Un problème de rapports de force entre Etats et finance, par Corinne Lepage

Billet invité.

La semaine a été très contrastée sur le front des rapports entre gouvernements et citoyens à l’échelle du continent européen. Deux bonnes nouvelles :

– Le rejet par le Parlement européen de la convention swift n’est pas une révolution mais néanmoins un moment important pour une double raison : c’est un acte d’indépendance fort à l’égard du conseil et de la commission qui avaient négocié derrière le dos du parlement une convention d’échanges de données bancaires avec les Etats Unis complètement déséquilibré. Après avoir voté pour la Commission Barroso 2 (ce que je n’ai personnellement pas fait) le Parlement, deux jours plus tard, montre ainsi son indépendance puisque la commission appuyait la demande du PPE de reporter le vote. C’est aussi un acte d’indépendance à l’égard des Etats-Unis, pour avoir proposé une convention complètement déséquilibrée donnant des droits sur les citoyens européens sans aucune contrepartie.

– La décision prise par l’Islande et ses créanciers, dans l’attente du referendum, de renégocier le montant de la dette. Cette pression citoyenne est une grande première qui certes, met en difficulté toute l’économie islandaise au regard des investisseurs éventuels mais a l’immense mérite de poser pour la première fois les limites de ce que des peuples peuvent accepter.

A contrario, la question grecque reste entière et la solidarité parait difficilement jouer même si elle a été affichée. En vérité, la solidarité ne devrait pas consister seulement à soutenir la Grèce. Elle devrait consister à affirmer une volonté politique très ferme au regard des spéculateurs et donc du monde financier. Car n’est-il pas parfaitement innommable que les contribuables européens après avoir puisé dans leurs poches et au-delà, soi-disant pour renflouer le système financier et faire repartir la machine économique, subissent une deuxième ponction résultant du détournement dans l’usage des fonds vers les fonds spéculatifs, puis une troisième résultant de l’utilisation des fonds spéculatifs pour détruire la monnaie et donc ce qui reste de l’économie grecque d’abord, de la zone euro ensuite. C’est donc un problème de rapports de force entre Etats et finance. Les Etats refusent en réalité d’utiliser les armes réglementaires dont ils disposent contre la spéculation (par exemple l’interdiction sauf exception de la vente à découvert) alors que le système financier, banques incluses n’a aucun état d’âme à utiliser l’argent public reçu pour détruire ceux qui ont eu la faiblesse de le leur prêter quand ils étaient dans les affres du risque de collapse.

Le problème de fond n’est donc pas posé et encore moins solutionné. Or, plus le temps passe, plus les Etats perdent, en raison de leur endettement massif, les moyens d’une politique digne de ce nom. Pour cette raison, plus que jamais, la réflexion autour des moyens dont la société civile, c’est-à-dire les clients des banques/citoyens/contribuables peuvent réagir et devenir des moyens de pression sur leur gouvernement comme l’ont fait les Islandais est un sujet politique central.

Partager :

112 réponses à “Un problème de rapports de force entre Etats et finance, par Corinne Lepage”

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Ultra-dangereux… Je ne résiste pas à ma furieuse envie de faire partager les saloperies commandées là-bas par le gouvernement israélien…

  2. @ilicitano C’est cela, aller travailler pour gagner de l’argent pour acheter(à crédit) une maison dans la campagne et une voiture…

  3. @Otromeros Cela fait un mort pour 100 000 repas, soit 50 000 jours ou 125 ans, cela fait probablement que…

  4. Avec toujours (DORENAVANT…??? ) cette « vérité-duale » .. : https://www.rtbf.be/article/face-a-la-presse-et-malgre-les-enquetes-internationales-le-directeur-de-la-fondation-humanitaire-de-gaza-nie-toujours-les-violences-meurtrieres-11571186 …  » « En seulement un mois, notre organisation a distribué 55…

  5. Hors sujet, quoique… « Pour le ministre belge de la Défense, ces appareils sont sans rival : « Poutine n’a pas peur…

  6. @Julie ……. …….. et surtout (hélas) « ça » : https://trt.global/fran%C3%A7ais/article/461e0e7f05cd (source à consolider..? )

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx LLM pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés Singularité spéculation Thomas Piketty Ukraine Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta