Les temps qui sont les nôtres : Trump, ennemi public N°1 du genre humain, le 2 mai 2018 – Retranscription

Retranscription de Trump, ennemi public N°1 du genre humain. Merci à Marianne Oppitz !

Bonjour, nous sommes le 2 mai 2018 et je vais commencer par vous raconter une anecdote. Ça se passe à l’époque où j’habite aux États-Unis douze années de suite. Dans la période qui précédait, j’ai fait beaucoup d’aller-retours parce que j’étais marié à une Américaine et j’ai travaillé, aussi, pour un hedge fund à Houston, Texas. Mais il y a eu une époque où j’ai habité « de rang » douze ans aux Etats-Unis mais je sortais assez souvent, en particulier pour aller en Europe, voir de la famille, des choses comme ça.

Et un jour, eh bien, je passe par « Immigration » : un type qui vous pose des questions – ou la dame qui vous pose des questions – des questions classiques. Et je suppose que je devais en avoir un peu marre de répondre toujours aux mêmes questions et au moment où le gars me dit : « Est-ce que vous avez jamais été membre d’un parti communiste ? », je lui réponds, un peu goguenard : je lui dis « Écoutez, je vais vous répondre mais, entre nous, je sais que vous connaissez la réponse ». Et alors là, j’ai pensé que le type allait ignorer complètement ce que je racontais, mais, non, il m’a regardé et il m’a dit : « Yes, Sir ! Mais ce qui nous intéresse c’est de savoir si vous allez mentir quand vous répondrez à cette question ». Voilà ! Et il m’a rendu mon passeport. Et, là, j’ai quand même été un peu interloqué, je n’avais pas pensé à ça : ce qui les intéresse c’est de savoir si on ment. J’avais raison : ils connaissent l’info. Ils connaissent tout ça. Et on était quoi ? Il y a 15 ans ou il y a 10 ans. Et maintenant, ils connaissent encore mieux les réponses (rires). A l’époque ils devaient faire un peu de « research » : il fallait qu’ils cherchent un peu, qu’ils aillent voir, qu’ils fassent une enquête.

Maintenant tout ça est automatiquement dans les dossiers. Ce qui les intéresse c‘est de savoir si on ment. Et, ce que moi j’ai compris – le jour où ce monsieur m’a dit ça, ce monsieur de « Immigration » – M. Trump, Président des États-Unis, n’a toujours pas compris ça. On le lui a peut-être dit, j’imagine que des gens le lui ont dit, mais de la manière dont il réagit, chaque fois qu’on parle de ce « Special Counsel », de cette enquête spéciale sur une collusion possible entre son équipe et la Russie et le fait qu’il doit aller voir M. Robert Mueller et répondre aux questions, il n’a pas encore saisi complètement que la question, ce n’est pas de savoir ce qu’il va dire. Il répète toujours, chaque fois, qu’on parle de cette histoire : « Mais la preuve est faite qu’il n’y a pas de collusion. Tout le monde le sait ». Personne ne sait d’où il sort ça parce qu’il y a déjà 4 personnes inculpées à propos de cela. Enfin bon !

Mais ce qui l’intéresse c’est de savoir s’il y a eu collusion ou non et en particulier, quand est apparue, hier soir, la liste des 49 questions qui ont été communiquées par le bureau de M. Mueller à l’équipe d’avocats de Trump. Il a lu ça et il a commencé par dire « Une preuve de plus qu’il n’y a pas de collusion ! », parce qu’effectivement, la plupart des questions ne sont pas à ce sujet là. Encore que beaucoup de ces 49 questions sont extrêmement ouvertes. Et, comme le faisaient remarquer ce matin des avocats, on peut entrer dans le détail, on peut dire : « Que pensiez-vous exactement au moment où vous aviez compris ça ? Qui exactement vous a dit ça, Quelle heure était-il ? Quel jour ? etc. » Donc, c’est un peu plus compliqué.

Donc il y a 49 questions. Ce n’est pas le bureau de M. Mueller qui a mis ça en 49 questions. C’est M. Jay Sekulow qui fait partie de l’équipe d’avocats de Trump. Et c’est vrai que la plupart des questions sont des questions plutôt sur le fait de savoir si M. Trump a entravé la justice. S’il a essayé de faire obstacle à l’enquête de M. Mueller. Et ce qui surprend un petit peu les gens de voir c’est que toute tentative d’empêcher M. Mueller de faire son boulot, il la considère – par ses questions, on le voit – comme étant de l’entrave à la justice. C’est-à-dire qu’il prépare un climat dans lequel si on l’empêche de terminer son enquête, si on le fait révoquer par quelqu’un, par son supérieur – encore que son supérieur, M. Rosenstein a fait une déclaration hier, en disant qu’il n’accepterait pas, qu’il résiste au fait qu’on essaye de l’extorquer – évidemment le mot c’est « extort » ; « extort », en anglais, ce n’est pas exactement extorquer en français. Ça peut l’être dans certains contextes mais c’est surtout « racketter ». On dirait racketter. Il dit : « Je résisterai à toutes les tentatives de me racketter ». Et il fait allusion à des gens de l’extrême-droite du parti républicain, des supporters de Trump qui essayent de l’empêcher de parler.

Mais donc, ce que fait Mueller c’est de montrer que si on l’empêche de continuer, ce sera une preuve supplémentaire d’obstruction de la justice. Alors, ce qu’on a appris hier aussi, par le Washington Post, c’est que dans les tractations avec les avocats de Trump, Mueller a dit que si on l’empêchait de faire l’entretien avec Trump, de lui poser les 49 questions, il pourrait le « subpoena », le faire venir devant un grand jury, c’est-à-dire d’être en fait témoin de ce qui pourrait être une inculpation. Il faut que j’entre vraiment dans les détails juridiques maintenant. Les choses sont un peu différentes aux États-Unis, même très différentes, du point de vue judiciaire et légal aux États-Unis.

