire…
    – 2 Les banques prêtent de l’argent créé par le mécanisme du crédit dans un système de réserve fractionnaire. Là il y a création monétaire et deux enjeux :
    – a Dans un contexte ou la création monétaire est l’exclusivité des banques privées, il n’y a pas de mécanisme pour créer la valeur des intérêts payés par les créditeurs aux créanciers. Et donc un endettement toujours croissant, au niveau macro, de tous vis-à-vis des banquiers ayant l’exclusivité de la création monétaire (des états, des entreprise, des individus, etc.)
    – b Les rendements sont énormes… (un enjeu « mineur » et non critique faisant parti d’un problème non fondamental)

    Paul, sommes nous d’accord sur les points 1 et 2, et donc sur l’importance de la 3e hypothèse ? Cette certitude ne fait-elle pas parti d’un consensus large sur votre blog et plus largement dans les débats courants sur la monnaie ?

    Pour répondre à votre question, amha, il me semble que certaines institutions financière ou entreprises n’ont pas le droit de faire de la création monétaire. Et se sont celles-ci qui réalisent des prêts avec l’argent d’un déposant ou d’une banque ayant le droit de réaliser du crédit, et en réalisant une marge sur l’intérêt. Par exemple, Cetelem qui en France réalise ses prêts de cette manière. A vérifier…

  13. Avatar de Charles
  14. Avatar de Charles
    Charles

    Les coupables : S’agirait t’il simplement d’une manifestation très puissante de la violente prédation des états?

  15. Avatar de et alors
    et alors

    réponse non pas à …mais réponse du même type que « Ah ! Si tout le monde le sait, tout le monde n’aura aucun mal non plus à nous expliquer comment les deux s’articulent. »

    … et Paul (en tant qu’anthropologue et sociologue) n’aura aucun mal (non plus) à nous expliquer comment s’articulent (ou se désarticulent) LE COUPABLE …ET SA VICTIME. (j’essaie de jouer le jeu, Paul, sans autre intention que d’essayer d’avancer..)

    En attendant je vous soumets un commentaire qu’aurait pu faire Gregory Bateson (anthropologue lui aussi ) à ce sujet.. (ce n’est pas nouveau, mais ça peut encore servir..) Ensuite GB s’est orienté vers l’épistémologie…

    « Pour revenir à l’histoire, les systèmes avec gain positif, appelés cercle vicieux ou systèmes à escalade, étaient familiers dans le passé. Moi-même, au cours de mes recherches sur la tribu des Iatmul (rivière Sepik, Nouvelle-Guinée), j’avais trouvé que différentes relations entre groupes et entre parents étaient caractérisées par des échanges comportementaux de cette catégorie-là: plus A affichait tel comportement, plus il était probable que B affichât ce même comportement. J’ai qualifié ce type d’échanges de symétrique. Inversement, on pouvait observer aussi des interactions ritualisées dans lesquelles le comportement de B était différent de celui de A mais complémentaire. Dans l’un et l’autre cas, les relations étaient potentiellement soumises à une escalade progressive, que j’ai appelée schismogenèse.

    Je notai à cette époque qu’on pouvait concevoir que la schismogenèse, qu’elle soit symétrique ou complémentaire, conduisît à l’emballement puis à la rupture du système: à chaque échange, il y avait un gain positif et un apport d’énergie provenant du métabolisme des personnes concernées, suffisants pour détruire le système dans un accès de rage, d’avidité ou de honte. Il faut peu d’énergie à un être humain pour détruire ses semblables, ou l’agencement d’une société.

    (p 111)

    ***

    Le travail que j’ai effectué en Nouvelle-Guinée s’appuyait, dans une large mesure, sur le livre de Ruth Benedict, Patterns of Culture (…). Benedict a essayé d’élaborer une typologie des cultures en employant des termes comme apollinien, dionysien et paranoïde. Dans Sex and Temperament et dans Naven, nous avons tenté de caractériser, plutôt que des configurations culturelles, des personnes, les membres des cultures que nous étudions. Nous y employons toujours des termes en rapport avec ceux de Benedict car elle empruntait en fait ses typologies au langage qui sert à décrire les personnes. J’ai consacré, par exemple, un chapitre entier de Naven à essayer de classer les personnes en tempéraments « cyclothymes » et « schizothymes (*) », selon la vieille méthode de Kretschmer. Je considérais cette typologie comme une carte abstraite sur laquelle je disséquais mes descriptions des hommes et des femmes iatmul.

    Cette façon de disséquer, en particulier la différenciation des types de comportement des deux sexes qui aurait été étrangère à la conceptualité de Patterns of Culture, nous a éloignés de la typologie pour nous rapprocher des questions de processus. Il devenait évident de considérer les données iatmul comme illustrant bien ces interactions entre hommes et femmes, qui créent entre eux cette différence d’ethos – concept fondamental de ma propre typologie des personnes. Je cherchais donc à voir comment le comportement des hommes pouvait susciter et déterminer celui des femmes et réciproquement.

