LIBERTÉ, ÉGALITÉ, OCÉANITÉ, par Michel Martin

Billet invité

L’enfer est pavé de bonnes intentions, mais le ciel est garni d’étoiles.

C’est en écoutant le débat avec Alain Badiou sur son livre « L’hypothèse communiste » le soir du 23 Novembre dernier à Citéphilo que m’est venue l’idée de proposer une nouvelle devise. Ce texte prolonge aussi un début de discussion au sujet de la filiation du care entre fraternité et solidarisme qui s’est amorcé suite à mon intervention à Citéphilo le 23 novembre, en compagnie de Geneviève Fraisse, Jean Gadrey et Alain Lhomme. Il fait aussi écho au billet Liberté-égalité-Fraternité/Gratuité par Jean-Luce Morlie le 1er novembre ainsi qu’à une remarque de Paul Jorion dans sa vidéo du vendredi  26 novembre sur les libertariens.

Tout d’abord, devrions-nous dire devise, ne devrions-nous pas plutôt dire constellation ou firmament, idéel ou forme. C’est que dans une devise, il y a déjà un programme et qu’au contraire, nos trois mots fétiches sont des étoiles situées dans le ciel. Saint Bernard nous a enseigné que l’enfer était pavé de bonnes intentions, je pourrais ajouter que le ciel est garni d’étoiles. J’aurais tout aussi bien pu proposer Liberté, égalité, communisme plutôt qu’océanité. Car le communisme est une étoile qui s’est couverte de sang et de larmes. À devenir une bonne intention, à vouloir trop s’incarner, elle s’est tout de suite corrompue jusqu’à ne plus susciter que haine et nostalgie, jusqu’à déchaîner l’enfer. Alain Badiou se propose de ramasser cette étoile déchue dans le ruisseau, afin de tenter de réchauffer le coeur de ses compagnons de route, orphelins depuis qu’elle gît ainsi, près des détritus. Un œil attentif comme celui d’Alain Badiou a vu qu’elle est d’une autre nature, d’un autre destin, d’un autre éclat.

La parenté du care et de notre fraternité Pest pourtant évidente, mais le care est sur terre et la fraternité est au ciel. Le care est concret et la fraternité est au firmament, accompagné de sa parente, la gratuité. Pourtant le care ne nous dit rien, en tout cas rien qui vaille, et la fraternité a mauvais genre, le genre dominant, et c’est inscrit dans son nom. Sa compagne l’égalité n’était pas mieux servie que la fraternité, il s’agissait aussi de l’égalité des hommes. Avant la révolution, les femmes n’étaient pas encore nées au firmament. Mais comme l’égalité n’est pas marquée au fer rouge de son genre initial, elle a pu se faufiler dans le temps et parvenir jusqu’à nous et épouser les deux sexes. Qu’en est-il de la liberté ? Sans doute un parcours voisin de celui de l’égalité, mais son histoire est moins claire en ce qui concerne ses relations avec le genre. Gardons cette étoile toujours aussi scintillante et ne laissons pas les libertariens se l’approprier ici-bas pour justifier leur forfait, pour justifier leur cupidité. Cette liberté là se retrouve aussi vite dans le ruisseau en compagnie de ce pauvre communisme qui avait cru pouvoir engendrer le paradis sur terre en devenant programme, appuyé sur l’infaillible dialectique matérialiste. Le livre noir du communisme est aujourd’hui rejoint par le livre noir du libéralisme. Le care porte en lui l’attention aux autres humains, et aussi l’attention à notre milieu, notre écosystème. Si l’étoile de la fraternité ne couvre que la moitié des humains, elle ne couvre en rien l’écosystème. Alors je me suis interrogé sur le mot qui correspondrait à une expérience et qui nous évoquerait l’attention, une sensibilité universelle. Et c’est alors que le sentiment océanique m’a paru être un bon candidat. Ce sentiment est une expérience, pas vraiment une construction d’idée, c’est le sentiment qu’on peut éprouver devant une nature vierge ou devant le spectacle des astres. C’est le sentiment vertigineux d’être de ce monde, de cet univers, pleinement. Océanité est un candidat possible pour figurer dans notre triade et répondre à notre faculté de coopération et d’empathie avec nos frères, nos sœurs, notre écosystème et jusqu’au cosmos tout entier.

Dans la grille de trifonctionnalité de Dumézil, la fraternité est dans le pôle de l’ordre, du pourquoi, alors que le solidarisme est dans le pôle de la fécondité, des nourritures et des biens, du comment.

Je me demande seulement si l’expérience du sentiment océanique est assez partagée par tous les peuples, les naturalistes que nous sommes, les totémistes, les analogistes et les animistes. Si un anthropologue pouvait me le dire, je lui en serais reconnaissant.

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180 réponses à “LIBERTÉ, ÉGALITÉ, OCÉANITÉ, par Michel Martin

  1. Avatar de ghostdog
    ghostdog

    Comme ça un samedi aprem ‘ un peu gris, on tombe sur un texte magnifique, poétique dont la sensibilité l’espace d’une lecture nous arrache aux pesanteurs …
    Merci M. Martin

    1. Avatar de regoris
      regoris

      un sac de charbon 12/22 coute 10 €..
      il était à 6 € l’année dernière..
      léger me semble lourd..
      merci M Martin

    2. Avatar de Charles A.
      Charles A.

      Pourquoi océanique ?
      L’ivresse du cosmos est beaucoup plus forte que celle de l’océan.
      C’est cette ivresse, autrement dit poésie, qui me ravit.
      Cela fait longtemps que face à cette communion avec le cosmos,
      dont je ne prétends nullement pourvoir un jour connaitre l’étendue ni le fonctionnement,
      je trouve toutes les religions d’une pauvreté atristants,
      pour ne pas dire qu’elles relevent d’un matérialisme vulgaire,
      très loin de la spiritualité.
      A l’aune du cosmos, la poésie commence où s’arrête la religion.

    3. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ Charles

      La poésie est le réel absolu. Plus une chose est poétique, plus elle est vrai.
      (Novalis)

      La poésie est ce qu’il y a de plus réel, c’est ce qui n’est complètement vrai que dans un autre monde.
      (Baudelaire)

    4. Avatar de Michel MARTIN

      Le livre de Michel Serres « Biogée », que je découvre, est sous-tendu par le même esprit que celui qui m’a incité à proposer l’Océanité.
      http://blog.librairiedialogues.fr/2010/09/08/biogee-par-michel-serres/

  2. Avatar de interobjectif
    interobjectif

    Dans les philosophies ou religions tendant à l’éveil spirituel (Zen, Vedanta, etc.), on trouve fréquemment la comparaison entre l’océan (l’univers) et la vague (l’individu), le sentiment océanique correspondant à une prise de conscience non-duale de la nature de l’Etre :

    Au-dessous du monde des perceptions sensorielles et de l’activité mentale, il y a l’immensité de l’être. Il y a une vaste étendue, une vaste immobilité, et une petite activité frémissante à la surface, qui n’est pas séparée, tout comme les vagues ne sont pas séparées de l’océan

    Eckhart Tolle – Frémissements à la surface de l’Être

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Il me semble que les régions que vous citez correspondent à la définition « analogiste », merci.

    2. Avatar de interobjectif
      interobjectif

      Certes mais le nom (ou sa définition) n’est pas la chose !

      Je n’ai jamais éprouvé le plaisir intellectuel que sur le plan analogique. Pour moi la seule évidence au monde est commandée par le rapport spontané, extra-lucide, insolent qui s’établit, dans certaines conditions, entre telle chose et telle autre, que le sens commun retiendrait de confronter.

      André Breton – Signe ascendant

    3. Avatar de Michel MARTIN

      La question que je me pose est la suivante: est-ce que le sentiment océanique est une expérience universelle, ou bien existe-t-il des cultures où ce sentiment est inconnu?

    4. Avatar de interobjectif
      interobjectif

      Le sentiment océanique se définissant comme la sensation de faire un avec le monde hors de toute croyance religieuse, « un sentiment d’union indissoluble avec le grand Tout, et d’appartenance à l’universel », est à mon sens une expérience universelle, l’expérience de l’unité, pouvant être ressenti par tout être humain, quel que soit sa culture.
      C’est en quelque sorte la véritable nature de l’homme qu’il se doit de retrouvé et que l’on pourrait qualifier d’êtreté.

      Un être humain est une partie d’un tout que nous appelons : Univers. Une partie limitée dans le temps et l’espace. Il s’expérimente lui-même, ses pensées et ses émotions comme quelque chose qui est séparé du reste, une sorte d’illusion d’optique de la conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous restreignant à nos désirs personnels et à l’affection de quelques personnes près de nous. Notre tâche doit être de nous libérer nous-même de cette prison en étendant notre cercle de compassion pour embrasser toutes créatures vivantes et la nature entière dans sa beauté.

      Albert Einstein

    5. Avatar de wuwei
      wuwei

      En général le mental s’écoule en direction du monde, et non vers le Moi.
      Pour gagner le Moi, nous devons être prêts à oublier le monde en renonçant aux espoirs que nous y
      avons mis.
      Tant qu’il persiste en nous une trace de cette idée que le monde est réel, nous ne pouvons
      commencer notre recherche du Moi.
      La véritable permanence est inséparable de l’immuabilité ; car l’objet qui a subi un changement a
      cessé d’être le même objet. Un autre axiome est que le réel doit avoir une existence autonome ; tout
      objet qui est dans un état de dépendance est irréel ; c’est le cas de tout ce qui est fait avec une
      certaine matière : un pot n’est un pot que par convention ; il est en réalité de l’argile. Dans cet
      exemple, le pot est irréel en tant que pot, mais on peut le considérer comme réel en tant qu’argile.
      Son existence en tant que pot est éphémère ; avant d’être fabriqué il était argile, quand il sera brisé il
      redeviendra argile, et même en ce moment il n’est qu’argile, bien qu’il soit revêtu de la forme et du
      nom de pot. Ainsi le pot en tant que pot dépend pour son existence de l’argile, et celle-ci en tant
      qu’elle a une existence indépendante du pot, peut être considérée comme réelle. Mais puisqu’elle
      subit des changements, l’argile non plus n’est pas réelle.

