De l’orgueil de l’homme face à la nature et à l’économie, par Loïc Steffan

Billet invité

L’actualité récente a fourni une conjonction d’événements qui rappellent la fragilité de notre système. La panique autour de la supposée fuite des bisons à Yellowstone a mis en lumière l’existence d’une caldera potentiellement dangereuse aux Etats-Unis. L’éruption solaire de classe M a fourni des images magnifiques mais une orientation légèrement différente aurait pu paralyser tous les systèmes de communication. L’éruption du Tungurahua ou même les séismes au Chili montrent qu’un aléa pouvait paralyser l’activité humaine. La Californie attend le « big one » avec une insouciance qui n’a d’égale que la gestion du nucléaire Japonais installé dans un pays à forte sismicité. Faisons comme si rien n’était mais ces événements à la fréquence statistique non négligeable indiquent, s’il le fallait, que notre système économique est non résilient. Fukushima peut se reproduire et nous ne pourrons plus dire que nous ne savions pas.

Dans le même temps les peuples européens s’exaspèrent face à l’austérité et les dirigeants promettent la croissance qui ne vient pas et qui risque de ne jamais revenir au niveau nécessaire.

L’interrogation autour du risque systémique bancaire et autour d’un possible krach boursier est alimentée par des protagonistes en place. Fisher, membre de la FED, rappelle que depuis 2009, les indices boursiers ont triplé sans corrélation avec la réalité des bénéfices des entreprises. Réaction tardive car de nombreux observateurs moins connus dénoncent depuis dès mois la folie de la spéculation. Les capitaux se déplacent aux grès des opportunités et déstabilisent, monnaies émergentes et systèmes bancaires. Pris dans une compétition de tous contre tous, les dirigeants des Etats creusent leurs déficits et sacrifient leurs peuples pour plaire à l’argent roi malgré leurs fanfaronnades. En Europe, les banques sous-capitalisés on des LBO déraisonnables. Rappelons qu’avec un leverage (effet de levier) de 30 (la moyenne banques européennes), 95 % de l’argent prêté part en fumée en cas de problème. Les monnaies se font la guerre, les pays se font économiquement la guerre mais tous nos maux n’ont de solution que globale. La santé, la pollution et d’autres problèmes dépendront toujours du maillon le plus faible à moins de barricader nos frontières et nos existences.

Certes la situation est complexe et je ne crois pas à une volonté délibérée. Plutôt un ensemble de choix individuels supposément rationnels qui agrégés entrent en résonance et perturbent à l’extrême le système. Nous mêmes posons des actes de consommation qui participent du désordre. Nous sommes bien sur le battement d’aile du papillon…

Il y a quelques mois, les aléas climatiques ont généré des spéculations boursières qui pourraient conduire à des émeutes de la faim dans les mois qui viennent. Le Giec martèle les conséquences désastreuses d’un réchauffement climatique non maîtrisé. Il faut de l’énergie (et donc de l’émission de CO2) pour produire de la richesse. Si les hypothèses scientifiques du Giec sont solides les conséquences seront dramatiques.

L’économie est un chemin d’hystérèse. Nous payons les choix du passé et plus nous tardons à agir et plus le coût sera important. Résister à l’immédiat est l’enjeu majeur qui nous attend. Nous sommes atteints par ce que les économistes nomment la « non-cohérence des préférences ». Ce que je voudrais à long terme (retrouver une économie saine) ne correspond pas à ce que je souhaite à court terme (consommer à bas coût sans soucis des conséquences).

La crise de la croissance, les enjeux de ressource et les troubles géopolitiques doivent nous inviter à penser immédiatement le futur sans prendre systématiquement les hypothèses qui nous arrangent. Je repose l’hypothèse qui dérange : que fait-on sans croissance dans un système où toutes les régulations s’articulent autour de cette hypothèse ?

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