TRADING HAUTE FRÉQUENCE ET DÉLITS FINANCIERS, par William Bourdon

Billet invité

L’innovation technologique a permis le développement du trading à haute fréquence au sein des grandes places financières mondiales. Il représente aujourd’hui 60 % du trading sur actions aux États-Unis et 40 % en Europe.

Cette nouvelle pratique du trading, associant la sophistication des algorithmes à la vitesse du traitement informatique de données, remet en cause la transparence et l’équité du fonctionnement des marchés financiers.

Elle pose aussi la question de l’adéquation de l’arsenal législatif aux fins de prévenir et sanctionner les éventuelles manipulations de marché que permet cette nouvelle forme de trading.

Peu de travaux juridiques ont étudié la question de manière rigoureuse et systématique. Aussi faut-il saluer l’excellent article de Monsieur Stéphane DANIEL[1] dont sont issues les définitions citées ici.

 

  1. I.               Définition du high frequency trading (HFT)

L’on peut utilement faire référence à la définition retenue par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) : « activité de trading utilisant une technologie algorithmique sophistiquée pour interpréter les données de marché et, en réponse, mettre en œuvre des stratégies de trading résultant généralement en l’émission d’ordres à très haute fréquence et leur transmission en des temps de latence extrêmement réduits. Ces stratégies consistent le plus souvent en une tenue de marché non contractuelle ou en arbitrage sur des horizons à très court terme. Elles impliquent une négociation essentiellement pour compte propre et un dénouement des positions à la fin de chaque séance »[2] .

Les deux piliers technologiques du HFT sont le recours aux algorithmes et la vitesse de traitement des données et des ordres.

Pour intervenir sur les marchés à une vitesse optimale, en amont dans la collecte de données comme en aval dans l’émission des ordres d’achat ou de vente, le HFT applique trois techniques différentes.

Tout d’abord, celle de la colocation : « Procédé par lequel une entreprise de marché permet à un membre de marché, contre paiement, de placer son serveur informatique au plus près de l’infrastructure de marché, afin de raccourcir au maximum la longueur des câbles transmettant l’information et gagner quelques microsecondes ou millisecondes dans la vitesse de transmission des messages. »[3]

Ensuite, celles des conventions d’accès direct au marché (direct market access) : « Convention par laquelle un membre de marché permet à un non-membre de marché d’accéder, soit directement au marché (sponsored access) soit indirectement au marché par intermédiation des ordres du client par le fournisseur d’accès (automated order routing). Dans les deux cas, le non-membre de marché bénéficie de l’identifiant du membre de marché et profite de temps de latence réduits dans la transmission de ses ordres. »[4]

Enfin, celle des ordres flash (flash order) : « Convention à titre onéreux entre une entreprise de marché et un membre de marché par laquelle la première va permettre au second de bénéficier, pendant quelques millisecondes, de la connaissance d’un ordre avant même que celui-ci ne soit transmis au public. »[5]

  1. II.              Problématique

 

L’association des algorithmes à l’hyperréactivité dans le traitement des données et des ordres met à la portée des traders des manipulations de marché d’un nouveau genre que l’on peut subdiviser en trois pratiques différentes.

Tout d’abord, le spoofing, ou layering : « Stratégie qui consiste à exercer une pression d’un côté du carnet d’ordres via une émission massive d’ordres à l’achat ou à la vente, ce aux meilleures limites de prix pour diminuer au maximum le risque d’exécution. En conséquence de ce déséquilibre, parfois renforcé par la présence de traders suiveurs croyant déceler une opération imminente, la fourchette de prix se décale. Aussitôt, le trader opère une passation d’ordres en sens inverse et procède à l’annulation subséquente des ordres entrés dans le sens initial. Le plus souvent, cette stratégie est utilisée sur des laps de temps très réduits et pour des gains infimes, ce afin de ne pas attirer l’attention du régulateur. Le profit dégagé est fonction de la répétition du stratagème illicite. »[6]