    Bref, je suis passé d’une classification (ou d’une typologie) à une étude des processus qui engendrent les différences prises en compte par la typologie.

    L’étape suivante était le passage du processus à la typologie des processus. J’ai donné à ces processus le nom générique de schismo-genèse, et après leur avoir donné un nom, je les ai classés. Il apparut alors qu’une dichotomie fondamentale devenait possible. Les processus d’interaction à même de provoquer la schismogenèse (c’est-à-dire, en premier lieu, déterminant un caractère chez les individus, et, au-delà, créant une tension intolérable) pouvaient en effet être classés en deux grandes catégories: ceux qui étaient symétriques et ceux qui étaient complémentaires. J’ai appliqué le terme symétrique à toutes les formes d’interaction qu’on pouvait décrire en termes de compétition, de rivalité, d’émulation mutuelle, etc. (c’est-à-dire un type d’interaction où tel comportement de A suscite chez B un comportement semblable qui, à son tour, provoque chez A un nouveau comportement semblable, et ainsi de suite. Si, par exemple, A s’engage dans de la vantardise, B répondra par une plus grande vantardise, etc.).

    Par opposition, j’ai appelé complémentaires les séquences d’interaction où les actions de A et de B sont différentes mais s’adaptent l’une à l’autre (par exemple, domination-soumission, exhibitionnisme-voyeurisme, dépendance-assistance). J’ai remarqué que ces relations binaires pouvaient également être schismogéniques (par exemple, la dépendance pouvait faire naître l’assistance, et réciproquement).
    A ce point, j’avais une classification ou typologie, non pas de personnes, mais de processus, et il était naturel de se demander, à partir de cette classification, ce qui engendrerait des interactions entre les processus en question.

    Que se passerait-il lorsque la rivalité symétrique (elle-même engendrant une schismogenèse symétrique de compétition excessive) serait combinée à une dépendance-assistance complémentaire ?

    Je peux vous affirmer qu’il y avait des interactions fascinantes. Il s’avéra par exemple que les thèmes d’interaction symétrique et complémentaire s’annulaient – s’annulent – mutuellement (c’est-à-dire qu’ils avaient des effets mutuellement opposés sur la relation), si bien que, lorsque la schismogenèse complémentaire (par exemple, la domination-soumission) va un peu trop loin, un peu de compétition vient réduire la tension et qu’inversement, lorsque la compétition va trop loin, un rien de dépendance soulage. (…)

    *. Ces termes quasiment inusités aujourd’hui, dérivaient de l’opposition entre les psychoses maniaco-dépressive et schizophrénique. Le terme cyclothyme désignait le tempérament des personnes qui, selon Kretschmer, étaient enclines à la psychose maniaco-dépressive; tandis que schizothyme désignait le tempérament des schizophrènes potentiels. Voir Kretschmer, Physique and Character, Londres, Kegan Paul, 1936, ainsi que Naven (chap. Xll, p. 173-183).

    p 197/198
    Gregory Bateson La nature et la pensée Seuil 1984

    (merci Rumbo)… et les autres…

  16. Avatar de rukin

    Paul,

    Une micro-contribution en forme de suggestion, à moins que ce ne soit l’inverse.

    Je pense qu’il serait bon d’éviter ou de préciser une phrase telle que: « Vous vous penchez sur l’histoire de l’économie et vous constatez avec tristesse que toutes les tentatives d’éradication des intérêts se sont soldées par un échec. »

    En effet, que penser de la généralisation de ce type d’énoncé à d’autres tentatives ?

    Est-ce définitivement définitif docteur ? 😉

  17. Avatar de bob
    bob

    Chaque mouton fait parti du troupeau et les petites histoires font la grande.
    A moins d’être un black sheep.

    http://www.youtube.com/watch?v=GQCYG0C89uk

  18. Avatar de benoit
    benoit

    Moi je le trouve drôle le billet de Paul !
    Impitoyable.

    En somme, si je comprends bien, arrêtez-moi si je dis des bétises, les coupables, puisqu’il faut qu’il y en ait quelque part, « ailleurs » (sinon il faudrait parler de soi, et cela serait un peu nombriliste, pas très élégant, ni très convenable, non ?), les coupables donc, doivent nécessairement se trouver en dehors du groupe de ceux qui écrivent sur le Blog de Paul. Jusqu’ici, c’est juste, non ? Je raisonne bien ? Je vous demande de me guider, pass’que j’ai pas trop l’habitude, moi. Raisonner juste, thèse, antithèse, Socrate, Saint thèse. Moi qui n’est pas fait d’études, je suis un peu béotien en logique.

