John Bolton a le sens de l’État, le 25 juin 2020 – Retranscription

Retranscription de John Bolton a le sens de l’État, le 25 juin 2020.

Bonjour, nous sommes le 25 juin. Nous sommes un jeudi et nous sommes en 2020. Mon petit exposé s’intitulera : « M. John Bolton a le sens de l’Etat ». Je reviens sur quelque chose que j’ai dit l’autre jour, au moment de la parution de ses mémoires.

Je vais commencer par une introduction : parfois, je dois faire une petite introduction. J’ai dit à une époque, c’était, je ne sais pas, il y a 3 ans, au moment de la démission ou plutôt de la destitution de M. James Comey, Directeur du FBI. J’ai dit à propos de M. James Comey, j’ai dit : « C’est un honnête homme ». Et qu’est-ce que je n’ai pas entendu de la part de vous, et au sein même de ma famille : « Mais comment peux-tu dire d’un directeur du FBI qu’il peut être un honnête homme ? ».

Et là, ma réponse, c’est la suivante. Si je vous disais à propos de M. Untel ou Mme Unetelle qui est, en ce moment, à la tête de la CIA, si je disais : « C’est une crapule ! » mais que vous sachiez par ailleurs que mon opinion générale, c’est que tous les directeurs de la CIA sont des crapules, qu’est-ce que ça pourrait apporter en termes d’une analyse ? Je me contenterais de dire, de répéter, d’appliquer à une personne singulière une opinion générale que j’ai sur sa fonction. Et je ne serais pas un analyste. Je ne serais pas un analyste parce que, voilà, je ne pourrais jamais faire de distinction entre les différents directeurs de la CIA. 

Et, l’autre jour, à propos des mémoires de M. Bolton qui ont été publiées il y a quelques jours : « The Room Where it Happened, A Memoir from the White-House » ou « A White-House memoir », la salle, la chambre dans laquelle ça s’est passé, il insistait par là sur le fait qu’il était un témoin de première main. Il était là dans la salle ou dans le bureau du président quand les choses ont été dites et j’ai dit que c’est un monsieur qui a le sens de l’Etat. Je n’ai pas caché par ailleurs que c’est quelqu’un… bon, il y aurait des élections, il y aurait 10 noms sur la liste, je le mettrais au 10e rang. Je ne voterais jamais pour lui.

Bolton est un faucon en matière de défense et de politique étrangère. C’est un monsieur qui appartient à la droite conservatrice la plus dure en matière de politique étrangère, un néoconservateur. Il ne s’en cache pas. Il dit : « Voilà, je dis ce genre de choses depuis que j’ai été l’assistant de M. Barry Goldwater ».

Barry Goldwater, c’est effectivement ce qu’on peut imaginer, je dirais, de pire en matière de droite dure sans être de l’extrême-droite fascisante, complotiste, etc. Mais c’est quand même, je dirais, dans ce qu’on appelle parfois la « droite civilisée », c’est vraiment le plus à droite qu’on puisse se placer.

Donc c’est quelqu’un pour qui je n’ai pas de sympathie sur le plan politique. Mais quand je l’écoute, quand je regarde ce qu’il fait, je suis obligé de l’analyser à l’intérieur même de sa catégorie : à partir du fait que vous êtes directeur du FBI ou de la CIA, est-ce que vous faites ou non correctement votre métier ? Votre métier étant quelque chose que je ne recommanderai pas à mes enfants de choisir [rires] mais, à l’intérieur même de ce système, et en admettant qu’il faut des directeurs à la CIA ou au FBI, est-ce qu’il fait correctement son métier ? Est-ce qu’il le fait de manière honnête ou malhonnête. Est-ce qu’il trahit les grands principes de son institution ? Et ainsi de suite.

Alors, qu’est-ce que je fais ? M. John Bolton, vous pouvez regarder, vous pouvez faire, voilà, une recherche sur mon blog. Vous trouverez déjà pas mal de choses et peut-être même d’avant l’époque de M. Trump, avant même qu’il soit conseiller à la Maison-Blanche où il est resté à peu près une année [avril 2018 – septembre 2019] avant qu’il ne se retire, en raison de certaines positions de M. Trump, en particulier sur l’Iran.

Mais, sachant qui est ce monsieur, ce qu’il affirme sur ce qu’il est, sur le fait qu’il pourrait trahir éventuellement par son comportement qu’il n’est pas exactement la personne qu’il est, des choses de cet ordre-là, je peux juger et vous donner mon avis. Et quand j’ai dit l’autre jour qu’il avait le sens de l’Etat, eh bien, j’ai donné ce titre aujourd’hui à la vidéo que je fais ici : « M. John Bolton a le sens de l’Etat », pour souligner que c’est à juste titre, selon moi, que je l’avais dit et que je suis prêt à le redire aujourd’hui.

Est-ce que son sens de l’Etat, c’est de l’Etat-providence ? Non ! Est-ce qu’il a une représentation de l’Etat qui correspond à la mienne ? Non, pas du tout ! Mais à l’intérieur de ce qui est, de manière cohérente, sa représentation de l’Etat, il est au service de l’intérêt général tel qu’il le conçoit lui, sans malhonnêteté par rapport à cela.

Il est très attaqué. Il est très attaqué en particulier par la gauche, par le Parti démocrate et par la gauche dans la mesure où ils coïncident d’une certaine manière mais pas tout à fait entièrement. Il est attaqué aussi par les amis, bien entendu, de M. Trump parce qu’il dit des horreurs dans le livre qu’il a publié récemment et, en particulier, il souligne à chaque page que M. Trump n’a pas la stature, n’a pas la capacité, n’a pas la capacité intellectuelle, il n’a pas le type de caractère qui pourrait faire de lui un bon chef d’Etat.

Et plus les jours passent, plus son comportement devient erratique de ce point de vue-là, moins il manifeste des capacités d’être un chef de l’Etat dans sa gestion de la crise du coronavirus.

Les Etats-Unis traversent la pire période en ce moment-même. En ce moment-même, le nombre de cas est en train de battre les records précédents : on est véritablement là dans une seconde vague. La première vague n’a pas véritablement baissé de manière considérable mais on est dans une seconde vague manifestement et la seconde vague est plus haute que la première. Les chiffres, maintenant, sont plus importants que ceux du début, du premier pic, et les Etats-Unis, donc, sont dans une situation extrêmement difficile de ce point de vue-là.

Je l’avais dit dès le départ je crois, même à partir de janvier ou février [Non : le 27 mars]. J’avais dit : « Le pays qui sera le moins capable de gérer une crise de ce type-là, ce sera les Etats-Unis ». J’ai même donné un chiffre en disant que le nombre de morts serait, à mon avis, entre 10 et 100 fois celui de la Chine. On doit être maintenant de l’ordre de 30 fois, quelque chose de cet ordre-là, un peu plus que 30 fois [le 26 juin : 27,4 fois]. Et je ne serais pas étonné qu’on dépasse les 100 au bout d’un moment, surtout si la seconde vague qui est en train de démarrer se confirme.

Il y a des gens, bien entendu, qui l’encouragent en organisant une réunion dans l’Oklahoma : M. Trump encourage à ce que l’épidémie se répande. Il a une réunion prévue, quoi, ces jours-ci, dans l’Arizona qui est un des états les plus affectés pour le moment, là où la crise se développe très très rapidement. Il va participer à l’extension de la crise.