Ensuite, le momentum ignition : « Pratique qui consiste en la passation d’ordres dans un seul et même sens, afin d’attirer et d’inciter les autres intervenants à faire de même et provoquer un mouvement directionnel de prix. Synthétiquement, il ne s’agit ni plus ni moins que de créer ou d’accompagner une bulle de très court terme en espérant attirer des investisseurs puis de déboucler la position. Le déclenchement de cette dynamique n’est possible que parce que l’algorithme peut sonder le marché en profondeur, au-delà des seules données de quantité et de prix, et détecter les tendances sous-jacentes. »[7]

Enfin, la stratégie d’order anticipation : « Stratégie qui utilise les nouvelles possibilités d’analyse et de réaction ultra-rapide aux données de marché offertes par le HFT (notamment par les ordres flash). Il s’agit essentiellement des ordres test (ping order), ordre binaire (immediate-or-cancel order), exécuté immédiatement en cas d’existence de liquidité ou annulé instantanément à défaut de liquidité. Le but est, par l’envoi d’ordres isolés, de deviner les intentions et les stratégies des autres intervenants et de les devancer dans la réalisation des négociations. Il est dès lors possible de détecter la présence d’un important intérêt acheteur ou vendeur sur le marché (iceberg order), de l’anticiper en opérant une première transaction de même sens sur le marché, de se placer en situation de seule contrepartie disponible, puis d’intervenir opportunément pour réaliser une transaction en sens contraire avec ce vendeur ou acheteur. »[8]

Les trois stratégies décrites ont pour objectif commun d’exercer une influence malicieuse sur les cours des actions visées. Lors de la formation des prix, elles génèrent un marché spéculatif à court terme ou prennent de court les anticipations des autres acteurs sur le marché.

Cet objectif s’éloigne des vertus généralement prêtées au HFT qui serait un pourvoyeur de liquidité nécessaire sur les marchés (market maker).

De telles stratégies doivent tomber sous le coup de la répression des manipulations de cours.

Le questionnement porte ainsi sur la capacité de la réglementation financière actuelle à prévenir, faire cesser et réprimer ces nouvelles manipulations de cours.

  1. III.            Rares exemples de sanctions de manipulations de cours par HFT

La répression n’a jusqu’à présent visé que la stratégie de layering, la plus facilement identifiable pour le régulateur. Aucune des autres stratégies manipulatrices, dont on ne doute pourtant pas qu’elles ont cours, n’ont pu être identifiées, imputées et réprimées.

Stéphane DANIEL, dans son étude sur le trading haute fréquence, a identifié trois cas de répression.

 

Aux États-Unis, le 9 septembre 2010, la société TRILLIUM, son directeur général, son directeur conformité, ainsi que neuf de ses traders ont été condamnés par la FINRA[9] (Financial Industry Regulatory Authority) au paiement d’une amende à hauteur d’un million de dollars pour la société et un million deux-cent soixante mille dollars pour son mandataire et ses salariés, complétée d’une interdiction d’activité sur les marchés financiers pour des durées allant de 6 mois à 2 ans.

Le régulateur américain leur reprochait d’avoir mis en œuvre, sur les plateformes du NASDAQ et de NYSE Arca, une stratégie de trading illicite à haute frénquence sur 46.000 transactions ayant généré un profit total de 575.000 dollars.

En Angleterre, le 31 août 2011, la société de droit canadien Swift Trade a été condamnée par la FSA (Financial Services Authority) au paiement d’une amende de 8 millions de livres pour manipulation de cours entre le 1er janvier 2007 et le 4 janvier 2008 sur la plateforme du London Stock Exchange.

Le régulateur britannique avait identifié et imputé à la société une pratique délibérée et répétée de layering.

Cette condamnation a été confirmée le 23 janvier 2013 par la Chambre financière du Tribunal de Londres devant laquelle une voie de recours avait été exercée[10].

En France, avec sa décision Kraay en date du 12 mai 2011, l’AMF a sanctionné pour la première fois une manipulation algorithmique de cours de type layering.

