L’idée à l’origine de « Pour une initiative citoyenne dans le domaine financier »

Je trouve particulièrement affligeant que le fait que Corinne Lepage se soit impliquée dans le passé dans le projet du crédit social, en s’étant associée à La Nef, soit invoqué par certains commentateurs comme une raison pour disqualifier par avance toute initiative citoyenne qu’elle pourrait proposer dans le domaine financier, sous prétexte d’un conflit d’intérêt. De telles accusations témoignent à mon sens, du degré de ressentiment et de nihilisme que nous avons atteints dans le contexte actuel du mensonge et de la dissimulation triomphants – et fiers de l’être. Chacun se transforme de nos jours et à sa manière en un Céline fielleux et vociférant. Ce n’est pas un progrès, et ce n’est pas la manière surtout dont nous nous en sortirons.

Oui, le « billet invité » Pour une initiative citoyenne dans le domaine financier est né à la suite d’une conversation que nous avons eue, Corinne et moi, samedi matin. Nous n’avons pas même mentionné La Nef dans cette discussion et je ne divulgue pas un grand secret si je dis que nous parlions de ce que cela impliquerait de rebâtir à partir de rien une « finance citoyenne ». Je ne vous apprendrai rien si je vous dis qu’il s’agirait de revenir aux sources, de revenir à la banque consacrée à la seule fonction d’intermédiation, à l’exclusion de toute spéculation, de tous paris sur les fluctuations de prix.

Il s’agit d’un projet et La Nef n’en fait pas nécessairement partie, ni n’en est d’ailleurs nécessairement exclue. Il se fait que jeudi soir, je débattais, en compagnie de Patrick Viveret et de Charles-Henri Filippi, dans le cadre d’une discussion organisée par le Centre des jeunes, des dirigeants, des acteurs de l’économie sociale et que lors du dîner amical qui suivit le réunion, nous cogitions sur l’avenir du secteur de l’économie sociale, qui n’a pas particulièrement bénéficié du mouvement de rejet qu’a suscitée la crise, le dégoût débouchant sur l’apathie plutôt que sur l’initiative. Or le moment est venu de prendre les choses en main : les politiques préfèrent le connu à l’inconnu et se révèlent incapables de nous proposer quoi que ce soit de neuf. Le Père Noël nous abandonne mais nous ne sommes pas seuls : quatre mille d’entre vous liront ceci d’ici demain à la même heure. Il y a différentes façons de le dire : « Aide-toi et le ciel t’aidera » en est une, « Compter sur ses propres forces » en est une autre. Le message est le même : « Au boulot ! »

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67 réponses à “L’idée à l’origine de « Pour une initiative citoyenne dans le domaine financier »”

  1. Avatar de Karluss

    la vision plutôt holistique de madame Lepage est une bonne nouvelle, j’ai toujours pensé, depuis que je suis « accro » à votre blog (et aux ouvertures d’esprit qu’il propose), que vous devriez finir par faire de la politique. Le projet d’une Constitution pour l’économie aura besoin d’une structure et d’une base démocratique qu’un parti peut vous offrir. Pour ancrer un tel projet, il faudrait une couverture plus large qu’un blog qui ne concerne malgré tout que quelques initiés (rassurez-vous, je ne me considère pas comme tel, et reste un admirateur non fanatique).

  2. Avatar de Hervey

    Vous avez raison pour le coup de sermonner les chahuteurs et les médisants. Corinne Lepage est un esprit libre et responsable.

  3. Avatar de Le Yéti

    Tout à fait d’accord, Paul. Je trouve que trop de beaux esprits ont aujourd’hui un peu trop tendance à disqualifier d’autorité les autres pour justifier leurs propres impuissances, leurs propres démissions, leurs propres manquements. Ça commence à sérieusement bien faire.

  4. Avatar de Piotr
    Piotr

    Je lis et participe à ce blog depuis quelques temps .Il m’arrive également de suivre les interventions des politiques et j’ai l’impression d’un total décalage.Ce sont des mondes pallèles et en géométrie classique chacun sait que les parallèles ne se rejoignent pas.Dès lors ,il ne faut pas s’étonner que l’intervention de Mme Lepage quelque soit son talent et sa sincérité , provoque quelques réactions (disons) hostiles.Je ne prononce pas sur sur cette histoire de NEF dont je n’avais jamais entendu parler ni sur le problême complexe des OGM qui mérite un débat à lui tout seul.Lorsque nous abandonnerons la posture intellectuelle pour rentrer dans le concret des choses,des lignes de fracture apparaitront car contrairement aux apparences nous ne formons probablement pas un groupe homogène,mais une collection d’individu.

    1. Avatar de Nemo3637
      Nemo3637

      Il y a à présent un décalage abyssal entre les « politiques » et de nombreux intellectuels d’un côté et le peuple qui les ignore à peu près totalement de l’autre. Un récent sondage montre le peu d’interêt, voire le rejet, des Français pour les « grandes idées » notamment institutionnelles.
      Il faut bien dire qu’on n’y voit pas d’applications concrètes et de possibles mieux être.
      Qu’on est bête quand même, avec autour de nous tant de gens qui veulent notre bien…

  5. Avatar de Lisztfr
    Lisztfr

    Céline écrit bien. Comme disait mon chef, Céline, c’est une catastrophe à chaque page, et je lui répondais : Oui, mais pas une catastrophe littéraire ! Or ce sont les pires, car l’art comme l’a dit Hugo dans la préface à Cromwell, choisi le vrai et non le beau, ce que l’on sait depuis « les fleurs du mal », entre autres.

    La perspicacité et la vérité, comme Flaubert dans Md. Bovary… Et Céline également.

    Ma connaissance de Céline s’arrête au Voyage, et à son pamphlet contre Sartre (car il faut bien se libérer, et puis Sartre n’est pas un « vrai petit monstre »… ), correspondant à ce qu’Aristophane a pu écrire ainsi que Lucien, « philosophes à l’encan ».

    Nul autre que Louis Ferdinant Céline ne fait comprendre l’absurdité de la guerre, le fait qu’on sacrifie allègrement des jeunes et que l’arrière s’en fiche, que le général est … :

    Les Aztèques éventraient couramment, qu’on raconte,
    dans leurs temples du soleil, quatre-vingt mille croyants
    par semaine, les offrant ainsi au Dieu des nuages, afin
    qu’il leur envoie la pluie. C’est des choses qu’on a du mal
    à croire avant d’aller en guerre. Mais quand on y est, tout
    s’explique, et les Aztèques et leur mépris du corps d’au-
    trui, c’est le même que devait avoir pour mes humbles
    tripes notre général Céladon des Entrayes, plus haut
    nommé, devenu par l’effet des avancements une sorte de
    dieu précis, lui aussi, une sorte de petit soleil atrocement
    exigeant.

    ======

    Céline au moins croyait dans l’art et en plus le Voyage avait l’ambition de changer le monde…

    D’où j’étais là-haut, on pouvait bien crier sur eux tout
    ce qu’on voulait. J’ai essayé. Ils me dégoûtaient tous.
    J’avais pas le culot de leur dire pendant le jour, quand
    j’étais en face d’eux, mais d’où j’étais je ne risquais rien,
    je leur ai crié « Au secours ! Au secours ! » rien que pour
    voir si ça leur ferait quelque chose. Rien que ça leur fai-
    sait. Ils poussaient la vie et la nuit et le jour devant eux
    les hommes. Elle leur cache tout la vie aux hommes.
    Dans le bruit d’eux-mêmes ils n’entendent rien. Ils s’en
    foutent. Et plus la ville est grande et plus elle est haute
    et plus ils s en foutent. Je vous le dis moi. J’ai essayé.
    C’est pas la peine.

    ==============

    J’ai entendu dire que dans le Voyage, l’on voit déjà que Céline est un type d’extrême droite… eh bien.

    S’il avait été fielleux et vociférant, il n’aurait pas crié « au secours ». D’ailleurs Céline a vécu avec une danseuse, il n’était donc même pas asocial.

  6. Avatar de yvan
    yvan

    Bonsoir tous.

    Si.
    Si la « NEF » est transparente au point d’accepter que les déposants élisent (même par suffrage indirect) un responsable qui devra défendre les intérêts de chacun, alors : oui. (et éventuellement si honnêteté)

    Sans aucun besoin ni à intérêt ou à un « financement » extérieur, bien sûr.

    Nous entrons dans une époque de protectionnisme et ostracisme, vous le savez bien. La propagande fut.

  7. Avatar de Verywell
    Verywell

    « …à l’époque des risques globaux la plus imminente et la plus déterminante des catastrophes qui nous menacent est cette mutation anthropologique déjà bien avancée qui peut, en une génération ou deux à peine, transformer l’être humain en être dissocié, faire basculer les sociétés développées dans l’inhumanité de ‘dissociétés’ peuplées d’individus dressées (dans tous les sens du terme) les uns contre les autres. Eradiquer ce risque commande notre capacité à faire face à tous les autres… » J. Généreux

    Si nous ne parvenons pas à dépasser nos divergences alors même que nous nous retrouvons sans doute sur l’essentiel, cela signifie simplement que la doctrine néo-libérale – individu libre et autonome qui jouit seul et plus si son voisin est moins bien pourvu que lui – a simplement eu raison de nous.

    « Ça commence à sérieusement bien faire. » Le Yéti

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Tiens c’est vrai ça, il est passé où Jacques Généreux le bien nommé? Ce que j’ai lu de lui me suggère que cet économiste n’a pas abandonné l’économie politique ni la solidarité.

    2. Avatar de Vincent WALLON
      Vincent WALLON

      Il poursuit le combat au parti de gauche avec M. MELENCHON.

      C’est effectivement un des politiques qui gagne à être connu. Il a été remarquable face à la plume de notre omni-président, entre autre.

      Puisque nous parlons de politique, ce qui est heureux, un dépassement des clivages politiques serait souhaitable, mais un vrai, pas une ouverture de façade (marketing politique).

      Concernant les attaques contre Mme LEPAGE, il s’agit d’un classique lorsque quelqu’un cherche à bouger les choses, on lui ressort ses autres actions passées comme argument de discrédit immédiat, sans se demander si ce dont la personne parle au moment où elle vous parle présente un intérêt.

      Que les plus grincheux et sceptiques lui accordent au moins le crédit de venir sur ce blog partager ses réflexions avec nous, Que l’on reste ensuite vigilant est naturel et sain, mais rejeter d’entrée de jeu ne l’est pas.

  8. Avatar de babypouf
    babypouf

    Bonsoir,

    un temps pour la reflexion et un temps pour l’action, peut être faudrait il deux colonnes à ce blog de façon à ne pas trop mélanger les genres car le discours pour l’action (le politique pragmatique qui rassemble) différe un peu du discours pour la reflexion, ou l’information.

    Cordialement

  9. Avatar de sasquatch
    sasquatch

    le probleme est la bancarisation forcée : si chacun pouvait posseder/gerer son propre compte comme un site web ,il y aurait plus beaucoup de banques de détail : il y aurait événtuellement des courtiers pour négocier les prêts (et avancer les grosses sommes ) mais cela courcircuiterait les intermédiaires qui nous tondent pouar rembourser à nos frais les errements des banques d’affaires irresponsables …

    on a le chauffage individuel , l’eau etc ,alors pourquoi pas la banque ?

    ps : si la croissance n’est plus là c’est contrairement à ce qu’écrit PJ (nan pas pj harvey ^^) ,c’est qu’il faut de l’infaltion qui aide les consmmateurs : une monnaie fixe n’aide que le Capital : pas d’érosion monétaire : massification des capitaux comme les trous noirs (*too big to fail* ,voir le rayon de Schwarchild et la limite de Chandrasekar) ,plus ça va plus j’ais ‘limpression que la mécanique quantique est pertinente ).

    l’individuation de la monnaie est l’évolution logique du crédit ,et bien après ,un revenu universel d’existence apparaitra ,de toute façon on a pas le choix cest ça ou c’est haïti ,ou l’afrique où il n’y a aucune construction ététique possible puisqu’il n’y a jamais eu d’impots !

    pps :d’ailleurs à force de ne plus payer d’impots ,il n’y aura plus de cohésion sociale suffisante en Europe -encore un truc qu’on peut modéliser .

    ppps : Corinne Lepage fait des chroniques sympa sur France Culture mais elle est pas trop crédible en étant millionaire ,si les politiciens pouvaient vivre avec 1500 euros brut comme 80% des français ,y a des choses qu’ils comprendraient plus vite …

  10. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Le contact avec le politique , c’est comme le contact avec le grand capital , ça peut brûler les ailes et la vanité .

    Le dialogue avec Karl Marx est moins périlleux .

    Adieu .

    Jacques Attali a déjà bien avancé le boulot .

    1. Avatar de Vincent WALLON
      Vincent WALLON

      C’est effectivement risqué, hélas.

      Reconnaissons tout de même que la simple réflexion ne risque pas de changer les choses. Nous sommes tout de même dans une période qui bouge vite. Le temps de l’action est là, maintenant, tout de suite. Par ailleurs, il faut des relais pour porter des idées.

      A moins que Paul décide de se mettre au sommet d’une barricade avec la poitrine dénudée. 😉 Désolé, c’est de l’humour irrévérencieux envers Paul et un symbole de la république, mais ce n’est que de l’humour.