    Parce que nous…

    Je veux dire, nous qui sommes regroupés derrière le panache blanc du Chevalier Jorion, nous faisons nécessairement partie du gratin moral de l’humanité, n’est-ce pas ? Nos caractéristiques : indignés bon cela va sans dire, petit label d’innocence auto-gratifiant, touche de vertu qui sied bien à nos tempes grisonnantes, il nous faut également, pour appartenir à cette élite cervicale, s’efforcer d’être… intelligents, brillants (il y a un rang à tenir : le « meilleur blog du net », c’est pas rien !), …incorruptibles (les Elliot Ness de la monnaie), et enfin (et surtout)… déterminés à trouver LA solution que le monde entier, Zoulous et Papous compris, nous supplie de trouver tout en retenant sa respiration (de là l’origine de la chute de la consommation, ce qui explique le passage de l’inflation à la déflation en quelques semaines ces derniers mois, c’est à dire au plus fort de l’activité du blog, alors que tous les experts prédisaient logiquement une inflation à deux chiffres).

    Mais chuuut…

  19. Avatar de bob
    bob

    @ Ben
    C’est pas grave si tu comprends pas, l’essentiel c’est d’être toi même et te forger ta propre conviction avec tes moyens et ton courage.
    http://www.youtube.com/watch?v=GQCYG0C89uk&feature=PlayList&p=0C742FA906E17765&index=0&playnext=1
    Un black sheep n’a pas fait ni HEC ni l’ENA.

  20. Avatar de oppossum
    oppossum

    Face à la facétie impitoyable de Paul, plusieurs dérobades sont possibles

    – Les vrais coupables sont les gestionnaires de fonds (On savait ce qu’ ils faisaient M’ssieur)

    – Les vrais coupables sont bien les épargnants car ils ne vont pas ‘surveiller’ ce que font les gestionnaires (Bon alors fais le travail à leur place, tant qu’à faire)

    – Ne regardons pas l’histoire ‘historique’ de l’intérêt et ne réfléchissons pas sur le fait que c’est une constante malgré les interdictions religieuses (évidemment c’est plus pratique pour se drapper de positions idéalistes)

    – Distinguons la bon taux d’intérêt des banques de dépot , du mauvais intérêt des banques commerciales : mais comment réaliser des taux différents sur un même marché ? Si l’argent est quasi-gratuit dans le secteur du ex-nihilo … qui ira alors emprunter dans le secteur du dépot , plus cher : et donc plus personne n’épargnera.

    – Condamnons l’idée , au dela de l’intérêt lui-même, de tout profit … : effectivement cela résoudrait pas mal de problème mais je me demande alors où sera l’idée d’épargner un peu pour maîtriser son outil de production, quel motif on aura de se lancer dans des entreprises risquées ou de grande envergure . Il ne restera que le système communiste pour redonner un peu de dynamisme à cette organisation aux motivations atones.

    Bien entendu, on va m’opposer ici la dynamique du ‘gratuit’ , du don etc …. : je sais qu’elle existe -heureusement- , mais elle existe lorsque le système dégage des marges de profit qui permettent de façon structurelle et invisible de ‘financer’ ce gratuit.

    – Enfin, derniere antienne à la Etienne : nationalisons le crédit . Effectivement le problème de l’intéret et du profit sont alors évacués , car même s’ils existent, de toutes açon ils vont -en principe- à la collectivité , donc -en principe-, au bien et au profit de tous.
    Là deux optiques :
    a) le secteur du crédit est nationalisé mais la logique reste la même et je ne vois pas en quoi cela changera fondamentalement les choses : certains excès seront moins importants mais la collusion Etat/Finance produira d’autres scandales, laisser-aller, ou connivences discrètes et rentes de situations baronnières. (L’Etat c’est aussi des hommes)
    b) Ou bien la logique du crédit fait place à une autre logique du style ‘plan’ et on change de système de société : ça peut-être un choix : bien revoir son histoire, sa géo et sa philo avant de s’y lancer.

    Et pour finir deux remarques :

    A) L’argent gratuit n’a pas de sens : s’il existe plus d’intérêt conséquent, personne n’épargnera et ne prêtera et donc cela rendra indispensable le mécanisme ex-nihilo car il faudra bien tirer l’argent de quelque part.
    Nous serons alors un peuple de pur consommateur (j’ai rien contre, à priori, je suis plutôt cigale que fourmi) , mais la propriété des moyens de productions sera laissé à l’instance (agent éco/Etat) qui a pris les risques d’investir , donc nous aurons alors soit un système communiste d’appropriation des moyens de production (revoir histo-géo-philo) , soit un capiltalisme familial (plus besoin de la vilaine bourse) qui, et je dit ça sans rire, présente une stabilité supérieure au capitalisme boursier.
    Je rapelle que dans le système français (en belgique je sais pas) les entreprises sont bien moins tributaires de la bourse que dans les système anglo-saxon plus ouverts à l’idée de ‘démocratie’ boursière.
    En France on préfère l’autofinancement : l’investissement crée son épargne forcée après coup, ponctionnée au travers du prix de façon impitoyable et nécéssaire (L’investissement créant irrémédiablement sa contrepartie en épargne -l’inverse n’est pas vrai) : le consommateur a financé un bien qui lui échappe.

    Le tour de passe-passe est bien plus puissant que le misérable intérêt !

    B) Effectivement les banques commerciales ont un pouvoir exorbitant, en théorie, mais il est bordé par
    – la concurrence (on aura beau blablater elle existe bien réellement)
    – les fuites
    – la nécéssité de se provisionner en monnnaie Banque centrale

    De plus, même si parfois, les ‘profits’ dégagés sont choquant, d’autres fois ces banques font face à des pertes colossales qui ne sont supportables que par un mécanisme de mutualisation interne.

    Enfin, même si en temps normal , les banques sont grassouilletes , même si le cas de la FED est historiquement particulier, je n’observe pas que les petits actionnaires des banques soient les maîtres du monde.

    La mauvaise répartition des richesses ne passe pas essentiellement par l’intérêt.

    PS/ En disant tout ça je ne cherche pas à dédouaner la finance de sa responsabilité dans la crise actuelle. Je suis comme vous un ‘scandalisé’ … (mais quant on y refléchit bien, on est nombreux à l’être, ‘sandalisés’ …) , mais un scandalisé sceptique.

  21. Avatar de Shiva
    Shiva

    Bravo Paul, en amalgamant les intérêts perçus par les actionnaires des banques en paquets d’obligations à destination des « investisseurs, les épargnants, les pourvoyeurs en capital, c’est-à-dire les « capitalistes » » vous avez réussi à diluer la culpabilité de quelques uns dans un « groupe énorme, diffus à l’intérieur de l’ensemble de la population ».

    Plus sérieusement, il me semble que le débat moral sur les intérêts doit être abordé au regard de l’activité bancaire dans son ensemble et dans sa zone monétaire. les bénéfices d’un établissement de crédit n’étant pas limités à la gestion des prêts et dépôts; par exemple pourquoi préférer la revente d’un titre de crédit, quitte à le racheter sur un marché obligataire, plutôt que d’attendre sagement le retour du capital et des intérêts ?
    De plus ce débat mériterait d’être chiffré; quelle est la marge nette globale de l’ensemble des crédits ? combien de personnes se partagent ces bénéfices, combien se partagent 20% de cette somme, combien 5% ?
    Si on devait se rendre compte que 3% se partagent 40% des intérêts nets le problème moral serait différent que si on constatait que les 3% (qui perçoivent les plus gros bénéfices) se partagent 9% (même si la somme est énorme). Les rapports sont très importants.
    Le problème moral, selon moi, ne provient-pas de l’enrichissement en soit, mais de l’accumulation démesurée d’une masse de richesses inutilisables par un seul homme, au détriment des autres acteurs de l’économie (famines, misères). La monnaie produite par l’économie qui ne « retourne » pas à l’économie réelle, et s’accumule dans un « ailleurs » financier est un parasitage destructeur.
    Les petits porteurs de M. Abadie ou les gros capitalistes qui investissent leur monnaie (à travers le système bancaire) dans des moyens de production de biens et de services ne sont donc pas en cause puisqu’ils contribuent à irriguer la création.

    La moralité du système du crédit+intérêts, même pour l’hypothèse (1) me semble être à vérifier dans ses les niveaux d’accumulation de richesses improductives, car non redistribuées, qu’il produit.

    La banque prête « ex-nihilo » soit, à 5% avec une inflation à 3,5%, en étant obligée d’emprunter sur le marché monétaire à 3,5% une partie des liquidités captées par les dépôts de réserves, les frais de gestion, de personnels…
    A mon humble avis, de petit scarabée, le crédit (même « ex-nihilo ») c’est pas l’activité qui rapporte 15% de dividendes aux actionnaires de la banque…

    Pour finir; sur la culpabilité, il me semble que dans tous les cas le terme est « fort » en tout cas juridiquement parlant puisque tout bon créateur de crédit ex-n. ou pas agit dans un cadre démocratique.
    Si la banque est coupable d’agir légalement, c’est que l’état qui a fabriqué cette « légalité » est coupable et donc, soit la démocratie n’existe pas, soit nous sommes tous coupables.

    Ce qui est possible.

  22. Avatar de Shiva
    Shiva

    Oops !

    C’est juste le « très » de « très important » que je voulais mettre en gras !

  23. Avatar de Étienne Chouard

    L’argument de la CONCURRENCE
    entre les banques commerciales
    est-il PERTINENT (et RASSURANT) ?

    Cher Oppossum,
    (Est-ce que le mot oppossum a un sens, avec deux p ?)

    Vous dites :

    « B) Effectivement les banques commerciales ont un pouvoir exorbitant, en théorie, mais il est BORDÉ par :
    – la concurrence (on aura beau blablater, elle existe bien réellement)
    – les fuites
    – la nécessité de se provisionner en monnaie Banque centrale

    J’ai lu ça cent fois dans les manuels, effectivement.

    Pourtant, depuis quelque temps, je formule en moi-même une objection, à laquelle je n’ai pour l’instant pas de réponse, mais vous m’aiderez peut-être…

    Je vous invite donc à blablater un peu avec moi 😉
    ____________________________

    Pour justifier le privilège de création monétaire consenti aux banques commerciales, on met souvent en avant le fait que ce privilège n’est pas sans limite.

    Première analogie qui me vient à l’esprit : c’est un peu comme si une prétendue « loi » autorisait d’abominables Rapetous à venir – très légalement – piquer de l’argent dans votre poche tous les soirs, OUI MAIS PAS TOUT, donc vous voyez bien que ce n’est pas si grave…

    Pas très convaincante, la justification de « la limite », je trouve.
    Passons.

    La limite – j’ai failli dire la prétendue « limite » – serait, selon les manuels, l’existence d’une concurrence entre les banques, concurrence qui les empêcherait de faire n’importe quoi et de prêter à gogo, par exemple à des clochards (à quoi pensez-vous, espèce de séditieux ?).

    Comment fonctionne cette « limite » ?

    Si je suis une banque (disons que je suis la BNP) qui détient en gros une part de marché des DAV (les dépôts à vue, c’est la monnaie) de 10% (autrement dit, sur 100 € déposés, bon an mal an, 10 € sont déposés chez moi BNP), alors, quand je prête 100 € à un client, je crée 100 « € BNP » et ce client va utiliser ces € pour régler ses achats et, au final, il y a 90 € qui vont quitter mes comptes BNP (le passif de mon bilan) pour échouer sur les comptes de mes concurrents (le passif du bilan des autres banques, la monnaie circule).

    De la même façon mais en sens inverse, chaque fois que les autres banques prêtent (créent) des euros à leurs clients, bon an mal an, il y en a 10% qui font finir sur mes propres comptes (au passif de mon bilan).

    Donc, si nous respectons tous (nous autres les banques) nos parts de marché (si nous prêtons en respectant ces proportions), c’est-à-dire si moi BNP je prête (crée) aujourd’hui 10% (et pas plus) de tout ce qui a été prêté (créé) aujourd’hui, alors, le soir, après la compensation, les comptes des banques entre elles seront en équilibre, personne ne devra rien à personne et donc personne n’aura besoin de monnaie banque centrale pour éponger un déséquilibre.

    Au contraire, si moi BNP, alléchée par quelques demandeurs de crédit très séduisants, j’ai exagéré aujourd’hui et si j’ai beaucoup trop prêté (beaucoup trop créé), si j’ai par exemple prêté (créé) aujourd’hui 30% de ce qui a été prêté (créé) par toutes les banques dans la journée, une grande partie de cet argent nouveau (90% de ces 30%) va fuir mes comptes alors qu’une moindre partie (10% seulement de l’ensemble des prêts de la journée, comme d’habitude) va revenir dans mes comptes, ce qui va me rendre débiteur envers les autres banques, le soir à la compensation.

    Or, quand une banque est débitrice envers une autre banque, elle ne peut pas payer sa collègue banque en « monnaie de singe » : moi BNP, je ne peux pas payer la Société générale en « monnaie BNP », de la monnaie que je créerais ex nihilo comme d’habitude (je ne peux pas parce que je n’ai pas de contrepartie à mettre en face, dans ce cas de figure)…

    Donc, la Société générale veut de la monnaie banque centrale en paiement de ses créances. Or, moi BNP, –heureusement !–, je ne peux naturellement pas créer cette monnaie banque centrale (celle qui me manque parce que j’ai « exagéré » en prêtant (créant) plus que ce que ma part de marché me permettait de faire). Alors, il faut que moi BNP j’emprunte cette monnaie banque centrale (soit à la banque centrale elle-même, soit à une autre banque, la Société Générale si elle veut bien me la prêter, ce qui ne va pas de soi ces temps-ci), et ça va me coûter les yeux de la tête.

    D’où la « limite ».
    ____________________________

    Mon objection :

    Que se passe-t-il SI, INSENSIBLEMENT, PETIT À PETIT, TOUTES LES BANQUES PRÊTENT DE PLUS EN PLUS TOUT EN RESPECTANT GROSSO MODO LEURS PARTS DE MARCHÉ RESPECTIVES (un jour plus, mais l’autre jour moins) ?

    Dans ce cas-là, la compensation annule toutes les dettes tous les soirs, et le besoin en monnaie banque centrale reste nul pour tout le monde.

