RÊVE DIVERS, par Vicè

Billet invité.

Était-ce l’un de ces rêves prémonitoires, comme en faisait ma grand-tante après les catastrophes ?

Plutôt une variation cauchemardesque sur un événement annoncé. – J’emploi le terme d’événement (accent aigu de rigueur), bien qu’il soit galvaudé, car il rend bien compte de l’état d’agitation extrême, d’anxiété et de suspicion qui régnait au bureau, ces dernières semaines. – Du jour au lendemain, il semblait qu’on se fût avisé que les poules pondaient des œufs, grâce aux coqs ou malgré eux, et que les fonctionnaires continuaient de s’acquitter de leurs tâches, plus ou moins bien, malgré la crise et tout l’tintouin.

Deux stagiaires de l’ENA avaient été missionnés pour préparer le terrain, en jetant sur l’activité de la préfecture leur regard neuf, impartial et « hyper-compétent ». À titre indicatif, le cabinet d’audit avait fourni des grilles d’évaluation, sur des domaines précis, ainsi que des fiches de procédure. Et l’on imagine difficilement le caractère pointilleux voire intrusif desdites fiches, qui ne laissent – pour peu qu’elles soient appliquées à la lettre, condition sine qua non à l’obtention du label convoité – à-peu-près aucune liberté de geste ou d’esprit aux agents. Tout est prévu, même la façon dont ils doivent s’asseoir à leur bureau ou ranger leurs affaires : le moindre pas de côté et tout le bel édifice serait ruiné. On s’arrange donc pour qu’ils la respectent, par tous moyens – en particulier, une communication qui tourne à la propagande et au harcèlement mental, entretenant un climat… de révolution ou de guerre permanentes, osons le mot, comme dans tout régime totalitaire (voyez 1984 d’Orwell). Cela détourne des vraies préoccupations, qui sont la baisse des effectifs, la dégradation des conditions de travail et du pouvoir d’achat, ainsi que la mise à l’encan des missions de Service Public.

L’avant-veille du jour d’audit (qui correspondrait à la veille de Noël), j’avais pris mon après-midi : la fatigue aidant, je fis une sieste après déjeuner, qui s’enclencha sur des réflexions dépitées, de plus en plus confuses, que je ruminai tout en digérant avec peine mon repas. Et, je ne sais trop comment, ces pensées s’abouchèrent entre elles, se grimèrent l’exorde, se parèrent de faux culs et de perruques métaphoriques qui traînaient par là, et se mirent à me jouer la comédie. C’est à se demander, après-coup, ce que j’avais vraiment mangé…

Le Réveillon promettait.

*

Tenez-vous bien : il paraîtrait que d’aucuns font une pause-pipi chaque matin, tandis que d’autres profitent de ce quart d’heure syndical sur le trottoir – non pas pour arrondir des fins de mois difficiles – mais pour écraser une clope entre copines.

Voilà qui est intéressant, n’est-ce pas ? En s’installant, le matin, on peut ouvrir son tiroir pour en sortir ses affaires, avant d’allumer le PC ; ou bien faire l’inverse ; écrire au stylo noir ou bleu, répondre aux appels téléphoniques soit en déclinant son identité, l’intitulé de son employeur et de son service (du type : François Trucmuche, préfecture de Haute-Cocagne, service des détentions d’armes), soit en inversant cet ordre, avec des variantes.

Passionnant ! J’ai aussi vu des collègues (mais chut… ! hein ?) agrafer leurs dossiers en haut à droite, tandis que la majorité le fait à gauche… Inutile de parler des prises de bec quotidiennes qui résultent de ces pratiques individuelles. Certes ! Il devenait nécessaire d’ordonner le fatras, cet espèce de précipité chimique, vaseux et bigarré, rempli de doublons et d’absurdités, fruit de la formation, de l’expérience et du parcours singuliers de chaque agent. C’est donc ce qu’on fit, en vue de la certification AOP (Administration d’Origine Protégée), au cours de réunions interminables présidées par le SG, avec un cahier des charges rigoureux à l’extrême. Elles étaient animées par une équipe de Managers (stagiaires de grandes écoles), dûment cravatés et vêtus d’habits de deuil (mocassins à pompons, costard-cravate de couleur anthracite et chemise blanche à boutons de manchettes dorés).

Pour vous faire une idée, permettez-moi d’évoquer une réunion mémorable, dont vingt-cinq minutes de débats pied à pied entre les adjoints et leur hiérarchie furent consacrées au « problème » suivant : doit-on donner la priorité aux femmes enceintes et aux personnes handicapées ?

‒ Évidemment ! ‒ Pas si sûr… C’était sans compter sur l’esprit soupçonneux et tatillon, qu’aiguillonnaient dans leur mesquinerie les exhortations aux économies du Ministère, desdits chargés de mission : en effet, l’un d’eux estima qu’on pourrait gagner du temps en refusant ce précieux coupe-file à des usagers qui n’en auraient pas forcément besoin. Cela me fit penser à ces médecins de famille qui ne consentent à se déplacer que si l’on jure d’être à l’article de la mort.

Lors d’une inspection-surprise, le mois précédent, dans le hall d’accueil d’une antenne de la CAF, un jeune diplômé de l’IEP de Paris (gage de bonne gestion) avait été frappé par l’aspect quasi « normal » de bon nombre de femmes enceintes. Quant à la question du handicap, il proposa de fixer plusieurs « paliers », basés sur le taux de handicap attesté par la carte de la MDH (Maison Départementale des Handicapés), en-deçà ou au-delà desquels l’usager bénéficierait d’éventuelles prestations dérogatoires, qu’il restait à définir. Pour les femmes enceintes, on exigerait la production d’une attestation récente de sage-femme ou de gynécologue-obstétricien.

Levant le doigt, je proposai avec entrain qu’on distinguât, parmi les handicapés, entre : les « ambulants » et les « en-fauteuil », les para- et les tétraplégiques, les mono-canne et les multi-cannes (les étayés et les moins-étayés) ; pour faire court, il s’agissait de trier les « suspects » d’un côté, les « doux agneaux » de l’autre. Quant aux handicapés mentaux, il n’en était pas même question.

À ce propos, compte tenu de la recrudescence de faux documents, il était envisagé de prendre leur carte de la MDH, à l’accueil, et de la faire authentifier par qui de droit. Après – et seulement après, on accéderait à leur demande. Mais cela signifiait une demi-heure d’attente, au moins, et l’on n’avait pas assez de place pour faire patienter tout le monde. Qu’importe ! En aparté, j’insistai sur l’effet dilatoire (et donc dissuasif) du dispositif envers des usagers fantômes sinon parasites, imprévisibles et difficiles à comptabiliser dans les statistiques de fréquentation, car dispensés de ticket. (Rendez donc de mauvais chiffres, et les crédits du Ministère baissent d’autant, au profit d’autres préfectures.) Stagiaires et SG eurent un sourire en coin, mais cela fut acté.

Pour en revenir aux femmes enceintes – poursuivit un stagiaire, mis en verve par ce zèle « venant de la base » – on s’en remettrait à l’œil exercé des agents (et surtout des agentes) : un petit ventre bombé ne suffirait évidemment pas… Là, je repris la parole, le doigt levé, avec une nouvelle motion : on s’assurerait au moins que la femme concernée perde les eaux, l’évidence matérielle, écartant tout risque d’erreur ou d’abus.

(Je vous promets que cela est authentique et que le SG, qui opinait gravement du chef, fut tout interdit, déstabilisé et frustré dans sa bêtise, quand une collègue indignée, qui souffrait d’obésité, lui dit qu’à la veille même de son propre accouchement, vu son embonpoint, rien n’en paraissait.)

*

Il était deux heures moins le quart : je me réveillai en sursaut. J’étais chez moi, dans mon petit village de l’arrière-pays de M***, au chaud. Mon ventre gargouillait terriblement, j’avais la nausée et, dans mon esprit embrumé, la vague impression d’être en retard… Mais non, j’avais pris ma demi-journée de RTT, me repris-je alors. Incroyablement fatigué, je refermai les yeux, avec l’intention de me reposer encore un quart d’heure. Mais je resongeai au bureau…

Le matin même, l’on s’était encore félicité sur les progrès accomplis en deux mois, juste à temps pour l’audit… M’enfin, m’interrompis-je avec un hoquet, perdant le fil… Cette fatigue qui m’écrasait, soudain, était bizarre et même inquiétante : était-ce dû au pot de faisselle Bio, au lait cru que j’avais acheté en route par gourmandise ? La date de péremption était-elle passée (genre de choses auxquelles je ne prends jamais garde, dans les magasins…) ? Devais-je incriminer mes œufs à la coque (labellisés Terr’ater, autrement dit : « plus que Bio »), dégustés très crémeux il est vrai ?

La fatigue… Le stress… La routine… avaient-ils leur rôle ?

Cœur, poumons, systèmes nerveux et digestif, habitués à leur bain journalier d’air carboné, de bruits urbains et de bousculades dans le métro, certes, sont désorientés quand, tout à coup, les choses ralentissent, qu’on s’entend enfin respirer : les petits zoziaux pépient dans les buissons, la rosée scintille au soleil, une puissante odeur de terre et de foin humides vous chatouille le nez. Pour un peu, on en aurait… les larmes aux yeux ? Peut-être… Moi, j’en avais la nausée. J’aurais tout sacrifié pour deux ou trois bouffées de gaz d’échappement, ou quelque réunion idiote et interminable sur l’utilisation normée des encres rouge et noire sur les formulaires Cerfa…

Car on s’accoutume à tout, même au stress et à l’incertitude précédant l’audit – sauf qu’à ce stade, tous chantaient déjà victoire. On était paraît-il fin prêts pour la certification AOP. Le préfet voulait l’offrir à ses services pour Noël (« gage de reconnaissance, aux yeux de tous, de l’exemplarité et du professionnalisme des fonctionnaires d’État »), et, par là-même, s’arroger une substantielle prime ad hoc.

Mais attention ! Comme disait Abraham Lincoln, « les poules font preuve d’une grande sagesse, qui ne font cot ! cot ! qu’après avoir pondu ».

Dans mon rêve, je me rendais au travail en TER : dehors, les prairies présentaient un aspect inhabituel. Des charolaises paissaient certes paisiblement, mais on leur avait fixé un tuyau flexible dans l’anus, relié à un immense ballon qui grossissait à vue d’œil et se vidait régulièrement, par pipe-line, dans une centrale qu’on apercevait en arrière-fond et dont on voyait les cheminées cracher une vapeur translucide. D’après ce que je compris, il s’agissait de capter le méthane émis par les bovins, qu’on avait accusés d’aggraver l’effet de serre, et dont on tirait désormais profit. Les coopératives laitières et les usines de transformation, réunies dans des complexes industriels intégrés (selon la stratégie fordiste de la « concentration verticale »), étaient alimentées en électricité et en matière première par ces troupeaux, qui de plus fertilisaient les champs de fourrage environnants (blés, orge, avoine), grâce à leurs bouses.

J’étais un père de famille digne du Petit Nicolas, sauf qu’au lieu d’un, j’avais deux mioches répondant au type de la « famille idéale » : l’aîné et la cadette, Nicolas et Marie-Edwige. C’était le seul point commun, sur le plan factuel, avec le père imaginé par Goscinny. Par contre, mon autoportrait rêvé en père et le père du Petit Nicolas, moralement, se rejoignaient par leur bêtise vaniteuse et satisfaite, compliquée d’hypocrisie.

Encroûté dans le schéma hiérarchique du paterfamilias napoléonien (avec des nuances), bien que mon rêve fût situé dix ans dans le futur, je ne cessais de houspiller mon fils, qui perdait son temps à d’inutiles labeurs : apprendre ses cours (par cœur), faire des exercices et lire des manuels de classe… À quoi bon ? lui répétais-je, impatienté. Avec les NTIC, tout est dans la boîte : moteur de recherche, encyclopédie participative et calculatrice intégrés. Plus n’était donc besoin de s’user les neurones… (Le défi majeur du XXIe siècle ne sera-t-il pas de trouver à s’occuper ladite cervelle ? C’est-à-dire de vaincre l’ennui profond et morbide, qui accable les populations des pays développés, notamment quand elles sont frustrées de consommation.)

Au bureau, c’était pareil, d’après ce que j’en disais à mon épouse, avec l’aplomb de celui qui s’arroge le beau rôle : en tant que chef de service, je tançais mes adjoints qui s’échinaient à rester à jour dans leurs dossiers (c’est-à-dire, le cœur de leur métier). Or, ce qu’on leur demandait, en fait, c’était de compléter des tableaux de statistiques (une dizaine), censés mesurer fidèlement un travail dont, du coup, ils n’avaient plus le loisir de s’acquitter, ce qui leur valait d’ailleurs moins de reproches que si c’eût été l’inverse. Quant à l’image de marque du service, que des retards excessifs risquaient d’écorner, on la rétablirait en maquillant les chiffres, en haut lieu, et en supprimant les primes de Noël sous prétexte de crise. Un communiqué de presse dans la canard local ferait l’affaire.

La veille des jours d’audit, on s’arrangeait pour recruter une cohorte de supplétifs à titre bénévole : des stagiaires d’écoles de secrétariat, qu’on chargeait de faire baisser les stocks (pour ne pas dire bâcler) d’ici au jour J.

En somme, le chef de famille que j’étais se comportait à-peu-près comme une personne seule, au chômage, qui, ayant à peine de quoi vivre, consacrerait ses maigres ressources à l’achat d’articles de luxe, au lieu de s’acquitter de son loyer, de ses factures d’eau et d’électricité, et de se nourrir sainement. Comme quelqu’un d’irrationnel – ou dont le système de valeurs aurait été retourné ‒ pour qui le superflu serait le nécessaire et pour qui les produits de luxe supplanteraient les biens vitaux. Voilà donc pourquoi je punissais mon fils dans ce rêve absurde !

*

Le lendemain matin, toujours dans mon rêve, en revenant du distributeur de café, j’eus la surprise de constater qu’on avait installé, en toute hâte semblait-il, quatre autres machines, en lieu et place des guichets, alignées face à la salle d’attente. Les usagers, qui patientaient sur des chaises de métal galvanisé, anguleuses et sans dossier (cela, ça n’avait pas changé, quoiqu’on eût posé dans un coin une urne transparente avec des formulaires de réclamation), regardaient avec des yeux ronds lesdites machines, en se demandant où se trouvaient les agents.

Enfin, 8h45 sonnèrent à l’église du quartier et l’on ouvrit : un grondement soudain, un bruit de tôle qu’on remue, des chuchotements confus, se firent entendre, provenant des machines. Deux hommes, avec une pointe d’audace, s’approchèrent de celles-ci, une pièce de 2 euros dans la main, afin de boire un expresso, sans trop comprendre où l’on avait mis les guichets ni s’ils attendaient au bon endroit. Alors qu’il cherchait la fente où glisser sa pièce, l’un d’eux fit un bond en arrière. Une voix électronique, comme celle des témoignages cryptés, à la télé (seul manquait le visage « flouté »), sortit de la machine, qui demandait à l’usager quel était l’objet de sa demande, selon la phrase-type « labellisée AOP, actée en réunion par le SG », obligatoire.

Les formulaires, labellisés aussi AOP, étaient fabriqués sur place avec du papier recyclé issu des déchetteries départementales : dans la pâte grossière, on reconnaissait des fibres de couleurs, qui correspondaient à différents types de détritus. Un prospectus sur papier glacé (tout ce qui participait de la Com’ externe, devait être « glossy » et « high-tech », pour l’image de marque) expliquait le concept à l’usager, qui pouvait ainsi se féliciter du bon emploi des deniers publics. De même, les agents étaient affublés de badges nominatifs, qui comportaient leur lieu de naissance : certains administrés du sud de la France, paraît-il, se rendaient à Lille (ou l’une des sous-préfectures du Nord) afin d’être servis par des Ch’tis authentiques, avec l’accent assorti. Les agents « moins typiques » était réservés à l’arrière-guichet. Dans la préfecture du Midi, où j’exerçais, ces derniers étaient cantonnés aux automates (voir ci-dessus) : mais ceux très estimés, qui prononçaient « peuchère », « soixante-et-treize » ou « je n’en ai poiiîng » étaient affectés à l’accueil et à l’orientation du public, dans la salle. Pendant l’été, on prévoyait de leur faire distribuer aux enfants des abricots Bio issus des jardins de la préfecture et des sachets de lavande à ces messieurs-dames.

*

Plus tard dans la matinée (et plus tard dans mon rêve, qui tournait à l’aigre), vint un usager repérable à des kilomètres, avec ses lunettes teintées et son imperméable beige, petit homme sec à tournure de « client banalisé » (de même qu’on aurait, lors de la permanence téléphonique, des « appels-mystères »). Il se présenta devant le faux automate, en examina la façade et pressa le bouton Autres démarches. Le faux haut-parleur en forme d’hygiaphone (ou l’inverse), grésillant, émit cette phrase d’accueil hésitante : « Préfecture de…, Maryse à votre service… ». Là-dessus, un chuchotis entremêlé de petits éclats de voix témoigna de l’intervention d’un tiers, et la voix électronisée reprit vite : « Maryse, à votre service, bonj… (tout bas) Merde ! » Sous les yeux étonnés du client-mystère, qui s’impatientait – ou plutôt entamait la saynète de « l’énervement », le doigt appuyé sur le bouton, le capot de tôle bleu-blanc-rouge se mit à trembler, accompagné d’un hurlement… Et puis plus rien. Le chef de bureau, qui surveillait ses agents, anxieux d’obtenir sa prime liée à l’obtention du label, s’énervait car l’agent en question n’arrivait pas à se rappeler l’ordre exact de la formule d’accueil.

On sembla se calmer, là-derrière, avec un bruit de chaises, et quand le bonhomme en imper rappuya sur le bouton, celui-ci se coinça : il resta pressé dans le capot, avec la diode rouge allumée, et, au bout de quelques secondes, un sifflement suraigu jaillit, contraignant le public à se boucher les oreilles, auquel se joignit le cri d’angoisse de l’hôtesse (prénommée Maryse), qui se mit à frapper des poings sur la tôle.

Ladite Maryse (avec deux autres collègues), des suites de… parlons franchement : de la course au label AOP, fit une dépression nerveuse et obtint trois semaines d’arrêt, ce qui dégrada un peu plus les conditions d’accueil du public, faute d’effectif.

Deux guichets plus loin, un jeune homme barbu, vêtu d’un jean et d’une veste à treillis de l’armée, d’agacement, faisait claquer les talons de ses santiag sur le simili-marbre : en face de lui, la machine répétait, non sans bafouiller et se reprendre, des formules-types puisées dans un répertoire restreint, certifié AOP (en moyenne, elles ne s’avéraient pertinentes qu’une fois sur trois). En effet, la pauvre collègue dans sa boîte, par les trous d’aération latéraux, avait tout vu de l’incident d’à côté, avec le « client-banalisé ». Très disciplinée, à la fois par éducation et par révérence naïve envers la hiérarchie, elle était angoissée par l’omniprésence du chef de bureau, ce jour-là (ce dernier profitait de l’occasion pour dresser une liste provisoire des bénéficiaires de la prime de Noël). Elle s’en tenait donc à son « Guide d’accueil du Public », gracieusement mis à disposition par le cabinet d’audit privé. Elle tenait un guichet depuis plus de vingt ans, ballottée de poste ingrat en poste ingrat, comme nombre de ses semblables, auxquelles s’ajoutaient périodiquement les nouvelles recrues. L’usager, quant à lui, s’agitait, menaçant de son poing le faux automate (alias Christine), qu’il prenait pour un robot mais qui n’en bégayait pas moins. Quoi de plus agaçant qu’une machine qui dysfonctionne !

Le soir, Christine se sentait la tête vide. En payant sa baguette, elle gratifia la boulangère surprise d’une des formules-types AOP : « Madame, bonjour. Je vous informe qu’une borne Internet en libre-service est à votre disposition à l’accueil génér… » Elle ne faisait pas le genre de travail qui vous épanouit, tant s’en faut !

Sur ces songeries désabusées, vers la fin d’après-midi, je replongeai dans un sommeil agité, où le rêve, maintes fois interrompu, ne tarda pas à se finir, avec l’implacable cohérence du vrai cauchemar.

*

Je me réveillai tôt, le lendemain, après une nuit d’insomnie, avec le mal de crâne, comme après une cuite. Les émotions de la veille avaient eu raison de moi. Pensez-donc : l’octroi de la prime annuelle (la fameuse « prime de Noël », attribuée au mérite, c’est-à-dire à la tête du client), était encore conditionnée par l’obtention du label AOP, en sus du déjà fameux « Quali-Perf ». En effet, telle préfecture avait lancé la mode des certifications multiples : d’habitude, ce genre de psychoses durait un ou deux ans, après quoi tout était remisé, d’autant plus que l’incessant jeu de chaises musicales dont le corps préfectoral fait l’objet soumettait la mesure du prédécesseur au bon vouloir du suivant, qui tenait toujours à se démarquer. Mais, depuis la présidence de M. Sarkozy, notamment, on était entré de plain-pied dans l’ère du Management administratif, calqué sur les grandes entreprises du secteur privé. La course à l’échalote pouvait se poursuivre.

Une semaine plus tard, au terme d’une longue séance de « débriefing », où les moindres imperfections furent relevées, le directeur conclut d’un ton jubilatoire que la préfecture… avait obtenu le label AOP, au titre de l’année 2013 ! D’ores et déjà, on pouvait relâcher la pression. Tel un vieux dignitaire de l’armée, obèse et cacochyme, dont l’uniforme disparaîtrait sous les médailles militaires, dues aux faits d’armes de ses simples soldats, la préfecture se parerait du précieux encart. Quant à ce qu’il recouvrait… Au quotidien, on n’aurait ni le temps, ni les moyens d’y pourvoir. Et puis, tyranniser le personnel trois mois durant, pour le plier à des exigences absurdes, avait été particulièrement pénible pour une hiérarchie aussi veule qu’hypocrite. (De ces petits chefs qui font mine d’écouter les plaintes de la base, tout en s’aplatissant devant les dignitaires d’un temps, qui n’en ont que faire.)

