Covid-19 : Le point sur la situation, le 29 juin 2020 – Retranscription

Retranscription de Covid-19 : Le point sur la situation, le 29 juin 2020.

Bonjour, lundi 29 juin 2020 et je vais vous faire un point sur le coronavirus, sur le Covid-19.

Si vous ne le savez pas, je vous préviens : je ne suis pas spécialiste de ces questions, je ne suis pas virologue, je ne suis pas un épidémiologiste. Ce que je comprends, c’est parce que j’ai une certaine familiarité avec les articles scientifiques. Quand on me montre une analyse statistique… j’ai appris les statistiques dans d’autres domaines : j’ai appris à utiliser les statistiques en anthropologie au départ, aussi bien sur des données récoltées sur des plages africaines qu’avec des pêcheurs bretons : des données que j’avais récoltées moi-même. J’avais appris sur le banc des écoles sérieusement ce que c’est les statistiques : j’avais des cours de bon niveau, des cours où il fallait… voilà, à l’examen, il fallait démontrer oralement des théorèmes de statistiques. Ça montre qu’on a quand même une certaine maîtrise sur le comportement de la chose : qu’on comprend quels sont les mécanismes en arrière-plan. Et quand on me montre une étude statistique faite par le laboratoire du fameux professeur Machin et que je vois que les personnes impliquées ne maîtrisent pas les notions élémentaires de statistique, ne savent pas ce qu’ils font, font n’importe quoi, là, je peux dire : « Cette étude est mal faite : elle ne prouve absolument rien ! ».

Mais, ça, c’est parce que ce sont des méthodes générales de type scientifique et qui s’appliquent en virologie ou en épidémiologie de la même manière. Pour le reste, je n’ai pas de savoir approfondi là-dessus.

Alors, on me dit : « Oui, mais vous prétendez parler de choses extrêmement différentes quand même, par ailleurs, comme la psychanalyse, la finance ou l’anthropologie ! ». Oui, mais ce sont toutes des choses que j’ai apprises au cours de dizaines d’années même si elles sont extrêmement distinctes. Quand on a 73 ans, on a pu passer plusieurs dizaines d’années à apprendre 3 ou 4 choses différentes, simplement en ayant « mis le paquet », en ayant fait les efforts nécessaires.

En biologie, non, je n’ai pas ces connaissances. Mais je peux lire des articles scientifiques, et comprendre comment ça marche. Mais je ne vais pas m’aventurer avec des explications sur des choses que je ne connais pas.

Bien entendu, vous et moi, depuis le début de la pandémie, on a pu lire des choses. Et on a pu se renseigner, et on a pu comprendre des choses qu’on ne savait pas au départ : j’en sais plus sur le fonctionnement du système immunitaire aujourd’hui que je n’en savais au mois de janvier. Bon, ça, c’est d’avoir lu quand même, je ne sais pas ? quelques dizaines d’articles sur ces sujets-là où on vous explique comment ça marche, ou même les choses qu’on découvre en ce moment-même en cours de route.

Alors, le problème, ce n’est pas ce qu’on peut comprendre, ce qu’on peut voir, le problème, ce sont les gens qui rendent la pandémie plus probable, qui sont des négationnistes. Ce sont les mêmes personnes qui vous disaient il y a quelques mois qu’il n’y aurait jamais plus de morts du coronavirus qu’il n’y a de gens qui tombent de leur trottinette. Ce sont les mêmes personnes qui venaient avec des remèdes miracles qui n’ont absolument rien donné : c’étaient des pétards mouillés. Et maintenant, vient de ce même cercle, vient la déclaration qu’il n’y aura pas de seconde vague dans des pays comme les nôtres.

Le fait est qu’en France, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Italie, en Espagne, la crise est maîtrisée pour le moment. Est-ce que ça prouve qu’il n’y aura pas de retour ? Absolument pas, absolument pas ! Les frontières sont plus ou moins fermées mais on va les rouvrir. Si vous êtes comme moi, vous voyez que les gens ne mettent plus leur masque. Les gens font comme avant, c’est-à-dire que les conditions sont réunies pour que cette pandémie se répande à nouveau. Et nous avons – et c’est ça évidemment qui motive ce que je vais dire – d’une part, nous avons des pays – nous le savions – des pays qui ont de vastes surfaces où la densité des populations est relativement mince, où les villes sont petites, où les contacts ne sont pas énormes. Je pense par exemple aux plaines centrales des Etats-Unis. Je pense à la Russie qui est un pays qui fait des milliers de kilomètres en largeur [9.000 km] et où il y a beaucoup de zones qui vivent en relative autarcie. Dans ces endroits-là, il est évident que la crise ne viendrait que plus lentement par rapport à des pays où il y a, je ne sais pas, où dans une grande ville il y a deux aéroports et où les gens, pendant très longtemps, ont pu descendre et monter dans des avions venant de pays extrêmement lointains sans que ça ne pose de problème, en tout cas aux autorités, qui ne voulaient pas maîtriser ça dès le départ.

