Pour Joseph Tainter, théoricien de l’effondrement, la théorie du conflit problématise l’Etat comme institution coercitive de la domination et de l’exploitation. La théorie de l’intégration en fait une solution : l’institution consensuelle des intérêts sociaux partagés. Dépassant ces visions limitées, le philosophe Michel Foucault rejette l’idée d’Etat comme trop abstraite et se concentre sur les modes d’exercice pratiques du pouvoir, la gouvernementalité. Partageant le constat des risques existentiels, nos auteurs proposent ainsi une nouvelle gouvernementalité de l’urgence : un effort de guerre écologique via un Etat planificateur repensé. L’ouvrage bousculera les certitudes des « collapsonautes » institutionnellement résignés. L’Etat étant l’organisation humaine la plus puissante de l’histoire, les dégoûtés doivent expliquer pourquoi ils l’abandonneraient aux dégoûtants. Malgré une histoire étatique écodestructrice, Jorion et Burnand-Galpin écrivent qu’un Etat anti-collapse est encore possible, nécessaire et souhaitable. Nous n’avons pas mille ans mais dix. Avec un réalisme enraciné dans notre sol –les gens, idées et institutions tels qu’ils sont–, l’essai referme systématiquement des portes : déni, résignation, citoyennisme, survivalisme, révolution, abandon de la technologie et des marchés financiers, écologisme graduel, utopies ou eschatologies. Exit bien sûr capitalisme, économisme et profit, vive une politique des fins et non des moyens. Une seule porte reste ouverte : nous vivrons ou nous périrons tous ensemble. Le citoyen a besoin de l’Etat, l’Etat a besoin du citoyen. Comme le dit Bruno Latour, le citoyen est la clef pour recharger l’Etat de nouvelles pratiques. A lire d’urgence pour nous retrousser les manches et ne pas nous complaire dans le fatalisme. L’Etat c’est nous.
Cédric Chevalier, coauteur de Déclarons l’Etat d’Urgence écologique (avec Thibault de La Motte, Editions Luc Pire 2020)
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