BFM Business, L’invité d’Hedwige Chevrillon, le 17 septembre 2015

BFMTV l’heure H – 17 septembre 2015. Merci à Romain Vitorge !

Hedwige Chevrillon

Notre invité c’est donc celui qui a prévu la crise, enfin un de ceux qui ont prévu la crise des subprimes en 2007. Paul Jorion, merci d’être avec nous. Alors, j’ai envie de dire, économiste oui, en même temps vous êtes un peu bizarre parce que iconoclaste, c’est pour ça que je vous présente toujours comme ça, parce que vous n’avez pas fait d’études d’économie, vous êtes au départ un anthropologue, vous êtes plutôt un sociologue. Vous avez écrit plusieurs livres, mais qui font référence, notamment sur la crise du capitalisme américain. Vous avez un blog que vous tenez. Souvent on peut trouver des idées qui sortent un tout petit peu du « mainstream », ce qui nous fait du bien. Vous publiez un livre « Penser tout haut l’économie avec Keynes » chez Odile Jacob. La question c’est de savoir comment repenser, la pensée économique, justement, repenser, parce qu’elle a un peu disparu. Je voudrais d’abord quand même voir avec vous comment vous sentez un peu ce qui se passe, certains disent, notamment avec le ralentissement chinois, qu’il y a une crise financière de nouveau qui se profile, on attend la décision de la FED bien sûr. Comment est-ce que … être aussi inquiet que vous l’étiez, justement dans les années qui ont précédé la crise des subprimes ?

Paul Jorion

La différence c’est que l’on ne voit pas une ligne droite conduisant d’un événement à une catastrophe. Mais ceci dit, oui, la Chine est passée rapidement de représenter 50% de la croissance à 25% donc, c’était une locomotive sur laquelle on comptait, on compte sur elle depuis 2008, et là, il y a un ralentissement, elle change, elle essaye de changer son modèle, elle s’est créé un marché intérieur, il y a des délocalisations de la Chine vers d’autres pays … on comptait sur elle et on ne compte plus tellement sur elle parce que voilà … en plus il faut bien le dire, c’est un système tout à fait particulier, la Chine s’est engagée dans le capitalisme mais véritablement de manière éventuellement provisoire, de manière extrêmement prudente, et c’est toujours un parti communiste qui dirige les entreprises, les plus grandes sont toujours des entreprises qui sont de fait … dont le contrôle appartient à l’Etat, parce que l’Etat est majoritaire.

HC

ok, mais vous ne répondez pas à ma question de fond, c’est à dire, est-ce que vous pensez que l’on va vers une nouvelle crise financière comme certains le pensent ?

PJ

Je ne sais pas, on a un système qui est entièrement fragilisé, il y a des tas de mesures qu’il aurait fallu prendre qu’on n’a pas prises et il y a une chose que l’on ne sait pas véritablement gérer, c’est la contagion, ce sont les effets de contagion éventuels. En plus il y a un élément supplémentaire c’est que d’un côté les Etats ont dit « plus jamais comme en 2008 » c’est à dire « bail in plutôt que bail out » : on fera payer les actionnaires, les créanciers plutôt que le contribuable, et de l’autre coté les banques disent aussi « plus jamais comme en 2008 » : on ne jouera pas le jeu de la solidarité. Donc on a une sorte de face à face qui est un petit peu comme un bras de fer et ça, ça peut être extrêmement  dangereux en situation, si une crise apparaissait de nouveau

HC

D’accord, donc vous n’êtes pas aussi … déterminé, déterminant que en 2006, 2007, sur les subprimes.

PJ

Non, non.

HC

Ce qui est paradoxal, c’est que vous, vous aviez écrit un livre, c’est un des livres qui vous a rendu célèbre, Paul Jorion, sur la crise du capitalisme américain. Ce qui est paradoxal c’est qu’aujourd’hui, si on s’en sort, s’il n’y a pas de crise économique c’est grâce au capitalisme américain, qui s’en sort lui pour le coup. Donc là, est-ce que pour le coup vous ne vous êtes pas trompé ?

PJ

Non, je ne me suis pas trompé, parce que j’avais dit, j’ai dit en 2009 que quand on a commencé à actionner la planche à billets, j’ai dit qu’on ne saurait pas arrêter le système … et le problèmes est maintenant que si les taux remontaient, ce qui serait normal si l’économie repartait, ce serait la catastrophe sur le marché des capitaux, donc on est dans un système qui est devenu de plus en plus difficile à gérer. Non je ne fais pas marche arrière, j’ai parlé du capitalisme à l’agonie, et j’ai axé ça sur l’utilisation du « quantitative easing », des plans de relance américains qui n’ont pas été véritablement contrôlés, et on ne saura pas retirer l’argent du système.