Je vous ai dit dans ma première petite vidéo, avant même d’avoir écouté M. Bolton dans des conférences de presse qu’il donne maintenant, les réponses qu’il donne à des journalistes, des entretiens. Je vous avais donné une analyse, je dirais, a priori, à partir juste des bonnes feuilles qu’on a pu voir dans la presse, qui n’étaient pas grand-chose mais, surtout, de ce que je savais du bonhomme. S’il ne s’est pas présenté au Sénat, s’il ne s’est pas présenté au Congrès pour commencer, pour une audition dans le cadre de la procédure d’impeachment et s’il aurait traîné la patte de toute manière pour se rendre au Sénat, c’est par antipathie pour les Démocrates. C’est parce qu’il le dit. Il ne le dit pas comme ça mais c’est clair : « Je ne voulais pas leur faire de cadeau ! ». Et il offre un élément supplémentaire. Il dit : « De toute manière, la façon dont ils ont abordé la destitution de Trump, l’impeachment, ce n’était pas la bonne. Ce n’était pas la bonne : il fallait un dossier beaucoup plus complet que celui de l’Ukraine. Il ne fallait pas expédier la procédure comme ils l’ont fait » et, dit-il, il a absolument raison : « Ils l’ont fait pour que les candidats à la présidence, aux élections de novembre, du côté Démocrate, aient les mains libres rapidement ». Voilà. Ce qui est effectivement une erreur de calcul. Il a raison sur ce point-là. Il a raison aussi, à mon sens – et ça, je l’ai déjà dit l’autre jour – en disant que sa déposition n’aurait fait aucune différence.

Alors, pourquoi est-ce que Bolton a raison selon moi ? Parce que, ce qu’il avait à dire (il était lui le témoin de première main), Mme Fiona Hill l’a dit, M. Alexander Vindman l’a dit. Sur certaines choses, ils étaient des témoins de première main, qui avaient été présents au moment des évènements et, sur d’autres, pas. Lui, Bolton avait été là sur tout mais il n’aurait pu que confirmer ce que ses subordonnés ou les gens de son entourage avaient dit.

Et là aussi, quand, par exemple, M. Wolf Blitzer qui l’interroge – qui est un très très bon interviewer – lui dit : « Mais votre témoignage aurait peut-être fait la différence », là, il dit : « Non ! ». Et là, il ne dit pas pourquoi mais moi, je vous l’ai dit l’autre jour : c’est parce qu’à l’intérieur du Parti républicain en ce moment, il ne représente pas un courant dominant.

C’est un courant qui a pu être dominant à l’époque, voilà, du père Bush, de [Henry] Kissinger aux Affaires Etrangères. A ce moment-là, les néo-cons, des gens comme Irving Kristol, des gens de ce type-là, étaient vraiment, je dirais… c’était le groupe dominant à l’intérieur du Parti républicain. Ce groupe, auquel Bolton appartient, n’est pas, n’est plus, dominant au sein du mouvement Républicain.

Ça représente une Amérique arrogante. C’est l’aigle sur l’écusson. C’est tout est permis au niveau, justement, des manœuvres, par exemple, de la CIA dans les opérations à l’étranger. C’est envahir les pays pour aller leur imposer une « démocratie », c’est-à-dire comme elle est conçue aux Etats-Unis, en disant que c’est bon pour tout le monde et que c’est le degré ultime de la civilisation. C’est ça. C’est cette droite-là.

On lui dit, à Bolton : « Oui, mais vous n’avez pas voulu venir pour ne pas perdre l’avance sur votre bouquin, pour ne pas déflorer le contenu de votre bouquin ! ».

Et ça, on l’a dit beaucoup, surtout du côté des Démocrates, que c’est une histoire de gros sous. Et là, je suis d’accord avec lui aussi. Il dit : « Je serais content de les avoir s’ils ne sont pas confisqués par le Gouvernement parce que j’aurais divulgué des choses qui feraient que, voilà, on me condamnerait et qu’on confisquerait l’argent ». Ça ne doit pas le déranger en effet de recevoir les 2 millions de dollars. Mais est-ce que c’est la raison pour laquelle il l’a fait ou a refusé de venir, ou a traîné la patte ? Là aussi, je lui fais confiance là-dessus : ce n’est pas la raison.