Alors, il pourrait le faire venir carrément devant un jury. Il devrait donc comparaître comme témoin dans le cadre d’une…. Il y a un mot en français aussi, j’oublie. Parce qu’il y a eu ces différentes étapes dans le cas de M. Sarkozy, récemment. Et encore plus récemment, dans le cas de M. Bolloré, d’être témoin ? J’oublie l’autre expression. Vous allez me la compléter… ou je la retrouverai dans un instant [Mise en examen].

Alors, voilà où on en est : la tension monte. La tension monte. Ce qui est bien c’est la déclaration de M. Rosenstein disant : « Je continuerai à jouer mon rôle de N° 2 du ministère de la Justice et je ne me laisserai pas impressionner par des tactiques de gangsters ».

L’attitude de M. Trump a changé du tout au tout vis-à-vis de cette question de se présenter, d’accepter de répondre aux questions, après qu’on a fait un raid, après qu’il y a eu saisie des dossiers de son avocat. Ce qui fait penser, bien entendu, qu’il y a un rapport entre les deux. Il était prêt à répondre et là, il n’est plus prêt à répondre. Probablement parce qu’il sait ce qu’on sait maintenant sur lui. En fait, il a peut-être compris ce que j’ai compris devant cet officier des douanes l’autre jour (enfin, il y a longtemps !) c’est qu’il ne faut surtout pas dire le contraire de ce que la commission en face de vous sait déjà.

Alors, voilà où on en est. Si M. Trump devait se retrouver devant un grand jury, là ce serait une première. Ce serait une première dans l’histoire des États-Unis. On avait menacé … Kenneth Starr – celui qui était l’équivalent, à l’époque de Clinton, de Mueller maintenant avec Trump – avait menacé Clinton de le faire venir devant un grand jury et finalement, Clinton avait accepté de répondre aux questions comme on en parle maintenant vis-à-vis de Trump.

S’il y avait un grand jury pour un président, ça ce serait une première dans l’histoire des États-Unis et il est probable que les choses iraient jusqu’à la Cour Suprême. Or, vous le savez, la Cour Suprême, aux États-Unis, c’est par tradition un truc de droite et, à certaines époques, carrément d’extrême-droite. C’est un truc extrêmement conservateur. Si les États-Unis sont devenus une oligarchie plutôt qu’une démocratie, c’est en grande partie grâce aux décisions de la Cour Suprême qui l’ont permis. En particulier, la possibilité pour les firmes, d’injecter des quantités quasiment illimités dans les publicités dans le cadre de campagnes électorales.

Alors la démocratie serait vraiment en danger si l’affaire arrivait jusqu’à la Cour Suprême qui n’est pas véritablement la garantie des institutions. Comme l’a répété ce sous-ministre de la Justice : la garantie sur laquelle lui se repose – M. Mueller, etc. – c’est la constitution des États-Unis.

Alors, voilà où on en est. Pourquoi est-ce que je m’y intéresse tant que ça ? Parce que c’est absolument passionnant mais aussi et, ça je l’ai dit dans un petit papier que j’avais fait l’autre jour, parce que ce Trump est un danger, non seulement pour la planète, mais surtout pour nous sur la planète. S’il y a bien un personnage, en ce moment, qui précipite le risque de l’extinction de l’humanité, c’est bien lui. C’est pour ça que je concentre tous mes efforts à analyser et je crois que j’avance parce que je lis les choses qui sont écrites. Il y a un excellent livre « Trump Revealed [1] » que je suis en train de lire « from cover to cover » – de bout en bout – parce qu’il y a énormément d’informations. Mais je lis aussi, vous le comprenez, tout ce qu’on trouve. L’ennemi public N° 1 de l’humanité sur la planète, en ce moment, c’est, sans aucun doute, M. Trump. Il a quelques complices, ici et là, dans le reste du monde mais il est vraiment dangereux. Il faut que… ce n’est pas une distraction pour moi de me concentrer là-dessus : c’est « le » problème majeur.

Alors, je termine là-dessus, sur quelque chose d’un peu plus personnel. Vous m’écrivez, gentiment, beaucoup de mails en me disant : « Mais vous avez oublié votre projet de publier un hmmmmm ; il n’est plus question de votre voyage en hmmmmm ; et quand est-il de votre candidature à hmmmmm ? etc. Pourquoi avoir abandonné tout ça ? »

Chers amis, tout ça n’est pas abandonné, mais tout ça est en train de… ce n’est pas de « se négocier » mais tout ça est en train de se mettre en place. Et je vous en informerai en temps utile ! Mais pas avant ! Rien de tout ça n’a disparu, je n’ai pas changé d’avis sur toutes ces choses là : ça va se faire ! Mais il y a des contrats à signer, il y a des décisions à prendre sur des dates où les choses se passeront, le cadre dans lequel ça se passera exactement : si c’est pour un mois ou pour trois mois et ainsi de suite ! Mais, en tout cas, merci pour votre souci et pour les questions que vous me posez. J’y répondrai, à toutes, en temps utile !

Voilà ! Merci !

[1]               Michael Kranish & Marc Fisher, Trump Revealed. An American Journey of Ambition, Ego, Money and Power, New York : Simon & Schuster 2016

Partager :

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote bancor BCE Bourse Brexit capitalisme centrale nucléaire de Fukushima ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta