Retranscription de – Le plan A est cuit, nous devons l’admettre, le 21 août 2021.
Bonjour, nous sommes le samedi 21 août 2021 et il y a quelques jours, je vous ai fait une vidéo qui s’appelait : « Les Plans B et C » et là, c’était une réaction au rapport du GIEC. Je vous parlais du plan A qui consiste à essayer de sauver l’humanité à la surface de la Terre et je vous mentionnais deux autres plans qui sont le Plan B d’aller habiter ailleurs, coloniser l’espace, d’autres planètes, d’autres systèmes stellaires. Et la troisième option, le Plan C, c’était de simplement tirer les conséquences du fait que nous n’avons pas été assez robustes pour survivre à une destruction de notre environnement par nous-mêmes : nous avons dépassé la capacité de charge de notre environnement par rapport à l’espèce que nous sommes et non seulement, nous l’avons fait depuis quelques années mais nous l’avons fait depuis plusieurs siècles déjà et nous en payons en ce moment les conséquences.
Et pourquoi est-ce que je parlais de ce Plan B et de ce Plan C ? Parce que je disais qu’on pouvait les envisager. Le plan B, qui est la conquête des étoiles, suppose que nous résolvions encore des tas de problèmes qui nous paraissent insolubles, comme par exemple de pouvoir vivre dans un caisson les 1000 ans qu’il faut avant que nous rejoignions un autre système stellaire et le dernier plan, le Plan C, c’est-à-dire de transmettre notre héritage aux robots, à des robots devenus intelligents, me paraissait le seul où il n’y avait plus de problème de fond à résoudre. Ça ne veut pas dire que c’était facile à faire : il faut rendre ces robots entièrement autonomes, il faut qu’ils puissent se réparer eux-mêmes, qu’ils puissent en construire d’autres et ainsi de suite mais je ne voyais pas, en tant que… voilà, et là, j’ai un petit peu, comment dire, un point de vue d’expert en tant que chercheur en intelligence artificielle autrefois et ayant renoué avec ça récemment, il n’y a plus d’obstacle je dirais de fond qui apparaîtrait insurmontable et qu’il faudrait d’abord résoudre.
Bon, alors, et le plan A, donc, je disais que ce que le rapport du GIEC nous disait, c’était qu’en fait le plan A, en réalité, était entièrement compromis, c’est-à-dire la survie d’êtres humains à la surface du globe. Alors, bien entendu, on me dit : « Oui, mais le GIEC ne dit pas que tout le monde va disparaître ». Bien entendu, ce n’est pas de ça qu’il parle. Il parle du climat. Mais quand on nous laisse entendre qu’un milliard d’habitants de la planète vont devoir se déplacer, sachant que nous sommes déjà une espèce qui est assez belliqueuse en temps, je dirais, ordinaire, quand on n’est pas dans une crise profonde – en voyant comme nous réagissons déjà à l’idée qu’il faudrait accueillir quelques réfugiés afghans : c’est déjà des hauts cris – je ne crois pas que nous pourrions résister à des déplacements d’un milliard de personnes sans que nous ne déclenchions des guerres thermonucléaires qui, très rapidement, créeraient un hiver nucléaire, c’est-à-dire l’impossibilité pendant de nombreuses années de faire pousser des moissons. Vous voyez déjà que rien qu’avec la situation où on est, où on nous dit qu’il n’y a plus de blé, qu’on ne va plus avoir de pâtes alimentaires parce que, pour le moment il n’y a pas de blé et on est encore très très loin d’avoir un hiver nucléaire !
Et donc, je fais un certain nombre de billets à partir de là et en particulier, sur mon blog, une veille, une « Veille effondrement » et là, les réactions sont du type attendu : le déni. Voilà, le déni. Nous ne voulons pas admettre que le Plan A soit entièrement cuit. Pourtant, dans ma vidéo, et j’insiste là-dessus à tous moments, je ne dis pas qu’il faut abandonner le plan A. Je dis qu’il faut – avec l’énergie du désespoir – essayer, si c’était possible, essayer de sauver la vie sur la planète et ce que j’ai dit, le message de ma vidéo c’était de dire simplement : « Il faut que chacun d’entre nous se consacre entièrement soit au plan A, soit au plan B, soit au plan C ». Je n’ai dit en aucune manière qu’il fallait abandonner de se battre.