Donc, chez nous, on a compris plus ou moins comment ça marchait : on a pris des mesures de confinement, de distanciation sociale comme on dit et maintenant ça a disparu. Donc, les conditions sont réunies pour qu’une deuxième vague ait lieu chez nous. Quand on regarde les autres pays, eh bien, dans certains pays, la progression ne fait que débuter et quand des mesures drastiques, comme chez nous, ne sont pas prises, comme au Brésil ou au Mexique, on est en plein marasme comme maintenant. En Inde, bon, les chiffres montent de jour en jour et les Etats-Unis nous offrent le spectacle de la plus grande catastrophe, c’est-à-dire quand il n’y a pas de politique ou une politique incohérente, ou quand les états, les 50 états de la nation, ont des politiques absolument discordantes et, comme on le voit aussi, qu’il y a une sorte de guerre interne comme c’est le cas au Texas où les gens de gauche prennent des mesures de confinement que les gens de droite détricotent, etc., où on lance un processus de déconfinement alors que la crise ne fait que se développer davantage… C’est le cas du Texas. C’est le cas de la Floride. C’est le cas de de la Géorgie. C’est le cas de l’Arizona.

Et on le voit aux Etats-Unis, c’est lié essentiellement au fait que le président vous dise : « Si vous croyez à cette pandémie, c’est un signe de défiance envers moi ! » et les gouverneurs Républicains vont dans son sens : ils ont traîné la patte à introduire un confinement et ils ont lancé maintenant un processus de déconfinement alors même que la progression est en train d’exploser dans leur état.

Ce qu’on voit aux Etats-Unis, c’est le danger que représente une polarisation politique dans un pays et, en particulier, quand un des camps s’est identifié à nier, est dans le déni, dans un négationnisme vis-à-vis de la pandémie, de dire que ça n’existe pas ou bien que ça a disparu déjà une fois pour toutes. Bien entendu que non : les pandémies, ce sont des processus qu’on connaît. C’est un processus physique qu’on appelle la percolation. C’est connu. On sait comment ça marche : quelqu’un qui est infecté risque d’en infecter d’autres. Il y a des gens qui sont des super-contamineurs. Selon les âges, on voit que le système immunitaire fonctionne plus ou moins bien et que les enfants résistent beaucoup mieux que les grands, on commence un peu à comprendre comment ça marche : c’est lié éventuellement à la glande thyroïde qui ne fonctionne plus très bien à partir d’un certain âge. Il y a des fragilités. Il y a des fragilités partout parce que, comme on le voit, il y a des endroits où il a été très difficile – ou où il est très difficile – d’introduire le confinement.

Dans l’article que je viens de lire sur le Texas, les points faibles, c’est – on l’a vu, on en a parlé récemment à propos de l’Allemagne – ce sont les abattoirs, c’est-à-dire des endroits où il est très difficile d’introduire des pratiques qui permettent de réduire le risque de se répandre du virus : il y a des conditions qui sont des conditions éventuellement idéales pour le virus lui-même. Il y a des situations comme les Ehpad, les maisons de retraite, où il est très difficile d’introduire des règles de type classique et, en plus, il y a là une concentration de personnes particulièrement vulnérables. Le système des prisons, c’est un des points faibles en plus parce que, là, il y a un confinement mais c’est un confinement qui est organisé sur des principes qui n’interdisent pas une grande promiscuité et qui rendent difficile le traitement ou l’isolement des gens. Aux Etats-Unis, il y a un point de faiblesse supplémentaire : c’est l’absence d’accès d’une partie de la population à un système de santé. C’est un système à plusieurs vitesses, vous le savez, et où on peut être très très bien traité si on paye. Ma compagne et moi, quand on habitait aux Etats-Unis [il y a dix ans] , ça nous coûtait l’équivalent de plus de 1.000 € par mois de s’assurer pour avoir une bonne couverture. Ça coûte très très cher. Beaucoup de gens n’y ont pas accès. En plus, avec des politiques comme celle de Trump d’une chasse organisée des gens qui sont en situation irrégulière du point de vue de l’immigration, ces gens se cachent, hésitent à venir à l’hôpital et quand ils finissent par se rendre à l’hôpital, c’est parce qu’ils sont dans une situation désespérée. Ça rend les choses extrêmement difficiles.

