Billet invité
LA JURISPRUDENCE DES PREMIERS CAS-TESTS EUROPEENS
Les tests de deux importants cas-types pour la suite des événements sont en cours en Europe. Après celui de la Grèce, voici venu celui de l’Islande. Dans les deux cas, les gouvernements y sont mis à l’épreuve, pris entre le marteau de leurs engagements internationaux et l’enclume de leur opinion publique. Une question centrale est posée et sa réponse testée : de quoi vont-ils être capables ? Une autre question sous-jacente l’est également : la communauté internationale aura-t-elle, dans les deux cas, les moyens d’imposer ses vues ou devra-t-elle composer ?
En Islande, Olafur Ragnar Grimsson, le président de la République, a finalement décidé de ne pas promulguer une loi votée au forceps et résultant d’un accord gouvernemental avec les Britanniques et les Hollandais, visant à rembourser les gouvernements de ces deux pays du renflouement de leurs 300.000 clients nationaux, lors de l’effondrement en octobre 2008 de Icesave, une filiale de la banque Islandaise Landsbanki. 3,8 milliards d’euros sont en question, soit 40% du PIB annuel du pays. Pis encore, une processus référendaire est annoncée par le président, risquant de donner en cas de réponse négative une assise souveraine à cette remise en question, considéré comme un défaut de signature, c’est à dire un crime impardonnable.
Afin de conduire les auteurs de cette profonde indélicatesse à résipiscence, les grandes orgues ont commencé à chauffer : fermes pression du FMI, dont la dernière tranche d’un montant d’un milliard de dollars de prêt à l’Islande n’a pas été encore versée, obstacles insurmontables prévus à la candidature de cette dernière à l’Union européenne… Dans l’immédiat, les consultations internationales battent leur plein afin de préparer la riposte des Britanniques et d’organiser l’isolement du pays. Sans attendre, l’agence de notation Fitch a abaissé la note de dette à long terme du pays, qui passe de BBB- à BB+, car la décision du président crée selon elle « une nouvelle vague d’incertitudes ». C’est le moins que l’on puisse dire, après la véritable déclaration de guerre effectuée par Paul Myners, le secrétaire d’Etat britannique aux Finances, devant la menace d’un non au référendum : « Le peuple islandais, s’il devait arriver à cette conclusion, dirait en réalité que l’Islande ne veut pas faire partie du système financier international, que l’Islande ne veut pas avoir accès au financement multinational, national et bilatéral et ne veux pas être considéré comme un pays sûr, avec lequel faire des affaires ».
Ogmundur Jonasson, l’ancien ministre de la santé Islandais, opposant de la première heure à la loi en question, a répliqué en déclarant à propos du lancement d’une procédure référendaire : « Il est fondamental pour une société démocratique d’être à l’écoute de la volonté populaire ». Ajoutant: « J’aurai attendu de pays comme la Hollande et la Grande-Bretagne, connus pour leur respect de la démocratie, qu’ils comprennent cela ».
Le cas de la Grèce, qui est pour le moment passé au second plan de l’actualité, est tout aussi exemplaire. Il s’agit là d’amener l’un des plus mauvais élèves de la zone euro à tailler dans le vif budgétaire, face à une opinion publique particulièrement rétive, afin d’engager la réduction de son déficit budgétaire, que nul ne sait chiffrer étant donné la qualité des statistiques économiques grecques. En réalité, c’est moins la discutable capacité du gouvernement grec nouvellement élu de faire réellement face à cette situation qui a fait question, que l’éventualité d’un sauvetage en haute mer du pays par certains pays membres de la zone euro, l’Allemagne en tout premier lieu.
Toute une mise en scène a été organisée, la cause ayant été d’abord trop vite entendue que l’on ne laisserait pas le pays sombrer, pour ensuite créer et entretenir un suspens à ce propos et à la fois pousser dans le dos et donner des biscuits au premier ministre Georges Papandréou. Car la partie qui va commencer à être jouée concerne l’avenir de la zone euro, qui pourrait être mise à mal si une crise financière majeure intervenait prochainement à propos de la Grèce, suivi demain par celle d’un second pays, aussi fragile et soumis aux mêmes pressions financières internationales.
On peut ainsi commencer à lire dans la presse internationale de premiers scénarios catastrophe prédisant pour l’Europe l’éclatement de la zone euro, ou bien la nécessité pour la BCE, afin de l’éviter, de finalement s’engager dans une politique de création monétaire génératrice d’hyperinflation, dernière issue quand tout le reste a été essayé et n’a pas réussi. Ambrose Evans-Pritchard s’en est fait une spécialité dans le Daily Telegrah. De manière plus pondérée, dans le Financial Times, Martin Wolf ne voit pas de manière beaucoup plus optimiste la suite des événements dans cette même zone. Il considère que les pays « faibles », au premier rang desquels il place la Grèce, sont désormais tombés dans une véritable « trappe », n’ayant plus la ressource d’antan de dévaluer leur monnaie pour retrouver de la compétitivité, désormais soumis aux aléas d’aides qui risquent de leur être chichement accordées. Il en tire également comme conclusion que la solidité de la zone euro va être soumise à rude épreuve dans les prochains temps.
L’évolution de ces deux situations nationale va établir une première jurisprudence. Et, dans tout cela, on n’a pas encore parlé de l’Europe de l’Est…
110 réponses à “L’actualité de la crise : la jurisprudence des premiers cas-tests européens, par François Leclerc”