La première raison, je vous l’ai dite. Je vous l’ai déjà dite la fois dernière : c’est parce qu’il n’a aucune sympathie pour les Démocrates et il ne voulait absolument pas leur faire de cadeau.

Et la véritable raison, là, il ne le dit pas. Et c’est là que, moi, je vais faire, postuler, formuler, une hypothèse : c’est parce qu’il se présente en ce moment, il veut se présenter comme recours, comme recours à l’intérieur du Parti républicain. Il veut montrer qu’il s’identifie – il veut rappeler, parce qu’il n’a pas à le prouver – avec tout ce qu’il a fait jusqu’ici. C’est quelqu’un qui a été le représentant américain à l’ONU et qui est contre l’organisation même des Nations-Unies : il est pour sa dissolution. C’est quelqu’un qui n’a pas à prouver qu’il est de droite, qui n’a pas à prouver qu’il est un conservateur. Il n’a pas même à prouver qu’il est un ultra-conservateur : il l’est. Il n’a pas à prouver qu’il représente véritablement une tradition classique à l’intérieur du Parti républicain aux Etats-Unis. Mais il veut montrer, précisément, qu’il est un représentant de la droite dure civilisée à l’intérieur du Parti républicain : il veut rappeler qu’il y a autre chose que Trump. Il veut rappeler aussi – et ça, il le dit – il le dit, que lui n’aurait pas pu faire la différence avant, avant que le Sénat ne refuse la destitution de Trump.

Il faut maintenant, pour qu’il puisse apparaître comme un recours, il faut qu’un doute se soit instillé à l’intérieur du Parti républicain, parmi ces sénateurs qui mettaient tous leurs œufs dans le même panier d’être réélus parce qu’ils sont des amis, parce qu’ils sont des partisans de Trump. Tous ces gens-là commencent à avoir très très peur parce que les sondages montrent que ce n’est pas, ce n’est plus, le bon choix à faire.

Ce n’est plus le bon choix à faire : les opinions favorables à Trump sont tombées en-dessous de 40 %. C’est la première fois. On voit des 38 %, des 39 %, des choses de cet ordre-là et ça, Bolton le sait : on a besoin de personnalités de rechange maintenant, à nouveau, à l’intérieur du Parti républicain. Et là, il fait deux choses : il fait la preuve que les partisans de Trump le détestent et que, donc, il peut être un recours [contre lui]. Et il a montré, et il le répète tous les jours dans les entretiens qu’il donne, qu il n’est pas un ami des Démocrates. Ce qu’il fait, c’est pour le Parti républicain, pour les valeurs de droite, pour les valeurs conservatrices ou ultra-conservatrices : ce n’est pas par sympathie pour les Démocrates, ce n’est pas par sympathie pour la gauche.

Donc, je termine là-dessus. Vous voyez que, bon, je n’ai pas de sympathie, aucune, pour les valeurs que représente M. Bolton, pourquoi il se bat. Mais j’essaye de comprendre qui est le personnage et de montrer que, par rapport à ce qu’il dit, il est quelqu’un qui adhère à ce qu’il dit – et c’est souvent ça le critère ultime : qu’il y ait quelqu’un qui adhère à ce qu’il dit – qu’il ne contredit pas par ses actes ce qu’il affirme, quelqu’un qui tient un discours cohérent, qui a un discours qui repose sur des valeurs, que je ne partage pas, mais qui a un discours cohérent et qui s’y tient.

Voilà : un petit portrait de M. Bolton un peu plus détaillé peut-être que ce que j’ai fait jusqu’ici mais pour corriger le sentiment qui apparaît dans l’opinion, qu’il a empêché la destitution de Trump et que c’était pour gagner de l’argent. Je ne crois pas que ce soit ça ses motivations et j’ai voulu vous proposer mon alternative.

Voilà, allez, à bientôt !

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