Le nombre de condamnations prononcées paraît bien faible au regard des risques de manipulation systémique des cours de bourse que fait courir le trading haute fréquence.

L’opinion publique en prend conscience ponctuellement à l’occasion de chaque « flash krach », ces affolements des indices boursiers générés par le trading haute fréquence.

Le 6 mai 2010, à Wall Street, dans un contexte de nervosité sur le marché en raison des dettes souveraines en Europe, un courtier a initié un programme de ventes portant sur 75.000 contrats à terme sur l’indice S&P 500, destinés à parier sur l’évolution future de cet indice[11].

Le programme, représentant plus de 4 milliards de dollars, a été exécuté en seulement 20 minutes par trading algorithmique.

Les autres intervenants, en réaction à l’effet de cette vente aussi massive que rapide sur l’indice S&P 500, se sont retirés du marché. Le Dow Jones a alors perdu presque 10 % et 1.000 milliards de capitalisation boursière ont disparu en quelques minutes, sans raison apparente. De nombreux titres de société ont subi une importante décote.

Dans un rapport publié le 1er octobre 2010, les régulateurs américains, SEC (Security Exchange Commission) et CFTC (Commodity Futures Trading Commission) ont relevé que « l’une des leçons essentielles de l’évènement est que, face à un marché nerveux, l’exécution automatique d’un important ordre de vente peut provoquer des mouvements extrêmes. »[12]

Le rapport n’a pas identifié la société de courtage concernée et n’a évoqué aucune poursuite administrative ou pénale.

Plus récemment, en août 2012, Knight Capital, un poids lourd du trading à Wall Street, a été l’auteur d’un mini-krach à la bourse de New York. Un problème technique lors de l’installation d’un nouvel algorithme de passage d’ordres a provoqué l’envoi d’ordres par centaines et des mouvements anormaux sur plus de 140 titres.

L’incident, qui a failli entraîner la faillite de Knight Capital, s’est soldé par un simple retrait provisoire de son mandat de teneur de marché par NYSE-Euronext, opérateur de la Bourse de New-York[13].

 

  1. IV.            Carences de la réglementation actuelle

Les carences principales de la réglementation actuelle ne résident pas dans la définition des infractions, les textes actuels étant parfaitement en mesure d’appréhender les nouvelles formes de manipulations.

Elles résident dans la mise en œuvre des contrôles et de la répression.

Les experts comme les autorités régulatrices mettent en avant l’insuffisance des moyens humains et techniques et le manque de transparence pour expliquer l’échec actuel de la régulation.

Comment les autorités régulatrices peuvent-elles contrôler de tels volumes d’ordres passés en un temps qui dépasse l’entendement et réprimer les éventuelles manipulations de marché ?

Interrogé sur le flash-krach du 6 mai 2010, Arnaud Oseredczuk, alors chef du service de la surveillance des marchés à l’AMF, commentait : « Selon le régulateur américain, il y a potentiellement dix causes qui ont interagi et il n’est même pas garanti qu’un jour il arrivera à identifier l’origine de ce mini-krach. La réponse américaine pourrait consister à dire que compte tenu du fait qu’il y a une incapacité à collecter et à relier les données nécessaires pour comprendre ce qui s’est passé et éventuellement prévenir la répétition de tels phénomènes, et plus généralement compte tenu des limites dans les données accessibles actuellement au régulateur, il lui faut disposer en temps réel de tous les ordres et de toutes les transactions. Le coût de ce dispositif est estimé à 4 milliards de dollars (3,35 milliards d’euros) d’investissement initial puis 2 milliards de dollars (1,68 milliard d’euros) par an. C’est une proposition qui a été faite fin mai : si cela est mis en œuvre, c’est une révolution. Ce serait en effet un virage majeur dans la manière dont se fait la régulation aux États-Unis. »[14]

Au niveau européen, si les régulateurs disposent déjà d’un relevé consolidé des transactions sur une valeur donnée réalisées sur différents marchés en Europe, la transparence fait encore défaut au niveau des carnets d’ordres. Or c’est un enjeu essentiel de la régulation. Le trading haute fréquence permettant d’entrer et d’annuler un ordre très rapidement sans exécuter une quelconque transaction, un trader peut décider d’effectuer cette double opération dans le seul but de voir comment le marché réagit, créant ainsi une asymétrie d’information parmi les intervenants plus ou moins bien équipés (stratégie décrite plus haut d’order anticipation).

