L’actualité de la crise : L’HEURE DES TRAVAUX PRATIQUES, par François Leclerc

Billet invité

Le faible volume des échanges ne permet pas de conclure à une franche détente du marché obligataire européen, qui reste dans l’attente de la réunion de jeudi de la BCE, puis de la réunion de l’Eurogroupe du 9 juillet prochain. De la première, il est espéré une baisse du taux directeur et de la seconde des éclaircissements sur les conclusions du Conseil européen. Pour la suite, l’indécision domine sans partage.

Sans attendre, il a fallu passer aux travaux pratiques. Après une absence de trois mois, la Troïka est finalement revenue à Athènes pour inventorier l’étendue des dégâts, tandis que le gouvernement espagnol a engagé à Bruxelles la négociation sur les modalités et contreparties du sauvetage des banques du pays.

« Nous n’avons pas le droit de provoquer une situation humanitaire » a déclaré Jean-Claude Juncker, le chef de file de l’Eurogroupe à propos de la Grèce, tout en réaffirmant la nécessité de poursuivre ce qui y a été engagé. Jörg Asmussen de la BCE a de son côté déclaré : « nous avons toujours été et sommes ouverts à discuter certains éléments de ce programme dans la mesure où les points clés demeurent », mais Christine Lagarde du FMI a laissé échapper qu’elle n’était « pas du tout d’humeur » à renégocier le plan de sauvetage. Il le faudra bien : dans sa cinquième année de récession, la Grèce devrait cette année enregistrer un recul de 6,7 % de son PIB, selon les dernières estimations. Christos Staïkouras, le ministre adjoint des finances, a eu ce commentaire lapidaire : « ces chiffres sont écœurants ».

Plus discrètement, le Portugal emprunte la même trajectoire. Selon les dernières prévisions, le PIB devrait chuter de 3 %, se détériorant de trimestre en trimestre. Sous l’impact d’une baisse des recettes fiscales et d’une hausse des prestations sociales, le déficit public se creuse irrésistiblement, rendant inatteignable l’objectif assigné de -4,5 %. « Une perte de crédibilité est ce qui pourrait arriver de pire au Portugal » a affirmé Pedro Passos Coelho, le premier ministre, annonçant que si c’était nécessaire, de nouvelles mesures d’austérité pourraient être prises dans un pays déjà durement éprouvé, tout en espérant in petto des aménagements du plan de sauvetage du pays.

Le ballon d’oxygène accordé par le dernier sommet européen, qui demande encore à se concrétiser, n’y suffira pas, dans une conjoncture marquée par la récession ou bien la baisse continue des perspectives de croissance. Cela ne concerne plus seulement les pays « périphériques », mais désormais aussi la France (ou le premier ministre Jean-Marc Ayrault a fait semblant de découvrir « le poids écrasant de la dette ») ou le Royaume-Uni, ainsi que les États-Unis.

À telle enseigne que le FMI vient d’exhorter l’administration américaine de ne pas réduire trop vite le déficit budgétaire, l’incitant à conjuguer un rééquilibrage à terme avec un soutien à la croissance dans l’immédiat. Or, faute d’accord d’ici à la fin de l’année sur les mesures à prendre pour réduire la dette publique, des baisses automatiques des dépenses publiques et des réductions d’impôt interviendront par défaut, ce qui selon le Bureau du budget du Congrès pourrait faire baisser « bien au-dessous de 1 % » la croissance américaine en 2013.

Le gouvernement irlandais veut croire à sa bonne étoile et espère bénéficier des retombées du sommet, afin que les banques du pays soient rétroactivement soutenues directement sans plomber les finances publiques. Mais ce n’est pas gagné, pas plus que le test qui va être fait sur le marché obligataire, dans l’espoir d’une détente qui s’amorcerait.

Car la mise en musique des décisions du Conseil européen est pleine d’embûches, à commencer par le refus par les Pays-Bas et la Finlande de cautionner tout achat obligataire du MES sur le second marché, prenant à revers le gouvernement italien. Alors que la BCE vient de fermer la porte à une facilité dont les banques italiennes ont abusé. On a ainsi appris que celles-ci émettaient des obligations auxquelles elles souscrivaient entre elles, qui bénéficiaient d’une garantie de l’État et étaient apportées comme collatéral à la BCE afin de garantir leurs emprunts. Les fonds obtenus servaient au final à acheter les obligations souveraines italiennes ! Un bel exemple de financement en boucle…

Ces deux dernières journées, l’attention se porte à l’extérieur de la zone euro, en raison des épisodes qui se succèdent outre-Manche à propos des manipulations avérées du Libor et de l’Euribor. Les démissions se succèdent dans le haut état-major de Barclays, dans l’espoir illusoire d’éteindre le feu. Mais des allégations circulent à propos d’une connivence entre la banque, le FSA (le régulateur britannique des banques) et la Banque d’Angleterre, qui auraient fermé les yeux si ce n’est pire. Une liste des grandes banques mondiales qui auraient participé à cette opération circule également, où figurent UBS, Deutsche Bank, Royal Bank of Scotland, HSBC et Citigroup… Que du beau linge ! L’affaire va éclabousser toute la planète finance si elle n’est pas étouffée, mais est-ce encore possible ?

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158 réponses à “L’actualité de la crise : L’HEURE DES TRAVAUX PRATIQUES, par François Leclerc”

  1. Avatar de Cassiopée
    Cassiopée

    Les emprunts à risque sont devenus monnaie courante entre les marchés financiers et les Etats, ainsi on assite à une mise en péril des Etats et de la cohésion sociale.

    Ses emprunts à risque national sont signés entre les financiers et les politiques, les citoyens étant exclus de tous débats portant sur les sommes empruntées et les intérêts très variables. C’est un endettement très lucratif qui est situé dans tous les grands pays, allant des Etats-Unis à l’Europe ou en Chine, conernant les Etats, les régions et les collectivités locales.

    Il est mathémtiquement impossible de rembourser des prêts avec des intérêts très élevés, dont la contrepartie sera une baisse générale du niveau de vie des citoyens. Ceci se passant en période de surconsommation, la situation est que les produits deviennent plus difficilement accessible, augmentant les gaspillages surtout en période de surexploitation naturelles.

    L’endettement des ménages est lui aussi très élevé de nos jours, avec des prix chers et des crédits immobiliers ou classiques aussi de plus en plus chers. La hausse des prix a diminué le niveau de vie des citoyens, subissant à la fois des délocalisations et des importations massives (même pour des secteurs très spécialisés en masse).

    Par un système mondialisé, les banques sont internationales, et influencent plusieurs Etats. Les pertes ne sont pas supportés par les banques, et les islandais ont par référendum fait le choix de ne pas les payer, pour ne pas voir leur niveau de vie s’effondrer.

    Il y a actuellement une socialisation des dettes (nationalisation et internationalisation) et une privatisation des gains (pour les banques et les délits d’initiés politiques). Bien que les ménages soient endettés, ils doivent en plus supporter le poids de la dette nationale avec une hausse des taxes, des impôts et des prix, voyant leur niveau de vie de nouveau baisser.

    Ses emprunts à risque sont des dettes, que les citoyens refuseraient de contracter puisqu’ils mettraient en péril par leur niveau de vie.

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