    Et la « planche à billets commerciale » peut ainsi – progressivement et impunément – tourner de plus en plus vite.

    Non ?

    À mon avis, c’est ce qui se passe depuis des années et (c’est mon objection) cette évolution-là (« tout le monde prête-crée de plus en plus sans que l’un des prêteurs-créateurs ne dépasse – ni significativement ni durablement – les autres ») annule complètement l’argument (déjà passablement frelaté comme je l’ai signalé d’abord) de la concurrence entre banques comme « garde-fou » salutaire, véritable « garant de la vertu » des banques commerciales créatrices de la monnaie (tu parles).

    Rappel : la masse monétaire augmente (sans inflation, notez-le au passage) de plus de 10% par an depuis plus de six ans sur la zone euro.

    Que pensez-vous de cette objection ?

    Au plaisir de vous lire.

    Étienne.

    ___________________

    PS : je ne prône nullement la nationalisation des banques : à mon avis, elles connaissent mieux leur clientèle (individu par individu) que ne le ferait n’importe quelle administration et elles peuvent très bien rester privées si la puissance publique récupère le monopole de la création monétaire. Je suggère seulement de leur retirer (pour le rendre à la collectivité) ce privilège extravagant de percevoir un revenu (l’intérêt) proportionnel à la somme qu’elles créent gratuitement de toutes pièces au moment du prêt, alors que de simples honoraires suffiraient, proportionnels au travail (très modeste en l’occurrence, il me semble) effectué par les banques. Cette mesure mettrait fin à une injustice ruineuse, un revenu sans cause, une rente non nécessaire pénalisant tous les autres acteurs.

    PPS : sur la justification ou pas de l’intérêt (l’intérêt en général, et pas seulement de l’intérêt perçu par les banques, bien sûr), il est évident que les dogmes religieux (que je conchie chaque matin) ne sont pas le seul socle intellectuel possible à une critique radicale de l’intérêt.

    Limiter notre critique à cette genèse-là est réducteur au point d’en être déloyal : il n’y a pas que des imbéciles qui dénoncent à la fois l’injustice et l’inefficacité économique de l’intérêt.

    Je vous prépare (mais c’est long, je vais un peu tarder) des extraits significatifs de l’analyse de Maurice Allais telle qu’il la formulait déjà dans « Économie et intérêt » en 1947 (livre passionnant qui lui a valu le prix dit « Nobel »). Vous verrez qu’il appuie sa pensée sur une description méticuleuse et une critique rigoureuses de nombreux grands esprits passés (pas du tout d’« extrême gauche ») ; ça va vous intéresser, c’est sûr.

    PPPS : je sais que parfois, sur le net, LES MAJUSCULES signifient que l’on crie. Mais ce n’est qu’une convention, une convention qui a comme conséquence de nous interdire à tous l’usage des majuscules, alors que les majuscules permettent aussi d’attirer l’attention sur un point vraiment très important.
    Alors, entre deux conventions, j’ai choisi (librement) la plus courante (en dehors de l’Internet) et comme je ne crie pas, je n’imagine pas qu’on puisse croire que je crie…

  24. Avatar de oppossum
    oppossum

    Shiva

    Ou donc avez vous vu une accumulation de biens qui … s’acumulerait dans un « ailleurs financier » ?
    (Attention je ne vous parle pas de la partie fictive de la richesse que la crise actuelle fait dégonfler)

    Les super riches ont 1,2,3,4,5 biftecks, maisons, maitresses, bateaux, avions … et après le reste , tout le reste qui est l’essentiel , est dans l’économie réelle !
    Comme ils ne sont pas très nombreux , ces super-riches, il n’y a donc, en superflu pas grand chose à prendre et à partager (même si c’ est mieux que rien . Mais après on n’aura plus de riches … ni de pauvres d’ailleurs : on sera tous à la fois riche et pauvre ) !

    Par contre on pourrait se partager leur richesses concentrées dans l’économie réelle (et pas « ailleurs ») … à condition qu’on sache transformer l’outil de production de l’économie réelle en liquidité pour le distribuer ….
    Ou bien alors … on nationalise … nous serons alors tous propriétaires de nos outils au travers de l’ Etat, sans être concrètement bien plus riches …

    Je dis ceci tout en pensant qu’effectivement il y a un problème de répartition (qui n’a pas arrangé les choses) , des profits et des revenus , depuis les années 80 , auquel ont participé aussi bien les gouvernements de droite comme de gauche (Attali et les suivant y compris ) , que tous ont camouflé par des déficit budgétaires et des emprunts et du crédit conso facile et démocratique !)
    Encore que cette disparité soit en réalité atténuée par le fait qu’une partie de cette richesse était virtuelle , car due à un excès de crédit et à des bulles !