Dans un registre dramatique, l’auteur – qui a souhaité rester anonyme – d’une longue enquête intitulée « 6 », publiée en février 2013, sur le trading haute fréquence fait observer que « les autorités publiques censées réguler les marchés financiers n’ont en réalité pas vraiment l’idée de ce qui se trame au sein de ce réseau de machines si complexe que le simple fait de le placer sous surveillance relève de l’impossible. »[15]

Lors du mini-krach provoqué par Knight Capital, il a fallu près d’une heure aux techniciens pour comprendre que le problème venait du nouvel algorithme mis en place…

  1. V.             Nouveaux outils juridiques

 

L’application, par l’AMF, des lignes directrices émises par l’ESMA sur l’application des directives européennes MIFID et MAD[16]. Par un communiqué de presse en date du 5 avril 2012, le régulateur français a fait part de sa décision de faire siennes et d’exiger le respect, dès le 7 mai 2012, des lignes directrices de l’ESMA. Celles-ci clarifient les obligations des marchés réglementés (MR), des systèmes multilatéraux de négociation (SMN) et des entreprises d’investissement dans la perspective d’un emploi de plus en plus répandu du trading haute fréquence. En particulier, ceux-ci :

–       doivent disposer de procédures, dites de governance, incluant la conformité et des principes de gestion des risques, traitant des responsabilités, de la communication d’information et des autorisations initiales concernant le déploiement des systèmes électroniques ;

–       doivent tester et contrôler tout système électronique avant sa mise en œuvre ainsi qu’opérer des vérifications et contrôles régulièrement pour s’assurer de l’efficience des systèmes ;

–       doivent mettre en place des mécanismes et des règles qui permettent de prévenir des flots excessifs d’ordres, ceux-ci pouvant inclure le rejet automatique des ordres qui ne respectent pas certains paramètres de volumes et de prix ;

–       doivent assurer la traçabilité des ordres ainsi que sur l’information des autorités ;

–       sont responsables des actes accomplis par ceux qui bénéficient de l’accès direct et automatisé au marché.

Désormais, les obligations professionnelles des acteurs de marché concernés découlant des dispositions législatives et réglementaires issues de la transposition des directives précitées s’entendent à la lumière des dispositions énoncées dans les orientations de l’ESMA.

La révision de la directive MIF (marchés d’instruments financiers) dont le projet a été rendu public fin 2011[17]. Ce dernier prévoit notamment :

–       Une obligation renforcée, à la charge des entreprises intervenant sur le marché, de consolidation des données pré et post négociation. Il sera ainsi possible de conserver une meilleure image des opérations de marché et donc de renforcer le pouvoir de contrôle du régulateur.

–       Une obligation, à la charge des entreprises de HFT, de communiquer leurs algorithmes aux régulateurs sur simple demande, ceci pour identifier et neutraliser les dispositifs de nature à manipuler les cours.

–       Une obligation de mettre en place des contrôles internes.

–       Une obligation de neutralité, à la charge des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation, dans l’exécution des transactions de leurs clients.

La révision de la directive MAD (sur les opérations d’initiés et manipulations de marché) dont le projet a été rendu public fin 2011. Ce dernier prévoit notamment :

–       Une extension du champ d’application à toutes les formes de marchés : marchés réglementés (MR), systèmes multilatéraux de négociation (SMN), systèmes d’appariement des ordres et marchés de gré à gré.

–       La répression de la simple tentative d’abus de marché, ceci afin d’appréhender les subtilités du HFT qui font qu’une personne peut avoir une intention manifeste de manipulation de marché alors qu’aucun ordre n’est passé ni aucune transaction exécutée.