Accablé par tant de bêtise, assis sur ma chaise vis-à-vis du directeur, qui mettait un terme à la réunion, je croyais revivre mon rêve – ou plutôt mon cauchemar, de la semaine précédente. Moi qui l’avais cru sombre et caricatural à l’excès… tout au plus futuriste !

Voilà bien la première fois qu’un de mes rêves se voyait, a posteriori, labellisé AOP !

 

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73 réponses à “RÊVE DIVERS, par Vicè”

  1. Avatar de Ardéchoix
    Ardéchoix

    Pour avoir votre AOP , y faut d’abord passer le RGPP « révision générale des politiques publiques » si vous êtes de droite , ou votre MAP « modernisation de l’action publique » si de gauche .En gros c’est pas gagné .

  2. Avatar de Henri
    Henri

    Il est urgent de sortir de ce système économique d’inspiration néolibérale qui porte en lui sa propre destruction. Il apparait important de mettre en place une véritable démondialisation en s’inspirant par exemple du combat de Gandhi en faveur de l’indépendance de l’Inde.

    1. Avatar de Vicè
      Vicè

      Henri,
      Il est presque paradoxal de dénoncer les aberrations d’un système néo-libéral, quand la pingrerie qu’il engendre et justifie, dans les administrations d’état (qui ne remet nullement en cause ce système, au contraire!) prend des formes qui s’apparentent aux dictatures communistes. Je m’explique : suite à l’obtention du fameux label, donc, dans mon administration, l’auditeur nous fit pondit un rapport détaillé où il préconisait, en vue du suivi bisannuel de la certification, d’améliorer certains points. Notamment, de faire retirer au plus vite aux agents de guichets les cartes postales exotiques (de pays étrangers, je veux dire) et les gribouillages de leurs bambins aux feutres de couleurs, qu’ils avaient scotché aux murs bordant leur guichet. En effet, étant dans le champ de vision du public, ces éléments de décors (certes critiquables sur le plan purement esthétiques) risqueraient d’écorner la dignité et le sérieux affichés par l’Institution.
      Aussitôt dit, aussitôt fait. Il en résulta des murs blancs.
      Avec les automates, l’idéal des gestionnaires et autres managers, pour les services et autres lieux publics, semble être celui du couloir d’hôpital, aux murs blancs entièrement nus, ponctués de robots chromés tous les 3 mètres. Ou le couloir de prison.
      Pas de chaleur humaine, et pas d’écoute.
      A bien réfléchir, c’est presque un symbole, comme l’étaient les immenses Palais des anciens pays du bloc soviétique : d’énormes coquilles de béton carrées, suffisamment vides pour désespérer les usagers qui s’y risquent, mais assez massives pour tout écraser sur son passage.

  3. Avatar de step
    step

    mon dieu, va falloir surveiller des collègues y en a une qui écrit chez jorion ! non sérieusement, la perte d’humanité du travail est effectivement une des grandes marottes des pingouins en tout genre. (ie personnage aussi inutile que bien habillé et grassement rémunéré pour désorganiser une structure qui vaille que vaille remplissait ses fonctions). De temps en temps je les voit défiler devant le bureau de « qui tient la bourse » vantant leurs références (plutôt fin d’année, histoire de soigner le bilan de la maison mère et ainsi justifier dividendes et primes pour leurs chefs). Pour l’instant ils sont poliement raccompagnés à l’entrée… ouf!

  4. […] Blog de Paul Jorion » RÊVE DIVERS, par Vicè. […]

  5. Avatar de Youpi
    Youpi

    Ce n’est même pas une caricature. Ce comportement de l’autorité de nous faire faire l’absurde, de vider tout sens de nos actions, est la base des processus de certification d’entreprises, des labels en tout genre que la gauche a adulés autant que la droite, et que les élus ont imposés.

    Voir cette description cauchemardesque sur le blog fait plaisir, c’est une manière de mieux la regarder : ce que j’aimerais encore mieux, c’est que la relation avec la réalité de terrain soit établie, avec l’étalage des structures, des méthodes qui portent ces techniques de manipulation, et le décryptage de leur origine.

    Mais celui qui établit cette relation ira très vite grossir le rang des chômeurs non indemnisés, pour faute grave, ou lourde, et s’il insiste, il aura de graves ennuis, de toutes sortes.

    Nous en sommes là. Ce n’est pas une perte d’humanité, c’est une agression contre l’humanité, une dictature qui ne dit pas son nom.

  6. Avatar de jeanneR
    jeanneR

    « Un rêve prémonitoire comme en faisait ma grand-tante « avant » les catastrophes ? ou « après » ? ce dernier étant tout-à-fait surréaliste !! Vite ,un nouveau -faux- vrai cauchemar . Le blog de P.Jorion est labellisé-inimitable ; l’écrivain est hors-concours !

    1. Avatar de Vicè
      Vicè

      Chère lectrice,
      si vous me faites l’honneur d’apprécier mon texte, je vous informe (mais peut-être les connaissez-vous déjà?) que j’en ai déjà publié deux autres sur ce même blog (et je partage votre avis sur sa qualité), sous les titres respectifs : « Grandeur et décadence du service public » en mai, et « Une après-midi au musée » en septembre, le premier plus purement polémique, le 2er sous la forme déjà d’un rêve un brin cauchemardesque.
      Quant à mes autres écrits (nouvelles et poésies), je désespère de les voir publiés un jour!
      Encore merci.

  7. Avatar de Lisztfr
    Lisztfr

    Hors sujet :

    Hier c’était le mariage pour tous, aujourd’hui c’est la mort pour tous. Pourquoi le gouvernement tient-il tellement à légiférer sur ce qui a rapport de très près au corps si ce n’est pour montrer pour le coup, ce qui s’appelle un bio-pouvoir ? Faute de maîtriser la politique et l’économie, le gouvernement s’empare symboliquement de la vie des citoyens, par le droit, par le débat, débouchant sur des lois par l’entremise du législateur. Le discours sur le corps est qu’on le veuille ou non une démonstration de pouvoir même si c’est pour accorder plus de liberté, car en ce cas est obligé envers qui l’accorde.

    Marier les fêtes de Noel avec l’euthanasie est désolant quelque part… faute de goût, maladresse politique ?

    1. Avatar de Julien Alexandre

      Ils n’ont plus ça, c’est tout.

      1. Avatar de Ju
        Ju

        « Ils n’ont plus (que) ça, c’est tout. »

        C’est surtout Lisztfr qui est en panne d’inspiration… Les autres sujets ne vous intéressent donc pas, Liszt…?… vous n’aimez pas la peinture…?

        « Marier les fêtes de Noel avec l’euthanasie est désolant quelque part… faute de goût, maladresse politique ? »

        Faute de goût… de votre part, c’est sans conteste une faute de goût…

      2. Avatar de vigneron
        vigneron

        Pas en panne, Ju, à la casse.

      3. Avatar de Lisztfr
        Lisztfr

        @Ju

        Je n’ai rien à dire, je ne vais pas poster des commentaires inutiles. J’ai un peu guerroyé chez ZH, leur apportant des idées saines… leur tirant les oreilles à ces garnements.

      4. Avatar de Lisztfr
        Lisztfr

        @vigneron

        Très juste, en fait je travers une phase d’aboulie, qui confine à l’apraxie, depuis plus d’un mois… voilà la réalité.

      5. Avatar de Ju
        Ju

        aboulie…? apraxie…?
        Don’t worry Lipstick… j’ai ça depuis 25 ans tous les hivers et l’on s’en accommode très bien… les ours ont la même chose… en hiver on hiberne… rien d’anormal à ça…

        Le farniente, encore une chose qu’il faudra rétablir fissa…

        @Julien
        Julien, vous avez dû mettre un message à moi à la corbeille… par inadvertance certainement car pour une fois, il était des plus soft… soft de chez soft… (à moins bien sûr que j’ai dépassé mon quota d’âneries pour le mois… là, c’est différent)

    2. Avatar de lou
      lou

      @ Lisztfr: « pour tous », n’est ce pas pour chacun? chacune de nos petites vies devenant ou exigeant de devenir la norme. où est le collectif, le commun qui dépassent nos existences? J’ai un vrai questionnement sur l’égalité des droits. Est ce l’égalité des citoyens ou celle des individus? car si c’est celle des citoyens, il faut en fonds comme en horizon, un idéal qui nous dépasse. où est il?

      1. Avatar de Lisztfr
        Lisztfr

        wszystko jedno, – all the same… il n’y a plus de « citoyens »

        La question du mariage pour tous est effectivement légitime, on ne saurait l’écarter sans recourir à l’argument d’une discrimination sexuelle, qui ne correspond plus à la norme sociale depuis longtemps. L’égalité devrait l’emporter sur des considérations de genre, or cela n’a pas l’air d’aller de soi… pourquoi, sans doute parce qu’on n’arrive pas à imaginer comme « normale » la famille homoparentale. L’égalité revendiquée a priori à juste titre conduit en fait à une inégalité lorsqu’on se place au niveau de l’enfant, c’est tout le paradoxe. Cet enfant aura à faire valoir sa différence non choisie au sein de l’école.. et aura à comprendre une sexualité structurée différemment de la sienne probablement, dés le plus jeune âge ce qui ne pourra pas l’aider beaucoup, je suis désolé comment faire l’impasse sur ce sujets ?

        La vie de chacun est menacée en ce moment, ok ? la vie de nos proches, tout le monde est soit sur-exploité soit en burn out, soit au chômage etc. Ca laisse peu de place pour une dynamique collective. Ce n’est pas une crise, c’est du terrorisme, et il faudra attendre un acte de courage pour renverser cette dynamique.

      2. Avatar de Perrico
        Perrico

        @lou
        « J’ai un vrai questionnement sur l’égalité des droits »

        Les individus ont aujourd’hui les mêmes droits, quelle que soit leur orientation sexuelle : un homme peut épouser strictement une femme et inversement. Ce qui n’existe pas, c’est le droit du couple et pour cause puisque le Code Civil concerne l’individu et non les groupes d’individus.

      3. Avatar de lou
        lou

        @Perrico: « Les individus ont aujourd’hui les mêmes droits, quelle que soit leur orientation sexuelle : un homme peut épouser strictement une femme et inversement. Ce qui n’existe pas, c’est le droit du couple ». Ma question reste sans réponse! Est ce que c’est le citoyen qui a des droits, ou l’individu? droits de l’Homme et du citoyen: les deux termes renvoient à quelque chose qui dépasse l’individu. Sommes nous une collection d’individus sans projet commun (la citoyenneté)?
        Sur la reconnaissance du couple (indépendemment du sexe), en France: c’est le PACS.Le mariage reconnait le couple comme base, noyau de la famille, et uni pour se reproduire! Il consacre la parenté (filiation), et non, jusqu’ici, la parentalité.