      Ramana Maharshi

  3. […] This post was mentioned on Twitter by Moses Boudourides, Entre midi. Entre midi said: Jorion : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, OCÉANITÉ, par Michel Martin http://tinyurl.com/2fjz5nh […]

  4. Avatar de pablo75
    pablo75

    D’abord, pourquoi le « care »? Il n’y a pas entre les 35 000 mots de la langue française courante aucun qui le traduise? Pour un étranger qui aime la langue française c’est dur de supporter les comme-back, think tank, low cost, brainstorming et autres dispatcher dont la presse est pleine.

    Ensuite, le sentiment océanique, ou mystique, ou du mystère insondable de ce monde, on le trouve partout et à toutes les époques, dans tous les pays et toutes les civilisations. La preuve: partout il y a de la poésie ou des prières qui l’expriment.

    Dans les 850 pages du livre « Quand les hommes parlent aux dieux » de Michel Meslin (Bayard 2003) vous pouvez trouver des centaines d’exemples. Idem dans les presque 800 pages du « Trésor de la poésie universelle » de R.Cailloirs et J.C. Lambert (Gallimard-Unesco, 1986).

    1. Avatar de regoris
      regoris

      vous pensez que les gents comprennent
      pourquoi CARE ?
      êtes vous convaincus que comprendre est une priorité?

    2. Avatar de yvan
      yvan

      Il est clair que le clergé catholique s’est bien rendu compte que la messe en français avait fait beaucoup de tort à la croyance.

      Et de toute façon, vous remarquerez l’utilisation de mots soient nouveaux soit opaques par tout bon spécialiste d’un domaine qui a besoin d’une couverture mystique.
      Histoire d’éviter trop de vérité…

  5. Avatar de Crapaud Rouge

    Pourquoi un horrible mot nouveau, le care, si ce n’est pour cacher qu’il n’introduit rien de neuf ? Sur Wikipedia, l’Histoire de l’hôpital nous apprend qu’elle commence en 529 avec le code de Justinien ! Aujourd’hui, outre la Croix Rouge, un grand nombre d’associations à but non lucratif se donnent pour objectif d’aider et de soigner les plus démunis, et l’état lui-même y contribue par des institutions telles la sécurité sociale et les retraites. Depuis 1945, nous sommes déjà dans une « société du care » où l’on s’efforce de soigner les plaies d’un système productiviste à outrance.

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Oui, crapaud rouge, si j’avais un mot français qui traduise bien le care, je l’aurais employé. Le care qui date des années 80 de mouvements féministes, est issu des US qui ne sont pas très bien placés pour nous donner des leçons en matière d’accompagnement social, mais le care recouvre aussi une notion nouvelle d’attention à notre milieu. Une suggestion?

    2. Avatar de interobjectif
      interobjectif

      En faisant quelque peu abstraction (quoique) de « l’attention à notre milieu, notre écosystème », l’empathie, qui est la capacité de s’identifier à autrui, de ressentir ce qu’il ressent..
      C’est avant tout une manière de vivre. Elle représente cette capacité de se relier au coeur du vivant et de développer sa force de compassion. Toutefois, elle ne peut s’acquérir par la connaissance; elle ne se développe que par l’expérience. Fondamentalement, l’empathie est une qualité d’accueil de l’autre à qui on accorde du temps et de l’attention, les deux choses les plus précieuses que peuvent s’échanger deux êtres humains.

      (…) une espèce de capacité de sentir par l’intérieur qui dépasse la simple compréhension. C’est en quelque sorte une démarche qui consiste à se mettre à la place de l’autre. La philosophie aristotélicienne avait d’ailleurs admirablement décrit ce phénomène avant que la psychologie invente le mot empathie pour le décrire (…)

      François Cloutier – La Santé mentale
      Jeremy Rifkin le « visionnaire » nous annonce même l’avènement de la civilisation empathique.

    3. Avatar de Paul TREHIN

      Je partage cette difficulté à comprendre pourquoi utiliser ce mot anglo-saxon, d’autant qu’il a été traduit en français de manière trop restrictive par la notion de soins…
      En anglais ce mot a une signification beaucoup plus générale outre celle de soin: par exemple dans « take care », expression qu’on utilise souvent quand quelqu’un s’en va et que l’on peut traduire par : « Prends bien soin de toi » ou plus simplement par « fais bien attention à toi »

      Il prend un autre sens dans « I care for you » qui a le sens général de « je vous aime » ou, « j’ai de l’affection pour vous » ou plus familièrement: « Tu comptes beaucoup pour moi »

      « I care for my elderly mother » peut être traduit par « je prends soin de ma vielle mère » mais dans un sens très général: j’ai de l’affection pour elle, Je viens lui tenir compagnie, je m’occupe de sa santé, de son bien être en général, je m’occupe de ses papiers administratifs, ou tout ça ensemble…

      La notion de « care » en anglais recouvre donc bien plus que la notion de soins en français…

      C’est typiquement le genre de concept quasiment impossible à traduire d’anglais en français en préservant le sens général..

      Autre expression qui est souvent reliée à l’idée de « care » dans les pays anglo-saxons: « continuing to live in the community » dont la traduction littérale déforme profondément le sens général: « Continuer de vivre dans la communauté » prend en français un sens de communautarisme alors qu’en anglais cette expression a le sens de pouvoir vivre en restant intégré dans le tissu social. Cela par opposition à être placé dans un établissement pour personnes âgées ou pour personnes handicapées dépendantes.

      « Quality community caring » veut dire que le tissu social environnant possède les ressources appropriées en logements et divers autres services à la personne, pour maintenir cette dernière en son sein, bien que ces personnes aient un degré de dépendance élevé, donc des besoins spécifiques, et ce maintien dans le tissu social doit se faire dans de bonnes conditions assurant une bonne qualité de vie.
      Attention je ne dis pas que c’est ce qui se passe dans tous les cas, mais c’est ce que réclament les personnes elles mêmes, ainsi que leurs familles : laisser autant que possible les gens dans un environnement social qu’elles connaissent bien et apprécient.

      Il y a sous-entendu dans les idées de « Care » et de « Community living » l’élimination des grandes institutions inhumaines et déshumanisantes où on parquait, il n’y a pas si longtemps, aux Usa et dans tous les pays d’Europe y compris en France, les personnes lourdement handicapées, en particulier handicapées mentales sévères, ou des personnes devenues dépendantes soit par la grande vieillesse soit par des accidents divers, corporels ou de santé. Ces institutions étaient très vulgairement appelées « des mouroirs » mais le terme officiel était encore bien pire : on parlait de « pavillons de défectologie »
      Saluons le travail fait par les médecins psychiatres et autres éléments du corps médical qui se sont attaché à la difficile tâche de réformer ces institutions et à en créer d’autres à dimension plus humaines, bien qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.

      L’inclusion dans le tissus social, à condition d’être accompagné des moyens matériels et humains à garder un maximum de qualité de vie pour les personnes dépendantes ou devenues dépendantes, ne peut-être qu’un progrès par rapport à ces anciennes institutions inhumaines, dont on trouve encore malheureusement de nombreux exemples principalement dans plusieurs ex pays de l’Est. Les associations d’usagers et deleurs familles de ces pays sont d’ailleurs parmi les plus actives dans une organisation internationale intitulée « European Coalition for Community Living » ECCL aux travaux desquels j’ai participé : j’ai proposé la traduction suivante : Coalition Européenne pour l’inclusion dans le tissu social, justement pour éviter la confusion en français avec le concept de communautarisme…

      Paul

    4. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Care n’est-il pas un dérivé de caritas ? Autrement dit la charité ?

      Crapaud rouge semblait comprendre certaines choses… mais là il se laisse aller à une dérive bien dans l’air du temps !

      Non ce n’est pas l’Etat qui finance les retraites et la sécu, ce sont les cotisations sociales des salariés (prélèvement obligatoire sur les salaires complets).

      Et donc nous n’avions pas un Etat-providence (donc charitable) mais un Etat social et la politique de Sarkozy n’a pour but que de le transformer en Etat-providence qui mesurera sa charité aux pauvres qui en sont dignes, comme il se doit à charité bien ordonnée.

      Que le PS veuille manger de ce pain là montre à quel point sa pensée est devenue supplétive du néolibéralisme.

    5. Avatar de Crapaud Rouge

      @Paul TREHIN : « Je partage cette difficulté à comprendre pourquoi utiliser ce mot anglo-saxon, d’autant qu’il a été traduit en français de manière trop restrictive par la notion de soins… » : trop restrictive, dites-vous ? Vous eûtes mieux fait d’ouvrir votre dictionnaire, car le mot français est aussi riche de sens que son homologue anglais. La différence, c’est qu’en français on le réserve aux personnes physiques, et qu’on emploie caritas pour les institutions qui prodiguent des soins. Encore que… L’on pourrait fort bien dire que les entreprises du CAC40 prennent soin de leurs actionnaires. Mon diagnostic est le bon : on introduit un mot étranger pour faire croire qu’il recouvre des pratiques nouvelles, ce qui n’est pas le cas.

      Pour info, voici les sens du mot soin selon Petit Robert :
      1) Vieux :
      Préoccupation qui inquiète, tourmente. ==> inquiétude, souci.
      Effort, mal qu’on se donne pour obtenir ou éviter qqch. « Cette femme vaut bien sans doute que je me donne tant de soins » (Laclos).

      2) Vieilli ou littér. Pensée qui occupe l’esprit, relative à un objet auquel on s’intéresse, ou à un objet à réaliser. ==> préoccupation, souci. « Le goût du plaisir nous attache au présent. Le soin de notre salut nous suspend à l’avenir » (Baudelaire).
      Moderne: Loc. (1538)  AVOIR, PRENDRE SOIN DE (et l’inf.) :penser à, s’occuper de. ==> songer, veiller (à)
      Par extension : Occupation, travail dont on est chargé. ==> charge, responsabilité.

      3) AVOIR, PRENDRE SOIN DE (qqn, qqch.) : soigner, s’occuper du bien-être de (qqn), du bon état de (qqch.). « S’il avait soin de lui-même et de ses habits, il n’aurait pas l’air d’un va-nu-pied! » (Balzac). « permettez que ce soit moi qui prenne soin de vos vieux jours » (Beaumarchais).

      4) Pluriel : Actes par lesquels on soigne qqn, qqch. ==> attention, prévenance, sollicitude. L’enfant a besoin des soins d’une mère.
       (XVIe; au sing. XVIIe)  Actions par lesquelles on conserve ou on rétablit la santé ==> soigner.

      5) Le soin : manière appliquée, exacte, scrupuleuse (de faire qqch.). ==> application, minutie, sérieux.

      1. Avatar de Paul Jorion

        Care = souci de l’autre.