–       Une répression qui vise spécialement les stratégies de HFT : le bourrage d’ordres (quote stuffing) consistant à passer des ordres sans intention de négocier, mais dans le but de perturber un système de négociation, l’empilage d’ordres (quote layering) à différentes limites d’un côté du carnet d’ordres ou encore l’émission concentrée d’ordres trompeurs autour d’une seule limite (spoofing).

Aux Etats-Unis, la Securities Exchange Commission a pris des dispositions comparables : elle impose désormais aux opérateurs HFT de révéler leurs stratégies et, dans certains cas, leurs algorithmes. Elle a également voté en 2009, à l’unanimité, une proposition consistant à interdire les ordres flash.

  1. VI.            La valeur ajoutée du HFT contestée

Au-delà des nouvelles formes de manipulations de marché qu’il rend possible, le HFT fait l’objet de vives critiques au motif qu’il est plus néfaste que bénéfique pour le fonctionnement du marché.

Les représentants des entreprises de HFT affirment que ce dernier est utile car il est pourvoyeur de liquidité sur les marchés (market maker).

La liquidité d’un marché correspond à la possibilité pour un investisseur d’effectuer une transaction au prix affiché et pour un volume important sans affecter le cours du titre. Elle est d’autant plus forte que le nombre de titres admis sur le marché est important et que la fréquence des transactions est élevée.

Plusieurs acteurs, dont Finance Watch[18], contestent cette qualité au HFT. Le HFT est, selon leur analyse, bien plus market taker (preneur de liquidité) que market maker (pourvoyeur de liquidité).

Un market maker a pour fonction de fournir une liquidité dite « artificielle » au marché quand les intérêts acheteurs et vendeurs ne se rencontrent pas naturellement, en assurant systématiquement la contrepartie de la transaction. Il doit continuellement proposer une cotation aux investisseurs à l’achat et à la vente, avec une obligation d’acheter en cas d’excès d’ordres de vente et de vendre en cas d’excès d’ordre d’achat, agissant ainsi comme un correctif face aux déséquilibres du marché.

Or telle n’est pas la façon dont agissent les entreprises de HFT. Ces dernières ne peuvent pas être pourvoyeurs de liquidité pour une simple et bonne raison : le temps de latence de leurs ordres est de 3 millisecondes en moyenne et cette durée n’est pas compatible avec l’obligation, pour les market makers, de proposer aux investisseurs des cotations fermes sur une durée minimum.

Pire encore, le modèle du HFT, consistant à être plus rapide que les autres investisseurs pour réaliser certaines transactions sélectionnées au préalable, est en complète contradiction avec celui des market makers. Le HFT profite de la liquidité du marché bien plus qu’il n’y contribue.

Finance Watch souligne également que le HFT amplifie les comportements spéculatifs car il se contente bêtement de refléter (voire anticiper) à grande échelle les informations financières et les comportements de panurge, sans prendre le temps de l’analyse des fondamentaux de la matière première ou de l’entreprise cotée.

Enfin, d’aucuns soulignent que la mise en place d’un contrôle efficace du HFT par les régulateurs serait bien trop coûteuse au regard de la faible (ou de l’absence) utilité du HFT.

  1. VII.          What should be done?  

Finance Watch a émis des recommandations bien plus radicales que les dispositions projetées dans le cadre de la révision des directives européennes :

–       Interdiction des conventions des conventions de direct market access afin de préserver l’équité entre les acteurs de marchés ;

–       Interdiction des accès privilégiés aux carnets d’ordres, mettant ainsi un terme aux ordres flash ;

–       Obligation, pour les entreprises de HFT et à hauteur de 30 % de leur trading, d’être pourvoyeurs de liquidité ;

–       Imposer une durée minimum (1 seconde) de présence des ordres dans le carnet ;

On peut aussi rappeler que les mesures d’interdiction qui sont intervenues, parfois de façon temporaire (par exemple, sur les ventes à découvert à l’initiative de tel ou tel Etat européen ou à l’initiative de l’Union Européenne), ne peuvent avoir de portée que si elles sont annexées à un risque pénal.