      4. Avatar de Perrico
        Perrico

        @lou
        « Ma question reste sans réponse! Est ce que c’est le citoyen qui a des droits, ou l’individu? »

        Je ne suis pas juriste, mais à mon avis c’est l’individu. La preuve : on peut donner une identité à un mort-né et des droits à un non-citoyen (droit à l’asile politique pour les personnes persécutées par un régime indigne). De plus, dans un monde aux frontières de plus en plus ouvertes et avec des Etats en perte totale de souveraineté, la notion de citoyenneté est appelée à disparaître.

        « Sommes nous une collection d’individus sans projet commun (la citoyenneté)? »

        Oui.

      5. Avatar de lou
        lou

        @ Perrico: ah, pour le coup, je peux vous dire que le droit d’asile n’existe pas! Seulement celui de pouvoir demander l’asile, mais c’est tout. il existe par contre le droit des réfugiés, c’est une convention internationale, mais ces droits s’appliquent dans un cadre national, à la discretion de l’Etat.
        Bon, droits de l’individu alors. donc…

    3. Avatar de Perrico
      Perrico

      @Lisztfr
      « Le discours sur le corps est qu’on le veuille ou non une démonstration de pouvoir même si c’est pour accorder plus de liberté »

      Liberté ? Certains disent que la France « a du retard » en comparaison de l’Espagne où, je le rappelle, l’euthanasie peut être pratiquée sans le consentement du concerné.

      1. Avatar de RED
        RED

        La vie de chacun est menacée en ce moment, ok ? la vie de nos proches, tout le monde est soit sur-exploité soit en burn out, soit au chômage etc. Ca laisse peu de place pour une dynamique collective. Ce n’est pas une crise, c’est du terrorisme, et il faudra attendre un acte de courage pour renverser cette dynamique.

        @ Lisztfr ; Vous m’ excuserez mais lire et comprendre est relativement difficile pour moi actuellement. Néanmoins, je n’ aime pas écrire ceci sur le web, j’ ai pris hier la décision d’ avoir recours à l’ euthanasie peut-être prochainement. On m’ excusera ce manque de pudeur, dans un monde vulgaire soyons vulgaire.
        A croire que la loi (sur l’ euthanasie donc) a été prévue pour laisser partir ceux qui n’ en pourraient plus de ce système, à tel point qu’ ils en tomberaient malades, etc. J’ en fais partie.
        La veille, je revoyais le film de Julian Schnabel, Avant la nuit tiré du roman de Reinaldo Arenas ; dans le film, comme dans le roman, est montré le départ volontaire de cent-vingt cinq mille dissidents cubains vers les US, on dit que Castro en profita aussi pour se défaire de nombreux autres « délinquants » ou malades mentaux, ceci est connu sous l’ appellation Exode de Mariel.

        C’ est étrange comme parfois les choses semblent s’ enchaîner n’ est-ce pas?
        Bizarre aussi, depuis hier, j’ ai aussi l’ impression de retrouver un peu de liberté.

        Il était dit dans ce film que la répression excitait l’ imagination …
        Très heureux de n’ avoir jamais été un artiste officiel en tout cas quand je vois à quoi ils ressemblent.
        Beaucoup de choses très pertinentes sur cette page à mon avis, ceci me rassure aussi.

    4. Avatar de Marlowe
      Marlowe

      …aujourd’hui c’est la mort pour tous.

      C’est pour éviter la fuite de ceux qui veulent fuir la vie dans ce monde vers des paradis, en Suisse ou ailleurs.
      Je pense qu’au lieu de confier à des associations humaines le rôle d’aider à mettre fin à leurs jours à ceux qui n’en peuvent plus, notre pouvoir élu va lancer un appel d’offre pour confier l’assistance à la fin de vie à un groupe financier et industriel qui en fera une marchandise parmi d’autres.

  8. Avatar de etienne maimbourg
    etienne maimbourg

    Bonsoir Monsieur Jorion.Votre réfléxion me fait penser au célèbre livre de Jean-Pierre Legoff: »la barbarie douce »ou l’auteur s’attache à démontrer l’infiltration sournoise des méthodes de management à l’américaine dans bon nombre de secteurs d’activité de l’économie française .Le salarié est soumis à une pression justifié par le rentabilisme à tout crin par le biais des fameux « bilans de compétence »qui en ont poussé plus d’un à commettre l’irréparable(notamment à France Télécom).Dès lors , à l’aune de la lecture de votre article ,il convient de s’interroger quelque peu gravement sur le sens de nos vies:en effet,ll semble que l’horizon indépassable de nos existences soit réduit à deux concepts incontournables….la flexibilité de la masse salariale et son corollaire consubstantielle: la compétitivité….il faut être compétitif,sinon vous n’êtes rien!! Le philosophe israelien Avishai Margallit a écrit un bouquin en 1999 intitulé »la société décente » qui ,à mon sens ,fait partiellement écho à votre propos.L’auteur recense toutes les humiliations et autres avanies que les individus peuvent endurer au sein des sociétés contemporaines.Tenter de les contrer en réaffirmant l’éminente dignité humaine de tout un chacun permet de consolider le ciment démocratique de ces mêmes sociétés…

    1. Avatar de BasicRabbit
      BasicRabbit

      « La barbarie douce »

      « La barbarie consiste en une relation sociale organisée par un pouvoir non plus symbolique mais réel. […] Est-ce que vous connaissez une seule des grandes manifestations récentes d’exercice du pouvoir qui ne soit pas une manifestation de la barbarie? »
      Charles Melman, L’homme sans gravité.

      1. Avatar de Vicè
        Vicè

        Cher Lapin de base (je suis bien un fonctionnaire de base, vous ne vous offusquerez donc pas de la traduction?), sans parler de barbarie, je peux témoigner c’est vrai que les rapports hiérarchiques des employés vis-à-vis de leurs chefs, bien souvent veules par intérêt, ambition et parfois conviction, tournent parfois au harcèlement moral.
        Quant à la question connexe de l’autoritarisme sournois que cela nourrit, voir ci-dessus s’il vous plaît ma réponse à Henri.
        Merci pour votre commentaire

  9. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Dans un monde où l’argent public se raréfie au point d’être en voie de disparition , on peut ne pas faire grief à la puissance publique de vérifier que ces quelques subsides sont utilisés avec toute l’efficacité et le sens de l’économie possibles . Et c’est généralement comme ça que l’affaire est vendue , ce qui explique le zèle servile de pas mal de chefs ou sous chefs .

    Permettez à un ex chef de donner son éclairage à votre mauvais rêve , qui pour être écrit avec un certain talent , ne me semble pourtant pas devoir même faire sourciller ceux qui sont à la manoeuvre .

    Selon moi , le premier point de départ de la réduction à minima de l’Etat , au moins au travers des « missions  » qu’il exerçait historiquement en France, a été le rapport Guichard ( autour de 1974 , si ma mémoire n’est pas trop branlante ). Je précise qu’il me parait sain que l’Etat s’interroge périodiquement sur sa prise en charge de  » missions » … pourvu qu’il le fasse à débat ouvert , ce qui a semblé le contrarier beaucoup ces 40 dernières années .

    J’ai mis assez longtemps ( vers 1987 en fait ) à comprendre que toutes les réformes demandées , avançaient à visage masqué , car la décision politique lourde qui les sous tendait , était clairement l’abandon de l’administration de mission, pour une administration « régulatrice » , » stratège » , « contrôleuse », « régalienne » , une sorte d’externalisation des missions calquée sur l’externalisation des tâches dans le monde de l’entreprise.

    Le schéma était intellectuellement séduisant , mais il m’est aussi assez rapidement apparu qu’il avait un certain nombre de tares :

    – la première et sans doute la plus critiquable , est qu’il refusait de dire son nom ,hors débat démocratique national réel sur les priorités .

    – la seconde est que certaines administrations ( Bercy par exemple , porteur de la démarche ) s’exonéraient de la révolution , car leurs ministres ( finances , éducation nationale principalement ) ne voulaient pas courir le risque de la bronca de leurs nombreuses troupes .

    – la troisième, et c’était ma propre critique , que je voulais intelligente , est qu’on ne délègue bien que ce que l’on sait faire soit même , d’une part , et qu’aucune analyse sérieuse des risques et dangers potentiels à éviter n’était même envisagée dans ce scenario . La  » main invisible » du  » ce sera forcément mieux comme ça « , et  » moi le chef je garde la crème des responsabilités  » ( et même, je ne m’emmerde plus à gérer ces personnels chiants et syndicats stupides ) étaient un a priori d’autant plus dangereux qu’il n’était pas explicite .

    – la concertation n’y consistait qu’à la  » confiance » que « Paris » vous faisait dans l’art d’accommoder les restes ». Il n’y avait en fait rien à négocier ( sauf parfois une petite prime de moins de 1000 €/an promise éternelle et supprimée dès l’année 2 . On connait ses gammes à Bercy !)

    Hors cet Etat « stratège », tellement stratège qu’il ne comprenait pas dans le même temps qu’il se suicidait lui même en finissant de se laisser acheter par le privé ( avec la perle des PPP) , les collectivités , dans leur grande multiplicité et tentations contradictoires, n’ont rien vu venir , toutes fièrotes des lois de décentralisation et de cette signature des permis de construire , qui vous pose un élu comme César au dessus de la plèbe ( et du préfet , comble de la jouissance )

    C’est ainsi qu’elles se sont laissées en grande partie refiler tout ce dont l’Etat n’arrivait pas à se débarrasser assez vite ou facilement . Avec de la part de Bercy , toujours la même arme fatale : « dotation « équivalent »  » au centime près  » ….au moins la première année .

    Les préfectures là dedans : elles ont longtemps fait partie des administrations « protégées » . Au sens de l’Etat régalien , elles ne valent pourtant d’ailleurs que par la fonction  » maintien de l’ordre » et sécurité. Les préfets , qui dans le cadre plus général de la décentraisation et des pouvoirs renforcés des élus , l’avaient déjà un peu mauvaise , ont pansé (provisoiremnt) leur ego , en recevant l’offrande de la tutelle renforcée sur les adminsitrations déconcentrées ( sauf le TPG et le DSF , faut pas déconner ).

    Sauf que ces administrations déconcentées départementales sont devenues si maigres et exsangues , qu’elles ne  » mâitrisent  » elles mêmes plus grand chose ( comme les sous préfectures dont on se demande encore pourquoi ça existe ).

    Il est donc question de rassembler à nouveau des forces et de la compétence au niveau régional ( comme c’était déjà la vision d’avenir du rapport Guichard ) .

    Mon diagnostic est que , si les forces numériques peuvent s’imaginer , les compétences ont été atomisées en même temps que les fonctionnaires qui les portaient et les forgeaient localement .

    On va donc tout droit vers une adminsitration d’experts qui s’affirmeront compétents . D’autant plus compétents et éphémères ,qu’ils ont été formés du ,et pour le , discours ambiant qui a donné la réussite économique que l’on sait .

    Mais c’est en gros le schema européen, et tous les débats qui animent Bruxelles sur les SIG ( services d’intérêts généraux ), n’ont rien à envier ( et pour cause) à ceux qui chez nous ( moi ) ont animé la RCB , l’AMM, les POM , et autres fantaisieslittérales modernisatrices .

    PS : Comment couler une administaration ? Par l’usage des ratios selon Bercy :

    – 1 – Vous devez avoir trois agents au maximum dans un fourgon( ratio )
    – 2- mais j’ai15 agents et 4 fourgons !il me faut un fourgon de plus
    – 3- vous n’y pensez pas ! C’est que vous avez 3 agents de trop , on les supprime . Restent 12 agents .
    – 4 – 2 agents partent en retraite : restent 10 . Vous êtes suréquipé en fourgons! j’en reprends un : restent 3 fourgons .
    -5 – Dorénavant le ratio ( l’Etat est de plus en plus pauvre , que voulez vous ! ) sera d’un fourgon pour deux agents ( et encore c’est parce qu’on est sensible au fait que la conduite à un seul agent en intervenention d’urgence peut être périlleuse, vous voyez comme on vous comprend !) . Vous devez donc céder
    9-6 = 3 agents
    – 6- mais avec 6 agents, je ne peux plus assurer le 24/24, d’autant que le réseau s’est agrandi et que l’exigence de nuit s’est accrue !!
    -7-Oh comme c’est bête … Bon ben constatez vous même que vous n’y arrivez pas ( peut être même qu’en y regardant de près , vous seriez bien un fieffé fainéant qui s’est nourri pendant deux siècles et demi de la crédulité de l’Etat, ou qui ne connait rien à rien sur la meilleure façon de tirer le meilleur emploi de ses troupes …)
    -8- il est donc temps de privatiser ! Comme c’est ballot …;
    Variante : Ah mince , vous êtes encore un certain nombre en dépit de nos purges, et ça peut faire vilain en certaines occasions . Qu’à cela ne tienne, le département saura vous accueillir dignement .

    Comment ? 300 ans d’histoire et d’expériences du terrain dans toutes ses facettes depuis Vauban !
    Expériences ? Capitalisation des savoirs ? intermodalités ? aménagement du territoire ?Banques de données en temps réel ? Proximité des citoyens usagers ? Relationnel trivial du terrain ?Vous aviez déjà utilisé la comptabilité analytique dès 1980 ? Vos services programmaient en Cobol les tracés électroniques des routes dès 1966 ? Un réseau d’experts pontus fonctionnaires et contractuels dès 1965 ?Une pratique de la formation permanente large pour tous grades dès 1975 ?

    M’en fous , moi j’y comprends rien et c’est pas pour ça qu’on m’a mandaté . Et puis tout ça , ça s’achète facilement n’importe où . Et même forcément moins cher que vous , c’est moi qui vous le dis , et d’ailleurs votre ministre n’a pas un sous , et les élus ne vous aiment pas trop .

    – 9 – Rideau . Ou, comment brûler une bibliothèque .

    Le plus risible est que c’est le propriétaire de la bibliothèque qui la brûle , en épargnant quelques conservateurs .

    – 10 – La nation n’en reste pas moins valide pour décider ( vraiment ) de son rôle , et des nécessaires recherche et contrôle d’efficience ( mais il semble que réfléchir à ça , soit un effort emmerdant , alors que les envolées de campagne électorale sont autrement amusantes et gratifiantes ) . Stratègiques pour tout dire .

    -11- OUF : si ça ne sert à rien , au moins ça soulage !

    1. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      Rapport Guichard 22 octobre 1976 .

      Remis à … Giscard D’Estaing . , stratège devant l’éternel , spécialiste des avions renifleurs et du TCE 2005 .

    2. Avatar de Daniel
      Daniel

      Courage, Juan.
      A votre lecture, je verse des larmes civiques pour tant de compétences et bonne volonté laminées.
      L’Europe-Bruxelles poursuit le même chemin. Y’a encore du gras pour le privé.

    3. Avatar de vigneron
      vigneron

      Ok Juan, sauf que les rapports de la Cour des Comptes sont implacables. Rappelle toi le dernier rapport Seguin. Entre 1980 et 2008 c’est plus 36% de fonctionnaires (État, coll territ et adm hospi), le double exactement de la progression du nombre total d’emplois en France sur la période. Même l’État central, malgré les transferts aux coll territ et le recours grandissant aux « opérateurs publics » comme d’ailleurs aux contractuels et précaires, a vu croître les effectifs publics de 14% sur la période. Pour quelle amélioration de service ?

      1. Avatar de tchoo
        tchoo

        Ce sont des chiffres surement irréfutables, mais où sont passés ces 36% en fait
        de partout dans les services publics, le service justement se dégrade, et il est rare que les employés des dits services ne pointent pas des effectifs trop faibles
        Peut-être faut-il plus de personnes pour remplir les tableaux rendant compte de l’activité que pour assurer l’activité elle-même.

      2. Avatar de juan nessy
        juan nessy

        @Vigneron :

        C’est pas faux , sauf que pour la FPEtat , dont j’étais , la décroissance a été réelle partout sauf peut être à l’Education Nationale , la Police ( la gGendarmerie a ,elle ,dégusté assez tôt) et assez longtemps ..les finances . Pour l’administration dont j’étais ( Equipement ) la décrue ( c’était le terme employé ) a commencé dès 1980 au rythme de – 1% par an ( 2% certaines années ) .

        Il est par contre exact que les effectifs de la FP collectivités locales augmentaient dans le même temps ( en partie pour cause de démagogie des élus , en partie pour compenser les sous effectifs déjà obtenus dans les troupes des services d’Etat transférés ) . Ceux de la FP Hospitalière , à ma connaissance , ont régulièrement augmenté jusqu’au jour où le recours aux emplois précaires est devenu le signe de bonne gestion pour les directeurs d’hôpitaux .

        Il est tout aussi clair que la plupart des français voient des fonctionnaires partout même quand il n’y en a pas ou plus , et que la réflexion sur la place nécessaire et suffisante de la Fonction Pblique , est le cadet de leurs soucis . En fait ça les fatigue autant que ça fatigue les élus . Les jeux d’acteurs et de théâtre , et les thèmes sans réalité sont beaucoup plus jouissifs .

      3. Avatar de juan nessy
        juan nessy

        Pour être complet sur le cas que je connais le mieux , le coup de grâce , alors que nous étions à la diète annuelle depuis déjà 18 ans et que la demande en service continu allait , elle, croissant , le coup de grâce donc , est venu de Martine Aubry et des 35 heures , qui s’ils étaient absorbables dans des administrations encore épargnées et « de bureau » , ne pouvaient pas l’être dans des administrations en position de responsabilité de terrain et service à l’usager en 24/24 et 365,25 jours par an .( C’est d’ailleurs un peu pour la même raison que ça a craqué dans les Hôitaux à cette époque )

        J’ajoute que nous avions allégrement franchi le cap de l’organisation hiérachique traditionnelle en déléguant au plus près du terrain de larges et réelles responsabilités ( dont toutes ne plaisaient pas aux élus) concernant tous les grades. dès 1980 là aussi .

        Il ne faut pas prendre ça pour des jérémiades d’anciens combattants , simplement comme l’illustration que ce qui était recherché de fait , ce n’était pas l’efficience accrue ( au point que des auditeurs de Hay Management , ou Syriex , se déclaraient surpris de trouver déjà en place des choses qu’ils pensaient nous apprendre ), le vrai sujet était la disparition par mort lente et homéopatique

        Au mieux je peux trouver des excuses à L’Etat qui dans le disours néolibéral Thatchérien ambiant , pouvait « de bonne foi » ( ou par ingénuité) penser que  » les méthodes du privé  » devait aussi lui réussir . Et ,de fait , certaines approches managériales m’ont enrichi . Mais si les méthodes testées dans le privé peuvent avoir des vertus, ce qui n’en avait aucune c’est que les méthodes  » greffées » n’avaient pas pour but de nous améliorer ( et d’ailleurs dans certains cas , on avait pas attendu pour être au top ) , elles étaient mises au service d’une volonté ( jamais dite ) de l’Etat de se « recentrer » pour survivre ( ou le croire ) lui même .

        C’est par peur de disparaître que l’Etat a bazardé la famille .

        Quand l’Etat ne sait plus quelle est sa fonction , pouquoi saurait il ce qu’est la Fonction Publique ?

        Quand l’Europe ne sait pas qui elle est , pourquoi saurait elle ce qu’est un SIG ?

        Quand le monde n’a plus que la spéculation pour idole ,comment saurait il ce qu’est le  » Stewardship » ?

      4. Avatar de vigneron
        vigneron

        Plus 14% pour les effectifs de la fonction publique centrale entre 1980 et 2008, Juan. Plus 71% pour le territorial, plus 54% pour l’hospitalier. Plus 20% dans la police juste entre 89 et 2006, un policier pour environ 250 habitants, contre un pour 303 en Italie et un pour 380 chez les rosbeefs.
        http://mobile.lemonde.fr/societe/article/2009/12/16/le-nombre-de-fonctionnaires-a-augmente-de-36-depuis-1980_1281657_3224.html

      5. Avatar de vigneron
        vigneron

        … l’Etat a bazardé la famille .

        Oups… « la famille » ???

      6. Avatar de juan nessy
        juan nessy

        @Vigneron :

        Je n’ai pas dit autre chose en disant que certains ont été épargnés pour des raisons souvent de sensationnel d’actualité que leurs ministres ont su faire mousser . Mais je maintiens que pour ce que je connais de près , il n’y a pas eu une année à moins de 1% de réduction depuis 1983 jusque et y compris 2012 ( et 2013 ).

        Le lien sur le Monde ne fonctionne pas ( on ne peut pas faire confiance au privé !)

        Sans le connaître , un conseil de précaution de lecture : ne pas confondre tête de pipe et « Equivalent temps plein » ( soit 35 heures par semaine d’ailleurs et non pas 42 comme c’était le cas en 1960): c’est ainsi que dans des services fortement féminisés où les mamans travaillent souvent à 50 ou 80 % il peut y avoir 50 agents mais seulement 35 postes réels à temps plein.

        Si je comprends Fonction Publique Centrale comme FP Etat dans les services ministériels parisiens( Administration Centrale ) , effectivement leurs effectifs en Hauts fonctionnaires ont dans cette période augmenté car il fallait bien trouvé des pansements pour les « cerveaux » dépossédés de leurs troupes en provinece , ceux que j’ai appelé plus haut les conservateurs e la bibliothèque .

        C’est une race dangeresuse qui , bien qu’avançant fortement en âge et dégageant actuellement par force , a une tendance naturelle à vouloir absolument emmerder le peuple par des idées géniales( le pire c’est qu’elles le sont parfois ) dont personne ne veut plus , ainsi qu’une propension à s’incruster jusqu’à la dernière goutte de sang valide dans le poste qui lui assure des fins de mois dignes de leur glorieux passé, avant le désastre de la pension mensuelle de retraite !

      7. Avatar de juan nessy
        juan nessy

        La famille :

        j’avais un peu imprudemment agrègé L’Etat institutionnel avec l’ensemble de ses administrations , pour les assimiler à une famille .

        Mais vous avez raisosn , l’esprit du servuce public n’est pas réductible à l’esprit de famille .

        Et je regrette parfois que l’on trouve plus d’esprit de service public chez un agent de travaux que chez un ministre ( pour ne pas m’attirer d’ennuis plus haut ) .

      8. Avatar de Paco76
        Paco76

        @juan nessy
         » Mais si les méthodes testées dans le privé peuvent avoir des vertus, … »
        Heu…Non, non. En tout cas, la plupart des salariés ne constatent pas la chose…
        Pour les cadres, ou cadres sup peut-être, et encore, seulement les torves, les
        vrais c…

      9. Avatar de G L
        G L

        @Vigneron

        La population est passée de 54 à 62 millions soit un accroissement de 15%.

        Pour le reste il faudrait voir selon le type d’activité (impossible d’allonger autant qu’on l’a fait la durée des études sans augmenter en parallèle les effectifs de l’EN.)

        Il faudrait surtout tenir compte de ce que si à l’augmentation de la productivité dans les industries ayant survécu et à la disparition de celles qui comme le textile employaient beaucoup de main d’oeuvre doit correspondre une diminution du nombre de juges, de gardiens de prison et de personnel hospitalier on risque d’en conclure que le nombre de Français est très supérieur à ce qu’il devrait être (c’est bien à mon avis ce que pensent les classes dirigeantes même si elles n’osent pas le dire, cf le camarade Todd quand il cite le nombre d’enfants que la France à en trop pour s’aligner sur l’Allemagne.)

        Le fond du problème c’est que ce qui est gratuit n’ayant pas de valeur il aparait très ennuyeux de devoir payer des fonctionnaires pour s’en occuper.

        🙂 Rendons l’enseignement payant, remplaçons les hôpitaux par des cliniques, les troufions par un armement de pointe, la police par des milices et la France sera enfin allégée de ce boulet qu’elle a traîné durant tout le XXe siècle.

    4. Avatar de G L
      G L

      « on ne délègue bien que ce que l’on sait faire soit même »

      D’où les désastreuses opérations dites « d’informatisation » là où la seule motivation était que ce serait forcément une source de progrès, surtout si la chose était confiée à des entreprises privées.
      Les entreprises en question n’ont pas manqué d’engager les administrations dans des projets grandioses donc coûteux qu’il est vite devenu impossible de ramener à une dimension raisonnable puisque qu’il fallait justifier l’importance des sommes déjà dépensées par un allègement des charges de personnel qui n’avait pas encore eu lieu.

      (Même si ça sert à rien ça soulage, en effet!)

    5. Avatar de jducac
      jducac

      @ juan nessy 18 décembre 2012 à 22:03

      Comment couler une administration ? Par l’usage des ratios selon Bercy

      Une administration n’est jamais qu’un sous système d’un ensemble structuré de niveau supérieur qu’on nomme un pays, lequel a pour objectif de vivre et de survivre au sein d’un ensemble plus vaste, regroupant d’autres pays et qu’on peut appeler le monde. L’administration est un monde dans un autre monde.

      Ce fut votre monde, comme elle fut le mien pendant plus de la moitié de ma carrière professionnelle. Le monde de l’administration est bien particulier, non parce que ceux qui y œuvrent sont particuliers mais surtout parce ce qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que celles qui règnent dans les autres sous systèmes du pays, ceux que l’on regroupe sous le vocable général d’entreprises privées.

      Dans un monde où l’argent public se raréfie au point d’être en voie de disparition, on peut ne pas faire grief à la puissance publique de vérifier que ces quelques subsides sont utilisés avec toute l’efficacité et le sens de l’économie possibles .

      L’argent public, c’est l’argent du public certes, mais c’est un argent que les administrations obtiennent dans des conditions loin d’être aussi difficiles que celles que rencontrent les autres unités de production de richesse du pays. Et ça change tout. Ça peut même conduire à l’effondrement d’un pays.

      1. Avatar de juan nessy
        juan nessy

        @Jducac :

        1- les ratios ne me font pas peur , et même je les aime car ils me sont nécessaires , quand ils sont avancés par des gens qui comprennent ce qu’ils signifient .J’ai fonctionné avec des ratios depuis 1962 .

        2 – Pour qui veut bien accepter que j’essaie de l’éclairer , ma démonstration a pour ambition de montrer comment les ratios simples au point d’être simplistes et inconsistants quand on commence à les décortiquer , sont en fait des armes de guerre  » qu’il ne faut pas discuter ». Car discuter serait courir le risque de reconnaitre que l’on s’est trompé et que l’on ne sait pas compter , alors qu’on n’est pas là pour ça .

        3- la méthode est tout aussi efficace dans le privé . Paul Jorion vous a déjà depuis longtemps expliqué comment dans le triangle Actionnaires /Dirigeants/Salariés , les deux premiers cités avaient toutes les bonnes raisons de licencier ou ruiner une région , voire un pays , pour finir par l’économie réelle , en avançant un ratio imparable et de droit divin , de rang supérieur : la « rentabilité  » et les dividendes  » dus  » aux deux premiers cités . Ce ratio là est aussi inconsistant , dans une démocratie , que les ratios de Bercy dans sa quête « d’économies ».

        4- Bercy est bête et méchant et ne connait que des montants à scratcher , ou camoufler ( parfois) ; la recherche du bon ratio ne vient qu’après le repérage de la bête la moins vicieuse et de la longueur de la laine qu’on peut y tondre . Au cas présent , il s’gissait non seulement de tondre mais de tuer ( en changeant le nom de la bête morte )

        5- Ceci étant, Bercy ne fait que son boulot dans son rôle de tueur . Ce que je pointe, c’est que c’est le niveau supérieur qui s’abrite derrière Bercy , dans le meilleur des cas pour préserver son dernier pré carré , mais en réalité et selon moi , motivé ( inconsciemment ? ) par la trouille de disparaître, et qu’il soit trop visible que l’Etat n’est plus et qu’il n’est plus la représentation de la Nation .C’est peut être ce que l’Histoire montrera …dans quize ans ( et même un peu plus , car les vraies causes des décisions sont encore plus longues à émerger pour les peuples que pour les individus !) .

        6 – Je crois me souvenir que votre ancien et éphémère parcours dans la fonction publique passait par les Arsenaux : Régime assez particulier où les salaires étaient d’ailleurs plutôt très généreux ( le prestige des armes et la « spécificité » comme à la Banque de France où l’on peut vivre vieux sans trop de stress ). Je connais néanmoins quelques colonels et un général d’active qui n’encensent pas forcément la privatisation à outrance de la fabrication d’armes et d’équipements de guerre . Il serait d’ailleurs intéressant que la Cour des Comptes y mette son nez . Mais là , c’est une autre affaire ….

        7- Pas de méprise :

        Il faut déléguer quand l’Etat y gagne : ce qui a été jugé démocratiquement déléguable , ce que l’on connait de l’intérieur par ses forces propres et indépendantes des intérêts financiers ( là , y a déjà moins de monde ) , ce que l’on sait évaluer , ce que l’on sait sanctionner , ce que l’on peut « récupérer » si ça ne fait pas l’affaire  » , jamais  » ad vitam aeternam  »

        Mais on ne délègue pas  » en catimini » , sans savoir compter vraiment , parce qu’en fait on y est contraint ( poussé à la faute) par un système que l’on n’a pas le courage d’affronter  » en sortant du cadre »et qui se réjouit de la disparition de sEtas comme des Etats se réjouissent ( et s’enorgueillissent ) de la disparition de leurs fonctions  » non régaliennes » .

        Ce sont ces Etats petits ou grands qui aujourd’hui se trouvent spoliés et dévitalisés jusque et y compris dans leurs fonctions Régaliennes .

        Le « Roi » démocratique est mort , vive la Reine spéculative et son pouvoir incontestable sur son royaume sphérique qu’il faut finir d’épuiser .

      2. Avatar de Samuel
        Samuel

        Cela fait militaire, Juan en sous off à mis chemin entre la stratégie et la tactique (cette dernière pour peu qu’on sorte d’une école d’officier, ne peux que glorifié, le piètre orgueil d’un sergent).
        Les généraux ont décider qu’on remplacera certaines garnisons par des mercenaires (mais la vision d’un général n’a pas nécessiter à être perçût par les troupes, c’est même mieux ainsi).
        Tout cela tombe bien, les officiers ont l’appuies des communes qui comptaient développer leurs propres milices.
        Bien sur, l’assiette et le service des généraux n’en souffre pas, ils ce perçoivent toujours en bon stratège.
        Les problèmes ce posent aux sous off entre sur la gestion tactique et la questions morale, qu’est-ce qui reste de la patrie dans la simple solde?
        Quand au fantassin, on leurs a retirer le liseré rouge à leurs uniformes, ils ne sont plus des cibles faciles (emploi à vie), qu’ils ne ce plaignent pas.
        De mon point de vue, on devrai pouvoir simplifier pas mal de démarche, car elles exclus les plus fragiles et les plus fiers et le manque de souplesse de gestion des enveloppes, figés sur le passé, impérativement utilisés sous peine de disparaitre est dommage.

      3. Avatar de juan nessy
        juan nessy

        @Samuel :

        ça n’est pas ça le problème . On peut ( on doit ) faire souffrir les troupes ( elles savent même le repérer et l’admettre) pourvu que l’issue de la bataille le mérite .

        Mais ça n’est pas ( n’a pas été ) le cas , et celui pour qui on se bat ou meurt ( ou s’est battu) ne sait pas où il va , sauf à conserver le plus des prérogatives de l’Etat …major , dans une bataille où il va sur le terrain choisi par  » l’ennemi » et devant lequel il s’admet battu d’avance .

      4. Avatar de Samuel
        Samuel

        Vous croyez que l’armé s’occupe mieux des soldes des veuves ou des soldats au loin, il parait que le logiciel de paiement est très mauvais.
        y à un truc chiant, c’est que personne n’est responsable, alors le passage au numérique…., les indépendants qui ne signe plus les documents, ce fût un énorme soucis psychologique (on ne peux plus responsabilisé un petit paysan sur sa PAC, puisque sans sa signature, c’est son centre de gestion qui sera responsabilisé et l’administration préfère les individus, ils ce laissent faire, alors ils ont trouvés une combine, tout les ans on piège la PAC, si une case est ou n’est pas coché le paysan n’a rien, mais puisque les centres de gestion sont informés, ils deviennent des partenaires).
        C’est dommage le monde à changer fonctionnaire/petit patron/indépendant/salarié on a tous assez de soucis (et en plus on n’est censé ce réaliser…. ) pour ne pas compliqué les choses, mais vu d’en haut l’important c’est de n’être responsable de rien (comme pour la finance), alors on sous traite (par exemple, c’est pas moi c’est l’amateur qui a mis le pétrole sur vos plages, c’est la concurrence, j’y suis pour rien si le service ne correspond pas au prix et j’imagine, c’est pas ma faute si l’urbanisation ne va pas, c’est les sous-traitants).
        C’est imparable pour gouverner sans responsabilité.
        (Accessoirement, je suis pour les centres de gestions, les autres services et pour qu’on arrête de multiplier les polyvalence, déjà que je devrais être maçon, couvreur, éleveur, véto, agronome, chimiste, pédagogue, mécanicien, commercial, transformateur, électricien et connaitre le code rural, civil, les décrets environnementaux, la psychologie des marchés, tout en ayant un rôle social, faut arrêter, y à des coups de mains qui s’apprennent avec le temps, tout le monde n’est pas carreleur, alors la paperasse faut en lâcher)

  10. Avatar de perceval
    perceval

    Je vous conseille vivement la lecture du livre de Dominique Dupagne LA REVANCHE DU RAMEUR. – Michel Lafon Ed.
    Extrait

    : « La « Qualité » s’écrira désormais avec un grand « Q ». Elle s’est progressivement déconnectée du résultat. Notez l’accélération récente du phénomène après des siècles de stabilité. En 2000, avec le succès de la certification ISO, la mesure de la qualité du travail est définitivement déconnectée de la compétence de l’agent effecteur et même parfois du résultat. L’affaire des prothèse mammaires PIP défectueuses illustre bien ce glissement. Parmi tous les contrôles réalisés, aucun n’avait consisté à étudier la composition réelle d’une prothèse commercialisée. Seules les procédures de fabrication ont été auditées. »

    Pour Dupagne, il existe des solutions collectives et individuelles . Ce qui est décrit dans cet article montre que le mal qui ronge l’auteur provient

    d’une organisation planifiée et hiérarchique inadaptée à un monde devenu trop dense, trop complexe et trop rapide pour notre fonctionnement social hérité des primates, groupe dont nous faisons toujours partie.

    Pour ce qui ne connaissent pas la fable du rameur.

    1. Avatar de timiota
      timiota

      @ perceval
      Oui, j’ai quelquefois la crainte que cette complexité intériorisée par les organisations du travail et autres soit une conséquence empoisonnée du simple fait d’avoir de l’énergie disponible, et pas de règles pour défaire la pelote quand elle s’est embrouillée, ce qui va vide quand l’énergie se déverse.
      Je m’explique : après une phase ou les sociétés ont satisfait un « besoin simple » (un peu comme la « simple connexion » de la pensée « primitive ») à l’aide d’énergie ( ex: des voitures et des routes pour tous, pas vrai juan ? ), on trouve des « ennuis » : 16 000 morts par an des accidents de circulation en France en 1976. Et on veut les résoudre par ajout de complexité (une ceinture, l’airbag, un ABS, des radars,…). En parallèle la technique est mise à contribution (R&D payée par l’utilisateur accro) : voiture faisant des amorti optimaux sur le coffre, des renforts optimaux sur les portières et le toit : Et ça marche presque dans ces premières « couches ». Pour des systèmes particulièrement formalisables comme l’aéronautique civile, ça marche même très bien (liaison point à point, le vol lui-même ne pose presque pas de problèmes, le bétail est dispo une heure avant, l’étrangeté du vol en 3D garantit que la connaissance associée « fasse système », et qu’on ait à la foi pilotage automatique et pilotes compétents, etc.).
      Mais la complexité (ici normative, mais je ne critique pas la régulation en soi, il y aurait une complexité de la consommation, cf. Michel Leis, cf l’industrie du médicament ou du médical) finit par contre-produire , et on a du mal à dire où cela se produit, car ce « défaut » se loge d’abord évidemment dans les points aveugles de notre « bon sens » (sinon on ne l’aurait pas mis en place !), avant d’apparaitre pour une absurdité.
      Les sociétés sans énergie avaient-elle échappé à cette inflation de la complexité par la technique?
      Il faudrait questionner la complexité anthropologique de ces sociétés. Certes l’ »étiquette » ou les autres codes sociaux peuvent paraitre de méchantes complexité, mais je ne suis pas convaincu qu’elles aient été contre-productives de la même façon, Sennett laisse même penser que le « codage » de la société permettait une forme d’efficacité intellectuelle qu’il appelle celle de « l’homme public », là où nous avons tendance sursauter en pensant que l’ Ancien régime pré 1789 est forcément un totalitarisme à peine maquillé en vrac .

      Enfin, si par malchance le ruissellement d’énergie nous rendait superficiellement « connement complexe », il faudrait à la limite souhaiter qu’on brûle assez tôt ce qu’il reste de pétrole pour que soient avérées nos chances de refondation d’un monde domptant le développement anarchique de cette guerre de complexité où nous sommes engagées…

      1. Avatar de timiota
        timiota

        Ce qui va VITE quand l’énergie se déverse (ligne 4)

    2. Avatar de kercoz
      kercoz

      @Perceval et Timiota :
      ///// d’une organisation planifiée et hiérarchique inadaptée à un monde devenu trop dense, trop complexe et trop rapide pour notre fonctionnement social hérité des primates, groupe dont nous faisons toujours partie. //////

      Une Anthropologue sur Fr. Culture , critiquait ce contre-sens courant de l’ usage du terme « complexe » …elle citait meme les grands singes comme ex de société « complexes » en comparaison de la notre qui ne l’ était plus ( en terme mathématique , la ratonalisation est une linéarisation de structures sociales qui useraient de modélisation utilisant des equa diff ).

      //// Les sociétés sans énergie avaient-elle échappé à cette inflation de la complexité par la technique? ////
      C’est une interrogation importante . mais le contre sens y est toujours présent. Sans energie fossile ( bon marché) , la linéarisation du système ( etat, organisation et exploitation des altérités) , Ne peut remplacer l’ ancien système morcelé -fractal ….et ne peut que l’ exploiter en parasitant ses productions pour alimenter sa structure et son pouvoir coercitif .
      La destruction du système qui l’ alimentait est un processus tres récent , inédit, sans essais préalable …….Si la survie du prédateur dépend de la survie du système exploité ..on est mal barré !! …..Il est fort possible ( sinon probable) que cette tentative évolutive ne puisse survivre sans la stabilité structurelle de son ancien support ….
      La seule démo que l’ on pourrait faire qd on n’est pas Nobel de Math ….c’est que ttes les civilisations s’écroulent , et que ce temps d’écroulement est corrélé inversement a l’energie dont elle disposaient …

      1. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ kercoz

        « en terme mathématique , la rationalisation est une linéarisation de structures sociales qui useraient de modélisation utilisant des equa diff »

        J’essaie d’apprendre le kercozien. Je pense que quand vous dites « linéarisation » il faut traduire par « simplification réductrice » (par opposition à simplification essentielle, celle qui dégangue en préservant la substantifique moëlle). Les systèmes dynamiques complexes auxquels vous faites (très 🙂 ) fréquemment allusion me paraissent être des systèmes hyperboliques. Or il y a pour ces systèmes un théorème (Hartman-Grobman) qui dit qu’au voisinage d’un point hyperbolique un tel système est topologiquement équivalent (ie a même qualité) à son système linéarisé. Je pense donc que, pour cette raison, vous devriez modifier votre vocabulaire. D’autant que pour les non scientifiques la linéarité n’évoque sans doute guère plus que la règle de trois (voire les linéaires de super marché 🙂 ).

        « Une Anthropologue sur Fr. Culture »

        Celle dont vous m’avez recommandé l’écoute? Je ne l’ai pas fait (je n’aime pas les gens qui lisent leur cours). Résumé de ce que vous avez retenu?

        « Nobel de Math »

        Il n’y en a pas pour l’instant. Pourvu que ça dure!

      2. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ kercoz (suite)

        « Si la survie du prédateur dépend de la survie du système exploité ..on est mal barré !! …..Il est fort possible ( sinon probable) que cette tentative évolutive ne puisse survivre sans la stabilité structurelle de son ancien support …. »

        Je crois effectivement que nous allons payer très cher la simplification drastiquement réductrice de la complexité de l’évolution au seul « struggle for life ».

      3. Avatar de kercoz
        kercoz

        @Basic :
        Ce n’est pas Tiercelin a laquelle je faisais référence , mais aune anthropo ( Bordelaise , je crois bien) qui s’ insurgeait du contre sens courant de l’ emploi du terme « complexe » .
        En terme mathématique ou de modélisation , le signifiant doit etre compris comme une modélisation basée sur des equations différentielles …donc inaccessibles a l’ édude ( au delà du « temps caracteristique » …..Je vous conseille vivement la lecture de GLEICK sur le Chaos , puis Ekeland et las autres …
        Pour Tiercelin , j’ arrive a « capter » qqs notions sur la derniere partie de son dernier cours …Elle fait l’ éloge de Bouveresse , et développe les concepts de structures qui me palent un peu : Pour aborder la réalité , du point de vue métaphysique , il y aurait opposition entre l’ acces pas les interactions entre les « objets » et les objets eux memes … Elle me semble aborder la complexité , mais semble rejeter un structuralisme par méconnaissance des progres du « Chaos » ( c’es du moins ce que j’ ose a peine dire avoir compris !)
        Pour revenir aux grands singes, On retombe dans l’ opposition naturalisme versus constructivisme .
        Les systèmes naturels SONT complexes. Par def . La preuve en est qu’ils existent encore et donc bénéficient de la stabilité d’ un attracteur ……. Seul l’ espece humaine tente d’ inventer un outil de gestion de ses groupes qui lui permettrait un gain de productivité .
        Le fait de planter des poireaux ( ou des vignes en rangs militaires) permet ce gain de productivité par un travail ( temps) moindre et plus aisé …..Mais un Ha de poireaux ou de vignes induit des tas d’emmerdes collatérales ( maladies , épuisements , pas de collaborations extra-spécifiques …etc …. On en vient a remettre en cause le premier gain de productivité en argumentant qu ‘il n’ est apparent , puisqu’il repousse sous le tapis les dégats collatéraux que pour traiter , il se pourrait qu’ils annullassent ( hé oui !) le gain initial ( dépollution des rivieres , sécurité sociales etc …)
        Qd je parle de linéarisation , je dis que le système naturel modélisé EST complexe et que l’ action humaine VA élaguer les equa diff ou les modifier pour en faire des lineaires du type Y=aX + b , avec qqs retro action correctives si ça déconne trop ….
        C’est que disent Prigogine et d’autres …qd un bio ou un physicien a un modèle a gérer , il va voir le matheux , qui , tombant sur une collection d’equa diff .. ne sais pas faire !
        Pour satisfaire le client , il va lui concocter une equa linéaire répondant a court terme, a bonne température et au niveau de la mer , a ses attentes …… Il REFUSE la complexité du modèle .