    6. Avatar de Crapaud Rouge

      @JeanNimes : ce n’est pas l’état, bien sûr, qui finance les retraites et la sécu, mais c’est sous son égide que les retraites et la sécu existent comme institutions. Je disais : « ’l’état lui-même y contribue par des institutions », ce qui ne présage rien de leur mode de financement. Cela dit, je suis plus proche de la vérité que vous-mêmes car, si l’état ne donnait pas force de loi aux cotisations sociales, et force exécutoire avec l’URSAAF, alors retraites et sécu ne seraient concrètement pas financées.

      « Crapaud rouge semblait comprendre certaines choses… mais là il se laisse aller à une dérive bien dans l’air du temps ! » : j’aimerais savoir ce que je n’aurais pas compris et à quelle dérive je me laisse aller…

    7. Avatar de sylla
      sylla

      bonjour!
      d’accord avec crapaud et je annime. (à mon sens, le « care » français, c’est comme là bas de l’électoralisme, et la redistribution a cette tendance aussi parmi d’autres.) : c’est vieux comme les capitalistes et on a mieux : répartition et services publics…enfin…avait mieux^^

      « amour » paraît une traduction appropriée ou « attention ». l’autre, le bon et l’utile étant mélés dans cette notion. et en français, il faut svt ajouter un terme d’action (« geste d’attention ») pour « coller » une expression anglaise (mais est ce nécessaire? : un mot est porté par une langue et des systèmes philosophiques qui s’y reconnaissent). « prodigalité » est correct, quoiqu’un peu fort dans son sens actuel.

      à paul :
      « inclusion » ,outre le coté chirurgical, n’est ce pas une redite de l’ »intégration » (non plus républicaine, mais époque oblige sociale ou économique)? avec les mêmes tares? et les mêmes limites?
      pour l’accueil des personnes agées les concepts normalisants sont nuisibles. et la situation va rapidement empirer (sociale ou économique?^^).
      à mon sens, sans son sens spirituel à vocation universelle, le care est un outil de pouvoir dont s’empareront entres autres les communautés (spirituelles et/.ou matérielles), dont l’état bien sûr.

      cdt

    8. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Traduire care par souci de l’autre me paraît assez pertinent, mais cela ne serait pas porteur politiquement ! Trop négatif certainement.

      La charité est un moyen de tout temps pour les puissants d’asseoir leur pouvoir. L’ambiguïté du care sera donc totale.

      Crapaud rouge, être garant et être financeur par les temps qui courent ce n’est pas la même chose (sans vouloir reprendre Aristote et sa puissance potentielle ou en acte !). Le discours qui nous est servi à longueur de JT c’est que l’Etat n’a plus d’argent pour payer les retraites et la sécu, d’où ma colère quand on laisse planer cette confusion entre les salariés qui mettent de côté de quoi assurer les périodes de maladie et les vieux jours de leurs contemporains et l’Etat qui garantit que tous les salariés respectent la loi… D’ailleurs ne faudrait-il pas étendre ces cotisations non seulement à tous les revenus salariaux (je pense aux stock-options, retraites chapeau et autres), tout autant qu’aux revenus financiers ?

      Enfin depuis 1945, nous ne sommes pas dans une société du care, pour les raisons ci-dessus. (Je réponds là à votre commentaire suivant). Nous étions dans un Etat social avec un secteur public qui réalisait 50 % des investissements, qui assurait l’emploi de ses agents, leur formation et la féminisation de l’encadrement (trop lentement c’est vrai et pas partout) et promouvait une autre conception du travail… toutes choses qui ont été cassées au nom de la concurrence soi-disant plus performante. Performance que nous payons en suicides, maladies professionnelles, épuisement mental et autres TMS. Non décidément nous ne sommes pas d’accord sur de telles bases. Car la conclusion est toujours la même : nous (les prolétaires) nous avons vécu au dessus de « nos moyens » ! A ce titre, il serait légitime désormais que « nous » (les prolétaires) payons la facture de ce qui a été consommé par ceux qui nous exploitent…

    9. Avatar de Alain A

      Petite proposition de transposition du care venue de l’un des plus grand poètes et manieurs de langue française de ces 50 dernières années:
      « Avec le temps, va, tout va bien
      Avec le temps…
      Avec le temps, va, tout s’en va
      On oublie les passions et l’on oublie les voix
      Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
      Ne rentre pas trop tard, surtout ne prend pas froid
      Avec le temps… »

      Léo Ferré

    10. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ P. Jorion

      « Care = souci de l’autre. »

      Donc l’altruisme (« Disposition bienveillante à l’égard des autres », selon la définition du TLF)

      http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3292212690😉

    11. Avatar de Pierre
      Pierre

      « Car » = « Mépris de l »autre »……. 🙂

    12. Avatar de Michel MARTIN

      Pour compléter la définition du care, pas dans un sens général ou beaucoup de remarques se perdent, mais dans le sens politique qui est en train de s’écrire, je donne la parole à Joan Tronto:
      Le care (politique) est

      une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie

      (p. 143 de son livre , Moral Boundaries : a Political Argument for an Ethic of care, publié en 1993, traduit en français sous le titre, Un monde vulnérable, pour une politique du care).

    13. Avatar de interobjectif
      interobjectif

      Pour compléter dans le domaine de l’enseignement :
      L’enseignement est-il un métier de care ? (19/10/2010) par Guillaume Vergne

  6. Avatar de léo
    léo

    « ne laissons pas les libertaires se l’approprier ici-bas pour justifier leur forfait, pour justifier leur cupidité. »

    Je pense que vous confondez libertaires et libertariens (même si l’histoire des mots semblent confondante, en français il semble qu’il y ait une énorme différence), ça rend le propos  »hors propos »

    1. Avatar de Michel MARTIN

      OK, j’en prends note.

    2. Avatar de Autogestion
      Autogestion

      Merci Léo pour cette mise au point. C´est un communiste libertaire (il y a un manifeste aussi pour ceux que cela tente) qui vous le dit et qui ne se sent pas proche mais alors pas proche du tout (plutôt à l´opposé de l´échiquier) des libertariens.

    3. Avatar de Michel MARTIN

      Libertarien convient mieux que libertaire pour pointer la philosophie du jusqu’auboutisme à vouloir appliquer ici et maintenant le principe de liberté. Mais les libertaires ne sont pas non plus très clairs de ce point de vue. Ce que j’ai voulu opposer, c’est le principe de liberté qui peut figurer dans notre devise et la liberté concrète qui est mieux représentée par le couple autonomie/dépendance.

  7. Avatar de vigneron
    vigneron

    Ok Pablo. Un peu bateau l’océanique.

    1. Avatar de Michel MARTIN

      J’ai eu trois garçons
      Tous trois capitaines
      L’un est à Bordeaux
      L’autre à La Rochelle.
      Bon! Bon! Bon!
      Le bon vin m’endort
      L’amour me réveille
      Le bon vin m’endort
      L’amour me réveille encor’!

    2. Avatar de Pierre
      Pierre

      Et le troisième ? Un loup foc à croix bleue dans votre « ça va, ça vient » ? 🙂

  8. Avatar de HARD ROC
    HARD ROC

    A l’horizon ciel et océan se rejoignent, fusionnent, fraternisent, à égalité, en toute liberté.
    Même sombre l’horizon touche au ciel, où des étoiles brillent pour tous ceux qui savent les voir.
    Un plaisir partagé, sans prix. Merci de nous faire lever le nez du guidon.

  9. Avatar de verbrugghe
    verbrugghe

    on ne peut que donner raison à Mr Badiou à propos du communisme.SOIT,consentons à en abandonner le mot ,mais gardons en l’esprit

  10. Avatar de arkao
    arkao

    Gardons cette étoile toujours aussi scintillante et ne laissons pas les libertaires se l’approprier ici-bas pour justifier leur forfait, pour justifier leur cupidité

    ???????
    Libertariens ?
    Comprends pas

  11. Avatar de François (tout court)
    François (tout court)

    Pure arnaque! De la pseudo poésie qui se fait passer pour de la philosophie.

    Filiation du care entre entre fraternité et solidarisme? Quel extravagant mélange de mots qui camoufle mal votre méconnaissance de l’histoire, ou peut-être une distorsion temporelle malveillante.
    Le communisme est mort? Nouvelle nouvelle! Je croyais que juste le soviétisme était mort. Vous m’en apprenez grâce à St Augustin et aux étoiles du firmament.

    Océanité en place de communisme ou internationalisme? Bravo pour le nouveau slogan mais je doute que réformer le vocabulaire à la mode de la vénérable Académie change quoi que ce soit au problème.

    « Le care est concret et la fraternité est au firmament, accompagné de sa parente, la gratuité. » Nouveau glissement digne d’être décortiqué par Acrimed. Pourquoi ne pas postuler à France Inter? Vous y feriez merveille.

    Permettez-moi de ne pas poursuivre. Ce « sentiment vertigineux d’être de ce monde », envisagé de cette façon, me donne simplement la nausée.

    1. Avatar de Lisztfr
      Lisztfr

      On aurait pu écrire : » Liberté, Egalité, Nirvana » pour bien faire voir l’intrus. Le dernier terme n’est même plus tourné vers l’humanité.

      Des prophètes se lèveront toujours…. il y en aura toujours !

      La devise française est la bonne. A chaque fois que je passe devant un monument publique, eh quoi ! quelqu’un y a écrit la vérité, on peut encore la lire, gravée dans la pierre ! Ils n’osent pas l’effacer encore. Elle semble appartenir à un autre monde, a une civilisation extra-terrestre.

      Je proposais avec mon allusion à Gengis Kahn récemment de ne pas perdre de vu les limites de l’humain, comme machine darwinienne; d’ailleurs tout est darwinien, – le tout étant de savoir interpréter les conséquences de ceci. Ces conséquences peuvent être contre-intuitives également.

      Tout sélectionne tout, et réciproquement. Sauf les enfants. Deleuze parlait de blocs de co-évolution, concernant l’abeille et la fleur… Et l’homme doit optimiser le rapport entre ses actions égoïstes et altruistes, puisqu’il a besoin de l’environnement social. C’est la limite de la prédation ; mais un pur prédateur pourrait avoir un avantage sélectif également …

      Le capitalisme étant une loi remplaçant celles édictées par l’homme, nous voyons en tout cas ici un mécanisme social égoïste anéantir l’environnement social; L’altruisme n’a pas joué son rôle de sauvegarde du social… Donc ceci pose de graves questions. Nous devons déselectionner ces gens, et les effacer de l’Histoire, puisqu’ils ont faillis.

      Cette philosophie darwinienne peut être amusante… d’un côté l’on peut regarder l’espèce et l’optimisation éthologique de ses comportements, de l’autre on peut faire ce que l’on veut et la sélection veillera au grain. La prescription vient à postériori. Ni fin de l’Histoire, ni fin du Darwinisme.

      A ce propos, « fraternité » était le mot à ne pas enlever car la proximité génétique des frères fait leur force. Ils ont effectivement intérêt à coopérer.

    2. Avatar de Philémon
      Philémon

      @Listzfr
      « La devise française est la bonne. A chaque fois que je passe devant un monument publique, eh quoi ! quelqu’un y a écrit la vérité, on peut encore la lire, gravée dans la pierre ! Ils n’osent pas l’effacer encore. « Comme sur une tombe abandonnée .

    3. Avatar de Ando
      Ando

      « Liberté, Egalité, Fraternité ». Pourquoi donc à l’origine a-t-on choisi ces termes si ce n’est pour baliser le chemin qui mènerait à une certaine forme de bonheur collectif, cadre d’un bonheur individuel ? Il s’agit bien d’être heureux. N’est-ce point là l’enjeu de toute cette entreprise, derrière une simple querelle de mots ? Dés lors, si être heureux doit faire l’objet d’un programme (ce n’est pas mon avis) rien ne s’oppose à ce qu’on ajoute « océanique » au triptyque. Le terme est un peu cul-cul, conceptuellement il ne veut pas dire grand chose (il n’a de sens que dans la sphère de l’intime, dans certains états modifiés de conscience, totalement en dehors des mots donc) mais il sert de jalon pour marquer exactement le même chemin que ceux de la devise républicaine.

  12. Avatar de avionnette

    @pablo75
    t »as raison jamais vu ce mot dans un dictionnaire français ?
    mais pour les élites pensant creux, ça fait du volume et ça crée le spectacle du langage exotique

  13. Avatar de arkao
    arkao

    Quand je ne serai plus là, relâchez-moi,
    Laissez-moi partir.
    J’ai tellement de choses à faire et à voir.
    Ne pleurez pas en pensant à moi,
    Soyez reconnaissants pour les belles années,
    Je vous ai donné mon amitié.
    Vous pouvez seulement deviner
    Le bonheur que vous m’avez apporté.

    Je vous remercie de l’amour que chacun vous m’avez démontré,
    Maintenant, il est temps de voyager seul.
    Pour un court moment vous pouvez avoir de la peine.
    La confiance vous apportera réconfort et consolation.
    Nous serons séparés pour quelque temps.
    Laissez les souvenirs apaiser votre douleur.

    Je ne suis pas loin et la vie continue …
    Si vous avez besoin, appelez-moi et je viendrai.
    Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là.
    Et si vous écoutez votre cœur, vous éprouverez clairement
    La douceur de l’amour que j’apporterai.

    Et quand il sera temps pour vous de partir,
    Je serai là pour vous accueillir.
    Absent de mon corps, présent avec Dieu.

    N’allez pas sur ma tombe pour pleurer,
    Je ne suis pas là, je ne dors pas,
    Je suis les mille vents qui soufflent,
    Je suis le scintillement des cristaux de neige,
    Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,
    Je suis la douce pluie d’automne,
    Je suis l’éveil des oiseaux dans le calme du matin,
    Je suis l’étoile qui brille dans la nuit.
    N’allez pas sur ma tombe pour pleurer,
    Je ne suis pas là. Je ne suis pas mort.

    Poème amérindien

    1. Avatar de lau
      lau

      Oui, c’est très beau…

      Votre regard, Michel, est de ceux qui nous porteront.

      Ceux qui s’attardent sur les mots plutôt que sur l’esprit avancent juste à leur rythme…

      Chacun le sien :)) !

    2. Avatar de Gilles
      Gilles

      Non-obstant la mention de Dieu – c’était parfait! … une bien belle épitaphe.

    3. Avatar de Jean-Luc
      Jean-Luc

      @ Lau,

      L’esprit ne devance jamais les mots.
      L’esprit vient par les mots, et non pas l’inverse, aussi étonnant que cela puisse paraître. Mystère du langage des hommes, raison peut-être pour laquelle quelqu’un, un jour, a écrit cette phrase : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu ». En aucun cas l’esprit de peut devancer les mots, l’humanisme littéraire depuis les grecs anciens est là pour l’attester. Les grecs anciens nous ont envoyé du courrier que nous ne devons pas oublier d’ouvrir, génération après génération, sous peine du pire. La perte d’un seul mot important est une perte pour l’humanisme (Pablo75 pourra aussi vous en parler). Les pertes de vocabulaire que nous subissons depuis quelques décennies sont dangereuses pour l’humanisme.
      Ceux qui s’attardent sur les mots, pour les retenir ou les préserver des salmigondis poétisant qui tentent de les remplacer, cherchent tout simplement à préserver l’esprit.

    4. Avatar de Laurent
      Laurent

      Très beau et juste, MERCI

    5. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ lau

      « Votre regard, Michel, est de ceux qui nous porteront. Ceux qui s’attardent sur les mots plutôt que sur l’esprit avancent juste à leur rythme. Chacun le sien 🙂 ) ! »

      Vous m’avez l’air bien atteint (ou atteinte?) par l’océanitude, vous… Attention à ne pas vous y noyer.

      @Jean-Luc
      « Ceux qui s’attardent sur les mots, pour les retenir ou les préserver des salmigondis poétisant qui tentent de les remplacer, cherchent tout simplement à préserver l’esprit. »

      Peux pas mieux dire…

    6. Avatar de lau
      lau

      à jean-Luc et Pablo75,

      Vous avez raison bien sûr…

      Mais on ne peut pas toujours tout bien faire en même temps… Et ce que Michel tente de faire en ce moment c’est ‘prendre de l’ altitude’.

      Aidons-le à mettre les mots justes et ,ensemble, nous aurons bien avancé !

  14. Avatar de André
    André

    Le concept de ce que vous tentez d’exprimer, fort maladroitement, existe déjà : cosmicité.
    Lisez : http://echogeo.revues.org/3093

    1. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ André

      C’est vrai que le texte que vous proposez est beaucoup plus clair:

      « En termes ontologiques, c’est ce que Heidegger a rendu par le concept de « démondanisation » (Entweltlichung). On l’entendra ici au sens d’abstraction hors du mundus-kosmos où, du fait que les êtres et les choses y « croissaient ensemble » (cum-crescere, d’où concretus), tout avait concrètement sa place. À l’inverse, la modernité tend à engendrer une acosmie générale : un manque radical de cosmicité qui, nous aliénant des choses, fait ce celles-ci des systèmes d’objets indépendants de notre existence. »

    2. Avatar de Michel MARTIN

      merci pour le compliment. Cosmicité, pourquoi pas, c’est un peu moins joli à mon goût qu’océanité.

    3. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Alors là ! Ce texte me laisse bouche bée !

      Il est fort a-droit(e), si je puis dire. Heidegger qui vient nous faire un petit retour, après le livre noir du communisme, du libéralisme, ne voilà-t-il pas un livre noir du nazisme ? Pourquoi pas Thulé, la Terre creuse et autres fables nazillonnes ? recycler cela en cosmicité… il fallait y penser !

      Sérieusement, pensez-vous que cela ait un sens ? Philosophique qui plus est ???

    4. Avatar de Michel MARTIN

      Cosmicité=sujet à étudier pour moi, donc avis réservé pour le moment.

  15. Avatar de Piotr
    Piotr

    C’est nouveau ,ça vient de sortir,ça s’appelle océanité.Ça remplace fraternité dans la devise de la république française .Par chancel ,la façade ouest de notre beau pays est baignée par un Océan.
    Il fait très froid en ce moment et je ne vous recommande pas la baignade. L’acronyme de la nouvelle devise à prétention universelle fait LEO.C’est facile à retenir.

    1. Avatar de pablo75
      pablo75

      Froid ou pas, toujours aussi en forme, je vois… 😉

    2. Avatar de timiota
      timiota

      tanquem LEO rugiens, non devorat

      (quoiqu’avec Badiou, on ne sait pas si le « devorat » n’est pas bien loin)

      Et pour le « care », le Stieglerien bas de plafond que je suis a noté que le mot « soin » est central dans le travail de Bernard Stiegler, où il est présent avec ses cousins latins et grecs que sont cura et philia, cousin plus lointain dans ce dernier cas.

    3. Avatar de Michel MARTIN

      Oui, Timiota, on en a déjà un peu discuté, Bernard Stiegler raconte des tas de choses passionnantes sur le soin en lien avec culture, agriculture et culte qui est à la racine de ces mots, pas du tout nunuche.

  16. Avatar de Crapaud Rouge

    Tout appel aux « âmes de bonne volonté », – on ne les compte plus sur ce blog -, ne peuvent que m’irriter parce que je me sens déjà un être de « bonne volonté », même si je ne glande rien de mes journées. Mais aussi parce que la solidarité ne peut qu’être dictée par la nécessité. Or, ce que chacun peut ressentir, c’est bien sûr un manque, donc un besoin de solidarité. Mais c’est très différent. L’on ressent un besoin de solidarité parce que, d’une part, sa nécessité a été prise en charge par nos sociétés « sécuritaires », (les états modernes « luttent » contre les accidents de la route, le tabac, les cancers, etc. au nom d’une solidarité pensée à l’échelon national), d’autre part la spécialisation toujours plus grande du travail a pour conséquence des modes de vie individualistes très différents les uns des autres : conditions de travail, horaires, pénibilité, diplômes, salaires, etc.

    Aussi, parler du care alors que l’on continue à produire n’importe quoi n’importe comment, en particulier des produits chimiques hyper toxiques, (exemple), et des nanomatériaux qui sont déjà dans nos assiettes, j’appelle ça planer. La planète finance va finir par se casser la figure, ce n’est plus qu’une question de temps, mais le modèle industriel ? Je ne vois jamais personne pour le contester. C’est pourtant lui la raison d’être de la finance, non ?

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Il n’y a en effet pas qu’un problème. Parlez-nous des questions industrielles, je suis client. Je milite pour qu’on revisite l’autogestion en faisant un peu plus attention à la question de la prise de décisions.

