Adapter les pratiques agricoles à la vitesse du changement climatique, par Roberto Boulant

La différence entre climatologie et météorologie repose sur l’utilisation d’unités de temps différentes sur des échelles géographiques distinctes. La décennie pour le climat avec des moyennes mensuelles et annuelles sur 30 ans à l’échelle d’une région, et la journée pour la météorologie pouvant aller jusqu’à la micro-échelle d’une maille de 1,3km.

Le problème étant que dans le cadre du changement climatique en cours (et bientôt basculement au vu de l’inertie de nos gouvernements), il existe souvent de grosses divergences entre les projections à moyen et long terme et les relevés sur le terrain.

Dit autrement, les moyennes calculées par les climatologues ne se retrouvent pas à l’exact dans les relevés des météorologues. Ce qui rend difficiles ou inopérantes les anticipations pour s’adapter au changement climatique au niveau local, notamment pour l’agriculture. La chose peut sembler surprenante, voire contre-intuitive, mais les modèles physiques globaux du climat (GCM) ne sont pas conçus pour représenter finement à l’échelle d’un petit territoire l’évolution climatique.

D’un autre côté, les météorologues ne disposent pas toujours de relevés des différentes variables climatiques (températures, précipitations, vitesse du vent, etc.) au-delà de quelques dizaines d’années, ce qui est trop court pour déterminer précisément leur évolution sur le temps long, notamment pour les événements extrêmes. Or il existe des outils bien connus des statisticiens, les générateurs stochastiques qui sont des modèles mathématiques utilisant la théorie des probabilités et qui permettent de produire des séries artificielles pouvant être simulées sur une base journalière, voire horaire !

Un outil rapide et peu coûteux dont tout l’art réside dans le bon calibrage des paramètres à partir des séries réellement mesurées. Le but du jeu consistant à reproduire les différentes propriétés statistiques des séries déjà relevées (valeurs moyennes et niveaux de variabilité, corrélations entre les variables d’une journée à l’autre, etc.) et de pouvoir extrapoler les simulations aux emplacements sans station de mesure. Cette approche est portée par quelques rares climatologues, dont Vincent Caillez en France qui propose une nouvelle définition du climat en prenant en compte son évolution de plus en plus rapide.

Pour illustrer son propos Vincent Caillez prend pour exemple la canicule de 2003 qui selon les calculs originels de Météo France basés sur un climat variant lentement, avait estimé la durée moyenne de retour d’un tel phénomène à 140 ans, alors qu’en intégrant la variabilité de la norme au travers de générateurs stochastiques il obtient la durée de retour quatre fois plus fréquente de 35 ans.

Concrètement, l’adoption de cette nouvelle méthode pourrait se traduire par une meilleure anticipation des systèmes culturaux afin qu’ils soient capables de repartir vite après un événement extrême mais à la durée de retour courte. La vitesse de déplacement des écosystèmes étant d’ores et déjà totalement dépassée par la vitesse d’évolution du climat.

Un travail statistique, basé originellement sur l’évolution des températures dans le département de la Creuse depuis les années 1980, et qui est actuellement utilisé par la Chambre d’agriculture pour créer une projection fine de l’évolution climatique locale jusqu’en 2050. Et grâce au projet AP3C (Adaptation des pratiques culturales au changement climatique) porté par les travaux de Vincent Caillez, onze autres départements de l’arc atlantique font évoluer leurs pratiques agricoles – en concertation avec les agriculteurs et les agronomes -, en fonction du changement climatique réel et non de prévisions globales à 50 ans.

Mais après cette introduction succincte, le mieux est d’écouter la présentation du projet AP3C par son initiateur : en haut de la page.

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