La Grèce, Moody’s et le destin de la zone euro

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Si vous avez vu l’émission Ce soir (ou jamais !) du 4 février, vous avez pu me voir demander à Mr. Éric Woerth, le ministre du budget français, s’il ne pensait pas que le pouvoir des agences de notation était exorbitant. Il me semble qu’il a répondu oui. Mais vous pouvez vérifier vous-même.

Ce thème du pouvoir exorbitant des agences de notation, je l’avais déjà abordé le 1er février dans une chronique pour BFM Radio que j’avais précisément appelée Un pouvoir véritablement exorbitant mais je ne parlais alors qu’en termes généraux. Parlons maintenant en termes spécifiques. Ce qui va nous ramener… à la Grèce, bien entendu.

La question qu’on se pose depuis quelques jours, c’est : « Pourquoi Der Spiegel ? ». Pourquoi le pot-aux-roses du swap de change véreux arrangé par Goldman Sachs au « bénéfice » de la Grèce a-t-il été révélé par un hebdomadaire allemand ? La réponse se trouve probablement dans les termes-mêmes du swap.

Si l’on en croit un article publié hier par « Tyler Durden » and « Marla Singer » sur le site Zerohedge, la rétrogradation de la Grèce et de « Titlos », le SPV (Special Purpose Vehicle), la société créée dans le but de gérer le fameux swap, à la notation A2 par Moody’s le 23 décembre dernier, place désormais tout l’arrangement un seul degré seulement au-dessus de la note A3 qui a été définie par Moody’s lors de sa validation du swap et de la rédaction du contrat, comme déclenchant un appel de collatéral d’un montant de 5,4 milliards d’euros. Dans la situation financière actuelle de la Grèce, on le sait bien, ce serait la fin. On n’est plus qu’à un cran au-dessus et vu la manière dont fonctionne la zone euro, chacun sait – et les Allemands tout particulièrement – vers qui tous les yeux se tourneraient alors comme étant le volontaire désigné pour tirer la Grèce du pétrin.

Ceci, c’était pour répondre à la question : « Pourquoi Der Spiegel ? » Mais ce n’est pas de l’Allemagne que j’avais l’intention de parler : je voulais parler des agences de notation. C’est Moody’s qui a cautionné le montage du swap et lui a attribué son Aaa initial. C’est Moody’s qui a déterminé qu’une rétrogradation à une note inférieure à A2 déclencherait un appel de collatéral fatal. C’est Moody’s qui a rétrogradé la Grèce ainsi que son swap au grade A2 le 23 décembre dernier. C’est sur Moody’s que repose encore l’entière responsabilité de rétrograder l’un ou l’autre, voire les deux à la fois de A2 à A3. Je repose alors la question que j’ai posée à Mr. Éric Woerth : « N’est-ce pas un pouvoir exorbitant attribué à une firme privée ? » Je ne dis même pas : « À une firme privée américaine ».

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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78 réponses à “La Grèce, Moody’s et le destin de la zone euro”

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  1. Ajouter qu’en termes de « faux-jetons » … me semble-t’il…. ceci devrait frôler un record.. : https://www.lalibre.be/international/europe/2025/07/05/un-couple-neerlandais-implique-dans-79-accidents-comparait-pour-fraude-a-lassurance-ce-sont-les-autres-conducteurs-qui-ne-font-pas-attention-4CR4LQWSHBBMHC77BXUG75NR7Q/ … » Autre élément surprenant :…

  2. La vraie question…à nouveau donc , me semble-t’il , reste : https://www.pauljorion.com/blog/2025/07/05/video-les-faux-jetons-sont-au-pouvoir/comment-page-1/#comment-1078536

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