  11. Avatar de Emmanuel Haydont

    Note sur la NeF:

    Un Sociétaire, une voix ! Que vous ayez 500 ou 50.000 euros de parts. Ce n’est plus la richesse, c’est l’Homme qui compte. Un principe simple et révolutionnaire.

    Bref, que Corinne Lepage ait de loin ou de prês participé à la naissance de la NeF est pour moi, au pire anecdotique, et au mieux, le signe d’un engagement original, lucide, humaniste, et social de sa part.

  12. Avatar de Ken Avo
    Ken Avo

    Corinne Lepage est une femme politique.
    Elle sait donc qu’elle s’expose à coup sûr à des critiques fussent-elles injustes en s’exprimant sur un blog tel que le vôtre y compris.
    Elle ne doit pas ignorer également le niveau de ressentiment à l’égard du personnel politique de tous bords, lequel n’a rien d’innocent dans cette crise. Comme vous l’avez vous-même observé un jour au Parlement Euopéen face aux socialistes.
    Il est donc regrettable que Corinne Lepage s’en aille ainsi à la première bourrasque. « Au boulot » comme vous dites.

  13. Avatar de François78
    François78

    Pour commencer, j’échange deux livres de Paul Krugman contre une seule page de Maurice Allais (je partage son point de vue – cf. article de contreinfo – sur la délocalisation de certains responsables.

    PS : merci d’avoir accueilli l’intéressante contribution de Mme Corrine Lepage. J’approuve le principe (et même le contenu !).

  14. Avatar de Marc Peltier
    Marc Peltier

    L’intervention de Corinne Lepage, le 16 janvier 2010, est une évènement très significatif. Le fait qu’il n’ait pas été prémédité, et résulte simplement d’un échange de propos et de sympathie avec Paul Jorion samedi, ne le rend pas pour autant anodin :

    1 – Une personnalité politique d’envergure nationale choisit le blog de Paul Jorion pour propager un appel à l’action consumériste directe. Elle n’utilise pas la voie institutionnelle, ni la voie médiatique, ni son propre blog, ni ses relais d’opinion et d’influence traditionnels, mais le premier blog francophone sur l’économie. A ma connaissance, c’est une première, et cela porte en germe un changement assez radical des formes d’action politique dans ce pays.

    2 – Le contenu de l’appel est politiquement très significatif : La vice-présidente du Modem appelle, en filigrane, à une déstabilisation du système bancaire par l’action citoyenne directe. L’action de la loi dans un cadre républicain est donc implicitement reconnue comme impuissante, alors qu’il s’agit, le ton du texte l’exprime bien, d’une cause de salubrité publique. Corinne Lepage, députée européenne et ancienne ministre, nous dit « A mon sens, c’est aux citoyens d’agir […] ».

    3 – Mme Lepage, avocate très avertie et ayant appelé à voter oui en 2005, ne craint pas de poser, avec l’exemple islandais, la question, essentielle en effet, du respect des contraintes formelles des traités, opposée à la souveraine légitimité des peuples exprimée par référendum.

    4 – Le blog de Paul Jorion change soudain de moteur, ou plutôt, le puissant moteur est brutalement embrayé sur l’action. C’est une manoeuvre qui rend les tête-à-queue probables, si le moteur ne cale pas : il faut savoir conduire des engins puissants, ce qui est un talent particulier… Je suis sûr que Paul le sait.

    5 – Bienvenue, Mme Lepage. Vous avez su vous faire estimer, et je n’ai guère à vous reprocher que votre participation à des structures politiques fanées. J’observerai donc avec intensité ce qui va se passer maintenant…

    1. Avatar de Vincent WALLON
      Vincent WALLON

      Rien à ajouter. 100% d’accord et mieux tourné que je n’aurais su le faire.

  15. Avatar de DesHaines
    DesHaines

    Le point d’inflexion auquel nous aboutissons et que vous décortiquez pour nous essentiellement sous son aspect économique, ne pourra être franchi qu’avec une très forte proportion de nouveaux hommes et femmes politiques pour passer des idées aux actes.
    Monsieur JORION, je partage le point de vue de Karluss plus haut quant à une éventuelle intervention de votre part sur ce terrain.
    Canalisez vos pensées en vous rasant le matin…

  16. Avatar de Dissonance
    Dissonance

    Paul, je trouve cette réaction de votre part inutile – disproportionnée – décevante (il ne s’agit pas pour moi de cumuler ces trois notions, j’éprouve juste une difficulté à trouver le qualificatif qui convienne le mieux – d’ailleurs peut-être ne figure-t-il même pas dans cette liste en définitive).

    Que certains commentateurs ait pris soin de poser la question d’un lien entre la Nef et Mme Lepage – question à laquelle elle a répondu de bonne grâce d’ailleurs – me paraissait au contraire tout à fait légitime car informative. J’en sais gré aux deux parties d’avoir évoqué le sujet d’ailleurs.

    Certes le ton ou la forme qu’a pu prendre cette question dans le texte de certains n’était sans doute pas le plus élégant qui soit, cependant c’est un travers que j’ai pu observer à de très nombreuses reprises tout au long de ma « carrière » d’internaute. J’attribue le plus souvent ces « dérapages » au mode de communication à l’œuvre ici, de type épistolaire.

    Combien de fois ai-je constaté qu’un mot de portée tout à fait anodine dans mon esprit est devenu le sujet d’une diatribe parfaitement stérile? La communication par forum (au sens large) souffre de ces limites contextuelles: Pas de mimiques, pas d’intonations de voix pour ponctuer le discours. Ne reste que les mots bruts, et leur portée parfois destructrice.

    Que certains individus choisissent ensuite de ne tenir aucun compte de la réponse apportée est certes tout à fait agaçant, mais tout de même, rassurez-vous. Je pense que la plupart des gens ici ne sont pas dupes, la réponse a été vue puisqu’elle a été commentée, et ceux qui semblent refuser d’en tenir compte se déconsidèrent d’eux-mêmes vis-à-vis des autres.

    ————————————————————————

    Par ailleurs, vous suggérez que la motivation soutenant la publication du billet de madame Lepage soit le besoin d’action. Fort bien. Mais alors je réitère ici ma « critique » (comprendre commentaire – observation – interrogation): Concrètement, quelle alternative au système bancaire phagocyte?

    Sachant que le retrait total du circuit bancaire ne soit pas envisageable (à moins de consentir à une vie totalement marginalisée), et qu’un retrait partiel revient à pas de retrait du tout (cf. le mécanisme de levier en matière d’investissement que j’ai évoqué dans le billet initial), et sachant par ailleurs que le circuit bancaire alternatif (comprendre éthique) est réduit à la portion congrue.

    Alors, puisqu’il est question d’agir… Quoi faire? Mme Lepage semble suggérer que la sphère politique soit inopérante sur le sujet… Mais quoi, n’est-ce pas précisément l’attribution des parlementaires que de voter des lois – et pour ce qui nous concerne, des parlementaires européens notamment?

    La séparation banque de dépôt/banque d’affaire n’a-t-elle pas disparue par modification législative? Le traité de Lisbonne imposé au peuple français comme on administre un suppositoire à un enfant malade ne l’a-t-il pas été par tripatouillage législatif? Ce même traité ne fait-il pas le lit des pratiques bancaires que vous et Mme Lepage entendez combattre?

    Mme Lepage évoque le cas islandais comme une source d’inspiration possible. Le seul enseignement qui me semble pertinent en la matière, c’est que devant la prise de responsabilité populaire, il y a une prise de responsabilité politique: Le président islandais prend sur lui de refuser de ratifier la décision de son parlement, et choisit ensuite de porter la question au niveau référendaire. C’est pourquoi Mme Lepage n’est pas bien inspirée de prendre la conséquence pour en faire une cause: Dans le contexte, une initiative purement citoyenne est tout bonnement hors de propos si par ailleurs la sphère politique n’assume pas antérieurement sa part de responsabilité.

    L’exemple américain est à ce titre à prendre avec des pincettes. La connivence entre l’administration américaine et la sphère financière est établie et connue, et par ailleurs le désengagement de l’État en matière de régulations économiques de tous ordres est culturellement admis: Les citoyens américains se savent seuls face aux abus bancaires, ce qui explique leur mode de réaction. Cependant, ce contexte américain n’est pas le contexte français, ni même européen.

    Au boulot? Ok. Mais alors tout le monde, et politiques en tête.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Non Dissonance : ce à quoi j’ai réagi essentiellement, ce n’est pas aux commentaires que vous avez vus mais à ceux que vous n’avez pas vus : ceux qui étaient imprésentables : les insultes gratuites, les attaques « ad hominem », aux liens les plus ténus avec ce dont il était question, les débordements par principe de ceux qui ne font rien envers ceux qui font quelque chose. Des messages comme ceux-là, certains me sont adressés tous les jours, et on s’habitue : on se dit que la médiocrité est de ce monde. Mais quand il s’agit de quelqu’un d’autre que vous, l’obscénité vous redevient visible : celle d’un monde ayant sombré dans l’aigreur et le ressentiment. Peut-être mon blog est-il devenu en effet le café du commerce de tous les Céline en herbe. Si c’est le cas, le moment est venu de mettre la clé sous la porte : je me contenterai d’écrire des livres « abscons » comme certains d’entre vous ont l’amabilité de me le dire, un tous les seize ans – je sais faire ça aussi.

    2. Avatar de Paul
      Paul

      Cher Paul,

      Souvenez vous à ce propos, mon petit message il y a quelque temps, sur votre position par rapport à celle du psychanalyste, les avantages, et les inconvénients.

    3. Avatar de Dissonance
      Dissonance

      Autant pour moi alors. Je plaide ma – presque (*) – bonne foi ici. Dans ces conditions, votre explication m’inspire le dicton internautique suivant: « Don’t feed the troll ».

      A ce titre il me semble d’ailleurs paradoxal de mettre en place un système de modération exigeant, pour ensuite évoquer les interventions qui en font l’objet: D’une certaine manière, elles finissent par être affichées, mais sans que tous les intervenants à la discussion sachent de quoi il retourne exactement.

      Nous autres qui n’avons pas été sujet à cette modération, sommes alors pris dans un débat qui ne nous concerne finalement pas et dont on ne peut rien dire de pertinent, puisque ne connaissant pas les tenants et les aboutissants.

      A titre personnel, je n’aime pas tellement être pris à témoin, et d’autant moins si je ne dispose pas de tous les éléments nécessaires pour me forger une opinion mesurée. C’était en fait ça, le sens du premier paragraphe de mon post initial 😉

      (*) presque dans la mesure ou je suis bien conscient de l’existence d’un filtre de modération sur ce site, mais comme vous le faites remarquer, je n’ai pas connaissance dans le détail du contenu de ce qui n’a pas passé le filtre.

    4. Avatar de Vincent WALLON
      Vincent WALLON

      Cher Paul,

      C’est un défaut de ce médium merveilleux qu’est Internet. L’anonymat qu’il offre permet à la lie de s’exprimer. C’est pour cette raison, entre autres, que je refuse d’utiliser un pseudo. Ce qui ne veut pas dire que je classe tous ceux qui utilisent un pseudo dans une catégorie poubelle. Tous ne veulent ou ne peuvent s’exposer trop sur le Net.

      Oui, quand on parcours les blogs non filtrés (et non pas censurés), ce n’est pas joli à voir. Le fait de continuer et de ne pas sombrer dans la misanthropie est admirable.

    5. Avatar de Jaycib
      Jaycib

      @ Paul:

      N’en faites rien! Le fait est que — hormis les sectaires (finalement peu nombreux) et les envieux (il y en aura toujours pléthore: quand on n’a pas grand chose dans son assiette ou son cerveau, la tentation est grande de lorgner dans ceux du voisin — en France, c’est même un sport national!), les participants à ce blog se situent « au-dessus de ça », me semble-t-il. Les créatifs, ou ceux qui s’efforcent de l’être, sont toujours minoritaires.

    6. Avatar de Crapaud Rouge

      @Paul: pour moi il est évident que vos articles et ceux de vos invités n’expriment pas une banale opinion mais une pensée. C’est tout l’intérêt de ce blog. S’il devait tourner au pugilat, à travers de stupides et triviales attaques « ad hominem », il est certain que je le déserterais très vite.

    7. Avatar de Marc Peltier
      Marc Peltier

      @ Paul Jorion, à propos de Céline

      Vous avez plusieurs fois fait référence à Céline comme un exemple d’abjection absolue. Certains écrits sont en effet absolument indéfendables, de quelque façon qu’on les prenne. Ils sont abjects, en effet.

      Mais, pour moi, cela ne suffit pas à enfermer définitivement Céline dans la boîte à cons. L’artiste est immense, sidérant. Si l’on considère que l’on ne peut considérer une oeuvre en faisant abstraction de ce qu’est l’auteur, il faut alors prendre en compte aussi le médecin totalement dévoué aux plus humbles, dans une abnégation étonnante, une sorte de sainteté laïque, une compassion très profonde et désespérée pour la condition humaine, surtout celle des paumés, des éclopés, des minables, de ceux qui prennent éternellement tous les coups. Il n’existe pas de tiroir commode pour y mettre Céline, saint et salaud en même temps, sans qu’il y ait injustice. A croire qu’il l’a fait exprès…

      En tout cas, je recommande chaudement, à tous ceux qui ont la chance de n’avoir pas encore lu « Mort à crédit », de s’y mettre illico. Je leur promets 700 pages de jubilation esthétique, de rires aux larmes, de poésie explosive, de gorge serrée, tout cela en même temps, et sans un seul mot qui relève de près ou de loin des délires antisémites plusieurs années plus tard. Céline encore innocent, et incroyablement drôle, quoique déjà désespéré…

      En vérité, j’envie ceux qui vont suivre mon conseil!

    8. Avatar de Alexmex
      Alexmex

      Merci Dissonance,

      vous avez bien exprimé mon intention première de chercher des liens entre celui qui parle et le but recherché par son message.

      J’ai ensuite été très satisfait de la réponse de Corinne Lepage.

      Je me sens injustement visé par les deux billets étant débutant dans la reflexion.

      Par contre les commentaires appuyant les dires de Paul Jorion me font un peu rire jaune, par leur inutilité et leur hypocrisie (c’est comme cela que je les ressent).

      Espérant participer au débat de manière constructive

      Merci

    9. Avatar de écodouble

      @ Paul Jorion

      Ne laissez pas tomber ou alors seulement pour faire une banque sociale sans placement rémunéré possible. Je serai votre premier client ; et je ne suis jamais à découvert.

    10. Avatar de Jaycib
      Jaycib

      @ Marc Peltier

      Personne ne conteste que Céline soit un grand écrivain. Même ses lecteurs juifs le disent. En revanche, tout le monde s’interroge sur la duplicité du personnage. Son « versant » humain, son tropisme le portant à l’empathie pour les opprimés, a toujours été compensé par un fond d’amertume outragée, lequel a finalement dégénéré en fange antisémite. Le jugement de Malraux se rappelle à notre souvenir: « Céline? Un grand écrivain doublé d’un misérable… ». Et si Céline a pu faire preuve d’un haut degré de compassion pour les êtres qu’il décrivait, on se méprend souvent sur sa propre biographie en postulant qu’il partageait la vie des « effondrés de la condition humaine ». Ce n’était pas le cas. Quand il séjournait à Paris, dont il décelait bien le côté puant des quartiers populaires, il descendait dans les meilleurs hôtels, où il entretenait une existence luxueuse et quasi-princière. Vous avez raison de rappeler qu’il était médecin, ce qui lui faisait poser les meilleurs diagnostics, mais en règle générale, mettons-nous bien dans la tête que le médecin ne partage pas la vie de ses patients. Il l’observe et peut l’illustrer avec un rare talent, mais ça ne veut pas dire qu’il s’y immerge. D’ailleurs, peut-être est-il nécessaire que tout observateur maintienne au final avec son/ses sujets une grande distance « physique ». On pense à cet égard à plusieurs des devanciers de Céline: Flaubert, bien à l’abri des Madame Bovary du monde dans son antre de Croisset, Zola vivant une existence bourgeoise excessivement rangée et réglée comme du papier à musique dans sa propriété de Médan, et, encore auparavant, Dickens choyé par un entourage rempli de femmes serviables (dont il obtenait certaines faveurs sexuelles à l’occasion), et qui le protégeait d’un monde impitoyable.

      Alors, Céline, un « saint laïc »? Vraiment pas, à mon avis. Plutôt un être vaincu par son manque de foi, par sa conviction que ce qui constitue le fondement de l’expérience humaine est la pourriture. C’est ce dont les derniers écrits abjects témoignent éloquemment.

      Sur le fond, je tends à être d’accord avec vous. Au café du commerce, on rencontre beaucoup moins de Céline en herbe que de Rebatet confirmés. Peu importe au final: Paul Jorion ne supporte pas l’aigreur, la haine et le ressentiment, d’où qu’ils viennent.

    11. Avatar de Marc Peltier
      Marc Peltier

      @ Jaycib

      Je connais la biographie de Céline. Vous avez raison, c’est aussi un aristocrate dans l’âme, qui, le succès venu, s’est aussi comporté comme tel. Mais cela n’enlève rien à la nature de son rapport aux autres, que je crois profondément compassionnelle. D’accord, j’y vais fort en parlant d’un saint laïc. Il ne l’a sans doute été que par périodes, avec de larges éclipses. Mais c’est vraiment un être complexe, et le fait de le réduire à la seule amertume fielleuse ne rend pas compte de ce qu’il est.

      Quoi qu’il en soit, je sens le moral de Paul au plus bas, sous le poids des « Céline de bistrot ». Je lui conseille donc la lecture ou relecture, divertissante, de « Mort à crédit », dont la drôlerie sans illusion formera un contrepoids ironique à sa morosité. 😉

    12. Avatar de Paul Jorion

      Mon moral est au beau fixe, merci beaucoup. Lisez « Nord » de Céline et revenez nous dire ce que vous en pensez.

    13. Avatar de Marc Peltier
      Marc Peltier

      Bien sûr… On n’est pas obligé de lire « Nord ».

    14. Avatar de Karluss
      Karluss

      @ Marc Peltier,

      oui Céline est un grand écrivain, il a inventé un style ; et même si l’homme est sujet à controverses, on ne peut pas réduire son oeuvre à son comportement, même si ce dernier est parfois inexcusable. C’est un peu comme avec le philosophe H… non ?

  17. Avatar de liervol
    liervol

    http://www.societal.org/docs/33.pdf

    Si vous voulez relire l’histoire

    Extrait : La résurgence des monnaies locales.
    Après l’effondrement de la Bourse de New-York, les capitaux américains cessèrent de s’investir en Allemagne. Les
    réserves en devises de sa Banque centrale, la Reichsbank, diminuèrent concurremment, provoquant même des mouvements
    de panique qui obligèrent le gouvernement du Reich à décréter le 20 juillet 1930 la fermeture des banques pendant deux
    jours. Celles-ci furent nationalisées, le taux d’escompte de la Reixhsbank fut porté jusqu’à 20 %. L’indice de la production
    qui était encore de 74 en 1931 tomba à 55 en juin 1932 alors que le nombre des chômeurs allait atteindre les six millions.
    C’est dans ce contexte récessionniste que les bons d’échange et les substituts monétaires réapparurent pour tenter de
    combattre les effets dépressifs de la politique déflationniste menée par le Chancelier Brûning.
    Comme les bractéates et les monnaies de foire médiévales, ces substituts monétaires ne pouvaient être thésaurisés. Ils
    étaient émis pour couvrir une nouvelle production, et annulés lors de sa destruction ou de sa consommation. C’est en 1930,
    à Scwarenkañachen, village de Bavière, alors que le chômage sévissait depuis deux ans dans les mines de charbon, que
    Hans Tim créa un bon d’échange, le “ warâ ” (de ware, marchandise et warung, valeur monétaire). Il circulait entre les
    membres consommateurs et producteurs d’une Société d’Echanges Commerciaux (SEC) réunissant des geselliens. Le warâ
    valait un mark mais il perdait 1 % de sa valeur par mois afin d’inciter son possesseur à l’échanger rapidement contre un
    bien ou un service et à en accroître ainsi la vélocité. 50.000 warâs furent prêtés au propriétaire d’une mine de charbon
    locale, H.Hebecker, qui, de la sorte, put continuer ses activités et payer les mineurs. Ceux-ci réglèrent leur charbon en
    warâs à Hebecker, se désendettèrent et achetèrent des biens de consommation avec les warâs, ce qui permit aux
    commerçants de les remettre à leurs fournisseurs et grossistes. La boucle économique se recréait. La reprise fit tâche d’huile
    à d’autres villages. Les commerçants préféraient perdre 1% par mois sur les warâs plutôt que de voir leurs stocks s’accroître.
    Avec la SEC warâ, les warâs commencèrent à circuler en Allemagne.
    8
    Pour les juristes de l’Etat allemand, le warâ était “ une monnaie en contravention avec le droit souverain de l’Etat car un
    particulier ne peut pas se permettre de créer et d’émettre de l’argent sans illégalité ”. Pour les geselliens, le warâ n’était pas
    une monnaie, car il n’avait pas de couverture, il n’était pas remboursable, il ne portait pas intérêt et n’était qu’un instrument
    d’échange émis par la SEC warâ. Mais malgré un procès gagné par la SEC warâ, le Chancelier Brûning interdit la
    circulation des warâs le 30 octobre 1931 .L’expérience allait pourtant inspirer les autrichiens. En 1932, le Bourgmestre de
    Wôrgl décida, avec sa municipalité, d’émettre des “ bons de monnaie franche ” avec l’accord de la population, de la Caisse
    Municipale locale et d’un arrangement avec la banque locale. 32.000 schillings furent échangés contre des Bons
    municipaux de monnaie franche le 1er août 1932. Un tiers seulement fut nécessaire pour remettre l’économie en place. La
    ville régla ses dettes à la mi 1933, le commerce et l’industrie reprirent. Sept routes neuves, douze rues nouvelles furent
    construites, des travaux de reboisement et de canalisation entrepris. Devant le redressement économique spectaculaire que
    ces bons de monnaie franche engendrait, l’économiste Irving Fisher y dirigea une commission d’enquête en décembre 1932.
    Il devait en tirer son livre “ Stamp Strip ” en 1934. En 1933, une piscine fut achevée et un nouveau pont porta l’inscription
    “ Construit en 1933 avec de l’argent libre ”. Des communes proches adoptèrent dans les mois qui suivirent les Bons de
    monnaie franche sous forme de “ Bons du travail ” à Kuishbichl, de “ Monnaie de secours ” à Innsbruck. Mais là encore, la
    Banque centrale de Vienne déposa une plainte devant la Cour Suprême autrichienne. Elle admit néanmoins que “ la
    monnaie à timbre a prouvé ses qualités de moyens d’échange et que ces billets avaient une valeur effective ” mais elle
    gagna son procès. Ces expériences restèrent dans les mémoires et traversèrent les époques et les frontières. Elles devaient
    réapparaître dans les années 1950 et 1980.
    Le New deal.
    Aux Etats-Unis, avec l’effondrement général du système bancaire, peu avant l’entrée en fonction du gouvernement
    Roosevelt, le sénateur Goldsborough présenta en 1932 un projet de loi ayant pour objet de rendre au Congrès son pouvoir
    constitutionnel d’émettre de la monnaie, d’en régler la valeur, et de fournir un revenu monétaire à la population suffisant
    pour lui permettre de consommer la production selon la pleine capacité du commerce et de l’industrie des Etats-Unis. Ce
    projet s’inscrivait dans la tradition jacksonienne et entendait renouer avec l’histoire souverainiste américaine de la
    Constitution de 1787 qui donna au Congrès le droit de frapper la monnaie et d’en régler la valeur (cf. chapitre II), droit qui
    lui fut retiré avec la loi créant la Banque de réserve fédérale (FED) le 23 décembre 1913. En outre, ce projet devait
    “ permettre à l’administration de payer la dette nationale et de boucler son budget, non par l’argent emprunté et des taxes,
    mais par sa capacité de production ”. Il prévoyait également un escompte sur les prix, remboursable aux producteurs, et un
    dividende commençant à 5 $ par mois à chaque citoyen de la nation. Il s’agissait ici des propositions émises par C.H.
    Douglas qui furent reprises dans les provinces canadiennes d’Alberta et de Colombie Britannique par les créditistes Réal
    Caouette et Aberhart. Ce projet de loi, vigoureusement combattu par les représentants de la FED, fut repoussé. Les
    américains lui préférèrent un an plus tard le plan keynésien du New Deal de Roosevelt.

  18. Avatar de ananahi

    Bonjour,

    Partant du principe qu’un imbécile qui marche va toujours plus loin qu’un intellectuel assis, j’adhère fortement à l’idée de création d’une banque d’un autre genre, qui ne soit pas seulement différente dans sa manière de gérer l’argent, mais également différente dans la gestion de son personnel (SCOOP ?)
    Voici d’ailleurs un lien qui montre que certains qui ne savaient pas que c’était impossible l’ont fait ;).
    http://www.rue89.com/passage-a-lacte/2010/01/17/et-si-ma-banque-ne-demandait-pas-dinterets-pour-un-emprunt-134154
    Je suis prêt à m’investir personnellement dans une démarche de ce genre.

    1. Avatar de gil
      gil

      J’ai lu l’article. ça semble se mettre en place aussi en Allemagne et en Italie.
      Moi aussi je pourrait m’y investir, mais pensez vous que ici ça puisse enfin « passer à un acte » autre que l’interminable polémique ?

  19. Avatar de sakhaline
    sakhaline

    Attention Paul,
    Ouvrir ainsi la porte à des politiciens professionnels aussi contestables que Corinne Lepage, ancien ministre d’Alain Juppé, c’est une décision qui n’est pas sans conséquences. Je ne suis pas certain que vous en ayez pleinement mesuré la portée.

    1. Avatar de Moi
      Moi

      « aussi contestables que Corinne Lepage, ancien ministre d’Alain Juppé »

      C’est quoi les arguments pour dire « aussi contestable »? Juste qu’elle était ministre du gouvernement Juppé? Ne la connaissant pas, je viens d’aller voir sur wikipedia ce qu’avait fait cette dame et cela m’a plu. Il est vrai que j’ai des tendances écolo… Evidemment, si l’écologie vous gave, je comprendrais que vous n’aimiez pas son action. Mais si c’est juste parce qu’elle était ministre de Juppé, c’est… comment dire…

    2. Avatar de Sakhaline
      Sakhaline

      @ Moi
      Si la participation de Mme Lepage au gouvernement Juppé ne vous pose pas de problème, c’est sans doute que ce gouvernement là ne vous en a pas posé non plus. Je le regrette pour vous, la vie est plus intéressante quand on se pose réellement des questions.
      Quant à ce que vous appelez l’écologie, à tort à mon avis, si ça permet encore à certains de se donner bonne conscience et à d’autres de se donner du pouvoir, c’est parfait, mais ce ne sera plus possible très longtemps au train où vont les choses.

  20. Avatar de TARTAR
    TARTAR

    Paul

    Il est légitime et plus que souhaitable que vous passiez à l’action.
    Il est évident que l’action implique de « peser » sur le champ politique.
    Il est donc logique qu’une alliance douce ,comme envisagée avec le courant LEPAGE actuel « terre démocrate », auquel vous participez en tant que membre du comité scientifique, vous ait séduit.
    Nous avons été surpris, pas déçus!
    Souhaitons que cette collaboration soit fructueuse car nous évitons les jugements à priori.
    Il se trouve juste que les « chats échaudés craignent l’eau froide » et que les errements des mouvements écologistes, dès l’instant où le virus politique les atteint nous dissuadent de leur faire confiance.
    La politique c’est du pouvoir et le pouvoir corrompt.
    Mme Lepage aura un travail ingrat, faire oublier qu’elle est avocate d’un beau cabinet comme de trop nombreux politiques ce qui est une critique « à priori » comme je le regrette plus haut, et qu’elle semble errer de courants en partis ce qui rend son combat assez flou.
    Le soupçon étant qu’elle est peut-être à la recherche d’une carrière plutôt que d’un idéal.
    Juste une crainte …mais vous avez raison de passer au politique, fût-ce en mettant le pied dans la porte d’un comité scientifique.
    En avant !

  21. Avatar de Politique
    Politique

    @Paul

    Allez vous entrer en politique ?

    1. Avatar de Karluss

      Paul mange bio, il est bio dans son coeur, mais il n’aura pas le temps de battre la campagne pour séduire un électorat. Par contre, comme conseiller, comme apporteur des Grandes Idées du siècle naissant, il détient des clés. Il ne pourra pas tourner la page si lors d’une rencontre entre deux trains, par delà bien et mal, une personnalité politique forte lui propose de s’adjoindre plus ou moins à son équipe. Je ne crois pas que Paul Jorion recherche un siège, ni un mandat, par contre son empathique contribution aux affaires du monde et du vivant font de lui un homme qui sera courtisé pour son bon sens. Paul Jorion est un esprit éclairé qui raisonne juste, il n’est pas dans la démagogie et n’ira pas flatter l’opinion, mais…
      ses livres sont peut-être l’essentiel, au monde politique de se laisser influencer et d’y puiser leur vérité.

  22. Avatar de alfe
    alfe

    « Pour une initiative citoyenne dans le domaine financier », connaissez vous Nicanor Perlas ? Il s’agit d’un philippin qui se lance pour les élections de son pays en 2010 dans le but d’y construire, progressivement, une société basée sur la tri-articulation sociale et le revenu inconditionnel d’existence. Il a récemment obtenu le droit de s’y présenter. Cela n’était pas gagné d’avance car le comité d’élection lui a refusé ce droit, prétextant qu’il n’avait pas assez d’argent…
    A suivre donc, Les Philippines en 2010 !

  23. Avatar de enzobreizh
    enzobreizh

    @ Paul Jorion

    Bon, faisons fi des commentaires stériles qui tournent autour du pot et prenons acte du bon vouloir de Mme Lepage.
    Il serait intéressant de proposer un billet en relation avec celui de Mme Lepage pour développer une feuille de route menant à la création d’une banque alternative.
    Partons de zero et voyons comment se passe la création d’une banque.
    Chaque étape pourrait être commentés afin d’y voir les failles et déviances possible.
    Si, in fine, nous voyons que le projet tient debout, je ne doute pas qu’une personne comme Mme Lepage peut être un relais important pour promouvoir, cette création.

    Je pense que ce projet serait une bonne avancée, car pour court-circuiter le mal « bancaire », il faut l’attaquer à la racine.

  24. Avatar de jducac
    jducac

    @ Paul Jorion
    Je soutiens toutes les actions qui visent à faire se rapprocher les points de vue par la confrontation d’idées, d’arguments et d’expériences. C’est avec beaucoup d’espoir que je vois intervenir Corine Lepage sur votre blog et vous apporte mon entier soutien lorsque vous condamnez les basses attaques dont elle peut être l’objet dans cet espace. L’animation de ce merveilleux instrument vous honore, vous et F. Leclerc, tout autant par les sujets qui y sont abordés que par la tenue des propos qui y sont échangés. Vous faites donc bien de veiller ainsi à sa notoriété, donc à sa force.
    A plusieurs occasions, j’ai souhaité que vous puissiez faire monter dans votre « arche » quelques puissants afin que votre action gagne en efficacité. Certaines fois, j’ai osé pousser le bouchon très loin en pensant qu’au fond, il ne peut pas y avoir de mauvaise association lorsqu’il s’agit de rassembler les bonnes volontés pour tendre vers un mieux être général. 17 juin 2009 à 13:13
    Il me semble que pour dégager ce qui fait obstacle à la progression vers une réappropriation de la finance par les politiques et donc plus fondamentalement et légitimement par le peuple, il faudrait s’engager dans un travail de fond consistant à montrer que l’argent et le capital ne sont pas des gros mots qui doivent provoquer la nausée et le dégoût dès qu’on les évoque. La tâche est immense car depuis plusieurs siècles beaucoup de théoriciens et de propagandistes politiques désargentés ont tout fait pour opposer capital et travail. Ils ont contribué à armer des haines enfouies au plus profond des êtres de sorte que le seul fait d’avoir appartenu au conseil d’administration d’une banque associative suffit, dans l’étroitesse d’esprit de certains, et malheureusement de beaucoup, à vous rendre infréquentable.

    Le mal est profondément ancré, probablement dans l’inconscient, y compris parfois chez des êtres supérieurs qui, de par leurs connaissances et leurs aptitudes pédagogiques et pourquoi ne pas le dire, leur aura, sont probablement les rares à pouvoir s’attaquer à ce problème fondamental. Vous, Paul Jorion, l’auteur de « l’Argent mode d’emploi » vous qui semblez parfois touché par ce virus qui pousse à exécrer le capital rien qu’à l’énoncé du mot (29 décembre 2009 à 17:37 ), qu’attendez-vous pour montrer combien l’argent, le capital, et même la finance méritent d’être reconquis et réappropriés par le peuple, parce que fondamentalement et avant tout, ils doivent être le beau et noble fruit d’un travail.

  25. Avatar de Enrique
    Enrique

    Pour ceux qui se demandent qui est Corinne Lepage , ancienne ministre d’Alain Juppé.

  26. Avatar de kay
    kay

    Sur le plan des idées je suis d’accord avec M. Jorion et M. Leclerc. Je n’aurais même pas pu savoir que j’étais d’accord si ce blog n’existait pas.
    J’espère donc que vous saurez résister à la pression qu’exercent vos propres lecteurs et surtout ceux qui écrivent des commentaires excessivement négatifs.
    Toutes proportions gardées je connais un peu le phénomène moi-même gérant un jeu gratuit en PHP sur internet.
    Je ne suis pas la pour faire de la pub je ne mets pas de liens. Le jeu est utilisable en entier sans débourser le moindre centime et pour acquitter les frais (le serveur par exemple) on propose des options de confort qui sont payantes quand à elles.
    Je m’occupe de la communauté des joueurs et j’ai évidemment connu le pire comme le meilleur.
    Des insultes, des accusations non fondées. On remet très régulièrement ma neutralité entre les joueurs en cause, alors que c’est un point auquel je suis profondément attaché.
    Mais il y a certains joueurs qui ont développé une véritable haine à mon égard sans que je n’aie rien fait objectivement pour la mériter. Ceux-là ont directement menacé de conséquences sur le monde réel, sorti du jeu, en me menaçant de divers maux comme par exemple de lancer le fisc sur moi ou moult procès, j’en passe et des meilleures.

    Malgré cela il faut tenir. Parce que par moments les joueurs font des interventions sublimes !

    Revenons au sujet du blog. Vous êtes le seul espace de liberté et de pensée en France sur les sujets que vous abordez. La disparition de votre blog serait une catastrophe pour moi, mais aussi pour beaucoup de ceux qui le lisent parfois sans oser y participer.
    Dans notre contexte, internet est ce qui différencie le plus cette crise des crises précédentes qui ont eu lieu au cours de l’histoire.
    Internet et son contenu ne sont pas un simple outil de notre époque, il en est la principale révolution. Mais il a aussi ses contraintes et ses défauts.

    Petit à petit le blog prend le chemin de l’action. Ce que je trouve normal, logique et dangereux également. Avec ce très important virage vers une possible action que j’analyse comme un bouleversement du blog, j’anticipe un très fort retour de la part des lecteurs.
    Hélas, cela s’accompagnera aussi, à mon avis, de vitupérations des « excédés par nature » qui vont se faire encore plus violents. Le véritable danger, à mon sens, est que vous en soyez écœuré au point de nous considérer tous comme un poids ingérable et que vous renonciez à votre blog.

    Ce serait à mon sens une erreur que de renoncer. Aussi je vous apporte mon modeste soutien et j’espère que d’autres me suivront. Il est vital pour vous de vous concentrer sur le positif et de ne plus prêter attention aux interventions par trop négatives et non argumentées.
    Car arrêter le blog serait accorder une importance trop forte aux « énervés » et leur donner une victoire trop facile. Ce serait gâcher une expérience collective profondément enrichissante pour les lecteurs. Cela dévaloriserait les réflexions de ceux qui essaient d’intervenir de manière construite en accordant plus d’importance à ceux qui veulent détruire.
    Alors je vous en prie ne me faites pas des frayeurs en disant que vous pourriez très aisément mettre fin à ce blog.
    Si vraiment son suivi en était trop contraignant, ce qui peut se comprendre, alors il faut faire des pauses. Mais ne nous lâchez pas !

    1. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      Merci d’avoir osé y participer !

  27. Avatar de François78
    François78

    J’ai connu un temps (trop bref) ou le titre d’ingénieur voulait dire quelque chose. ce temps me semble (me semblait ?) révolu. Plus qu’une technique, c’est un mode de pensée, une éthique, que je retrouve dans ce blog.

    Dans mon histoire, j’ai du faire face à une singulière montée des contradictions : pour chaque idée on trouve de plus en plus de contradicteurs (le retour des sophistes ?), et il devient de plus en plus difficile d’agir. Je voudrais être plus méchant que je ne suis en réalité en disant qu’il devient de plus en plus difficile de surnager dans la bouillie intellectuelle qui nous englue. Par exemple, pour toute réforme de l’enseignement, que faire contre la rhétorique d’au moins un demi-millions d’enseignants qui n’on,t pas lu Aristote.

    Ma mère est Néerlandaise (Hollandaise – de Frise – Workum) et je sais (je suis) qu’on n’a pas le droit de se décourager. Je n’ai pas la formation pour vous aider utilement, mais je me soigne.

  28. Avatar de Politique
    Politique

    « MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE »

    Contribution à une critique du système marchand et à l’élaboration d’une stratégie pour son dépassement
    L’indigence théorique, dans lequel se débat actuellement la pensée politique, augure mal d’une alternative rapide au système marchand en passe de parvenir à l’expression ultime de ses contradictions. Cette phase, à la fois de sa puissance relative, et de sa décadence inéluctable, n’est pas synonyme d’un ralentissement des dégâts sociaux et écologiques qui sont la conséquence logique de son fonctionnement, c’est même le contraire que l’on peut constater.

    L’atonie de la pensée critique, si tant est qu’elle mérite encore ce qualificatif, quoiqu’elle en revendique le titre, se perd dans le labyrinthe des préjugés, des certitudes branlantes, des approximations théoriques et des espoirs chimériques, systématiquement déçus Elle base sa crédibilité, aujourd’hui, sur le monopole, de fait, d’organisations qui ne fondent leurs certitudes, que sur la réalité électorale et médiatique de leur existence… autrement dit, sur rien de sérieux et de déterminant.

    Il est aujourd’hui un fait indubitable, et qui doit être dit, même si cela est dur et difficile à accepter pour des millions de, ou non, militante-e-s : la Gauche est morte. Cette Gauche avec ses organisations, ses référents théoriques, ses pratiques,… a disparu. Que les valeurs qui l’ont fondée, et qui sont universelles et atemporelles, nous restent, c’est évident et même souhaitable. Quelle reste dans les mémoires et les coeurs comme moment de l’Histoire, soit, mais arrêtons de vouloir vivre, et construire l’avenir, dans ce souvenir. Maintenir la fiction, vouloir la « faire vivre », par ce qui ne peut être que des artifices, nous condamne à errer dans des discours et des stratégies d’un autre temps dont nous voyons aujourd’hui les effets dévastateurs dans les repositionnements, les débats et surtout dans, ce qui est le plus grave, les luttes.