        L’ avancée des découvertes sur Chaos et Complexité , est d’avoir assumé ce coté inaccessible du cheminement des solutions ……et , se servant de l’ outil informatique , d’avoir multiplié les variations d’entrées ( variables et meme constantes) …. pour constater , qu’ à terme , ces solutions etaient attirées par un ou des attracteurs , ou elles tournaient sans fin et ou elles semblaient récupérer les interactions des variables d’ entrée.
        L’ ex type sont les deux attracteurs des eres glaciaires et inter …
        L’ espece humaine , pour traiter ses « affaires » va rationaliser et , ce faisant , détruire l’ ordonancement initial des interactions au bas du système , et conséquemment interdire ou repousser toute stabilité (attracteur) ultérieur .
        Une des equa de Lorentz est , je crois celle de la population d’ un etang ….On va opposer deux exponentielle inversée : la courbe de repro des poissons ( prédateurs) et celle inversée des proies ….mais ces belles courbes sont insuffisantes car elles peuvent avoir des perturbation ( froid/dates de ponte Etc ..) ce qui fait que ce pourrait etre des dents de scie sur les expo ……. imaginez l’ impact de ces dents de scie qui ne vont plus se croiser a temps …! et pourtant il y aura qd meme une autre autorégulation ( festin ou autre prédateur , maladie … )
        Modéliser ce genre de truc par des droites ou des courbes approchées ne peut en aucun cas etre réaliste.
        Ds un système complexe , vous pouvez bousculer salement les entrées , le système s’auto régulera .
        Ds un système linéarisé , au premier pet , ça va diverger vers l’ infini
        C’est dans ce sens que par la multiplicité d’essais et tentatives , le système naturel offre toujours une solution d’adaptation a une intervention exogène ( qu’ elle a connu par le passé ou qu’ elle peut adapter) ….. D’ ou la formule sur la nécessité des « bruits » car ils sont necessaire et constituants du signal……

    3. Avatar de Vicè
      Vicè

      Cher Perceval, j’espère que vous avez lu l’aimable réponse qu’a bien voulu me faire l’intéressé ci-dessous.
      Je ne sais si je suis un primate attardé ou comme vous un chevalier errant un peu trop idéaliste, mais en tout cas, une chose est sûre : les fonctionnaires sont aussi des êtres humains, et avec toutes ces bêtises, dans mon administration, plusieurs cas récents de dépression nerveuse ont été recensés.
      Quant aux usagers, qui s’apparenteraient pour certains aux hommes des cavernes, ils ont surtout l’instant grégaire : quand ils ont une démarche à faire, il aiment voir plein de fonctionnaires pour les accueillir (mais pas quand ils sont dans leur salon, face à leur émission favorite du genre : « comment gruger les services fiscaux sans se faire repérer ? » présentée par J-P Péquenaud). Et quand, économies obligent, ils attendent trop longtemps, ils le font volontiers savoir d’une façon… primitive (pour rester courtois).

  11. Avatar de Steve
    Steve

    Bonsoir
    Il y a quelques mois, de passage à Paris, j’ai du acheter des tickets de métro; le guichet ne fournissait plus que des informations. Mon achat devait s’effectuer par le truchement d’un automate. Le bidule à fentes et à molette me rebutant, je demandais aux 3 agents s’ennuyant derrière l’hygiaphone combien de temps ils allaient durer si leur tâche essentielle était remplie par le machin.
    Je vis bien à leur air triste qu’ils ne se faisaient guère d’illusions sur leur sort à venir malgré la propagande souriez ( vous êtes flashé) !
    Je leur ai demandé pourquoi c’était eux et non le patron de la RATP qui était remplacé par un bidule à fentes et à molette étant donné qu’ en tant qu’usager du métro, j’ai bien besoin des agents proches alors que le PDG ne m’est d’aucune utilité lui! Et qu’en économisant ainsi son salaire, pardon son coût pour l’entreprise et ses charges monstrueuses, on pouvait mettre sans problème des guichetiers supplémentaires au service des clients!
    Las il ne leur a pas été possible de me répondre clairement! Sans doute que quelq’un de l’IEP a oublié les éléments de langage appropriés à cette demande!

    PS: @Vicé: Tu travailles à la Poste d’Avallon?

    Cordialement.

    1. Avatar de Vicè
      Vicè

      Merci pour ce témoignage, fort bien écrit et saisi sur le vif.
      Qu’ajouter à cela, sinon que je n’ai pas l’honneur de travailler dans les brumes de Bourgogne, mais dans d’autres bien plus désagréables en fait, qui sont celles du gouvernement : que nous réserve-t-il avec sa MAP, sinon (espérons que non, mais par superstition, je préfère rester optimiste) un rhabillage de la RGPP ?
      Bah oui, par crainte aussi de pointer un jour au chômage, on devient comme des poissons dans leur bocal, souriant pour respirer – pardon, pour être accueillant -, comme les poissons font des ronds avec leur bouche.
      Cordialement

  12. Avatar de Pierrot du Québec
    Pierrot du Québec

    Rêver.

    Aide-moi
    À t’aider
    Ouvre très grand les yeux
    Et commence à rêver.

    Il y a dans le décor
    Toute la beauté du monde
    Cachée par la laideur
    Qui harcèle nos jours

    Et il y a dans l’air
    Comme un feu dans l’âtre
    Des flammes éclairantes
    Et des vérités.

    Ouvre très grand les yeux
    Et regarde alentour
    Même les animaux pensent
    Que nous sommes attardés.

    Aide-moi
    À rêver
    Et ensemble faisons
    Une révolution.

  13. Avatar de lou
    lou

    Rien à voir mais pour info: Le syndicat mixte aéroportuaire a lancé mardi dernier un marché public pour 2 lots de lobbying dans les médias sociaux et la presse
    http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/lobbying-syndicat-mixte-reseaux-sociaux-550.html

  14. Avatar de Déconomicus

    J’aime bien quand Vicé râle .Cà prend les tripes.

    La méthode de l’audit par des « experts » qui n’auront pas assumer les conséquences de leurs préconisations est un grand classique… au service d’un objectif tout aussi classique : la réduction d’effectifs .
    Les méthodes changent mais les objectifs restent les mêmes.

    http://www.shepellfgi.com/FR-CA/Products%20and%20Services/TraumaticEventSupport/DownsizingAndTerminations.asp

  15. Avatar de Oyantais
    Oyantais

    Ne protestez pas ou votre autopsie prouvera qu’ils ont raison.

    ISO 9001

  16. Avatar de Velka
    Velka

    Mauvais usage d’un outil, usage à l’excès, ou culte de l’irresponsabilité ?
    Même avec une bonne méthode (intelligente), une mise en application bête et méchante la rend nuisible.
    Les effets seront désastreux : au mieux le désintérêt et au pire le mépris, pour cette forme de bêtise.

  17. Avatar de Paco76
    Paco76

    Ah ! La culture du chiffre, le sympathique cabinet d’audit…!
    Ces ingrédients ‘cauchemardesques’ sévissent déjà depuis longtemps dans bon nombre de sociétés dites ‘privées’, mais je ne vous apprends rien…
    Les grilles & entretiens d’évaluation/notation, les rapports d’activités (spécifiant le nombre, le type et la durée des appels téléphoniques !), la ‘démarche qualité’ avec processus, instructions & critères, qui ne sert en réalité qu’à augmenter la quantité de votre travail, peu importe sa qualité…La ‘satisfaction client’, en réalité, ils s’en foutent complètement…(‘Mon cul’, aurait dit J. Tati… )
    Et finalement, après quelques petites suppressions de postes par ci par là, ou départs en retraite non remplacés, on vous concocte un petit licenciement collectif, pardon, ‘un Plan de Sauvegarde de l’Emploi’, pour la bonne cause, la restructuration indispensable du ‘groupe’, et accessoirement, les ‘incomes’ soudainement décuplés des dirigeants du ‘board’ …
    Bref, de quoi rendre dingue et/ou dépressif ou n’importe quel(le) salarié(e) à peu près normalement constitué(e), et aussi développer une allergie caractérisée au travail…
    N’en doutons pas, Judith entrera dans les livres d’histoire…!

    1. Avatar de BRL
      BRL

      En cas de démotivation au travail, relire le livre de Job.

      1. Avatar de Paco76
        Paco76

        🙂
        D’ailleurs, y’a plus de ‘métiers’ mais des ‘jobs’…

      2. Avatar de lou
        lou

        cent fois sur le Job relisez son ouvrage?

      3. Avatar de Arnaud
        Arnaud

        Steve Job(s)?

      4. Avatar de Vicè
        Vicè

        Cher BRL,
        moi, je préconiserais le re-visionnage des « Temps modernes » de Chaplin voire d’une séquence mémorable des « Douze travaux d’Astérix ».
        (Entre nous, tu peux être fier de moi, j’ai truffé le blog de réponses un peu partout).
        Slàn !

  18. Avatar de Ailurus
    Ailurus

    Et ils en redemandent…

    Comptez-les, ceux qui arpentent les rayons de leur hyper préféré, armés de la douchette avec laquelle ils peuvent, sourire aux lèvres, mimer le travail de la caissière (pardon hôtesse de caisse) qu’ils ont transformée en chômeuse (pardon en demandeuse d’emploi).

    Pour en revenir à l’ISO, quelle trouvaille en effet, nous avons un audit dans deux mois et ça fait déjà frémir dans les étages, mais… une seconde… tous nos clients sont internes (eh oui, le même logo apparaît en haut de chaque feuille de paie, mais ce sont des « clients ») et le resteront. Ce précieux sésame ne permettra donc pas de conquérir d’autres marchés… Qu’à cela ne tienne, il embellira l’accueil de l’immeuble…

  19. Avatar de Driling
    Driling

    Un grand moment que cette lecture. Merci.

  20. Avatar de art'héme
    art’héme

    La BarbaRie pour tous

    et toutes !

    non mais…

  21. Avatar de Dominique Dupagne

    Bonjour

    J’ai adoré votre billet. Permettez moi de vous offrir la fable de la cuillère :

    Un homme dîne dans un restaurant appartenant à une célèbre enseigne. Il fait tomber sa cuillère en mangeant son dessert. Immédiatement, un serveur la remplace. L’homme le remercie et finit son repas, mais, intrigué, il interroge le serveur qui lui apporte son addition.
    – Excusez ma curiosité, mais vous avez pris une cuillère propre dans votre poche et j’ai remarqué que chacun des serveurs a une cuillère qui dépasse de la poche de son gilet, pourquoi cette cuillère ?
    – Monsieur est très observateur ! répond le serveur. L’explication est simple. Nous avons bénéficié d’un audit Qualité Totale par le cabinet Mc Rockey. Il est apparu que nous perdions beaucoup de temps à retourner chercher un couvert en cuisine lorsque celui d’un client tombait à terre. Le fait d’en avoir en permanence sur nous permet de fluidifier le service et de nous épargner de la fatigue.
    – Très impressionnant ! Mais…pardonnez mon audace, je remarque aussi que vous avez tous un fin cordon qui dépasse de votre braguette, est-ce aussi lié à la Qualité ?
    – Décidément, rien ne vous échappe ! En effet, le cabinet Mc Rockey a constaté que nous perdions un temps précieux à nous laver les mains après avoir été uriner, ce qui nous arrive une ou deux fois pendant notre service. En attachant un cordon à notre verge, nous évitons de la toucher et le lavage des mains devient inutile.
    – C’est fascinant ! Mais… mais comment faites vous pour la remettre dans votre caleçon après avoir uriné ?
    – Le serveur se penche vers l’oreille du client, et à voix basse, lui dit « Je ne sais pas trop comment font les autres, mais moi, j’utilise la cuillère. »

    1. Avatar de Vicè
      Vicè

      Monsieur,
      Vous me faites bien de l’honneur d’apprécier mon billet (il y en a deux autres de moi sur des sujets similaires sur ce site). Je ferai quant à moi en sorte de lire votre ouvrage recommandé par l’un des blogueurs ci-dessus.
      Votre fable est très bien vue : elle condense avec talent mon pauvre billet qui fait plusieurs pages.
      Encore merci!

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