Et il y a des choses auxquelles on ne pense pas. Dans l’article que je viens de lire sur le Texas qui est écrit par un médecin qui parle de la situation extrêmement difficile dans son hôpital, il explique qu’un point de fragilité, c’est la salle de détente pour les infirmières où elles enlèvent leur masque pour prendre une tasse de café et bavarder avec les autres. Bien entendu, c’est la chose à ne pas faire mais c’est comme quand je vois les gens autour de moi, des gens qui ont un masque et qui, par politesse, enlèvent le masque pour me parler comme si c’était une marque de respect et pas simplement une marque de ne pas comprendre du tout comment ça marche [rires].

Donc, voilà un petit point. Il y a des endroits au monde où la situation est catastrophique. Le demi-million de morts a été atteint [3/7 : 525k]. Le nombre de 10 millions de cas déclarés a été atteint aussi [3/7 : 11 millions].

Alors, on va me dire : « Oui, mais ces chiffres, ils ne valent rien ! ». Si, ils valent quelque chose. Ce ne sont pas des chiffres qui sont corrects à la quatorzième décimale bien entendu mais ce ne sont pas des chiffres qui « ne représentent rien ». Ça fait partie, je dirais, de ce même négationnisme, de ce même déni, en disant : « On ne peut comparer aucun chiffre avec aucun autre ! ». Non, ça, je l’ai déjà expliqué : si des erreurs sont faites de manière systématique, on peut tenir compte du biais de l’erreur systématique. Si ce sont des chiffres qui ne sont pas fiables [de la même source] mais qu’on en a une série chronologique, on peut quand même utiliser la série chronologique [pour dégager une tendance], etc.

Cet argument de dire : « Oui, mais si les chiffres ne sont pas parfaitement corrects, on ne peut rien en tirer », ça, ça vient de personnes qui n’ont justement aucune notion de statistique. En statistique, un principe fondamental, c’est qu’on travaille sur des échantillons. Un échantillon, ce n’est pas toute la population. Dans les sondages d’opinion aussi, on travaille sur un échantillon. Mais on a compris quel est le rapport entre la taille d’un échantillon et ce qu’on peut dire de manière générale  : on vous parle de marge de confiance. C’est ça que ça veut dire. Ne me dites pas, ne m’envoyez pas des mails en disant : « On ne peut rien dire puisque ce sont des chiffres et que ces chiffres ne sont pas parfaits ». Vous me révélez que vous ne connaissez pas la statistique, c’est tout. Et ne continuez pas à dire qu’on ne risque aucune seconde vague : vous n’en savez absolument rien. Si on n’a pas une seconde vague, ce sera un miracle et ce ne sera pas un miracle d’origine divine, c’est parce qu’on sera arrivé à maîtriser d’une manière ou d’une autre le processus.

Toutes ces dénégations, c’est du même ordre que les gens qui disent : « Vous vous souvenez du bug de l’an 2000 et vous voyez, c’était une grosse blague puisque ça n’a pas eu lieu ! ». Non, des dizaines de milliers de programmeurs ont travaillé sur la question pour la résoudre. C’est le travail des gens. C’est parce qu’on comprenait où était le problème. C’est parce qu’on l’a corrigé et c’est parce qu’il y a des dizaines de milliers de gens qui ont consacré leur temps à essayer d’empêcher que le problème ne se pose véritablement. Ce n’est pas parce que c’était une blague, le bug de l’an 2000. C’était vrai. On a travaillé dessus. Nous sommes des êtres humains. Nous avions compris le problème et nous l’avons résolu ! Essayons de faire la même chose et, s’il vous plait, ne m’encombrez pas avec ces messages négationnistes qui montrent simplement soit que vous ne comprenez pas le problème, soit que vous êtes attaché à une opinion particulière qui, je suis désolé, mais qui se classe à l’extrême-droite sur l’échiquier et qui est simplement une politique de votre part, une politique d’enfumage dont l’objectif est purement politique.

Voilà, allez ! merci.

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