    Cette fiction de la Gauche, les organisations qui la composent en ont évidemment un besoin vital. C’est elle qui constitue leur raison d’être et leur seul moyen d’accéder au Pouvoir. Par l’affect, la culpabilisation, le marketing politique, elles usent de tous les stratagèmes pour exister et faire vivre cette fiction.

    Cette fiction de la Gauche, le système marchand en a, lui aussi, absolument besoin ne serait ce que pour maintenir, auprès des citoyens, l’illusion d’une possible alternance permettant de faire patienter, de « lâcher du lest » sur quelques questions sociales, faire passer en douceur des mesures antisociales, voire désamorcer les crises… sauvant ainsi l’essentiel du système.

    Il faut aujourd’hui, de toute urgence renouveler, et disons le mot, inventer, concevoir, la problématique à poser dans une stratégie de changement social, non pas par modernisme, ce qui serait forcément déplacé, prétentieux et dérisoire, mais simplement parce que les vieilles problématiques n’ont jamais fonctionné ; de cela, nous en avons désormais la preuve historique,… et ne fonctionneront plus. Il est désormais évident et vain d’en rester à une obstination ridicule et stérile à propos de stratégies qui ont toutes fait faillite. La remise à plat des conceptions, des concepts et des stratégies est devenu un impératif politique catégorique.

    Au stade où en sont les organisations politiques, le travail, de réflexion et d’élaboration collectif est manifestement stérile, je n’en prendrais pour preuve que le dramatique et dérisoire « dialogue » des collectifs unitaires en France en 2006-2007. Les prétentions, les préjugés, les ambitions, les intérêts personnels et bureaucratiques ont transformé cette initiative, à priori fort intéressante, en un capharnaüm d’idées décousues qui a fait que « la montagne a accouché d’une souris »…. et quelle souris … même pas viable !.

    Ce manifeste n’a certes pas la prétention exorbitante d’être à lui seul la pierre sur laquelle se construira le monde nouveau. Il a par contre la prétention, que d’aucuns jugeront excessive et incongrue, de se passer des analyses, des certitudes et des projets d’organisations politiques qui, si elles n’en ont pas moins pignon sur rue, constituent se faisant le syndic de faillite de toutes les tentatives de changement social, pour certaines depuis presque un siècle.

    Ce manifeste pose une problématique d’alternative en se fondant sur l’expérience historique des faillites, retentissantes et encore fraîches dans les mémoires, du siècle passé et les réussites des siècles précédents, bref en tenant compte de ce que l’on pourrait appeler les lois de l’Histoire. Il rompt ainsi avec les analyses pseudo alternatives qui, incapables de se détacher véritablement de la problématique marchande, ramènent en permanence les mouvements sociaux dans les ornières creusées par les pratiques réformistes et/ou purement revendicatives, voire pour certaines essentiellement velléitaires.

    Ce manifeste est, en quelque sorte, une bouteille lancée dans la mer de nos préoccupations pour l’avenir et de nos impuissances politiques passées et présentes ; un document qui peut, et qui souhaite, tracer de nouvelles pistes, sinon une nouvelle piste, afin d’éclairer le chemin toujours semé d’incertitudes et de dangers conduisant à des rapports sociaux respectueux des hommes et de la Nature.

    Ce manifeste n’est pas, il est vrai, le produit d’un travail collectif quoiqu’il soit nourri et inspiré, à la fois, d’engagements passés, d’erreurs reconnues et analysées, des hésitations du présent, des dialogues, échanges, parfois polémiques, des convergences et de divergences. Il n’en demeure pas moins un document aussi intéressant, sinon plus, que les longues litanies, aux contenus d’une banalité affligeante, et ô combien prévisibles, pour ne pas dire ultra classiques, laborieusement rédigées par les organisations politiques et/ou leurs différentes tendances.

    Le retour à l’Histoire constitue une partie importante de ce document, pas simplement par soucis de narration, ce qui n’aurait aucun intérêt, mais parce que c’est en elle, l’Histoire, qu’est la clé de la compréhension de ce qu’est le processus d’évolution des collectivités humaines et de ce qu’elle sera dans le futur.

    Ce manifeste n’est pas un produit fini. A chacune et chacun de s’en saisir, individuellement et/ou collectivement. Sa finalité est de disparaître en tant qu’élément initial et originel d’une nouvelle étape de la pensée… et céder la place à ce qui constitue, finalement, la seule chose importante, la praxis.

    Qu’il remplisse cette fonction ? Seul l’avenir le dira.

    Patrick Mignard, Juillet 2007

    ——————————————————————————–

    Toutes les civilisations ont cru en l’éternité de leur existence. Toutes ont disparu.

    Le système marchand, à l’image de ses prédécesseurs, croit lui aussi en la « rationalité » de son fonctionnement et en l’éternité de sa domination. Lui aussi disparaîtra pourtant dans les affres de ses contradictions poussées à leur paroxysme.

    Le discours sur sa temporalité historique et son caractère éphémère est systématiquement accusé de nihilisme, et l’espoir en un monde nouveau, respectueux de l’Homme et de son environnement, est immédiatement qualifié d’utopique… Qu’à cela ne tienne !

    A toutes les époques, les précurseurs d’un monde nouveau ont été persécutés. Aujourd’hui celle-ci, quand elle ne prend pas la forme de la violence et de l’élimination physique, ce qu’elle est dans de nombreux pays, s’exprime par la réduction au silence et au mépris, au nom d’une pseudo rationalité de lois économiques qui régissent le règne de la marchandise et d’une conception étriquée des Droits de l’Homme. Elle est en fait l’expression de la volonté de la domination, quasiment sans partage, des profiteurs, directs et indirects, du Capital.

    Le discours de l’Alternative est, aujourd’hui, en grande partie inaudible face à la puissance idéologique et médiatique des appareils de propagande du système marchand, et face aux difficultés de repenser cette alternative après les désastreuses expériences du « socialisme réel » et les politiques collaborationnismes des « Gauche ». Il faut dire aussi que ce discours est largement entaché de considérations aberrantes issues directement des théories et prédictions qui ont toutes fait faillite.

    Pourtant, au risque de disparaître en tant qu’espèce, l’Homme, principal prédateur et destructeur de la planète, et ce à toutes les époques de son histoire se doit, dans les plus brefs délais, d’adapter sa forme de vie sociale aux exigences, non seulement des valeurs morales qu’il déclare universelles, mais aussi aux exigences du respect d’un équilibre avec la Nature qu’il a cru dominer mais qui pourrait s’avérer être son propre fossoyeur.

    EXPANSION ET DÉCADENCE DU SYSTÈME MARCHAND

    Le système économique et social, qui a vu le jour en Europe occidentale au 19e siècle, a jeté les bases d’une civilisation à vocation mondiale et ce, plus par les mécanismes intrinsèques de son fonctionnement, que par les valeurs morales sur lesquelles elle s’est fondée.

    Le Capital, qui a fait modestement ses premières armes au sein même du système féodal avant de le jeter bas, s’est développé, une fois émergé de la gangue féodale, dans des entités politicoéconomiques, les « états nations » . En l’espace d’un siècle il a, en grande partie, aboli les frontières qu’il avait lui-même érigées et a soumis l’ensemble de la planète à ses principes. Son modèle d’organisation sociale, puissamment épaulé par ses armes, toujours plus sophistiquées, ses capacités d’exploitation des richesses naturelles, le tout « agrémenté » abondamment de valeurs humanistes, a su imposer ses principes au-delà de toutes les espérances de ses idéologues.

    Pourtant, dès le 19e siècle, époque du lancement de ce système, la sonnette d’alarme a été, à de nombreuses reprises, actionnée pour prévenir, alerter et dénoncer les dérives économiques et sociales, pas encore écologiques, que l’instauration de ce système impliquaient.

    Maintes hypothèses ont été émises, maintes théories ont été élaborées, maintes stratégies ont été envisagées, maintes actions ont été entreprises pour briser la dynamique enclenchée… jusqu’à aujourd’hui, en vain.

    Malgré, et souvent grâce, à de multiples apparemment déboires, crises économiques, sociales, guerres, révolutions… le système marchand en est sorti toujours plus renforcé et conquérant.

    L’expérience historique montre que, l’hypothèse principale de la critique, celle qui consistait à lier l’effondrement du système marchand, dans les pays qui l’avaient originellement développé, à la paupérisation des salariés, et à l’insurrection de ces derniers, était fausse.

    Les luttes des salariés en vue de l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail (salaires, hygiène et durée de travail, protection sociale,…), quoique difficiles et souvent sanglantes, ont été globalement couronnées de succès. Une amélioration substantielle de la condition salariée a eu incontestablement lieu, contredisant toutes les prévisions des « stratèges de la révolution prolétarienne ». Cependant, malgré cela, et probablement grâce à cela, sans abandonner, ni leurs privilèges, ni leurs pouvoirs, ni leurs intérêts, les maîtres du Capital et leurs serviteurs ont su, et ont pu, préserver leur système de domination économique et politique et soumettre l’ensemble de la planète.

    Le système marchand a su, d’autre part, faire des conquêtes coloniales de l’Ancien Régime une réserve de ressources et de richesses qui ont été largement mises à contribution pour asseoir définitivement le règne de la marchandise, assouvir la cupidité des possédants et finalement s’acheter la paix sociale au sein des « états nations » dominants.

    Le développement local du système, dans ces mêmes « états nations », protégés par leurs frontières, et concurrents entre eux, a suscité des conflits particulièrement meurtriers et destructeurs dont les principales victimes ont été, une fois encore, les salariés et les autres classes sociales dominées – les paysans en particulier. Ces conflits, s’ils ont donné sur le moment l’illusion de la faiblesse structurelle du système, laissant espérer son effondrement imminent, se sont en fait révélés être d’extraordinaires tremplins économiques et politiques pour une relance de sa domination, alors remise temporellement en question.

    Les conquêtes sociales, rançons d’incessantes luttes des salariés, perçues par ces derniers, à juste titre comme des victoires, se sont, sur le long terme révélées être de puissants instruments d’intégration et de démobilisation lorsque le système, à la fin du 20e siècle, dans sa phase active de

    mondialisation marchande en est revenu, sous les contraintes économiques imposées par cette même mondialisation, à ses principes fondamentaux de fonctionnement : rentabilisation à outrance, précarisation des salariés,…. On assiste, dans tous les anciens pays industriels, à une remise en question progressive, mais globale, de tout ce qui constituait les « acquis sociaux » chèrement arrachés au Capital, par les salariés, depuis le 19e siècle : réduction des salaires, allongement de la durée du travail et de la vie active (remise en question de l’âge de départ à la retraite), protection sociale, services publics,… Ainsi, tout ce qui avait constitué des victoires et des conquêtes sociales est en voie de disparition.

    Toute la stratégie de conquête de réformes sociales a été, paradoxalement, à la fois, une amélioration substantielle de la condition salariée dans les pays développés, mais aussi un formidable instrument de démobilisation politique.

    Les syndicats, difficilement imposés par les salariés, ont été l’instrument des luttes sociales de ces derniers, et ont permis d’améliorer substantiellement leurs conditions de travail et de vie. L’opiniâtreté des luttes sociales a pu parvenir, grâce à eux, à faire inscrire dans le droit les avantages acquis au point que ceux-ci, le mythe de sa neutralité et de son imprescriptibilité aidant, sont très vite apparus, trompeusement, comme des acquis définitifs. Ces succès ont conforté les syndicats dans une toute puissance relative qui aujourd’hui montre ses limites. Certains, pour ne pas dire tous, trompés par cette illusoire puissance, ont carrément joué le jeu du système marchand, abandonnant par là même les analyses et stratégies radicales, bref, jouant le jeu d’une collaboration qui est aujourd’hui particulière néfaste. La culture syndicale, initialement culture de lutte, est devenue une culture de contestation molle, purement défensive, en vue de la préservation d’acquis sociaux dangereusement et irrémédiablement menacés, et incapable de répondre aux multiples attaques du système portant atteinte aux intérêts des salariés.

    Le premier grand conflit, inter capitaliste du 20e siècle a donné l’illusion, à une partie du mouvement ouvrier en pleine structuration, que le système marchand, arrivait au bout de sa logique. La théorie fondée sur la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière, pouvait, et devait, aux yeux des stratèges de la Révolution Prolétarienne, assurer, dans le pays le plus fragile d’une Europe en guerre, constituer à la fois le point de départ et le levier d’une généralisation internationale d’un modèle de socialisme. Dans un contexte international qui lui était hostile, avec une classe ouvrière socialement groupusculaire, la prise de pouvoir réussit et instaura un système déclaré socialiste mais qui n’avait été nullement préparé par une structure économique alternative permettant d’assurer la pérennité d’un système alternatif à un capitalisme qui en était, dans ce pays, à ses premiers balbutiements. Si l’hostilité du reste du monde a été un facteur aggravant la situation de la jeune république soviétique, elle est largement insuffisante pour expliquer la dégénérescence rapide de l’ensemble de la structure sociale en un système totalitaire qui n’avait de socialiste que le nom.