HC

Comment vous jugez la politique menée par Janet Yellen justement à la tête de la FED.

PJ

On dit « Wishy-washy » [mi-chèvre mi-chou] en américain …

HC

En belgo-américain [?] …

PJ

C’est à dire, bon, elle louvoie, elle n’a pas à mon avis une politique extrêmement claire, c’est une politique prudente si l’on peut dire, mais un peu timorée …

Guillaume Paul

Très pragmatique, donc ça veut dire que vous n’attendez pas forcément une hausse des taux d’intérêts dès ce soir, on va continuer de naviguer à vue, l’idée de toute façon c’est qu’à partir du moment où on enclenche même une hausse très marginale … la machine est lancée, ça voudrait dire pas pour ce soir pour vous finalement ?

PJ

Non, je ne peux pas dire ce qu’ils vont faire, mais si j’étais eux, je ne le ferais pas, parce que les nouveaux emplois aux Etats Unis ce ne sont pas les mêmes emplois que l’on avait avant, les salaires n’augmentent pas, et les nouveaux emplois ce sont des emplois essentiellement d’« intermittents du spectacle » : ce sont des emplois intérimaires, ce sont des emplois avec lesquels les gens jonglent, ce n’est pas du tout du niveau de ce qui existait avant 2006, 2007.

HC

Mais oui, mais justement, vous qui parlez d’économie théorique … on parlera de Keynes dans un instant, l’emploi aujourd’hui, ou peut-être demain, n’a plus rien à voir avec l’emploi que l’on a connu précédemment : on ne passe plus vingt ans, quarante ans dans une entreprise. Les jeunes, la génération Z, ils ont envie de créer leur boite, leur entreprise, il y a une forme d’indépendance, donc tout ça est en train d’évoluer.

PJ

Oui, parce qu’il n’y a plus de place pour tout le monde.

HC

Mais oui, mais c’est bien en même temps puisque vous dites ça d’une manière négative … au contraire.

PJ

Non, c’est formidable … c’est formidable « SI » … si le fait qu’on nous ait remplacé par des machines qui sont des robots quand c’est du travail manuel, qui sont des logiciels si c’est du travail intellectuel, si on redistribuait la richesse derrière aux gens qui ont été remplacés par des machines, or là, depuis que Sismondi en a parlé, je crois que c’est en 1814, on n’a rien fait dans ce sens là. La machine qui produit, c’est une machine qui produit des dividendes, qui produit des augmentations de salaire pour les dirigeants d’entreprise, celui qui est remplacé par une machine n’en bénéficie absolument pas.

HC

Alors ce qui est intéressant Paul Jorion c’est, j’ai rappelé votre formation, donc vous n’êtes pas économiste de formation, et puis vous vous appuyez sur « Penser tout haut l’économie avec Keynes », Keynes aussi qui avait un profil différent du parcours classique d’économiste. Vous dites, donc vous faites un petit peu un parallèle, vous dites, aujourd’hui, le modèle des économistes il ne fonctionne plus du tout, les mathématiques n’ont plus rien à voir, il faut prendre la dimension sociétale de l’économie … expliquez nous !

PJ

Ce qui manque essentiellement maintenant et dans le bouquin je souligne plusieurs erreurs dramatiques qui ont été faites dans les années 2008, 2009, simplement parce qu’on ne comprenait pas et on ne comprend toujours pas comment les choses marchaient. Le fait qu’un prix puisse être déterminé de deux manières différentes, on n’en parle toujours pas, alors que c’est dramatique, alors qu’on peut confondre du coup une augmentation des [taux] qui est liée au fait que la croissance repart avec une augmentation d’un taux simplement parce qu’on ajoute une prime de crédit parce que tout va s’effondrer. Tout ça n’est toujours pas compris, il n’y a toujours d’analyse. C’est ça qu’il faut produire maintenant, c’est ça qui a manqué le plus en 2008 : c’est une compréhension de ce qui était en train de se passer, et, Keynes est pour moi un prétexte pour essayer de produire un peu des éléments qui manquent.