Sur cette base, il est donc tout à fait légitime de proposer que soit instauré un arsenal juridique européen et/ou français contre ces nouveaux délits sous forme de sanctions pénales de la violation d’interdiction émise par l’autorité administrative d’effectuer un certain nombre d’opérations – c’est une première idée – qu’il nous faut développer.

S’agissant de la définition d’une nouvelle incrimination pénale, elle pourrait s’articuler autour de :

–       Une « nouvelle génération » de délits d’initiés dont la rapidité de mise en œuvre et l’opacité s’inscrivent évidemment dans le cadre notamment de l’HFT ;

–       Plus précisément, prévoir qu’un délit d’initié commis dans le cadre d’une concertation entre plusieurs entités, par le truchement d’un paradis fiscal ou d’un Etat non coopératif, serait poursuivi avec une double circonstance aggravante soit celle d’avoir recherché à tout prix la dissimulation des opérations litigeuses mais aussi avec, pourquoi pas, celle de la bande organisée.

–       Tenter de caractériser une nouvelle typologie de comportements caractéristiques de conflits d’intérêts (par exemple, considérer que doit être interdit le fait de spéculer sur la dette publique d’un Etat après avoir conseillé le même Etat et ce, a fortiori, aux fins de l’aider à maquiller ses finances publiques, il y a bien d’autres exemples) ;

–       On pourrait également envisager que soit sanctionnée pénalement l’opacification délibérément organisée (notamment dans le cadre de la titrisation) aux fins de rendre non détectables pour les actionnaires et/ou les clients, le contenu, les caractéristiques, les risques des produits financiers ainsi titrisés.

–       Prévoir l’interdiction ferme, assortie de sanctions pénales, de fabrication, de commercialisation, de mise à disposition de machines, quelle qu’en soit la nature, qui permettrait de contourner l’obligation légale de respecter une durée minimum d’une seconde de présence des ordres dans le carnet.



[1] Stéphane DANIEL, « Trading haute fréquence et manipulation de cours », RTDF n° 3 – 2012, p. 55

[2] ESMA, Consultation paper, « Guidelines on systems and controls in a highly automated trading environment for trading platforms, investments firms and competent authorities », p. 10

[3] Stéphane DANIEL, « Trading haute fréquence et manipulation de cours », précité

[4] Ibidem

[5] Ibidem

[6] Ibidem

[7] Ibidem

[8] Ibidem

[9] Le communiqué de presse de la FINRA est accessible à cette adresse : http://www.finra.org/Newsroom/NewsReleases/2010/P121951

[10] La décision de la Chambre financière est accessible à cette adresse : http://www.tribunals.gov.uk/financeandtax/Documents/Canada_Inc_Swift_Trade_Inc_and_Peter_Beck_v_FSA.pdf

 

[11] Le Monde.fr avec AFP, « Le trading algorithmique mis en cause dans le krach du 6 mai à Wall Street », article en date du 4 octobre 2010

[12] Le rapport des régulateurs américains est disponible à l’adresse suivante : http://www.sec.gov/news/studies/2010/marketevents-report.pdf

[13] Audrey TONNELIER, « Les déboires de Knight Capital, un spécialiste du trading haute fréquence », article paru dans Le Monde daté du 8 août 2012

[14] Propos recueillis par Laurent CHECOLA et parus sur Le Monde.fr dans un article en date du 18 juin 2010

[15] Anonyme, « 6 » (traduit du binaire par Erwin KARP), Ed. Zones Sensibles, 111 pages.

[16] « L’AMF applique les recommandations de l’ESMA sur le trading automatisé », Revue de Droit bancaire et financier n° 3, Mai 2012, alerte 14

[17] Pauline PAILLER, « Les projets européens de révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIF) », Revue de Droit bancaire et financier n° 2, Mars 2012, étude 4

[18] Une étude de Finance Watch sur le HFT est disponible à cette adresse : http://www.finance-watch.org/ifile/Publications/Reports/Investing-not-Betting-Chapter-HFT.pdf

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