    2. Avatar de Didier
      Didier

      Je bois du petit lait en vous lisant Grenouille Verte … euh pardon, Crapaud Rouge 😉

      Le sujet n’est pas tant le modèle industriel, certes à revisiter en profondeur, mais l’éternelle question des rapports de l’Homme avec la nature (vous comprenez ce que je veux dire en utilisant le mot nature) et aussi celle du profit dont, encore vous CR, vous parlez avec justesse dans un autre commentaire.

  17. Avatar de pablo75
    pablo75

    Rien à voir avec l’océanité (quoique…): ça vous dirait d’avoir un ordinateur sous Linux qui fait un million de milliards d’opérations par seconde et qui est capable de stocker 25 milliards de livres?

    http://www.01net.com/editorial/524111/plongee-au-coeur-du-plus-puissant-ordinateur-deurope/

  18. Avatar de diego
    diego

    Bonjour a tous.
    Merci à Mr. Martin de nous donner l’opportunité d’aborder un sujet, que mine de rien, en détermine beaucoup d’autres. La fraternité « n’est que » une modalité de l’amour. C’est un fait d’expérience. Il constitue la racine de la solidarité. Celle-ci peut-être étalée sur des lois et des règlements, si la racine manque son application manquera d’autan de la sensibilité comme ingrédient structurant. Les attitudes niant et empêchant la manifestation de la sensibilité réduisent et assèchent la vie individuelle et collective.
    Monsieur Vigneron, l’ »océanité » prête à sourire, mais c’est aussi un fait d’experience

  19. Avatar de ronti
    ronti

    Paul, avez-vous écrit le testament du blog, rapport à l’affaire coréenne qui semble vouloir dégénérer ?

    1. Avatar de arkao
      arkao

      De tels incidents surviennent régulièrement depuis l’armistice de 1953. Les démonstrations armées, c’est tout ce qui reste à la Corée du Nord pour montrer au monde qu’elle existe encore et qu’elle a quelques arguments frappants pour négocier des aides extérieures indispensables à sa survie.
      A priori, pas de quoi paniquer cette fois ci encore. Il semble que les USA et la Chine ont d’autres préoccupations actuellement que de se lancer ouvertement dans un conflit armé. Pas tout de suite en tout cas.
      Cela dit, il semble que localement la tension est assez forte, qu’elle est montée d’un cran. Un dérapage local est toujours possible.
      Sans doute une conséquence de la pénurie de kimchi cet automne.

    2. Avatar de Kibou
      Kibou

      Oui, problème récurrent entre ces deux pays,

      Ce qui est nouveau en revanche c’est que les US semblent « passer la main » à la Chine : http://www.dedefensa.org/article-la_crise_coreenne_historique_washington_passe_la_main_26_11_2010.html

      Comme le dit Arkao, les USA et la Chine ont d’autres chats à fouetter en ce moment et plus de quoi (pour les US) acheter des fouets supplémentaires. Par contre, le message ne va pas passer inaperçu en Asie puisque désormais les pays qui comptent, de gré ou de « force », sur le parapluie américain (Corée du Sud, Taiwan, Japon) vont en tirer quelques conclusions anxiogènes.

      Mais ceci est une autre histoire.

  20. Avatar de Ando
    Ando

    La fraternité est un concept qui brille dans le ciel de notre imaginaire. C’est cet imaginaire qui est à la source à la fois de nos maux et de nos progrès. Quand j’évoque la fraternité j’évoque un concept, non pas l’être qui en est l’objet. Ou que je regarde autour de moi je ne vois point d’ »amitié », mais des amis. Je ne vois rien qui ressemble à « la vie », mais je vois du vivant. De la même manière, la mort n’est guère qu’un autre concept. Modifier les concepts qui peuplent notre imaginaire nous donne l’illusion de faire quelque chose. C’est un peu vrai d’une certaine manière. Changer le regard que l’on porte sur les choses finit peut-être par les changer, mais cela demande du temps, un temps très long. Une telle passivité convient pourtant à la plupart. C’est agir qu’il faut. Agir est bien plus difficile, lourd, compliqué que modifier un imaginaire : le care c’est prosaïque, c’est quelque fois ingrat, c’est sans profit.
    Océanité est un candidat merveilleux à cette constellation. Océanité n’est pas un concept mais une réalité, un sentiment, une sensation. Je ne suis que la partie d’un tout et chacun est dans ces toutes quelles que soit sa nation et sa culture. Tout est relié à tout. Impossible d’y échapper. Notre civilisation ne cultive plus vraiment ce sentiment d’océanité pourtant si fécond : utilitariste, tellement fonctionnelle, poussant sans cesse à davantage d’isolement et de fragmentation, proposant toujours les mêmes illusions sans issues, les mêmes impasses tragiques. Le règne de la déesse Raison depuis 1789 a, paradoxalement, fait le lit de cet appauvrissement radical de l’imaginaire de notre civilisation.

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Les femmes qui ont un peu de mal à faire valoir leur place ne raffolent en général pas trop du terme fraternité qui renvoie quand même à frères. Dans le livre d’Emmanuel Todd « le rendez-vous des civilisations » il nous donne des indices sur ce que signifiait égalité. Cela vient de la structure égalitaire des familles. Egalitaire voulait dire que tous les enfants MALES étaient égaux vis à vis de la succession, les filles ne comptaient pas. Geneviève Fraisse analyse longuement le cheminement du statut des femmes depuis la révolution jusqu’à nos jours dans son excellent livre « Les deux gouvernements, la famille et la cité ». Elle pointe que la jeune république était bien celle des frères. Plus tard, les mouvements communistes ont aussi été très « virils ».

    2. Avatar de Ando
      Ando

      @ Michel Martin. Les analyses de Todd sur les règles de succession et sur le statut des enfants par rapport au père sont assez éclairantes. Le fonctionnement familial typique qui domine dans la civilisation russe/slave, telle que présentée par Todd, conduit à ce que ces enfants adoptent une attitude particulière à l’égard des tiers: ils considèrent spontanément ces tiers comme des égaux, ni inférieurs, ni supérieurs (les quelques meurtres racistes commis récemment par des jeunes attardés à Moscou, ou Voronèje, sont plutôt les conséquences d’une misère morale née de l’effondrement généralisé de 1991 et non le reflet d’une tendance de fond). Le peuple russe a toujours cultivé ce sentiment de fraternité. Le basculement dans le capitalisme en 1991 change pourtant la donne, comme l’ont remarqué les Européens qui pratiquent et connaissent bien Moscou depuis 1991…Quand les officiels soviétiques évoquaient du temps de l’URSS les « peuples frères » il n’y avait pas seulement du cynisme et de la propagande dans cette expression. Il y avait bien un fond de vérité. L’idée communiste a donc pu assez bien se marier avec ce terreau fraternel pré-existant. La même étude appliquée à la famille allemande conduit Todd à d’autres conclusions: des rapports durs et autoritaires entre parents et enfants, des règles successorales inégalitaires. Au final, une attitude de mépris et de supériorité à l’égard des autres. Bien sûr, tout ceci est un peu schématique.

  21. Avatar de ronti
    ronti

    Dollar Strengthens Most in Three Months on Debt Concern, Tensions in Korea

    The dollar gained the most since August against six major counterparts as concern that Europe’s debt problem will worsen and military action in Korea will escalate boosted demand for the U.S. currency as a refuge

    Marrant ça, les américains semblent avoir trouvé le moyen de sauver leur dollar.

    http://www.bloomberg.com/news/2010-11-27/dollar-climbs-most-since-august-amid-concern-on-europe-korea.html

  22. Avatar de Ando
    Ando

    L’homme a un étrange pouvoir. Il est capable de créer ses royaumes, mentaux ou matériels. Il y est bien un temps. Puisqu’il ne s’agit jamais que de constructions artificielles, il arrive toujours un moment où le royaume devient étriqué, inconfortable, et se met à branler sur ses bases. Décidemment, il ne convient plus. Il faut le changer. Mais comment quitter l’ancien royaume si le nouveau n’est pas prêt ?

    http://www.youtube.com/watch?v=oLznkJHqGHs&feature=related
    Merci à Elena Frolova, artiste russe authentique au cœur vrai.

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Tout le monde n’est pas d’accord pour changer sans cesse. Levi-Strauss divisait les sociétés en deux groupes principaux, « celles qui se veulent immobiles et celles qui se rêvent toujours neuves… Les peuples premiers souhaitent que demain soit comme hier, que l’ordre établi soit infiniment durable. Les sociétés industrielles veulent un avenir toujours dissemblable du passé, et valorisent l’innovation, le changement, voire la rupture. » (Roger Paul Droit, Hors série Le monde sur Levi-Strauss, p.20).

    2. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Le désir du toujours neuf n’a rien à voir avec l’industrie en elle-même !

      En revanche cela a à voir avec le capitalisme qui veut toujours plus et qui cherche donc toujours la nouveauté qui pourrait attirer les alouettes… même si, comme avec le piège du même nom, c’est au prix de notre mort (les moyens ne manquent pas par les temps qui courent).

    3. Avatar de Crapaud Rouge

      @JeanNimes : « Le désir du toujours neuf n’a rien à voir avec l’industrie en elle-même ! En revanche cela a à voir avec le capitalisme » : le rôle premier des industriels, par opposition aux artisans, a été de produire du neuf, par exemple de transporter les gens et les marchandises par chemin de fer plutôt que dans des carrioles brinquebalantes. Aucun industrie ne survit sans innover tous les jours au niveau des produits, des méthodes, de l’organisation, de la publicité, du financement, etc. etc.

    4. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Le moteur du mode de production capitaliste n’est pas l’industrie, c’est l’industrialisation qui permet au capitalisme de satisfaire son désir de toujours plus : l’innovation est un moyen pour faire de la plus-value et donc du capital, sa finalité, son moteur, n’est pas l’amélioration de la vie des populations ( sinon on le saurait et il n’y aurait pas autant de catastrophes industrielles…) mais le profit partout, toujours plus, à n’importe quel prix.

      Mais pour vendre ses marchandises et récupérer sa plus-value, le capital est bien obligé de faire des marchandises qui s’achètent même si on n’en a pas besoin… ou même si elles nous tuent.

  23. Avatar de Marlowe
    Marlowe

    LIbertaire en lieu de libertarien, acte manqué corrigé par le ministère de la vérité ?

    1. Avatar de Julien Alexandre
      Julien Alexandre

      Touché, détective Marlowe !