    Pour les reste …. même si vous ne tombez pas dans le reflexe aunti-banque pavlofien, n’oubliez pas que le petit 5% (même amputé de l’inflation, du prix de la fraction de liquidité à acquérir etc …) n’est pas à raporter à la somme totale prêtée (ex-nihilo, et donc qui peut être jusqu’ à 10 fois les fonds ‘propres’) , mais à la valeur de la banque … donc cela peut représenter un % beaucoup plus élevé … (sur lequel, on peut parfois poser des questions)

    Ceci dit pour ne pas trop ‘blanchir’ nos amis les banquiers … et leurs actionnaires

  25. Avatar de Paul Jorion

    @ Noviant

    Votre hypothèse 3 (qui combine 1 et 2) ne peut pas exister parce que le mécanisme supposé par votre hypothèse 2 n’existe pas lui-même :

    2 Les banques prêtent de l’argent créé par le mécanisme du crédit dans un système de réserve fractionnaire.

    Le système de réserves fractionnaires permet aux banques commerciales de prêter une partie des dépôts mais il ne crée pas d’argent.

    Les intérêts vont logiquement aux investisseurs : aucun miracle n’intervient qui fasse que les intérêts aillent plutôt aux banquiers (les banquiers gagnent bien entendu de l’argent mais c’est autrement : en prélevant des commissions, en spéculant sur fonds propres, etc.)

  26. Avatar de oppossum
    oppossum

    Etienne, merci de votre lecture attentive.
    Je vais tâcher de vous formuler une ébauche de réponse (dans la mesure de mes moyens ‘premiers’). A bientôt.

  27. Avatar de Loïc Abadie
    Loïc Abadie

    Bonsoir,
    Je pense aussi que le versement d’intérêts (donc le crédit) est nécessaire et bénéfique. Sans eux personne de censé n’accepterait de prêter son argent et les investissements de long terme ne pourraient avoir lieu. Même en finance islamique, ces intérêts refont surface sous forme détournée (montage de capital-risque assimilables de fait à du crédit). Et ce crédit doit rester l’affaire du privé, faute de quoi on donnerait aux états un droit de vie et de mort sur tous les opérateurs économiques ayant besoin du crédit…et on reviendrait bien vite aux dictatures socialistes.

    Pour le reste :
    clairement la 2ème hypothèse « les banques sont de simples intermédiaires » n’est pour moi pas valide.
    Dans le cas d’une banque intermédiaire, le client X ayant 10000 euros serait contacté par la banque Y. Elle lui demanderait si il est intéressé pour prêter de l’argent à l’emprunteur Z, et si X répond oui (et seulement dans ce cas), les 10000 euros disparaîtraient de son compte pour être transférés sur le compte de Z, et en fin d’opération X serait remboursé et partagerait les intérêts avec sa banque.
    Nous sommes alors dans un système à réserve pleine et il n’y a pas de création de monnaie, juste des transferts.

    Dans le système actuel, la banque Y prête les 10000 euros de X sans lui demander son avis, ne lui verse au final aucun intérêt sur son compte courant, et les 10000 euros restent en théorie sur le compte de X, la banque espérant simplement qu’il n’y aura pas trop de déposants venant réclamer au même moment leur argent. De la monnaie temporaire étant créée de toutes pièces à cette occasion, et se trouve disponible pour alimenter une spéculation excessive si elle est surabondante.
    Ce n’est pas ce que j’appelle une « intermédiation ». Dans une vraie intermédiation, le médiateur discute avec les deux parties, et les mouvements d’argent sont clairs !

    Maintenant est-ce que cela fait des banques les « coupables » ? La réponse est pour moi non. Si le système actuel de réserve fractionnaire existe c’est qu’il y a un large consensus social en sa faveur pour le moment. Rien n’interdit en effet à une banque de ne prêter qu’avec l’accord des déposants, en transférant l’argent créé au lieu de créér de la monnaie temporaire. Dans ce système, 100% des emprunteurs peuvent faire défaut, cela ne posera pas de problèmes à la banque, et aux déposants qui ont choisi de ne pas prêter leur argent. C’est ce que j’appelle une banque « Rothbardienne ».
    Si de telles banques n’ont pas vu le jour jusqu’ici alors qu’aucune loi ne l’interdit, c’est qu’il n’y avait pas de demande sociale dans ce sens : Nous approuvons donc tous de fait le système actuel !

    Pourquoi d’ailleurs chercher à tout prix un « coupable » (si ce n’est pour se dire « ce n’est pas de ma faute ») ?
    Le coupable initial (si l’on peut dire) réside dans la nature grégaire des hommes (sans doute d’origine génétique et sélectionné comme avantage évolutif). C’est cette nature grégaire qui était bénéfique à l’époque paléolithique qui ne l’est plus du tout dans le monde financier : elle pousse les opérateurs à acheter parce que d’autres achètent et à vendre parce que d’autres vendent.
    Ce comportement grégaire et irrationnel a été démontré par de nombreuses expériences de marchés fictifs, y compris sur des étudiants en économie à priori très avertis. Le fait d’être libéral ne m’empêche évidemment pas de reconnaître cette évidence, et la théorie des marchés rationnels n’est d’ailleurs pas partagée par tous les libéraux (loin de là).