HC

Et justement vous dites, c’est la fin du modèle mathématique, ce qui est bizarre parce que, en fait c’est vrai qu’il y a des économistes qui ont fait… une formation statisticienne ou l’école d’économie de Paris, mais en même temps on voit bien que l’économie … les mathématiques, c’est ce qui a fait, la gloire de la finance

PJ

Non, non, le problème… moi je n’ai pas de problème avec les mathématiques, moi j’ai été un mathématicien appliqué pendant toute ma carrière, c’est ça qui m’a fait vivre. Non, ce qui est mauvais, ce sont les mauvais modèles, ce sont les modèles qui ne sont pas testés par les faits empiriques. Ce sont les modèles qu’on invente pour soutenir une théorie qui existait déjà et sans vouloir les vérifier. Ce qui a disparu … l’essentiel, ce ne sont pas les modèles mathématiques, c’est le fait qu’on ne les a pas vérifiés et que quand un modèle est infirmé par la réalité on garde le modèle et on ignore la réalité qui le remet en question

HC

Mais donc il faut quoi ? La théorie économique aujourd’hui elle doit se reposer sur quoi ?

PJ

Il faut faire des bons modèles ! Le problème est avec les modèles faux. Vous savez, maintenant on demande aux banques d’évaluer elles-mêmes, les compagnies d’assurances, d’évaluer elles-mêmes avec des modèles, la validité de ce qu’elles font. Or, moi j’ai passé des années dans la tâche de validation des modèles. Les trois quarts des modèles qu’on a en finance sont des modèles qui ne valent pas un clou, qui ne représentent pas la réalité d’une manière quelconque.

HC

Mais pourquoi ? C’est là où je … je ne sais pas j’ai envie d’aller un peu plus loin, dites-nous, expliquez-nous, prenez un exemple Paul Jorion.

PJ

On vous dit en finance : « Le problème est trop compliqué, on va le simplifier jusqu’à ce qu’on arrive à le traiter ». Le traiter c’est faire des équations. Quelle est la garantie qu’on a, une fois que le modèle a été simplifié, que l’on ne s’est pas décollé entièrement de la réalité ? Il n’y a pas de test. Et quand les tests sont opérés et ça dans les banques on fait en fait du « back-testing ». Back-testing, quand on a du 35% de vérification des faits, on dit « C’est pas mal du tout ! » Ça veut dire que 65%, plus de la moitié des cas, on ne peut pas en rendre compte … Tout ça est d’une qualité d’une médiocrité extraordinaire. Keynes insiste sur un aspect, c’est qu’on ajoute des probabilités partout là-dedans, Solvency 2, Bâle 2, Bâle 3, ce sont tous des modèles qui reposent sur une réalité qui serait la nôtre beaucoup plus prévisible, un million de fois plus prévisible que la notre, ça ne marche pas et on le voit. Dans les mesures qui sont prises en ce moment, on prends des mesures qui sont intéressantes, je ne dis pas qu’il ne faut pas les prendre, mais ce sont de nouveau des mesures qui marchent dans le « business as usual » et dans les discussions que j’ai dans les couloirs on me dit « s’il y avait jamais une crise … on sait bien que les modèles ne marcheraient pas, on n’a pas la capacité de répondre à un crise comme celle de 2008, encore maintenant »

GP

Est-ce que vous n’avez pas l’impression que depuis quelques années dans le débat … on a mis un petit peu Keynes à toutes les sauces finalement, parce que vous écrivez en substance « où est la relance par la consommation, ça pouvait marcher il y a quelques dizaines d’années quand le commerce international ne s’était pas à ce point développé mais aujourd’hui ce n’est plus possible, finalement ». Est-ce qu’on a sorti Keynes de son contexte pour vous ?

PJ

D’abord pour éviter tout malentendu, mon livre n’est pas un livre keynésien, je prends Keynes comme un point de départ pour une nouvelle approche …

HC

Oui, vous faites un parallèle entre ce qui s’est passé à l’époque, pourquoi il est devenu économiste alors qu’il ne l’était pas, et vous, j’ai envie de dire, Paul Jorion.

PJ

Voilà, parfois j’explique la réalité qu’on ne comprend pas bien maintenant grâce à Keynes, et parfois je l’explique en critiquant ce qu’en a dit Keynes. Keynes, il faut bien le dire, il est mort il y a soixante neuf ans, je le sais je suis né quelques jours après sa mort, mais s’il était là aujourd’hui je crois qu’il verrait les choses d’une manière entièrement différente. Je ne crois pas que l’on peut continuer à utiliser du Keynes tel quel, pur porc, ce n’est pas possible, les choses ont trop changé.