Bon, j’attire l’attention sur le fait que, moi, je continue à me battre et je vais continuer à me battre dans ce domaine-là, en particulier dans les organisations dont je fais partie. Mais je dis qu’il ne faut pas cracher sur la chance, même minime, de pouvoir réaliser le Plan B ou le Plan C. En particulier, l’avantage du plan C, c’est que nous savons comment il faut faire. Bon, c’est une question de ressources je dirais purement et simplement.
Alors, certains d’entre vous, même sur mon blog, disent : « Vous refusez le plan A. Il faut mettre toute son énergie là-dedans ! ». Non, il ne faut pas mettre toute son énergie dans un truc qui est cuit. Non, on peut continuer à mettre une certaine énergie en se disant qu’un miracle est possible, en se disant que, voilà, ne serait-ce que pour la beauté du geste, il faut essayer de le faire. En tout cas, il faut essayer de minimiser les misères qui vont être les nôtres dans cet effondrement généralisé mais il ne faut pas dire comme ces gens qui ajoutent ensuite : « Oui, mais vos Plans B et C sont ridicules ! ». Ils ne sont pas ridicules. Ils ne sont pas ridicules pour une raison fondamentale, c’est que c’est une dernière chance. Il ne faut pas cracher sur une dernière chance en disant que c’est ridicule, qu’il ne faut pas le faire parce que c’est ridicule.
Tout à l’heure, voilà, j’ai mis un résumé d’une communication qu’on m’a aimablement demandé de faire pour un colloque qui aura lieu en ligne bien entendu, mais basé au Portugal, sur le transhumanisme. Et là, je souligne ce que j’ai déjà dit mais ce n’est pas encore tout à fait visible parce que c’est essentiellement dans un livre en anglais qui doit encore paraître [Humanism and its Discontents. The Rise of Transhumanism and Posthumanism, Londres : Palgrave], que le transhumanisme a quand même un avantage sur beaucoup d’autres choses, c’est qu’il nous propose des méthodes pour le Plan A, pour le Plan B et pour le Plan C et c’est le seul programme, je dirais, de ce type-là qui nous propose de travailler à la fois sur A, B et C.
Bien entendu, ça nous oblige à changer nos habitudes et ça, nous le voyons avec la Covid-19 : nous ne sommes pas prêts à changer nos habitudes. On nous dit : « Il y a un fléau ». Un fléau, c’est très grave quand même parce que sinon, ça ne serait pas le mot « fléau » et on nous dit : « Oui, ça me dérange, ça m’empêche d’aller au café, etc. ». Nous paraissons très très mal équipés mentalement pour agir comme il faut dans des crises mais je redis ce message : Plan A, B ou C, quelle que soit votre activité, quels que soient vos choix maintenant, travaillez au moins là-dessus. Il faut travailler au radeau.
Il faut que tout le monde le fasse d’une manière ou d’une autre et quand je dis ça, je ne pense absolument pas à des tentatives survivalistes qui seront des efforts – là, ce n’est pas simplement pour la beauté du geste – ce seront des efforts désespérés parce que même si vous arrivez à vous isoler quelque part, il y aura des pirates qui vous retrouveront et qui viendront prendre ce que vous avez encore pu faire. Souvenez-vous de la colonisation, souvenez-vous de l’histoire du Thanksgiving américain. Qu’est-ce que c’est le Thanksgiving ? Je l’ai déjà raconté. C’est le fait que quand un petit groupe de colons anglo-saxons venant d’Angleterre se sont installés là, en Nouvelle Angleterre, et qu’ils étaient en train de crever, les Indiens sont venus leur faire des cadeaux pour qu’ils ne crèvent pas. Et qu’ont-ils fait, qu’ont-ils fait les colons ? Dans les jours qui ont suivi, ils ont fait une razzia. Ils sont allés piller les greniers de ceux qui les avaient sauvés.
C’est comme ça hélas, c’est comme ça que nous sommes. C’est comme ça que nous sommes et dire : « Non, non, on va être des bisounours dans un coin avec nos courgettes », ne comptez pas là-dessus ! Je suis anthropologue, je suis psychanalyste : ce n’est pas comme ça que nous sommes, ce n’est pas comme ça que nous sommes. Je l’ai dit l’autre jour, nous avons eu la chance parfois, voilà, de connaître des trêves entre des guerres mais l’état de l’humanité, l’état permanent, c’est un état de guerre. Il faut le reconnaître. Ce n’est pas une vision pessimiste, c’est une observation pure et simple mais nous ne voulons pas admettre que le Plan A est cuit.
J’écoutais l’autre jour, je vais terminer là-dessus, c’était une émission, c’était il y a quelques jours un podcast sur le New York Times. On parlait du rapport du GIEC et donc, c’était très didactique, c’est-à-dire c’est un dialogue entre deux reporters. Il y en a un qui avait lu en profondeur le rapport et l’autre lui posait des questions.
Et alors, voilà, le premier, celui qui a lu le rapport, dit : « Mais qu’est-ce qu’il dit en gros ce rapport du GIEC ? ». L’autre répond : « Il nous dit que pour les 30 années à venir, quoi que nous fassions, ça va être la catastrophe, ça va être l’abomination. Ça va être un dérèglement climatique, ça va être les inondations, ça va être la sécheresse, ça va être les incendies quoi que nous fassions ».
Alors, l’autre dit : « Qu’est-ce qu’il faut faire ? ». Le premier, le lecteur du rapport, lui répond : « Il faut absolument changer tout de suite nos comportements ! ». Alors, l’autre lui fait remarquer : « Mais ça ne va rien changer dans les 30 ans qui viennent ! ». Le lecteur du rapport dit : « Oui, oui, mais enfin, il faut quand même être prêts pour la fin de ces 30 ans ! ». Et alors l’autre lui dit : « Mais qu’est-ce qu’il se passera à la fin des 30 ans, soit que nous ne fassions rien ou que nous fassions quelque chose ? », alors le le lecteur du rapport lui dit : « Eh bien, si nous ne faisons rien, ce sera simplement la fin. Ce sera l’abomination au carré ». L’autre lui pose alors la question : « Et si nous faisons quelque chose ? Si nous arrêtons tout ? ».
Et alors là, il y a un temps d’hésitation, un grand silence, le lecteur n’ose pas dire : « Ce sera toujours l’abomination des 30 années à venir mais elle sera stabilisée. Au lieu d’avoir l’abomination au carré, nous aurions simplement l’abomination pour une période indéterminée, sans doute des siècles ».
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c’est cuit, soyons logiques. Ce n’est pas parce que le reporter lecteur du rapport répond essentiellement par un silence que ça veut dire qu’il y ait une solution. Ce que l’autre espérait, c’est qu’on lui dirait qu’après les 30 ans, ça irait mieux. Non, tout ce qu’on peut espérer au mieux, c’est une stabilisation. Parce que tout à coup, le CO2 ne va pas baisser dans l’atmosphère. Tous ces dérèglements qui vont encore apparaître et dont nous avons vu cette année un excellent échantillon, tout ça ne va pas disparaître de soi-même dans 30 ans parce que nous aurions cessé de brûler encore du pétrole davantage, que le méthane se sera dégagé parce que le permafrost aura fondu. Aujourd’hui, il a plu, non c’était hier, il a plu sur les grands glaciers du Groenland. Ce n’est pas le fait qu’il pleuve dessus pour la première fois de l’histoire humaine connue qui va arranger les choses. Le Plan A est cuit, il faut que nous travaillions à autre chose et ne dites pas que c’est ridicule de travailler à autre chose pour sauver ce qu’on peut sauver. Quand le Titanic sombre, s’il y a la possibilité quand même de construire en vitesse quelques radeaux, eh bien, ça vaut la peine de le faire, voilà.
Allez, à bientôt !

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