    Tout le monde est donc « coupable » (si l’on peut dire) des excès actuels, en particulier les états qui ont poussé à l’endettement et incité les banques à prendre des risques extrêmes. Mais là encore, les états ne sont au final que l’émanation de la foule qui plébiscite les politiques de fuite en avant dans le crédit.
    Le « coupable », c’est la dynamique de groupe qui s’empare de différentes « foules » : ménages, cadres des banques, responsables politiques…etc.

    A partir de là

    – Soit on maintient le système actuel de réserve fractionnaire avec capacité de production de crédit quasi-illimitée, et de grands cycles bulles/implosion s’enchaîneront quelles que soient les règlementations imposées à la spéculation (l’excès de liquidité issu d’un crédit incontrôlé trouvera toujours une issue où se « placer »).

    – Soit on passe à un système de réserve pleine (ou dans un premier temps, par prudence, à un système de réserve fractionnaire très encadré, avec des leverage ratios très limités pour les banques, comme j’ai eu l’occasion de le détailler). Il y aura encore de petites bulles spéculatives (la nature humaine étant ce qu’elle est), mais au moins elles n’auront pas la possibilité de grossir exagérément et de faire de gros dégâts vu qu’elles n’auront pas de « carburant-crédit » en quantité suffisante pour cela.

    Sur la spéculation pour finir, je pense qu’il faut distinguer deux types de spéculation :

    – La spéculation rationnelle, qui consiste à acheter un actif sous-évalué après une étude détaillée de ses fondamentaux et du rendement qu’il offre, ou au contraire à vendre un actif surévalué, en recherchant des anomalies de marché par rapport aux normales historiques sur le très long terme. C’est en général ma démarche (je revendique le droit de « spéculer », c’est à dire de pouvoir acheter et vendre librement des actifs pour me constituer un patrimoine)
    Les « rationnels » (je pense en faire partie) vont souvent à l’encontre du sentiment de foule dominant, et se méfient dès qu’ils voient un large consensus se développer.

    – La spéculation irrationnelle, qui consiste à acheter un actif simplement parce qu’il « a monté » et à le vendre parce qu’il « a baissé » en dehors de toute étude fondamentale. C’est cette spéculation qui est à l’origine des bulles.

  28. Avatar de Noviant
    Noviant

    @ Paul

    Merci Paul ! Grâce à votre réponse j’ai du approfondir mes recherches et croiser plusieurs sources d’informations pour en découvrir une erreur dans ma compréhension du système de réserve fractionnaire. Car même si se sont les crédits (i.e. prêts) qui augmentent les dépôts, les banques ne peuvent pas prêter plus que leurs dépôts moins la réserve fractionnaire. Je pensais qu’elles pouvaient mettre jusqu’à la totalité de leurs dépôts en réserves, et faire donc de la création monétaire avec un levier bien plus grand :-/

    Hypothèse erronée :
    Dépôt initial : 100
    Réserve frac. en banque centrale (10%) : 100
    Crédit possible : 1000 (Dépôt/(1/Réserve))

    Hypothèse juste apriori :
    Dépôt initial : 100
    Réserve frac. en banque centrale (10%) : 10
    Crédit possible : 90 (Dépôt – Réserve frac.)

    Il n’y a donc plus de rendements exceptionnels, mais seulement un rendement qui correspond à une marge entre la rémunération des dépôts et l’intérêt du crédit. Il y a néanmoins création monétaire par le cycle vertueux d’augmentation des dépôts par l’augmentation des crédits, etc.

    Mais le problème clef est entier : Si toute la création monétaire est faite par le crédit des banques privées, pour les états, les entreprises et les particuliers, les dettes ne peuvent que s’accumuler pour les débiteurs au bénéfice des créanciers.
    A priori le système monétaire actuel ne crée pas la valeur monétaire nécessaire au paiement des intérêts, d’où l’endettement structurel des acteurs du système en faveur des Créanciers, les banques privées, et les personnes morales ou physiques ayant des créances sur les débiteurs.

    Comme quoi le débat est utile ! Merci encore…

  29. Avatar de Paul Jorion

    On ne me dit : « C’est donc l’un ou l’autre ! » Je réponds : « Non, il existe une troisième voie : celle où je me situe personnellement, voir mon deuxième paragraphe : « Je précise tout de suite que je ne fais pas partie de ces personnes : je considère les intérêts comme un excellent moyen de partager – dans certaines circonstances – la fructification d’un capital entre celui qui a avancé ce capital et celui qui l’a fait fructifier » ».

    Il me reste alors à préciser quelles sont ces « certaines circonstances ».

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