HC

Vous êtes Belge mais vous connaissez bien la France, on voit bien qu’aujourd’hui notamment les socialistes, ils font tous, mais beaucoup d’hommes politiques en France, ils font tous appel à Keynes, en disant il faut de la demande, de la demande, encore de la demande. C’est pour ça que les collectivités territoriales et donc on arrive à un déficit abyssal comme celui de la France. On a l’impression qu’il n’y a que Keynes puis sinon il n’y a rien.

PJ

En fait on fait appel à Keynes parce que on voit bien que ce que l’on utilise, et qui n’est pas Keynes, ne marche pas. Mais pour moi ce n’est pas la garantie que Keynes marcherait non plus. Si on s’est mis à critiquer Keynes dans les années soixante, dans les années soixante-dix, c’est parce que ce que l’on avait appliqué, je dirai de manière mécanique à partir de sa pensée ne fonctionnait plus. Il nous faut autre chose … et pour cet autre chose il faudrait et là je vais souligner quand même un petit peu ça, il faudrait que les étudiants aient accès à cet autre chose. Tant que les étudiants, les universités n’ont pas accès à cet autre chose, à ce moment là, c’est fermé …

HC

Cet autre chose c’est quoi ?

PJ

C’est une pensée, vous l’avez dit, où l’économie était insérée dans la société dans son ensemble, on parlait autrefois d’économie politique, ça ne veut pas dire nécessairement qu’il ne faut faire que de la politique  …

HC

… politique dans le sens grec du terme

PJ

Oui, c’est la gestion de la communauté, de la collectivité. Non, il faut comprendre que l’économie … c’est quelque chose qui est dans le reste de la société et que si dans le reste de la société tout se passe en termes de rapport de force plutôt qu’en loi de l’offre et de la demande ou de modèles mathématiques compliqués, c’est comme ça pareil dans l’économie et la finance. Les modèles que j’ai pu mettre en place, en analysant le comportement des pêcheurs, pêcheurs bretons et pêcheurs en Afrique, ces modèles fonctionnent parfaitement en finance, là aussi ils rendent compte de la réalité, il faut bien le savoir, et ce sont des modèles qui sont fondés sur le rapport de force. Bien sûr l’offre et la demande fait partie du rapport de force, mais ce n’est qu’un élément et ce n’est pas de cette manière là qu’il faut analyser les choses.
HC

Quel est le rôle, peut-être aussi on parle de finance, c’est un petit peu différent de l’économie pure, mais enfin c’est quand même très lié, le poids des robots, des machines, on voit bien que … le chiffre est extravagant, à chaque fois je l’oublie tellement il est extravagant, du nombre d’ordres qui sont passés par des machines dans un sens ou dans l’autre, dans la finance.

PJ

Je suis partiellement responsable, j’ai fait partie des tout premiers qui ont fait ça, oui, les opérations je crois que c’est de l’ordre de deux mille à la seconde maintenant. Quand il y a une crise en 2010 il faut analyser 28.000 opérations, ces 28.000 opérations ont lieu sur 14 secondes. Il faut comparer ça avec 1929 où la crise se déroule sur trois semaines. On a confié non seulement je dirais, le pouvoir d’exécution aux robots, mais aussi de prendre des décisions dans la plupart des systèmes financiers. Il y a une compagnie qui a mis un robot maintenant à son conseil d’administration, pourquoi, parce qu’il sait plus de choses que les gens qu’on invite d’habitude. C’est quelque chose qui nous échappe.

HC

Mais justement … pour ça il faut qu’on trouve les bons économistes. Qui sont les Keynes d’aujourd’hui ? Les figures dont on parle, ce peut être éventuellement un prix Nobel, ce peut être Stiglitz, ce peut être Esther Duflo, mais là c’est très différent, c’est comment justement développer l’économie dans des pays en voie de développement et faire que il y ait une sorte de mise à niveau au niveau planétaire face à cette mondialisation. Mais qui sont les Keynes d’aujourd’hui ?
PJ

Mais, il y a eu un accident si vous voulez, la première fois qu’on a nommé quelqu’un qui n’était pas économiste du tout à un prix Nobel d’économie, c’est Kahneman qui était un psychologue parce qu’il a fait une révolution : il a montré que l’homme rationnel de la théorie économique n’existait pas, on a fini par lui donner un prix Nobel d’économie. Malheureusement, si la profession d’économiste, si les facultés d’économie restent fermées comme elles le sont, l’économie, une bonne analyse de l’économie est en train d’être produite ailleurs. Chez des physiciens, chez des anthropologues, chez des politologues, chez des psychologues et ça se passera un jour ou l’autre, mais ça ne se passera plus à l’intérieur des facultés d’économie. Les fermer, en faire des tours d’ivoire, ça ne sert à rien : la marée monte autour.

HC

Quelle est la bonne formation. J’en profite pour dire tiens, un petit coup de patte, un clin d’œil, vous avez été viré là de l’université de Belgique, de Bruxelles ? Pourquoi justement ? Parce que c’est ça que vous dénonciez ?

PJ

C’est possible, je ne connais pas la raison. Je ne connais pas la raison : c’est une procédure bizarre, tout le monde le dit, c’est étrange, on ne comprend pas, les sponsors n’ont pas la moindre idée de ce qu’il se passe, on ne répond pas à leurs questions, je ne connais pas la réponse.

HC

Quel jugement vous portez sur ce qui se passe en France, vous savez il y a de grands débats, on parle de la réforme, il y a Christine Lagarde, le FMI qui a dit « il faut un Macron 1, un Macron 2, un Macron 3 » bref, il faut poursuivre les réformes en France, on voit que c’est très difficile, il y a tout le débat autour du temps de travail, est-ce qu’il faut plus ou moins travailler, vous, comment … vous jugez, parce que vous êtes Français, vous connaissez très bien la problématique française, et en même temps vous avez un peu un regard extérieur ?

PJ

Il faut sortir de cette logique là. Tant qu’on est dans cette logique là …

HC

On est dans laquelle de logique ? C’est à dire de ne pas faire de réforme ?

PJ

Une politique de l’offre, c’est très simple : une politique de l’offre c’est faux, c’est mauvais, ça ne marche pas.

HC

Pourquoi ? Il faut de l’industrie, il faut quelqu’un qui produise, non ?

PJ

Mais il faut d’abord des gens qui puissent l’acheter ! Et on ne peut pas compter uniquement que ce sont des gens qui habitent à l’étranger qui vont l’acheter parce que il n’y a pas de demande dans le pays lui-même. Non, Keynes avait déjà dit une chose, une chose qu’il ne faut jamais …

HC

Vous voyez vous êtes keynésien vous aussi !

PJ

Oui, parfois effectivement, il a dit des choses très intéressantes, tout ce qu’il a dit n’est pas faux ! « Il ne faut jamais toucher au niveau des salaires, il ne faut jamais les baisser ! » Pourquoi ?

HC

Ils sont élevés en France.

PJ

Ne serait-ce que parce que, disait-il, une société ça doit tenir debout ! On ne peut pas exiger le consensus d’absolument tout le monde, mais on ne peut pas faire une société qui vit uniquement sur le ressentiment. Le ressentiment, on sait ce que ça fait, ça fait monter les extrêmes et ça produit des pays ingouvernables. Alors il faut cesser cette histoire de « réformes », qui est toujours de considérer qu’il n’y a qu’une seule variable d’ajustement, ce sont les salaires et les salaires uniquement à la baisse. On ne dit jamais qu’il faut utiliser les salaires comme variable d’ajustement pour les faire monter. … il faut qu’il y ait une solidarité à l’intérieur du système, il faut repenser entièrement la redistribution de la richesse dans nos pays et le nerf de la guerre à cet endroit là, ce n’est ni la finance, ni l’économie, c’est la comptabilité. C’est la comptabilité qui inscrit dans notre système une inégalité de fait.

GP

En conclusion, il y a Keynes, il y a Adam Smith et puis on tourne en rond finalement, c’est ça l’idée.

PJ

Moi je représente une tradition qui s’appelle l’anthropologie économique, il y a des choses qui ont été très très bien faites dans ce domaine, dans ce domaine là et qui continuent d’être bien faites et malheureusement pour les économistes, je dirais que c’est à cet endroit là, peut-être la sociologie économique, et puis je l’ai dit aussi : les physiciens, les psychologues, les gens qui regardent ça de l’extérieur sont en train de produire … un savoir qui est de bonne qualité. Mais il faudrait que les étudiants aient accès à ce savoir et ça c’est essentiel.

HC

Surtout il ne faut pas s’enfermer dans les tours d’ivoire, sans doute notre gros problème.

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