    Cette première expérience « socialiste », même dans sa phase la plus dramatique et la plus inacceptable, loin de dissuader nombre de celles et ceux qui voulaient renverser le capitalisme, les confortèrent dans une vision quasiment mystique et religieuse de l’existence d’un « paradis socialiste »… déterminant ainsi toute une stratégie aberrante d’adhésion aux intérêts stratégiques, diplomatiques et idéologiques d’un « état totalitaire »… Ce faisant, une telle logique brisa net l’unité des forces progressistes et dévoya, pour des générations, la pensée politique progressiste dans les méandres de la soumission aveugle, de l’intolérance et du sectarisme.

    Même la grande crise économique du début des années trente, crise pourtant structurelle d’un capitalisme en pleine expansion, n’apporta aucun discrédit significatif à un système qui n’hésita pourtant pas à jeter dans la misère et le désespoir des millions de salariés. Le système réussi même à rationaliser son échec et à le dépasser en imaginant des politiques économiques interventionnistes (politiques économiques keynésiennes) qui transformèrent le trouble du monde des salariés en une adhésion démobilisatrice.

    En effet, l’intervention de l’Etat qui ressemblait étrangement au modèle soviétique (intervention structurelle de l’Etat, planification,…), sans pour cela atteindre son degré d’implication, conforta le mouvement ouvrier dans une stratégie de participation au pouvoir de l’Etat dans la perspective de sa « libération »… Ce sont toutes les expériences des gauches sociales démocrates et communistes qui sont nées, et ont perduré, dans ce creuset de croyances illusoires.

    Le système marchand sauva définitivement ses meubles par l’instauration de régimes fascistes dans les pays où la crise sociale pouvait mettre à mal la domination du Capital, montrant, s’il en était besoin, qu’il ne reculait devant rien pour assurer son hégémonie.

    Le deuxième grand conflit du 20e siècle, dont le lien avec les conséquences de la crise des années 1930 est évident, n’a pas lui non plus mis un terme à la domination du Capital, bien au contraire,… démontrant en cela, contrairement à toutes les prévisions des visionnaires révolutionnaires, que la guerre ne constituait pas forcément un moment propice au renversement du système marchand.

    Les intérêts économiques et politiques des alliés occidentaux et d’une URSS en plein délire totalitaire, soudèrent un front face à la politique absurde et hégémonique des puissances de l’Axe. La victoire de la coalition jeta les bases d’un monde bipolaire dans lequel les intérêts des uns et des autres furent scrupuleusement respectés au détriment des intérêts des autres peuples qu’ils dominaient et exploitaient sans vergogne. Ainsi naquit la « guerre froide » véritable stratégie médiatico politique de « poker menteur ». Au cours de celle-ci les « deux blocs », usèrent et abusèrent de la désinformation, des fausses statistiques militaires et économiques, de la course ruineuse aux armements, de la manipulation des états vassaux pour finalement aboutir à la situation chaotique que nous connaissons aujourd’hui.

    La décolonisation à partir des années 1950 a ouvert une nouvelle page dans l’histoire du système marchand. Les empires sont tombés les uns après les autres. L’émancipation des pays coloniaux qui s’est soldée le plus souvent par des drames humains et politiques, a jeté l’opprobre sur les anciennes puissances coloniales sans pour cela affecter le moins du monde leur développement. C’est d’ailleurs l’époque où les pays industriellement développés vivaient une période faste qui a donné dans les années 60 la « société de consommation ». C’est une période où, malgré un discours contestataire, la collaboration de classes battait son plein, où les communistes servaient fidèlement les intérêts de l’URSS et de ses satellites, où l’Etat providence assurait aide et protection, où la relance économique faisait gonfler les dividendes, les salaires, le panier de la ménagère et les statistiques de l’emploi – les Trente Glorieuses.

    Dans le cadre d’une « guerre des blocs » la décolonisation a donnait cependant un spectacle surprenant.

    Soutenus pour des raisons diplomatiques et stratégiques par les pays dit « socialistes », nombre de pays en voie de décolonisation, sous l’impulsion de jeunes dirigeants qui avaient appris la contestation et le « socialisme » dans les universités occidentales et « soviétiques » ont opté pour la « voie socialiste », entamant ainsi une transformation de leur société, parfois tribale, panachée de structures coloniales, vers un modèle artificiel et intégralement importé. Ils étaient « conseillés » en cela par des « pays frères » du bloc « socialiste » plus soucieux de leurs intérêts économiques, diplomatiques et politiques que des valeurs et principes qu’ils avançaient dans leurs promesses, et

    soutenus par une partie du monde ouvrier et intellectuel des puissances coloniales qui croyait voir, dans ces nouveaux pays, se réaliser ce qu’ils désespéraient de voir se réaliser chez eux.

    Toutes ces expériences, qui ont agité les générations d’après guerre d’espoirs illusoires, et qui avaient pour mot d’ordre l’ « anti impérialisme » et l’« anti capitalisme » ont sombré et/ou sombrent dans le ridicule, le chaos et le drame… pour finalement rejoindre le contexte marchand international dominé par le Capital… et grossir la cohorte des pays les plus pauvres de la planète, pour les uns, le peloton de tête des « champions » de la mondialisation marchande pour quelques autres…

    L’effondrement, dans les dix dernières années du 20e siècle du système soviétique et son remplacement par un capitalisme sauvage, marque le sommet de la faillite de toute la stratégie des penseurs et stratèges « socialistes » depuis plus d’un siècle… Pourtant, aucune révision fondamentale de la stratégie de transformation de la société n’a été entreprise.

    Le système marchand est sorti, du moins idéologiquement, comme le grand vainqueur de cet effondrement. La pensée critique à l’égard de celui-ci s’en est trouvée grandement affaiblie puisque l’essentiel de celle-ci était fondée, depuis des décennies, avec plus ou moins de variables, en positif et/ou en négatif, sur le « modèle soviétique » ou ce qui avait servi à l’établir. La social démocratie qui avait, sans ambiguïté, fondé la sienne sur la collaboration avec le Capital s’est encore plus enfoncée dans celle-ci au point de faire cause commune avec les gestionnaires du système dominant et de devenir une partie d’entre eux.

    Le 21e siècle voit donc, après prés de deux cents ans de luttes anti capitalistes, un monde où domine sans partage la marchandise, où toutes, sans exception, les expériences de renversement du système marchand ont échoué et où le capitalisme s’est installé partout, y compris dans les bastions apparemment les plus inexpugnables du « socialisme réalisé ».

    Le système marchand a cependant réalisé une prédiction des penseurs du 19e siècle : il a développé de manière illimité les forces productives mais… sans pour cela faciliter pour ses opposants le passage à un autre système. Par contre, ce développement a entraîné un véritable pillage des ressources naturelles, une atteinte, peut-être irrémédiable, à l’équilibre naturel de la planète par la généralisation des pollutions, la destruction des écosystèmes et de la biodiversité… la création de substances d’une nocivité extrême répandues abondamment et sans précaution dans le milieu naturel, la création à des fins mercantiles par manipulations génétiques d’organismes vivants artificiels susceptibles de contaminer l’ensemble des espèces de l’écosystème.

    Pour la première fois dans l’Histoire de l’Humanité, un mode de production met en péril la vie sur l’ensemble de la planète.

    Le système marchand a développé par contre une autre particularité aux conséquences sociales incalculables – l’extrême développement des forces productives corrélative à une économie toujours plus importante de force de travail l’a paradoxalement incité à développer une financiarisation sans limite et qui peut se résumer par : l’accroissement toujours plus important de plus-value n’a pas incité à l’investir prioritairement dans une accumulation de capital productif. Ceci a eu pour conséquence un démantèlement des structures de production dans de multiples zones de production, une fragilisation et précarisation de vastes secteurs de population, un accroissement gigantesque des revenus du Capital sous la forme de dividendes et revenus d’obligations, un accroissement de la spéculation financière et une aggravation des inégalités.

    Une telle logique, expression la plus élaborée du rapport marchand, montre le mépris total qu’a ce système pour la question sociale, c’est-à-dire les conditions d’existence de l’être humain.

    Il est à noter que les anciens « pays socialistes » (Russie et satellites) et mêmes ceux qui le demeurent encore officiellement (Chine), ont participé, et participent activement, à ce processus, avec leurs dirigeants « communistes » à leur tête… ce qui en dit long sur la conception politique qui leur a donné naissance et le sérieux et l’honnêteté politique de tels personnages. Ceci en dit long aussi sur la pertinence de la « pensée politique » des organisations, dans les pays occidentaux, qui se sont aveuglément et religieusement, porté caution de ces régimes auprès de leurs peuples.

    L’Etat moderne, présenté dans le cadre du système marchand comme l’expression la plus achevée de la volonté du peuple et de la défense de l’intérêt général n’a pas honoré, loin s’en faut, ses « promesses de baptême ». Il a su préserver les intérêts du Capital dans sa phase de développement initiale, n’hésitant pas à faire verser des fleuves de sang aux salariés et à toutes celles et ceux qu’il dominait, lorsque ses intérêts vitaux, du fait de la concurrence inter capitaliste et des conflits d’intérêts stratégiques et diplomatiques, l’exigeaient. Il a su, pour sauver le système dont il est le garant, mettre en place des politiques interventionnistes qui donnaient l’illusion d’une gestion égalitaire et démocratique de celui-ci, pour reprendre, par la suite, tout ce qu’il avait concédé. Maniant habile la carotte et le bâton, devenant, sans état d’âme, état providence et état gendarme, il a trompé la plupart des opposants au système au point d’en faire des « loups aux dents de lait », voire carrément des complices et alliés.

    Ainsi, la neutralité économique et politique de l’Etat moderne n’a été qu’une extraordinaire mystification faisant du salarié un être formellement libre sur le plan politique, le citoyen, mais le soumettant totalement aux exigences du capital par l’intermédiaire du marché de sa force de travail. La marchandisation des services publics et de manière générale de toutes les activités humaines montre, s’il en était besoin, le caractère mensonger du discours sur sa « neutralité » politique.

    L’Etat montre aujourd’hui sa vraie nature, celui de garde-chiourme du Capital.

    Le règne de la marchandise triomphante c’est aujourd’hui :

    un monde ouvert où le capital circule sans entrave en exigeant une rentabilité à court terme et demeurant totalement étranger aux conséquences sociales et écologiques de ce mode de fonctionnement ;

    une nouvelle division du travail qui a vidé la « classe ouvrière », des vieux pays industriels, de tout son potentiel stratégique, qu’elle n’a d’ailleurs jamais utilisé, et qui remet en question tous ses acquis ;

    une modification sociologique des anciens pays développés industriels qui ont perdu une grande partie de ce qui constituait la classe ouvrière industrielle qui devait être la classe « fossoyeuse du système » ;

    une généralisation du salariat, même dans les catégories sociales qui y avaient en grande partie échappé : commerce, santé, professions libérales, agriculture, banque, et même social ;

    un citoyen formellement libre mais politiquement soumis à un système électoral orienté et manipulé par les puissances du Capital et dont les conditions de vie, liées à sa place dans l’appareil de production, dépendent entièrement des exigences de la valorisation de celui là ;

    des anciens pays coloniaux qui sont devenus les « pays ateliers » pour la valorisation du capital international, fournissant une main d’oeuvre à bon marché ;

    une valorisation du capital, privilégiant de plus en plus le court terme qui, non seulement, se fonde sur la production de biens et des services, mais aussi et surtout, sur une pure spéculation financière, spéculation a laquelle est associé de plus en plus des salariés (des pays riches) au travers des fonds de pensions, généralisant et aggravant les conditions sociales et d’intégration du plus grand nombre ;

    une organisation internationale du Capital représentée par des organisations comme le Fond Monétaire International, la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce, auxquelles les Etat ont abandonné tout ou partie de leurs prérogatives économiques, qui assure une fluidité maximum des capitaux et une marchandisation généralisée de toutes les activités et productions humaines ;

    une standardisation de la production détruisant toute singularité, soumettant l’activité productrice à une stricte rentabilité et aux exigences d’un marché complètement manipulé par la publicité… générant une production pour laquelle la qualité a été volontairement sacrifiée sur l’autel du profit ;

    un pillage illimité des ressources naturelles à des fins mercantiles alimentant une croissance économique volontairement incontrôlée, qui constitue le principe fondamental du fonctionnement du système marchand ;

    une destruction de l’environnement par l’émission de pollutions de toutes sortes, résidus du fonctionnement illimité et chaotique du système.

    Ce système en perpétuelle expansion, apparemment en pleine possession de sa puissance, qui est persuadé, et essaye de persuader, qu’il a éliminé toute opposition sérieuse, n’en demeure pas moins miné par deux contradictions qu’il est incapable de dépasser :

    il peut de moins en moins aujourd’hui assurer la stabilité d’un lien social – le salariat -qui se délite. Il a de moins en moins les moyens, et la volonté, de négocier avec celles et ceux qui en sont les victimes et a recours, et va avoir recours, de plus en plus à une violence institutionnelle pour assurer sa pérennité ;
    il est incapable, de part les principes même qui l’animent, de contrôler le pillage des richesses naturelles et la dégradation de l’environnement.