  24. Avatar de André Lorimier
    André Lorimier

    Care, care? Quel est encore ce nouveau néologisme en usage au pays de mes ancêtres?
    Soins ou charité?
    La langue française serait-elle devenue impuissante à exprimer un sens bien précis?

    André Lorimier
    Québec

    1. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ André Lorimier

      « La langue française serait-elle devenue impuissante à exprimer un sens bien précis? »

      Ce n’est pas la langue, mais les intellectuels qui sont devenus impuissants en France…

    2. Avatar de Michel MARTIN

      Le formidable livre de la linguiste Henriette Walter « Honni soit qui mal y pense,
      l’incroyable histoire d’amour entre le français et l’anglais » est très décontactant au sujet des relations entre notre langue et l’anglais. Bien entendu, nos amis quebécois sont au contact, ce qui suscite de leur part un salutaire surcroit de vigueur et d’invention bienvenus pour la vitalité de notre langue.

    3. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ Michel Martin

      C’est quoi « décontactant »? Une banale faute de frappe ou un néologisme de votre cru?

    4. Avatar de Michel MARTIN

      c’était décontractant. Désolé.

    5. Avatar de Jean-Luc
      Jean-Luc

      @ Pablo75,

      Je pencherais pour le néologisme, Pablo, plutôt que la faute de frappe, Michel ayant pris, semble-t-il, de mauvaises habitudes, issues peut-être de mauvaises fréquentations. Nous avons droit ici à « décontactant », et Michel m’a fait plus loin le cadeau d’un « la crise économique écrante cette question ». N’en soyons pas impactés, …pardon, affectés 😉 , Pablo, je crois que nous sommes l’un et l’autre suffisamment immunisés. La manie lui passera avant qu’elle nous prenne.

      « La néologie est l’art de former des mots nouveaux pour des idées nouvelles ou des idées mal rendues par les mots existants. Le néologisme est la manie d’employer des mots sans besoin ou sans goût. La néologie a ses règles ; le néologisme n’a pour guide qu’un vain caprice. »
      Mercier (1801)

      —————

      @ André Lorimier,

      Je compte les deux défenseurs de notre langue ici :
      Un Québécois (vous-même) ;
      Un gars d’au-delà des Pyrénées, né dans la ville de Léon (Pablo75)
      …faut-il donc ne pas être français, pour savoir la valeur du français ?

    6. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ Jean-Luc

      C’est vrai que ça aurait pu être un néologisme. Contacter, décontacter, décontactant…

      À propos d’océanité: pourquoi les « penseurs » français écoutent si peu Valéry, l’écrivain qui a écrit le mieux le français au XXe siècle: « Entre deux mots, il faut choisir le moindre. »?

      « faut-il donc ne pas être français, pour savoir la valeur du français? »

      Si Schopenhauer, Nietzsche, Pessoa, Borges (entre beaucoup d’autres) ont été de grands stylistes dans leur langue, et toujours du côté de la clarté, de l’exactitude, c’est parce qu’ils connaissaient bien le français, la langue la plus « parfaite » qui existe.

      Tout écrivain étranger qui connaît le français essaie d’adapter la clarté, la précision, la perfection du français dans sa propre langue (ce que, soit dit en passant, est très difficile pour une langue aussi « bordélique » que l’espagnol). Peut être qu’il faut être étranger, penser et travailler avec les mots d’une autre langue, pour admirer éperdument le style de Pascal, de La Bruyère, de Retz, de Saint-Simon, de Voltaire, de Rousseau (dans les Confessions), de Stendhal, de Flaubert, de Bloy, de Bernanos, de Léon Daudet ou de Valéry.

      Et comment alors supporter le fatras, l’obscurité, les imprécisions, l’affectation, la pédanterie, le je pè.. plus haut que mon c.. systématique dans le choix des mots, de tous ces « penseurs » français qui croient naïvement que le snobisme de leur style peut cacher la médiocrité irrémédiable de leur pensée?

      Si c’est vrai ce que disait Victor Hugo: « C’est aux écrivains sans talent qu’on reconnaît la bonne ou mauvaise qualité d’une langue à un moment donné », le français des dernières décennies est le pire jamais écrit depuis qu’il existe de la littérature française.

    7. Avatar de Pierre
      Pierre

      @André Lorimier
      Comme je le fais remarquer plus bas nous avons le plus grand mal à communiquer par l’intermédiaire de la novlangue imposée du « grand marché transatlantique » :
      Au Québec, la « gauche » se nomme les « conservateurs »……..
      Et les « conservateurs », des « préservatifs »
      Chris’ sti’ d’tabarnak, les peuples ne sont pas sortis du bois!!!!! 🙂
      Bonjour chez vous.

    8. Avatar de Jean-Luc
      Jean-Luc

      @ Michel Martin,

      Je fais amende honorable pour vous avoir soupçonné de ce néologisme qui n’en était pas un. Mais en relisant votre phrase avec le mot « décontractant » je ne lui trouve pas meilleure allure. Pas grave.
      😉

      —————

      @ Pablo75,

      J’ai appris hier à la radio de la bouche de Vladimir Fédorovski que, lors des entretiens entre le tsar Alexandre 1er de Russie et Napoléon, ce dernier devait être accompagné d’un traducteur. Non pas pour traduire du russe en français, mais de français en français (?!). En effet, le tsar Alexandre parlait un français si riche et parfait (et avec un accent français pur), que Napoléon, plus instruit de mathématiques que d’humanités, ne pouvait pas comprendre toutes les subtilités de son langage !

  25. Avatar de jean-luce morlie
    jean-luce morlie

    @ Michel Martin

    Salut et fraternité ; « gratuité » n’est pour moi « une devise » qu’avec les femmes, là, « 0céaniques » me convient ; pas en politique. J’explique maintenant le comment de cette apposition.

    §

    Etayer la triade républicaine par la « gratuité » résultait de plusieurs démarches. D’une part, il convenait d’inscrire une constitution pour l’économie dans « l’Histoire »; d’autre part (en plus de faire appel du pied à la maussade sociologie maussienne ) de proposer une prise directe aux débats sur les « communs », le « revenu inconditionnel », ou encore sur la problématique du « matricage » – : la question politico- économique de base étant  » que faire des gains de productivité ? ».

    Plus politiquement encore, et puisque c’était le projet de Paul, de coupler la démarche d’une ajoute constitutionnelle « pour l’économie » à son denier travail publié : « Le Prix » . La proposition de retour à la conception aristotélicienne du prix comme rapport de force permet à la « gratuité » de sortir des limbes les notions « océaniques » (désolé) telles que « liberté » « égalité » et « fraternité » – . Paul dira si je me trompe, mais « le prix « permet, il me semble, de quitter la notion de gratuité et d’avancer vers son concept, partant, de l’opérationnaliser comme renoncement au rapport de force. De plus , la réinscription du prix comme rapport de classe permettait de donner corps aux rêveries prémonitoires d’Attali ce qui permettait de garder sous le coude, et comme texte martyr, le programme politique de J.A. énoncé en 2004 (1) ( avec le succès qu’on sait à gauche, ce qui explique sans doute son intérêt malencontreux à réfléchir – « à »droitement sur la croissance – ( remarque si les ventes du bouquin redémarre, J . Attali , avec l’accord de son éditeur, fera donc don des bénéfices marginaux à la Fondation Jorion, c’est évident). La « valeur » de la gratuité émerge ainsi comme l’affirmation d’une utopie structurante. « Avancer vers la gratuité » reviendrait à instaurer des rapports sociaux qui,progressivement, la produirait ; ce serait œuvrer, par étape et sur le long terme, afin de dépasser les rapports sociaux de domination, ce à quoi le communisme, mais aussi nous tous, échouons encore douloureusement ! La gratuité est donc l’inverse de la promesse de l’avenir radieux, mais « l’éveil » – allez je concède ce vocabulaire – à ce qui nous tire vers le bas. REMARQUE : je ne partage pas pour autant l’usage de la « potentia multitudinis » par Lordon dans son « Capitalisme, désir et servitude -Marx et Spinosa- (2) … à suivre.

    1) La Voie Humaine, J. Attali , chap.6, « dix chantiers pour une social-démocratie », pp.155-200.-
    2) Editions La Fabrique, 2010.

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Tenter de réconcilier le ciel et la terre n’est pas aisé, c’est tenter de réconcilier Léon Bourgeois avec l’abbé Pierre. La tentative de Dumézil me semble toujours opérationnelle, autant qu’une représentation puisse l’être.

  26. Avatar de Jérémie
    Jérémie

    C’est un très beau texte,

    Ecrit même dans l’intention de relever un peu plus l’espoir chez les jeunes gens et les plus agé(e)s,

    Mais voilà c’est l’histoire d’un monde qui avait cru et toujours pensé, qu’ils pourraient réarrangés la chose, et cela quelque soit les nombreuses erreurs accumulés en plus,
    à vrai dire pas une seule fois le système a été réellement inquiété par nos commentaires, nos écrits, nos douleurs, nos témoignages de plus ou moins révolutionnaires dans l’intellect ou pas, prophétiques, croyants ou pas, et cela depuis bien longtemps depuis sa mise en place progressive dans l’histoire, en réalité quiconque se livre davantage au même vocabulaire de ce monde, au capitalisme, au libéralisme, au socialisme, au communisme, rend par conséquent davantage l’esprit de l’homme esclave de tout cela à la fois, en vérité les êtres de nos jours ne sont pas du tout libres, du nord au sud à l’ouest comme à l’est, mais bien possédés par tout un ensemble et océan de contraintes. Tout un océan d’idées reçues sur les choses, la vie, l’histoire, l’homme, le réel, l’enseignement, etc … Sur le changement aussi qui ne change en fait guère peu les comportements et le déroulement des choses, et cela malgré la meilleure volonté des êtres de notre temps, petits et grands à la fois, c’est peut-être aussi un peu en ça en quoi que le message de Fatima était tant génant à adressé aux hommes de notre temps.

