Trends-Tendances – Le risque lié au réchauffement climatique, le 28 octobre 2021

Le risque lié au réchauffement climatique

Aux États-Unis, les Démocrates aimeraient faire adopter une mesure qui obligerait les entreprises cotées en Bourse à déclarer le risque qu’elles présentent au reste du monde en étant impliquées dans des activités produisant des gaz à effet de serre et le risque auquel elles sont exposées du fait du réchauffement climatique. 

Les Républicains s’y opposent : la Securities and Exchange Commission, le régulateur des marchés boursiers n’a pas à « faire de la politique », affirment-ils.

On comprend ce que « faire de la politique » signifie dans ce contexte : faire prévaloir des considérations partisanes. Mais, me direz-vous, se soucier de la survie du genre humain est une préoccupation qui concerne chacun de nous et pas seulement une partie de l’humanité. Sans doute, mais si les Républicains s’y opposent, la preuve n’est-elle pas faite qu’il s’agit d’une opinion liée à un certain parti ? 

Quelles que soient les vues des uns et des autres, les deux types de risque : émettre davantage de gaz de serre, et subir davantage de catastrophes naturelles, comme des sécheresses, des incendies ou des inondations, ne disparaîtront pas pour autant.

Les compagnies d’assurance permettent aux sociétés humaines de mutualiser le risque. Jouant sur le fait statistique qu’en temps ordinaire, en-dehors de crises majeures comme les guerres ou les tremblements de terre, tous les sinistres ne se produisent pas en même temps, il est possible de s’assurer pour un montant minime par rapport au coût de l’accident redouté. Un calcul actuariel fondé sur la fréquence des sinistres, combiné à leur montant moyen, permet à l’assureur de calculer la prime réclamée. Ces assureurs n’étant pas à l’abri de remboursements inhabituellement importants, ils s’assurent eux-mêmes auprès de réassureurs pour des risques dépassant en taille les réserves qu’ils ont constituées. Enfin, les assureurs, parfois directement, et les réassureurs en tout cas, se délestent d’une partie du risque qu’ils courent en le redistribuant parmi les investisseurs prêts à l’assumer à leur place, par la titrisation de catastrophe bonds ou cats : des obligations « catastrophe » qui rémunèrent par un « coupon » élevé (5,5%, par exemple, pour ceux émis par le National Flood Insurance Program américain), en échange du risque de non-remboursement si une catastrophe de tel ou tel type devait se produire.

Le principe d’une telle « titrisation » du risque a été surnommé en France, « veuve de Carpentras » : l’idée qu’une multitude de petits investisseurs disperseront le risque dans la population tout entière. 

La crise des subprimes de 2008 a cependant mis en évidence que le principe de la « veuve de Carpentras » n’est pas fiable et ceci, paradoxalement, en raison du travail des agences de notation. Celles-ci cherchent en effet à évaluer au plus près le risque objectif des différents produits de dette.

Que s’était-il passé en 2008 ? Les établissements financiers n’avaient pas revendu aux veuves de Carpentras les titres adossés à des prêts subprimes (Asset-backed securities) dont le risque semblait minime pour un rendement élevé : elles les avaient conservés dans leur propre portefeuille. On se souvient de ce qui arriva : le bail-out, le sauvetage de la finance, aux frais de la communauté. 

En résumé donc : les contribuables s’assurent auprès des assureurs, ceux-ci auprès des réassureurs, qui redistribuent eux-mêmes le risque parmi les gros investisseurs, lesquels seront repêchés, en cas de très gros pépin, par … les contribuables. La boucle serait bouclée !

Que signifie alors ce refus Républicain de « faire de la politique » que constituerait l’obligation pour les entreprises de divulguer le risque qu’elles constituent et auquel elles sont exposées du fait du réchauffement climatique : confirmer une fois encore un grand principe implicite : privatisation des profits et mutualisation des pertes.

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3 réponses à “Trends-Tendances – Le risque lié au réchauffement climatique, le 28 octobre 2021”

  1. Avatar de PASQUET Régis
    PASQUET Régis

    Ce qu’il manque je crois, dans la suite des causes et des conséquences, c’est la prise en considération de la dimension de la durée.
    En effet, tout se passe comme si les décideurs n’avaient qu’une obsession en tête ; mettre en œuvre une idée dès qu’elle leur vient et qui leur paraît excellente par son seul mérite de dégager rapidement des profits. Toujours aller plus vite.
    Évidemment, prendre le temps de s’interroger pour savoir si une idée est porteuse de menaces pour l’humanité et son milieu est toujours écarté a priori pour entrave à la course au fric. ( Protection des idées, des données, liberté, concurrence et tutti quanti.)
    Pourtant la réponse est indiscutablement dans le temps. Commencer la chaîne des épisodes dès que germe une idée par une réflexion pour répondre à la seule question qui vaille vraiment :  » Ces décisions, ces recherches, ces produits que l’on a l’intention de créer etc… sont-ils ou ne sont-ils pas des menaces pour les enfants et le milieu dans lequel ils vivent ?  » Sans se demander si l’on risque de perdre du temps ou non. Il n’y a aucune raison objective de vouloir aller vite. Aucune.
    Mais alors à qui confier les analyses pour instruire « les études d’impact » ? Là encore, il serait nécessaire de s’inspirer des méthodes des conférences de consensus pour les confier à des citoyens seuls comptables de la vie démocratique d’un État.
    Ce ne serait pas la première fois que l’on introduirait dans la construction d’un paradigme, une dimension supplémentaire et notamment celle du temps.
    J’imagine les objections mais il faut rendra bien se rendre à l’évidence que nous sommes condamnés à inventer ce que ne l’a jamais été.

  2. Avatar de Manuel
    Manuel

    Logique implacable. Il faudrait attaquer les milliardaires et les thuriféraires du néolibéralisme en les traitant de « socialistes », de « communistes », de « marxistes », de « rouges »
    ou de « bolcheviks » !!! Parce que c’est ce qu’ils sont véritablement in fine. J’imagine un Dominique Seux ou un François Lenglet se faire qualifier de la sorte en plein débat : « M. Seux, vous êtes un communiste, assumez !!! »
    Si j’avais le privilège d’avoir une audience médiatique, je bombarderais cette vérité à la figure des journalistes, des éditorialistes et autres experts de manière systématique.

  3. Avatar de Christian Brasseur
    Christian Brasseur

    Les entreprises émettrices de GES comptabiliseraient-elles, à la satisfaction de l’autorité (et donc des parlements), leurs émissions de GES?

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