    Ces deux contradictions, de plus en plus évidentes, font que le système marchand est entrain d’entrer, comme tous les système dans l’Histoire avant lui, en décadence. Il s’agit désormais d’assurer une transition vers une alternative.

    UNE ALTERNATIVE AU RAPPORT MARCHAND
    L’Histoire de la fin du 19e siècle et celle du 20e nous permettent de tirer, sinon des leçons, du moins de faire un certain nombre de constats :

    contrairement à toutes les prédictions des stratèges de la Révolution, la classe ouvrière n’a pas pris le pouvoir -et quand « elle l’a pris » dans des pays où elle était largement minoritaire, elle a été incapable de le conserver et d’instaurer, ce au nom de quoi elle avait été faite, le « socialisme » ;
    cette classe ouvrière industrielle, élément essentiel de la stratégie anti capitaliste dans les pays développés a, en grande partie disparue, du moins dans sa forme qui en faisait la « fossoyeuse du système » ;
    le (s) système(s) soviétique(s) est (sont) une faillite historique… le système marchand s’est réinstallé à sa(leurs) place(s) ;
    le modèle socialiste, ou du moins ses principes, ne sont pas transposables et applicables mécaniquement – l’expérience des pays en voie de décolonisation le prouve ;
    la peur de la marginalisation politique a incité la plupart des forces progressistes à goûter au fruit vénéneux de la participation électorale. Leur faiblesse leur a été, et leur est, fatale.

    Cette tragique énumération constitue la liste, non exhaustive, des faits qui expliquent l’état de délabrement de la pensée progressiste et alternative et qui doit servir aux alternatifs d’éléments d’analyse et de contre exemples pour fonder une nouvelle stratégie politique évitant les erreurs théoriques et pratiques, aberrantes et désastreuses du passé.

    La contestation radicale du système marchand peine aujourd’hui à retrouver un nouveau souffle ; ceci vient du fait qu’il n’y a aucune alternative politique en dehors de toutes celles qui ont fait faillite. Or quitter le nid douillet des certitudes politiques, même si elles ont fait faillite, exige une forme de saut dans l’inconnu et un risque politique certain.

    La problématique qui se pose pour envisager une alternative se situe à trois niveaux distincts mais largement dépendant les uns des autres : Le niveau politique

    La principale erreur a consisté à développer une stratégie erronée par rapport au Pouvoir.

    La thèse qui consiste à dire, en résumé, « prenons le pouvoir politique et ensuite organisons de nouveaux rapports sociaux », est fausse. C’est cette thèse qui est à la base de la plupart des stratégies qui ont échoué.

    Pourquoi est-elle fausse ?

    le système dominant s’est donné les moyens politiques, administratifs, idéologiques, policiers et politiques de faire face à une agression qui remet en question ses principes. Les expériences de la « Gauche » au pouvoir à différentes époques, et dans différents pays, sont révélatrices. Quant à un affrontement direct, il est irrémédiablement voué à l’échec militaire, mais aussi politique ;

    un nouveau système de relations sociales ne peut pas se mettre spontanément en place en remplacement de l’ancien… ceci ne s’est jamais vu, dans aucune civilisation. Non seulement le réaménagement global est problématique mais les consciences, les esprits ne sont pas prêts à un tel bouleversement en un temps aussi court : les « expériences soviétiques » en sont la plus parfaite démonstration.

    Le niveau économique

    un rapport de production n’est pas une simple organisation mécanique… il est un produit historique, c’est à dire le résultat d’une évolution qui a su intégrer à la fois des conditions de production techniques, mais aussi des relations sociales qui ont évolué au grés des conflits de pouvoir et d’évolution des valeurs éthiques ;
    il n’y a pas de rationalité économique en soi, indépendante des structures sociales, indépendamment de la conscience éveillée (le pouvoir d’accepter ou de refuser) des femmes et hommes qui les constituent.

    Le niveau idéologique

    C’est à la fois le plus simple et le plus compliqué : simple parce que l’on peut dire n’importe quoi, entretenir la radicalité au niveau du simple discours, compliqué parce qu’il s’agit, dans les faits de changer la mentalité, les conceptions, les réflexes, les manières de concevoir les actes de la vie courante et sociale. Or, et l’Histoire du 20e siècle nous le démontre suffisamment, une démarche purement idéologique est non seulement inutile, mais aboutit à une catastrophe. C’est la pratique, la praxis, qui est fondamentale et déterminante dans ce domaine, pas les discours de « théoriciens éclairés ». On ne convainc pas théoriquement, mais en faisant vivre une situation.

    C’est la méconnaissance de ces principes qui expliquent toutes les faillites politiques du 20e siècle – l’exemple soviétique est le plus significatif avec son projet de construire instantanément une « société socialiste » ( ?) avec création d’un « homme nouveau » ( ?)… Un tel projet nie totalement les lois de l’Histoire et celle de l’évolution de la conscience et de l’esprit humain – idem pour la Chine… sans parler de la parodie grotesque et dramatique des autres « pays socialistes ».

    Ce sont ces mêmes principes qui continuent pourtant, et malgré les véhémentes dénégations, à fonder l’essentiel des stratégies politiques des organisations qui ont la prétention insensée, de leur part, de créer un monde nouveau – Certes, la prise du pouvoir à la soviétique est exclue, c’est la voie électorale qui est privilégiée, ce qui rend le résultat encore plus aléatoire.

    Il n’y a plus il est vrai, aujourd’hui, l’existence explicite, repérable, facilement identifiable, d’une force, d’une classe sociale au destin « messianique » et qui devrait « libérer définitivement le genre humain de l’oppression » comme l’a cru une part importante du mouvement ouvrier durant ces deux derniers siècles… certains le croyant encore. Pourtant, loin de se réduire, le rapport social salarial s’est généralisé, dans les pays développés mais aussi, massivement dans les pays que le Capital a envahis et dans lesquels il a détruit, ou est entrain de détruire, toute autre forme de relations sociales.

    Ce que l’on nomme, faute d’appellation plus précise, mouvement social aussi nébuleux, aussi imprécis dans ses contours et ses objectifs qu’il soit, est une réalité sociale et économique, sans pour cela avoir, il est vrai, une réalité et expression politique. Il exprime maladroitement et sans vision stratégique, sur un mode purement défensif, les dérives anti sociales du système marchand dans sa phase libérale et mondialiste. Il exprime les craintes, plus que fondées, d’une dégradation sociale de l’ensemble de la société. Ce qui constitue l’essentiel de sa prise de conscience et de sa mobilisation c’est la défense des acquis sociaux que le système marchand avait concédés à l’époque où le mouvement ouvrier pouvait se mobiliser et dans des périodes où le système pouvait, et devait, « lâcher du lest » (années 30, après guerre, Trente Glorieuses).

    Si la défense des acquis sociaux est une lutte nécessaire et juste, elle n’en est pas moins perdue d’avance en l’absence d’une stratégie offensive. Or, cette dernière, confisquée par les organisations politiques diverses, se perd dans des analyses plus que douteuses et les errements aléatoires et bureaucratiques d’une pratique électorale totalement stérile.

    C’est donc à une véritable révision du rapport au politique, et bien sur à la politique, que ce mouvement se doit de procéder.

    L’apparition de structures alternatives est l’autre facteur d’évolution des conséquences du fonctionnement du système marchand. Elles sont l’expression des initiatives, prises à différents niveaux de la société, par des hommes et des femmes qui ne se satisfont plus de leurs conditions de vie et de travail et qui créent d’autres relations sociales, d’autres types de rapports sociaux. Elles représentent, contrairement aux apparence, l’embryon de ce qui devrait être une stratégie offensive.

    Apparues dès le 19e siècle pour lutter contre les excès du développement capitaliste des sociétés en Europe occidentale, sous la forme des coopératives et de ce que l’on appellera plus tard l’économie sociale et solidaire, elles représentaient des alternatives aux conditions imposées par le système au prolétariat. Puissamment combattues sur le plan idéologique par ce qui allait devenir le mouvement communiste, il leur était, entre autre, reproché de relativiser la « force révolutionnaire du prolétariat » industriel et d’ « aménager » la société capitaliste. Ces structures, quoique ne disparaissant pas entièrement, certainement dégénérant en entreprises purement capitalistes, sont restées en marge de la contestation du système.

    Ce n’est que vers la fin du 20e siècle, devant l’aggravation des contradictions du système marchand (exclusion massive de la force de travail, dérives écologiques des productions agricoles et industrielles), et la faillite de toutes les stratégies de changement politique et social, que ces structures, et leurs principes de fonctionnement, sont réapparues sous différentes formes. Considérées au départ comme des structures plus ou moins marginales, regroupant des « marginaux », elles sont en passe d’être une véritable alternative permettant à des populations en manque d’intégration, mais aussi de mode de vie et de consommation nouveaux, des solutions satisfaisantes et pérennes.

    Ignorées, sinon méprisées, ou au mieux considérées comme folkloriques, par les formations politiques traditionnelles et officielles, elles représentent, malgré tout et en dépit des critiques dont elles font l’objet, le seul exemple d’une alternative réelle et concrète au système marchand.

    La rencontre, la collaboration, la fusion entre ces deux mouvements (mouvement social et structures alternatives) ne s’est pas faite… L’un et l’autre s’ignorent, non pas du fait de divergences qui les opposeraient, mais du fait d’un déficit de la pensée politique et d’une vision étriquée de ce que doit être le changement et les conditions de sa réalisation.

    Le programme de l’Alternative, sans être encore détaillé et précis peut, et doit, se fonder sur des pistes solides qui peu à peu émergent de l’horizon embrumé de l’échec des luttes du passé, des contradictions de plus en plus vives du système marchand et des impasses électorales. La voie nous est montrée, non pas par une théorie partant d’un postulat, aussi séduisant et rationnel qu’il soit, mais par l’expression et les conséquences des contradictions du fonctionnement du système marchand :

    développement méthodique, concerté et fédéré des structures alternatives dans tous les domaines possibles, en commençant par les plus simples et les plus accessibles, en fonction des spécificités et traditions de luttes locales -par exemple l’agriculture en France, le secteur industriel en Argentine
    développement systématique de circuits courts et alternatifs de distribution des biens et services, autrement dit, relocalisation de l’économie ;
    la relocalisation de l’économie doit être un moyen de fédérer les unités de production agricoles et industrielles en vue de la constitution d’un tissu de relations sociales prélude à un système alternatif qui rendra peu à peu caduques et obsolètes les circuits de production et de distribution du système marchand ;
    articulation des luttes sociales avec ces nouvelles pratiques fondées sur la solidarité et la fédération des actions – par exemple abandon, du moins relativisation, de la forme traditionnelles des luttes comme la grève qui n’apportent plus aucun résultat dans le système mondialisé, mais recherche de solidarités (avec les associations d’usagers) en vue de lutter

    contre la marchandisation généralisée des services – utilisation de la gratuité comme moyen de lutte ;

    popularisation de toutes ces pratiques pour y entraîner le maximum de personnes montrant

    en cela que le monde nouveau que nous souhaitons est, non seulement possible, mais dès à présent réalisable ;

    développement à cette fin d’un réseau de communication pour échanger mais aussi pour informer en dehors des médias officiels et marchands quasi entièrement contrôlés par les puissances politiques et financières au service du Capital.

    Ce programme devra réexaminer sans à priori et sans préjugés, en étroite liaison avec la pratique, des questions aussi essentielles, et fort mal traitées dans le passé, que le statut de la propriété individuelle et celle des moyens de production, celle des moyens d’échange et le statut de la monnaie, celles des conditions de la production des richesses, de leur répartition et celle de leur transmission. Les erreurs commises dans le passé, quant au traitement de ces questions, doivent nous servir de leçons afin d’éviter les dérives catastrophiques qui ont fait le malheur de millions d’individus au travers de plusieurs générations dans toutes les parties du monde.

    Ce programme ne manquera pas de critiques.

    De la part des gestionnaires du capital qui le railleront et y verront des pratiques d’ « anti modernité », voire « préhistoriques », car pour eux, la modernité consiste, évidemment, à accumuler du capital, faire fructifier les profits, marchandiser les services, breveter le vivant, ne jurer que par la compétitivité et la croissance, précariser les salariés, piller sans vergogne les ressources naturelles de la planète et polluer à mort notre environnement. Ils riront moins lorsque la majorité leur montrera concrètement que l’on peut vivre, et mieux, sur d’autres principes que les leurs et que tout leur édifice économique et politique est désormais obsolète. Se posera alors, et même probablement avant, le problème de l’auto défense du processus en construction car le système marchand, comme tous les systèmes dans l’Histoire, ne capitulera jamais volontairement. Le sérieux et la puissance du nouveau système seront les meilleurs garants de son succès.

    De la part des organisations politiques de « gauche », dirigées par des professionnels de la politique, grands donneurs de leçons malgré leur faillite historique. Critiques et sceptiques au début, elles essayeront ensuite de s’intégrer au processus pour le contrôler, voire le dévoyer et/ou de l’enrayer en fonction d’options théoriques de leur invention et en fonction de leurs intérêts bureaucratiques. Peut- être, et ce serait le plus souhaitable, nombreuses et nombreux seront celles et ceux qui, sincères dans leurs opinions, leur engagement et leur désintéressement, ouvriront leurs yeux et quitteront leurs organisations politiquement en faillite pour rejoindre le combat sur d’autres bases. La plus grande vigilance sera de rigueur et seul le sérieux et le crédit démocratique de la pratique, de la praxis, sera le garant de la réussite.

    Ce n’est pas la puissance organisationnelle qui fait la justesse de la stratégie d’une organisation, pas plus que son « [look marketing » et sa présence médiatique qui va avec. Toutes ces manifestations et ces croyances ne sont que des illusions entretenues, complaisamment, par le système marchand et son complexe industriel médiatico-spectaculaire pour maintenir le « bon peuple » dans l’ignorance et l’illusion. Ce qui fait la puissance d’un mouvement c’est sa pratique sociale réelle, celle qui créée de la relation sociale et la conscience qu’il a de ce qu’il fait, bref de sa praxis. Tout autre considération n’est que « poudre aux yeux » et « politique spectacle ».

    LES PARTIS, MOUVEMENTS ET AUTRES ORGANISATIONS
    La contestation et la critique du système marchand a donné naissance à une galaxie d’organisations, partis, mouvements qui ont tous un trait commun : en un siècle et demi de domination de ce système,

    aucune de ces organisations n’a su faire une analyse suffisamment pertinente de la dynamique historique de l’évolution de celui-ci pour produire une stratégie permettant d’envisager une alternative crédible et viable. Toutes, sans exception, ont échoué dans leurs projets ce qui, par voie de conséquence, prouve que leurs analyses étaient erronées.

    Quasiment aucune n’a tiré les conséquence de leurs échecs respectifs. Constituées en bureaucraties jalouses de leurs intérêts, parfois de leurs privilèges, rançon, pour certaines, de leur collaboration avec le « système abhorré », elles persistent et signent dans l’erreur, verrouillant efficacement jusqu’à présent la prise de conscience collective nécessitée par la décadence du système marchand qui conduit l’humanité à sa perte.

    Passons rapidement en revue cette sinistre et dérisoire cohorte.

    La social démocratie

    Après des débuts prometteurs et une rapide dégénérescence politique, elle se confond aujourd’hui avec la catégorie des gestionnaires du système marchand. Ayant parfaitement épousé, très tôt, les principes de l’économie de marché, les partis sociaux démocrates ont brillamment prouvé qu’ils étaient tout à fait capables de garantir économiquement, idéologiquement et politiquement le fonctionnement du système marchand. Les meilleurs alliés du Capital ils ont su, à toutes les époques, et dans tous les pays, quand le besoin s’en faisait sentir, et grâce à une rhétorique sociale trompeuse, faire passer les réformes allant dans le sens des intérêts du Capital, voire avoir recours à une féroce répression pour faire entrer les salariés dans le droit chemin de la soumission.

    Au pouvoir, les réformes qu’ils ont initiés, quand elles sont allées parfois, indubitablement dans le sens de l’amélioration des conditions des salariés, n’en sont pas moins demeurées des formes d’intégration de ceux-ci dans la logique du Capital… et sont aujourd’hui en voie de liquidation avec leur tacite accord.

    On peut dire, qu’en ce début du 21e siècle, la social démocratie, au sens du 19e-début et du 20e a disparu, les partis et leurs membres s’interchangeant sans états d’âmes politiques avec les forces dites « conservatrices ».

    Le mouvement communiste

    Forme radicale la plus opérationnelle de la contestation du Capital, il fondait, du moins à ses débuts, sa stratégie sur le « rôle d’avant-garde de la classe ouvrière » et la « nécessaire conquête du pouvoir par celle-ci pour édifier une société sans classe ».

    Après la révolution bolchevique russe de 1917 les communistes « officiels » ont été totalement inféodés à la politique et à la diplomatie soviétiques. Epousant les moindres méandres de celle-ci, ils ont perdu une partie de leur crédibilité tout en bénéficiant du mythe de la« patrie des travailleurs », mythe qu’ils ont largement contribué à diffuser dans les couches populaires crédules.

    A la chute du « bloc soviétique » (chute du Mur de Berlin) et de la dégénérescence marchande du reste du « bloc » (Chine) ou sectaire (Corée du Nord) il a vu son fond de commerce fondre, se raccrochant désespérément et affectivement à un dernier avatar du système soviétique, le « socialisme Cubain » à l’agonie et à bout de souffle.

    Certains ont su anticiper la catastrophe à venir du mouvement communiste et à rejoindre le giron d’une social démocratie de plus en plus participationniste. D’autres, particulièrement sclérosés sont

    demeurés des organisations d’abord mi-sectaires, mi-opportunistes, participant avec les sociaux démocrates à des gouvernements de coalition de gestion du système pour finalement sombrer, étriqués et marginalisés par leurs alliés sociaux démocrates, dans un état crépusculaire et groupusculaire, et quémander une unité impossible à d’anciens adversaires politiques en passe, et à leur grand désespoir, de prendre leur place sur l’échiquier politique.

    Les « organisations révolutionnaires »

    Issues de l’opposition critique aux partis communistes, dont elles disputent le terme « communiste », elles se sont dégagées de l’emprise soviétique pour en faire une critique qui s’est finalement avérée en grande partie erronée – l’Histoire montrant que la thèse du « système socialiste bureaucratiquement dégénéré et pouvant retrouver la juste voie du socialisme par une révolution politique » était tout à fait fausse.

    Certaines de ces organisations sont devenues des officines théorico militantes plus soucieuses d’être fidèles à de vieux dogmes et grimoires poussiéreux qu’à des analyses novatrices sur le développement du capitalisme. D’autres plus pragmatiques, et finalement plus opportunistes, ont insensiblement abandonné leurs stratégies insurrectionnelles tout en gardant une rhétorique radicale. Leur participation au processus électoral, au nom d’un réalisme politique ambigu, les a définitivement placé dans une logique classique d’expression politique dans laquelle le marketing politique tient lieu de mode essentiel d’expression et d’existence.

    Les anarchistes

    Opposition radicale au système marchand à ses débuts, elle a souvent sombré dans la violence stérile quoique produisant des analyses intéressantes et fertiles. Victimes d’une féroce répression, largement aidée en cela par la violence qu’ils théorisaient et pratiquaient, et l’intransigeance politiquement impuissante des actions entreprises, ils demeurent à part sur l’échiquier des forces politiques.

    Devenus dans quelques rares cas (l’Espagne dans les années 1930) une véritable force politique opérationnelle, ils ont su mettre localement et temporellement en pratique leurs théories vites balayées par les communistes et les forces réactionnaires. Politiquement marginalisés du fait de leur refus du processus électoral, et souvent se complaisant dans celle-ci, ils théorisent des pratiques individualistes, ou plus ou moins communautaires, dans lesquelles des principes nouveaux de relations sociales sont mis en pratique. Ils constituent incontestablement, dans le contexte actuel de décomposition de la pensée politique, un élément de la renaissance de celle-ci.

    Le mouvement écologiste

    Issu d’une prise de conscience dès la fin des années 1960, des causes et conséquences catastrophiques du développement des forces productives dans le cadre des lois du développement du Capital, il a fait une irruption remarquée, à défaut de remarquable, dans le champ politique. L’originalité et la pertinence de sa pensée pouvaient laisser espérer un souffle nouveau dans le concert classique de la contestation politique du système.

    Hésitant à ses débuts entre une autonomie politique à l’égard des autres formations politiques et son alliance avec elles, il n’a pas su, ou pu, résister aux sollicitations et pressions exercées par celles-ci. Elles voyaient en lui un renouveau avantageux sur le plan électoral afin de dynamiser un discours routinier et insipide et de récupérer de nouveaux électeurs déçus par le discours politique traditionnel. Elles ont phagocyté ses idées et les ont réduites à l’état de bouillie théorique, mises au service de leurs intérêts politiques et à celles des intérêts du Capital.

    L’écologisme est devenu aujourd’hui une mode dont se sont emparés toutes les forces politiques, même les plus réactionnaires, pour attirer à elles un électorat inquiet des prospectives écologiques.

    Les partis qui, explicitement, se réclament de l’écologie sont devenus des officines bureaucratiques de promotion politique de leurs membres dirigeants, percluses de conflits de pouvoir et incapables d’imaginer la moindre stratégie politique, donnant par exemple crédit à des fables aussi grotesques que le« développement durable », concept inventé par le système pour, à la fois sauver son modèle de croissance et donner des gages à celles et ceux qui s’inquiètent des conséquences de la généralisation de la marchandise pour le devenir de la planète.

    Les altermondialistes

    Derniers nés des mouvements de contestation anti capitaliste, sur le terreau de la décomposition plus ou moins avancée des précédents, il ont représentés dans de nombreux pays, et en particulier en Europe et aux Etats-Unis, un espoir réel de renouveau de la pensée et de l’action politique. Largement infiltrés par les organisations politiques friandes de nouveaux militants, la cour assidue dont ils ont fait l’objet les a largement affaiblis. Ils n’ont pas su résister aux dérives bureaucratiques et à la pression des médias qui a fait de leurs leaders de nouvelles vedettes médiatiques qui ont complètement perdu le sens de ce que devrait être une stratégie politique alternative.

    Les analyses et projets pertinents du début ont laissé place à une routine bureaucratico-pédagogique répétitive qui a déçu et lassé nombre de militants qui sont retournés dans le milieu associatif, voire les limbes du non engagement politique.

    C’est dans cette mouvance que se situe le mouvement des alternatifs qui peinent à trouver une voie originale et se perd en pratiques « bureaucratico-militantes » à forte connotation de psychodrame collectif.

    Toutes ces organisations, tous ces mouvements ont, aux différentes époques, aux différents stades de leur évolution, été les victimes, plus ou moins consentantes à la fois d’une bureaucratisation, de conflits internes de pouvoir, justifiés par de plus ou moins sérieuses divergences théoriques, et pour la plupart (les anarchistes exclus) été victimes des sirènes électorales et/ou médiatiques qui les a fait entrer dans la logique mortifère de la notoriété institutionnelle. Toutes y ont perdu, aux regards des valeurs et principes initiaux qui les animaient, leur « âme politique » et surtout le sens de la praxis.

    C’est cette dernière qu’il s’agit de retrouver.

    L’alternative n’est pas une exigence intellectuelle, produit phantasmatique de cerveaux fiévreux et éternellement insatisfaits. Elle est à la fois une exigence et une possibilité historiques.

    exigence, car le système marchand, du fait des principes de son fonctionnement, est incapable de procéder à une utilisation des ressources naturelles compatibles avec une sauvegarde des conditions de vie sur la planète ; mais aussi du fait que le principe inégalitaire qui le fonde, quant aux

  29. Avatar de Politique
    Politique

    SUITE

    C’est cette dernière qu’il s’agit de retrouver.

    L’alternative n’est pas une exigence intellectuelle, produit phantasmatique de cerveaux fiévreux et éternellement insatisfaits. Elle est à la fois une exigence et une possibilité historiques.

    exigence, car le système marchand, du fait des principes de son fonctionnement, est incapable de procéder à une utilisation des ressources naturelles compatibles avec une sauvegarde des conditions de vie sur la planète ; mais aussi du fait que le principe inégalitaire qui le fonde, quant aux conditions de production et de répartition des richesses, ne peut être que source de conflits toujours plus destructeurs ;

    possibilité, car l’esprit humain, quoiqu’il n’y a aucune certitude en la matière, peut concevoir la mise place d’un système de relations sociales rendant compatibles ses désirs d’innovation permanente, de justice et de préservation de notre environnement

    La question du temps demeure cependant une question, sinon la question, essentielle. Les dégâts considérables infligés à l’éco système par le développement du système marchand sont sans commune mesure avec les dégâts infligés à la Nature par les systèmes du passé. Les échéances, pour mettre en place des relations sociales compatibles avec cet équilibre, sont aujourd’hui très courtes

    Prenons dès à présent conscience que le temps ne s’écoule plus de manière linéaire et illimitée, mais qu’au contraire le compte à rebours de la mise en place de conditions d’existence sociale compatibles avec notre survie est enclenché. Tout retard pris nous rapproche de la catastrophe. »
    Patrick Mignard – Juillet 2007

    Cela fait beaucoup de bien de lire des textes de cette qualité.

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Votre texte me fait penser à celui de Y. Rumpala sur « l’acteur-réseau »
      http://yannickrumpala.files.wordpress.com/2009/01/rumpala-la-connaissance-et-la-praxis-des-reseaux-comme-projet-politique2.pdf
      Peut-être aussi une filiation avec l’associationisme.
      Malgré le ton « messianique » un peu indigeste, votre texte donne à réfléchir sur ce que pourrait être une « molléculaire » sociale pour faire un parallèle avec la chimie et sortir de l’illusion individualiste. Mais bon, « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

    2. Avatar de fujisan

      Pourquoi recopier tout ce long manifeste alors que vous auriez pu mettre le lien vers ce manifeste (PDF) avec un extrait ?

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