    Pardonnez moi j’ai des scrupules, je ne devrais même pas vous répondre de la sorte, tant vous vous êtes bien donné de la peine de nous faire partager cela, en vérité leur parole passera mais pas la votre, sur l’idée qu’ils puissent être de nouveau possible de réaccrocher les étoiles pour un plus grand sapin de noel, pour le ciel, l’océan, la terre, les créatures, mais quand tout à chacun tombe d’accord avec tout ceci et cela à la fois, l’esprit de l’homme finit par suivre alors comme un mouton l’esprit de la multitude à qui ils ont su bien bien lavés et conditionnés le cerveau, alors forcément le monde, l’humanité chute plus grandement dans l’erreur d’une folle civilisation, bien illusoire, artificielle, très médiatisée, encensée, glorifiée, divinisée, le meilleur des mondes quoi, mais l’esprit de l’homme lui il meurt et s’atrophie de plus en plus sous une plus grande couche de graisse, et c’est alors que survint la grande catastrophe tant annoncée mais pas seulement financière, bancaire, bref une plus grande chute d’étoiles partout. Étant donné que la plupart des êtres préfèrent vivre plus longtemps dans une complète inversion des valeurs, et ou chacun collaborent, mettent les bouchées doubles et inventent de nouvelles manières de soumettre et de contaminer leurs semblables, mais qui donc pourra encore y
    échapper. Quand l’esprit est parasité par tout ceci et cela, faut pas se leurrer je crois, Tôt ou tard, le système feindra de vous récupérer, à travers ses gens les plus habiles, imprimeront des affiches et des tee-shirts à leur effigie, ou alors pour le nouveau politicien ou révolutionnaire à la mode et ses exploits viendront encore alimenter les fantasmes de changement de cette société de consommation toujours en quête de nouvelles distractions pour s’abétir et s’illusionner davantage jusqu’à la fin.

    Aussitôt après ces premiers jours de détresse et de grande illusion médiatique, je crains
    que la nature se révolte davantage contre le monde actuel et le soleil s’obscurcira, la lune
    ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées, comme lorsqu’un figuier secoué par un vent très violent et en colère jette ses figues vertes.

    Et alors à ce moment qu’est-ce que nous rechercheront à nous dire les uns envers les autres,
    là c’est sur on fera beaucoup moins les fiers, les malins et les orgueilleux sur terre ….

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Votre compliment me touche, Jérémie, et j’oeuvre à éloigner la fatuité de mon esprit, n’oubliant pas l’Ecclésiaste.

  27. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Liberté , Egalité , Fraternité :

    http://www.youtube.com/watch?v=lspRhX5Vhhg

    1. Avatar de Michel MARTIN

      Oui, l’humanité arrogante seule au centre, jusqu’à l’autodestruction.

    2. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      C’est bien parce , fervent lecteur de La Rochefoucault , je vois souvent plus d’amour propre dans les amours affichés souvent de bonne foi , que d’amour vrai qui est comme une grâce rare , que j’en reste prudemment à fraternité .

      Qui est déjà bien lourde à concevoir et honorer .

    3. Avatar de pablo75
      pablo75

      Pour ceux qui aimeraient relire le toujours lucide La RochefoucaulD 😉 , un excellent site de textes philosophiques:

      http://pedagogie.ac-toulouse.fr/philosophie/textesdephilosophes.htm

  28. Avatar de Jean-Luc
    Jean-Luc

    Je découvre ce billet et les bras m’en tombent.
    J’ai souvent lu vos commentaires ici, Michel, je les ai trouvé clairs, et il m’est arrivé d’être d’accord avec vous. Ici ce n’est plus le cas. Est-ce de trop fréquenter les discours et les textes d’Alain Badiou, qui vous amène à écrire comme lui ?
    Ceux qui ont pris la peine de lire un livre ou deux de Badiou ou quelques uns de ses cours sur Internet (c’est mon cas) on pu découvrir qu’ils ne sont souvent qu’une suite d’approximations philosophico-membraneuses, et de tours de passe-passe en forme de coqs-à-l’âne, conclus par énormément de poudre aux yeux. Vous réussissez à faire de même dans ce texte :

    – « Tout d’abord, devrions-nous dire devise, ne devrions-nous pas plutôt dire constellation ou firmament, idéel ou forme. »
    Premier tour de passe-passe à la Badiou, premier coq-à-l’âne. Lancer quatre mots en remplacement de celui qu’il va s’agir d’étudier. En une phrase, on passe de « devise » à tout autre chose, quelque chose appelée « constellation-ou-firmament-ou-idéel-ou-forme ». On aurait pu choisir forêt ou éboulis ou soupe au poireau ou fond. L’absence du point d’interrogation (nécessaire) en fin de phrase, est aussi une façon assez filoute de faire mine de poser une question …tout en posant une affirmation.

    – « C’est que dans une devise, il y a déjà un programme et qu’au contraire, nos trois mots fétiches sont des étoiles situées dans le ciel ».
    Dans les trois mots de notre devise nationale il y a un programme (c’est très juste), et nous avons décidé « au contraire » (!) qu’ils sont autre chose qu’un programme, qu’ils sont des étoiles « situées » dans le ciel. Logique implacable. On aurait pu aussi, « au contraire », décider qu’ils sont des arbres « situés » dans la terre, ou autre chose.

    – « Saint Bernard nous a enseigné que l’enfer et pavé de bonnes intentions, je pourrais ajouter que le ciel est garni d’étoiles ».
    Et on pourrait ajouter aussi que la terre est garni de cailloux et que la mer est garnie de poissons, mais comme il s’agit de continuer à filer la métaphore céleste, parlons du ciel …et de l’enfer (à noter : le mot enfer arrive ici de nulle part, seulement justifié par la référence subséquente au ciel. Pourquoi l’enfer ? Parce que le ciel et les étoiles. Nouvelle logique implacable, nouveau tour de passe-passe).

    – « J’aurais tout aussi bien pu proposer « Liberté, égalité, communisme » plutôt qu’océanité. Car le communisme est une étoile qui s’est couverte de sang et de larmes. »
    Je lis : « J’aurais pu choisir « communisme » plutôt que « océanité » PARCE QUE le communisme est couvert de sang et de larmes. » Il s’agit donc de trouver, en remplacement du « fraternité » de notre devise, un mot couvert de sang ?! On pense alors à d’autres mots possibles. Il doit y avoir une erreur de frappe, ou une logique implacable qui m’échappe ( à noter : le communisme est transformé lui aussi en étoile sans qu’on y ait fait attention)

    etc. etc.

    J’arrête là car j’ai peur de paraître irrespectueux de vous-même, Michel, alors que j’en veux seulement à votre texte.
    En résumé, Michel, je suis d’accord avec Pablo, vigneron, Piotr et Crapaud Rouge : surtout cuisiné à la sauce océane, le care nous mène en bateau (peut-être veut-il nous donner le mal de mère ?). Le care est arrivé dans le discours politique du PS et d’Europe-Ecologie précisément pour noyer le poisson. En quelque sorte pour « parler d’autre chose » que du modèle économique ou industriel qui nous crève. Pour que notre société de consommation se continue dans une société de consolation.

    Quant à l’idée répandue que le mot care aurait une valeur moins restrictive que d’autres mots, c’est l’inverse. Le mot care est un mot fourre-tout, comme beaucoup de mots anglo-américain, destiné à restreindre le sens des notions qu’il désigne (née du multiculturalisme anglo-américain, cette fonction est très utile pour que des hommes de toutes origines se comprennent rapidement). Comme les mots fun, cool, hype, le mot care prive la parole quotidienne (puis enfin la pensée) des autres mots. Le mot care est en cela éminemment moderne.

    Je préfère que nous nous conservions notre fraternité.

    1. Avatar de M

      surtout cuisiné à la sauce océane, le care nous mène en bateau (peut-être veut-il nous donner le mal de mère ?). Le care est arrivé dans le discours politique du PS et d’Europe-Ecologie précisément pour noyer le poisson. En quelque sorte pour « parler d’autre chose » que du modèle économique ou industriel qui nous crève. Pour que notre société de consommation se continue dans une société de consolation.

      oui, oui et encore oui ! …
      Prendre Soin de l’autre ne se décrète pas ! M—-E alors !
      On veut changer, sans rien changer, surtout ….
      C’est bidon, tout ça !
      Désenfumage : » comme nous « zélites », avons décidé, in vitro, un système qui nous arrange bien : les gueux allant devenir encore plus gueux, pour les calmer, nous allons leur donner du CARE ! ( encore un truc « choubidou ») …Comme les « gaulois » sont globalement des mécréants
      alors que chez nous « In Gold we trust », va falloir trouver autre chose que la Religion, pour faire passer la pilule de zero Bien Commun- tout pour quelques uns, leur promettre une vie de misère, et le paradis post-mortem, ça va pas le faire ! « Voyons, voyons ,eh, t’as fait du marketing, toi, trouve-nous donc un truc, dans le genre raffarinade ! Boff, ya ka copier sur les zaméricains : Care, ça l’fait bien ! n’y verrons que du feu !  »
      Différence majeure entre action politique volontariste, en vue d’une amélioration pour le plus grand nombre,et sensiblerie, émotionnel à bon compte….

    2. Avatar de Michel MARTIN

      Jean-Luc, outre la question de la vieillesse et du handicap, il y a une raison très importante pour laquelle il me semble urgent de réconcilier les courants aujourd’hui divergents qui soutiennent la solidarité. Ces courants principaux sont issus de la charité chrétienne et du courant solidariste de Léon Bourgeois qui est laïque. La foire d’empoigne entre ces forces n’est plus de mise. J’ai entendu Evelyne Sullerot il y a quelques jours sur FC déclarer qu’elle avait connu trois périodes de souffrances dans sa vie, l’horrible condition des femmes du début du 20ème, les hommes malmenés pendant la dernière guerre, et aujourd’hui dit-elle, ce sont les enfants qui souffrent.. Quand une grande dame comme elle qui est à l’origine du planning familial dit cela, qu’elle juxtapose ces trois souffrances, j’ai tendance à tendre l’oreille. Savez-vous de quoi parlent nos enfants et ce qui les préoccupent? Savez-vous pourquoi on observe une augmentation du nombre de fumeurs jeunes et en particulier des filles? Je vous invite à creuser de ce côté et aussi à intégrer dans vos observations que la prohibition a été un allié objectif d’Al Capone. Je vous invite aussi à vous pencher sur l’action de François Nicolas dans la reconquête de sa rue sur les dealers, ainsi que sa prise de parole sur la prévention. Je vous invite aussi à vous pencher sur ce qui se passe en ce moment au sujet des crèches et du manque de bras et de temps que nous sommes collectivement capables de mobiliser. Tout est sur le net, tous les mots clés sont là. La crise économique écrante cette question de notre jeunesse, mais je suis convaincu que cette question du nihilisme montant nous prépare des jours sombres si nous méprisons le care.

    3. Avatar de Jean-Luc
      Jean-Luc

      @ Michel Martin,

      Merci de votre réponse. Vous resserrez le sujet sur l’essentiel.

      Je ne veux pas passer pour portion congrue le travail social qui est fait par les uns ou les autres. Le travail de François Nicolas, que je connais, doit imposer le respect car ce type est formidable (d’ailleurs, lorsque je lis que le présentateur de télévision Gérard Holz vient, ce mois-ci, de recevoir la Médaille du Mérite des mains de notre président, je pense aux milliers de gens qui, comme monsieur François Nicolas, la mériteraient avant lui. On s’étonnera que les valeurs de notre République ne soient plus respectées par la population, alors qu’elles ne sont plus respectées par nos dirigeants).
      Suite à vos remarques, je dirais qu’un projet politique basé sur le soin et la prise en charge des souffrances sociales à posteriori n’est pas une mauvaise chose, mais qu’il ne doit pas nous détourner de la nécessité de traiter le mal à la racine. A propos du « care », que penserait-on d’une médecine qui poserait en objectif de soigner la souffrance en se détournant de l’origine du mal ? C’est pourtant ce qui nous est proposé avec ce « care », je le crains. Nous chercherons à ce que le mal ne fasse plus souffrir, et il est même possible que nous y parvenions, à grand coup de pommade sociale (les minima-sociaux finiront par devenir un salaire, comme le craignent beaucoup d’allocataires). Cela risque de nous détourner du projet de vaincre le problème à sa racine. Un problème qui est à chercher du côté de l’économie et de l’industrie. Avant même d’avoir des effets, le mal social à des causes.

      Au sujet de la jeunesse et de l’enfance, il y a une chose importante à prendre en compte, Michel. Nos sociétés avancées sont devenues des nurserys. L’enfant (le jeune), en plus d’être la principale victime de notre système fou, est mis partout, au centre de tout, et il est sommé de nous guider, c’est son nouveau travail. Après avoir fait de l’enfant un prescripteur économique (la pub à compris il y a longtemps que l’acte d’achat des parents se fera mieux par prescription des enfants), nous lui mettons aujourd’hui sur ces petites épaules la responsabilité d’être l’acteur social par excellence. Comment voulez-vous qu’il ne se précipite pas dans les paradis artificiels pour échapper à ces responsabilités trop grandes pour lui ?
      Je parle de nursery. Avez-vous constaté comme moi, Michel, que beaucoup de néo-parents vivent dans des maisons transformées en salle de classe de maternelle ? Des dessins sur tous les murs, du mobilier adapté aux enfants et où les adultes s’obligent à des contorsions pour s’y adapter. Dans ces maisons, les adultes lisent les livres de leurs enfants, voient les films pour enfants. Je constate également que dans ces maisons, la parole est confisquée par les enfants. Dans ces maisons, les adultes s’obligent à interrompre leurs conversations d’adultes pour écouter les enfants, quoi que ceux-ci aient à dire. Et d’ailleurs, dans ces maisons, souvent, les conversations des adultes ont pour sujet …les enfants.

      La société des adultes, en s’infantilisant, prive les enfants d’avenir. Le projet de l’enfance est de sortir de l’enfance, et c’est ça qui nous pousse à grandir. Comme disait Brel (dans la vidéo que nous a proposé DUP hier ), devenir adulte pour enfin réaliser les rêves de l’enfance, les rêves de nos treize ans.

      Continuons donc a nous comporter en adultes. Réglons les problèmes d’adultes de notre société d’adulte. C’est ce que les enfants nous demandent, et ils nous en seront reconnaissants. Ne nous occupons pas tant de leur monde à eux, car le plus beau cadeau à leur faire, c’est de leur promettre un monde d’adulte. Faisons comme nos parents ont fait avec nous. Promettons-leur un avenir, un « quand tu seras grand ». N’enfermons pas les enfants dans l’enfance. N’enfermons pas notre société dans le cocon du « care ».

    4. Avatar de Michel MARTIN

      Jean-Luc, je suis pratiquement en accord avec tout ce que vous dites, sauf à mettre sur le dos de l’économie et de l’industrie tout le désengagement des adultes à s’occuper des enfants et des jeunes. La famille a beaucoup évolué, elle a rétréci, les femmes sont massivement au travail, l’autorité paternelle a été remplcé par l’autorité parentale. Mon idée n’est pas de revenir en arrière, mais d’en prendre acte. Je vois 5 solutions possibles:
      A) Régression, report du care sur la famille, remise en place de l’autorité paternelle, certains en rêvent, pas moi.
      B)Accroissement de l’Etat-Providence, je crois que la buraucratisation n’est pas loin.
      C)Démanteler l’Etat Providence et regarder ce qui se passe. Il va falloir agrandir les prisons et le communautarisme dont on a essayé de s’extraire en 1789 va revenir à grands pas, avec la différence qu’on ne sait plus faire. Bof.
      D)Laisser la logique productive (marchande disent certains) occuper le terrain. C’est le CESU. Je recommande vivement la lecture du livre de Denis Clerc sur « La France des travailleurs pauvres » sorti en 2008. Le constat est accablant, les vulnérables s’occupent d’encore plus vulnérables qu’eux.
      E)Tenter de consolider l’Etat-Providence (ou social si certains préfèrent) en développant un moteur de redistribution d’activité, plutôt que de s’en remettre à la philosophie du temps choisi de Gorz qui a abouti aux 35 heures mais n’a rien donné sur le plan de l’Autogestion sociale.
      C’est tout l’objet de mon blog dont Paul Jorion avait bien voulu publier l’article central sur le contrat de travail mixte productif/social.
      http://solidariteliberale.hautetfort.com/archive/2005/04/29/le-contrat-de-travail-mixte-co.html

    5. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Exactement, le CARE c’est l’équivalent social des soins palliatifs : on fait ça quand on ne veut/peut plus rien faire que d’attendre « paisiblement », en cohésion sociale s’il vous plaît, la mort.

      Le capital veut notre mort pour se développer et s’il nous tue, il est mort : c’est sa contradiction mortifère. Il n’a aucune limite interne pour s’arrêter dans cette marche mortelle : ce ne peut être que notre (à nous les prolétaires) révolte qui peut l’arrêter. Le plus tôt c’est le mieux : rien ne changera sans cela, combien de pays en régression sociale faudra-t-il voir pour que tous nous comprenions qu’il n’y a pas d’autre issue que le changement radical de mode de production ?

  29. Avatar de Mianne
    Mianne

    Dans la grille de trifonctionnalité de Dumézil, la fraternité est dans le pôle de l’ordre, du pourquoi, alors que le solidarisme est dans le pôle de la fécondité, des nourritures et des biens, du comment.
    Je me demande seulement si l’expérience du sentiment océanique est assez partagée par tous les peuples, les naturalistes que nous sommes, les totémistes, les analogistes et les animistes. Si un anthropologue pouvait me le dire, je lui en serais reconnaissant.

    Allez demander aux enfants uniques s’ils ressentent exactement ce que recouvre le terme de « fraternité » . Quand on n’a jamais su ce que c’était que de partager les mêmes parents, la même famille avec quelqu’un d’autre, d’ être à égalité avec un pair face au monde des adultes, de partager les responsabilités et la peine face à la maladie et à la mort des parents au lieu de vivre tout cela entièremrnt seul…
    A mon avis, l’océanité est une notion plus facilement partagée ou imaginée que celle de fraternité totalement étrangère aux enfants uniques qui ne connaissent rien de plus proche que l’amitié. Alors Liberté, Egalité, Amitié ( ou Solidarité) ?

    Mais ce terme d’océanité est si poétique,même si toute la France n’est pas océane, loin s’en faut , encore pire pour l’Europe…

    Pas facile de trouver une devise à la fois salvatrice et poétique, qui nous parle à tous .

  30. Avatar de Steve
    Steve

    Bonjour à tous
    Le « care », bien expliqué dans son anglo-saxonnerie version US, par Paul Tréhin, trouve sa racine dans le protestantisme: à la question « Suis-je le gardien de mon frère? » l’américain protestant répond Oui! Cela mène à une société bien plus policée que la nôtre, où chacun surveille chacun: gare à celui qui sort de la norme: les voisins se chargent de le rappeler gentiment mais fermement , mais avec le sourire, à l’ordre, et ce bien sur, avec les meilleures intentions du monde!
    Paul le rappelait ici, ou François, le rapport du peuple américain à l’Etat est inverse du nôtre: ici l’Etat est supposé réguler les dysfonctionnements de la société alors qu’aux US, c’est la société qui corrige le pouvoir, excessif et inégalitaire par définition!
    Le « care » transposé ici serait immanquablement, du fait de notre histoire plus catho et absolutiste, défini par le pouvoir et nous vaudrait donc une dictature sournoise forgée et fonctionnant par la transformation de chacun en « maton humanitaire »!
    Nous avons bien mieux comme programe: Liberté- Egalité- Fraternité – comme l’ont fait remarquer nombre d’intervenants pensant juste et clair!

    Le « care » ? Mais nous l’avons déjà ! Il est tissé des 80 000 lois, décrets et règlements qui minutieusement encadrent chaque jour chacun de nos gestes et qui par leurs contradictions et leurs bonnes intentions premières paralysent , infantilisent, déresponsabilisent et démobilisent les citoyens au plus grand bénéfice des exploiteurs – entrepreneurs politiques et entrepreneurs marchands comme les nomme JC Werrebroucke-

    M. Martin, vous rappeliez que l’enfer est pavé de bonnes intentions? Je crois bien que ce « care », repris de M. Aubry , est sans doute la plus perverse de ces bonnes intentions!
    Une fois de plus il s’agit de gouverner par la culpabilisation, le chantage aux bonnes attitudes: c’est manipulatoire , pervers.
    Les bons mages de dessins animés , pardon – cartoons !, sont représentés avec un manteau bleu outremer parsemé de jolies étoiles et de vieilles lunes de papier doré : mystère océanique! clarté stellaire! Tout le monde il est beau tout le monde il « care »! C’est pour aguicher Ouin- Ouin avant que de l’asservir!

    Liberté, Egalité, Fraternité. Quoi d’autre?

    Par ailleurs, lorsqu’on touche aux rives de ce qu’on peut, par très faible et réductrice analogie, nommer « océanité » au sens où vous l’employez, on atteint à l’indicible, au secret. Il n’y a donc plus de mots. S’il est besoin relire maître Eckardt à ce sujet.
    « La voie qui peut être nommée n’est pas la Voie , le nom qui peut être dit n’est pas le Nom »
    Lao Tseu

    Cordialement.

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