JdG – Physique amusante : le (supposé) portrait d’un photon

Physique : voici le tout premier portrait d’un photon isolé

Par Antoine Gautherie le 21 novembre 2024 à 9h38

Une nouvelle théorie qui décrit les interactions quantiques entre la lumière et la matière a permis aux chercheurs de représenter la forme précise d’un photon pour la première fois.

P.J. :

Une équipe de chercheurs affirme avoir réalisé le « portrait » (une image) d’un photon isolé. Pour moi, la notion de portrait d’une entité dépourvue de masse est privée de sens. Qu’en pensez-vous ?

ChatGPT 4o :

Votre scepticisme à l’égard de la notion de « portrait » d’un photon est tout à fait raisonnable, car il touche à la nature nuancée de ce qu’est un photon et à la manière dont il interagit avec le monde. Voyons ce qu’il en est :

1. Que signifie « portrait » dans ce contexte ?

Le « portrait » d’un photon isolé ne se réfère pas à une photographie littérale au sens traditionnel du terme. Les photons sont des entités quantiques et leur « apparence » ne peut pas être capturée directement :

  • Ils ne sont pas des objets dotés d’une structure physique.
  • Ils n’ont pas d’emplacement ou de surface fixe pour être représentés visuellement.

Au lieu de cela, un tel « portrait » implique probablement l’imagerie des effets de l’interaction d’un photon avec un support ou un capteur, tels que :

  • Le motif qu’il laisse sur une surface sensible.
  • La cartographie de sa distribution d’énergie ou de son champ électromagnétique.

Par essence, le « portrait » est une représentation du processus d’interaction plutôt que du photon lui-même.

2. Une particule sans masse peut-elle même être « visualisée » ?

Les photons n’ont pas de masse, ce qui complique la notion de leur donner une « forme ». La représentation visuelle d’un photon :

  • repose sur des mesures indirectes de ses propriétés, comme l’énergie ou la quantité de mouvement ;
  • peut impliquer des motifs ondulatoires (par exemple, l’interférence ou la diffraction) qui sont liés à la dualité onde-particule du photon, et non à une forme tangible.

Cela signifie que toute image serait un artefact symbolique ou expérimental plutôt qu’une représentation du photon tel qu’il est intrinsèquement.

3. Perspectives scientifiques et philosophiques

Votre intuition correspond à un défi philosophique de la physique quantique : l’observation d’une chose la modifie. Un photon ne peut être isolé et représenté directement car l’acte d’observation implique une interaction qui modifie son état.

  • Point de vue scientifique: Le portrait peut simplement refléter les propriétés mesurables du photon ou la manière dont sa présence affecte le système utilisé pour le détecter.
  • Perspective philosophique: Tenter de « visualiser » un photon simplifie à l’excès sa nature d’entité quantique. Toute image serait une interprétation façonnée par les outils et les méthodes de mesure.

4. Qu’est-ce que les chercheurs auraient pu réaliser ?

En supposant que l’affirmation soit rigoureuse, il est probable qu’ils aient produit :

  • Une mesure très sensible de la façon dont un photon isolé interagit avec un milieu.
  • Une image générée par la cartographie du champ électromagnétique ou du schéma énergétique associé au photon.

Une telle représentation offrirait des informations précieuses sur le comportement des photons, mais n’équivaut pas à la capture du photon lui-même.

Mon point de vue

Le concept de « portrait » d’un photon n’est pas dénué de sens, mais il est métaphorique plutôt que littéral. Il s’agit d’une représentation des effets ou des propriétés du photon dans les limites de nos techniques expérimentales. Bien que cela puisse être scientifiquement significatif, cela ne surmonte pas les limites fondamentales de la visualisation d’une entité intrinsèquement sans masse et quantique. Votre scepticisme, fondé sur une compréhension conceptuelle des photons, est à la fois valable et reflète les profondes subtilités de l’interprétation des phénomènes quantiques.

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20 réponses à “JdG – Physique amusante : le (supposé) portrait d’un photon

  1. Avatar de Pad
    Pad

    Petit Prince, je ne peux dessiner ton photon,
    Il n’a ni contours, ni forme, ni maison.
    Il voyage en silence, messager de lumière,
    Invisible aux yeux, mais partout dans l’éther.

    C’est une onde dans l’espace, une danse sans fin,
    Une trace éphémère qu’on surprend en chemin.
    Pas un mouton, hélas, mais un éclat furtif,
    Qui peint l’univers d’un pinceau créatif.

    Regarde bien les étoiles qui brillent dans le noir,
    Chaque rayon qui t’atteint est un photon d’espoir.
    Alors, imagine-le, ton cœur pour crayon,
    Et toi seul sauras dessiner ton photon.

  2. Avatar de François M
    François M

    Dans le même ordre d’idée, l’instantanéité a été mesurée !

    Elle correspond au temps mis par deux particules pour s’intriquer ensemble, c’est-à-dire que l’état de l’une dépend de celui de l’autre. Le test a été fait sur deux atomes d’hélium, et ce temps est égal à : 232 attosecondes.

    Une attoseconde, c’est un milliardième de milliardième de seconde, soit 10 puissance -18 seconde.

    Durant cette attoseconde, la lumière ne parcourt « que » 0,3 nanomètre, soit la taille d’une petite molécule.

    Sources : Sciences & Avenir n° 934, décembre 2024, p 12. Et Le Point via Internet, pour la dernière phrase.

  3. Avatar de Khanard
    Khanard

    Cela me fait penser à cette femme des temps préhistoriques qui, pour garder le souvenir de son compagnon partant à la chasse, avait tracé sur la paroi de la grotte le contour de son visage . Première représentation de ce qui n’est pas (plus) là .

    Dans les deux cas – la représentation rupestre et l’image d’un photon- se rejoignent dans la réprésentation poétique de ce qui n’existe pas .

    merci pour ce billet.

  4. Avatar de Khanard
    Khanard

    Mon petit doigt me dit qu’on va voir réapparaitre @BasicRabbit 😉
    C’était le dada de René Thom il me semble: qu’est ce qu’une forme ? Comment résiste elle à une déformation ? ppffftttt…..disparaît elle ?

  5. Avatar de timiota
    timiota

    par Fock (https://fr.wikipedia.org/wiki/Espace_de_Fock), si on dit qu’il n’y a qu’un et un seul photon, il n’a point de phase, tant pis pour une « représentation du champ électromagnétique » qui usuellement fait appel à l’amplitude et la phase d’une oscillation.

    1. Avatar de un lecteur
      un lecteur

      Une représentation effondrée, c’est d’actualité !

  6. Avatar de PHILGILL
    PHILGILL

    Ce photon a une tronche de citron !

    1. Avatar de JMarc
      JMarc

      Et même d’une tranche de citron.

  7. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    À quand le portrait d’un quark ou d’un lepton ?

  8. Avatar de Régis Pasquet
    Régis Pasquet

    La nécessité d’ouvrir de nouveaux champs sémantiques s’impose-t-elle déjà? Ou bien cette question a-t-elle effleurée les chercheurs. Si ma demande n’a pas lieu d’être prise en compte… Voyez corbeille.

  9. Avatar de Bruno GRALL
    Bruno GRALL

    Et quand le portrait d’un neutrino ?

  10. Avatar de Tout me hérisse
    Tout me hérisse

    Le photon peut-il être rattaché à la théorie standard de la physique des particules; l’IA ‘Einstein XVI’ est demandée au micro… 😵‍💫

  11. Avatar de Jeannot
    Jeannot

    C’est comme convenir que les atomes sont des petites boules de billard , tant que ça marche pourquoi pas , les mouches ne voient pas les images comme nous , moi par exemple je vois les chiffres et les lettres colorées , un 8 est rouge un 9 vert , alors que la plupart des autres élèves les voyaient blanc au tableau !

  12. Avatar de Jacques Racine
    Jacques Racine

    Copilot: « En effet, les deux concepts présentent des similitudes intéressantes en termes de leur nature abstraite et de leur complexité.

    – **Forme d’un photon**: La « forme » d’un photon peut être vue comme une représentation de son état quantique et de la manière dont il interagit avec son environnement. C’est une abstraction utilisée pour comprendre et manipuler les propriétés des photons dans des contextes comme la nanophotonique ou la physique quantique.

    – **Attention dans un LLM (Large Language Model)**: Le mécanisme d’attention est également une abstraction, mais dans le domaine de l’apprentissage machine. Il permet au modèle de se concentrer sur les informations pertinentes dans une séquence de données, améliorant ainsi la capacité du modèle à traiter et à générer du langage naturel.

    Ces deux concepts, bien que très différents dans leurs domaines respectifs, montrent comment les abstractions peuvent être essentielles pour avancer dans la compréhension et l’application des technologies avancées. Ils nous permettent de modéliser des phénomènes complexes de manière plus compréhensible et utilisable. »

    1. Avatar de Jacques Racine
      Jacques Racine

      Moi: Comment comprendre de sens de « form » dans l’article « Exact Quantum Electrodynamics of Radiative Photonic Environments »?

      Claude: Je vois que vous faites référence à un concept en électrodynamique quantique (QED). Je vais expliquer ce que « form » signifie généralement dans ce contexte, mais je dois noter que ma réponse pourrait manquer de précision étant donné que je n’ai pas accès au texte exact de l’article.

      En QED, le terme « form » est souvent utilisé dans plusieurs contextes importants :

      1. Forme quadratique (Quadratic form) :
      – Apparaît dans l’expression du hamiltonien du système
      – Décrit l’énergie du système en termes d’opérateurs de création et d’annihilation
      – S’écrit typiquement comme : H = Σ ωk a†k ak + termes d’interaction

      2. Forme normale (Normal form) :
      – Organisation spécifique des opérateurs où tous les opérateurs de création sont à gauche des opérateurs d’annihilation
      – Essentielle pour calculer les valeurs moyennes
      – Permet d’appliquer le théorème de Wick

      3. Forme fonctionnelle (Functional form) :
      – Description mathématique de la façon dont les champs interagissent
      – Peut inclure les termes de couplage entre le système et l’environnement photonique
      – Souvent exprimée en termes d’intégrales de chemin

      Pour être plus précis concernant l’usage spécifique dans l’article que vous mentionnez, pourriez-vous citer le passage exact où le terme « form » apparaît ? Cela me permettrait de fournir une explication plus ciblée et pertinente.

      Moi: « In conclusion, we present a general theory that gives a complete and exact description for the quantum electrodynamics of a QE strongly interacting with a radiating photonic device. We quantize the continuous Helmholtz eigenmodes, which we then transform with one-to-one correspondence into a discrete set of non-Hermitian pseudomodes. Thus, we solve common problems met when quantizing non-Hermitian systems, such as mode divergence, defining mode volumes, and identifying canonical field variables. Furthermore, our approach precisely captures all quantum correlations of the field and QE, avoiding common Markovian approximations, and unlike other methods, accurately captures the light propagation to the far field. This new method can be further extended for arbitrary photonic geometries through the analytic continuation of the local density of states and can reveal the non-Markovian behavior exhibited in experimentally realizable systems at the nanoscale. »

      Claude: Dans ce passage, le terme « form » n’apparaît pas directement, mais je vais vous expliquer les concepts clés qui sont présentés dans cette conclusion, qui traite de la formalisation mathématique et physique de l’électrodynamique quantique dans des environnements photoniques.

      Les points principaux sont :

      1. Quantification des modes :
      – On part des modes propres de Helmholtz (continus)
      – On les transforme en pseudomodes non-hermitiens discrets
      – Cette transformation est bijective (one-to-one correspondence)

      2. Résolution de problèmes classiques :
      – La divergence des modes
      – La définition des volumes des modes
      – L’identification des variables canoniques du champ

      3. Avantages de cette approche :
      – Capture exacte des corrélations quantiques
      – Évite les approximations markoviennes
      – Décrit précisément la propagation de la lumière en champ lointain
      – Applicable à des géométries photoniques arbitraires via le prolongement analytique de la densité locale d’états

      4. Implications physiques :
      – Traitement exact des interactions fortes entre l’émetteur quantique (QE) et le dispositif photonique
      – Description des comportements non-markoviens à l’échelle nanométrique
      – Applicable aux systèmes expérimentaux réels

      Cette formalisation mathématique est importante car elle fournit un cadre théorique complet pour décrire des systèmes quantiques couplés à leur environnement photonique, sans les approximations habituellement nécessaires.

    2. Avatar de Jacques Racine
      Jacques Racine

      Moi: « define the precise shape of a single photon » est-ce que « shape » désigne quelque chose de précis en QED ou cela veut juste dire trivialement la forme?

      Claude: Cette question est très intéressante et mérite une réponse nuancée. En QED (Électrodynamique Quantique), le concept de « shape » ou « forme » d’un photon est assez subtil :

      1. Au sens classique/trivial, un photon n’a pas de « forme » comme on l’entendrait pour un objet macroscopique. Le photon est une particule élémentaire, un quantum du champ électromagnétique.

      2. Cependant, en QED, on peut parler de plusieurs caractéristiques qui pourraient s’apparenter à une « forme » :

      – La distribution spatiale de la fonction d’onde du photon
      – Le profil transverse du mode électromagnétique associé
      – La polarisation du photon qui décrit la direction d’oscillation du champ électrique

      Le terme « shape » est souvent utilisé dans la littérature scientifique pour décrire les modes spatiaux du champ électromagnétique quantifié. Par exemple, on parle de « spatial mode shape » pour les modes de Hermite-Gauss ou Laguerre-Gauss.

      Donc « shape » n’est pas vraiment un terme technique précis en QED, mais il peut faire référence à ces différentes propriétés spatiales et modales du photon. Il serait plus rigoureux de parler spécifiquement du mode spatial, de la distribution de probabilité, ou du profil du champ selon ce qu’on veut précisément décrire.

      Souhaitez-vous que j’approfondisse un aspect particulier de ces caractéristiques ?

      Moi: Peux-tu me décrire la photo en tête de cette article : https://www.birmingham.ac.uk/news/2024/new-theory-reveals-the-shape-of-a-single-photon

      Copilot: Bien que je ne puisse pas afficher directement l’image de l’article, je peux vous expliquer ce que ces types de visualisations représentent généralement.

      Les visualisations des photons isolés sont souvent des représentations graphiques montrant la distribution spatiale de l’énergie ou de l’intensité lumineuse. Ces images peuvent présenter des motifs colorés illustrant comment l’énergie du photon est distribuée sur différentes fréquences du spectre électromagnétique. Ces représentations aident à comprendre les interactions entre les photons et la matière.

      Pour voir l’image en question, je vous conseille de consulter directement l’article sur le site de l’Université de Birmingham. Si vous avez des questions spécifiques sur le contenu de l’article ou les découvertes des chercheurs, je serai ravi de vous aider !

      Moi: N’y a-t-il pas un problème à parler de photon « isolé »?

      Copilot: C’est une question pertinente. En physique quantique, un photon « isolé » signifie qu’il est considéré comme étant distinct de toute autre interaction photonique. Cependant, il est important de noter que, même dans cet état, un photon n’est jamais complètement isolé de toutes les influences. Il peut toujours être affecté par des facteurs externes comme le champ électromagnétique environnant.

      Dans le contexte de l’article, « isolé » signifie surtout que les chercheurs ont réussi à caractériser un seul photon en détail, sans qu’il soit influencé par la présence d’autres photons ou de particules. Cela permet de mieux comprendre ses propriétés fondamentales et ses interactions à un niveau plus précis.

      C’est une avancée significative en physique, car elle permet de tester des théories quantiques dans des conditions presque idéales.

      Souhaitez-vous en savoir plus sur un aspect particulier de cette recherche?

  13. Avatar de PHILGILL
    PHILGILL

    Plaidoyer pour un photon isolé

    Entre moi et cet unique grain de lumière s’interpose un portrait qui montre et fait écran. Je suis face-à-face avec un photon aussi nu qu’à ma naissance. Bien qu’un photon ne peut être isolé et représenté directement dans la mesure où « on considère généralement que les photons n’existent qu’à travers leurs interactions », mon regard arrive au terme de sa logique : enlisement ou sursaut ?
    Il vaut alors la peine que je me pose la question : et si cette image était le portrait-robot de ma propre atomisation ? Autrement dit : elle ne surgit pas maintenant par hasard. Elle est le résultat d’une très longue histoire, qui de séparation en séparation, désigne le fruit de l’indivisible, installé sur son trône certes rayonnant, mais dont la lumière n’a plus à montrer sa force.
    Ainsi, pensons-nous sortir du chaos l’intelligence du monde ?
    Enfin, pour qui et devant qui ce photon existe-t-il encore ?
    Lumières de toutes les galaxies, unissez-vous !

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      @PHILGILL (« Je suis face-à-face avec un photon aussi nu qu’à ma naissance »)

      Vous êtes pile-poil dans le problème de la renormalisation !

      Je me suis intéressé à ce problème après avoir parcouru la préface thomienne de « La dynamique qualitative en psychanalyse » par le freudienne Michèle Porte* :

       » Pour le physicien, pas de problèmes, la lumière est définie par sa loi de propagation spatiale. Mais le problème ressurgit lorsqu’on considère l’électron interagissant avec un photon. Là il s’agit du célèbre problème de la renormalisation où le champ produit n’agit pas sur lui-même, ce qu’on réussira par ce procédé sophistiqué qu’est la « renormalisation ». En notre cas, il s’agit d’écrire la relation entre narcissisme primaire anobjectal (électron seul) et « amour primaire » (investissement par le photon). »

      N’y comprenant rien j’ai essayé de me rabattre sur des idées physiques plus simples, repoussant sans doute aux calendes grecques la compréhension de la transposition psychique du problème physique.

      Et je suis tombé sur un article d’Alain Connes** où j’apprends qu’une balle de ping-pong « nue » est soumise à une force 11 fois supérieur à la poussée d’Archimède (et qu’une particule ponctuelle est soumise à une poussée infinie)! Et, puisqu’il s’agit d’un résultat connu de Green (contemporain de Riemann), il y a peut-être pour moi un espoir de comprendre un petit quelque chose.

      * : https://excerpts.numilog.com/books/9782130457718.pdf (p. XIII)

      ** : https://alainconnes.org/wp-content/uploads/renorm-galois.pdf (section 2.1 p.116)

    2. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      @PHILGILL (« Il vaut alors la peine que je me pose la question : et si cette image était le portrait-robot de ma propre atomisation ? Autrement dit : elle ne surgit pas maintenant par hasard. Elle est le résultat d’une très longue histoire, qui de séparation en séparation, désigne le fruit de l’indivisible, installé sur son trône certes rayonnant, mais dont la lumière n’a plus à montrer sa force. »)

      Là, vous êtes pile-poil dans la différenciation embryologique chère à Thom. Celui-ci la relie, par une analogie pour moi génialissime, à la différentiation des fonctions (développement embryonnaire analogue au développement de Taylor). Pour moi l’intuition primordiale de Thom est là ; il l’expose au tout début de « Stabilité Structurelle et Morphogénèse » (écrit en 1968, édité en 1972, réédité en 1977).

      L’œuf totipotent y est l’analogue de la fonction indéfiniment différentiable, mais initialement indifférentiée, votre « indivisible ».

      On retrouve cette même idée à la fin de « Esquisse d’une Sémiophysique » (1988), là où Thom fait une incursion en métaphysique extrême (en fait en théologie) « que le lecteur me pardonnera peut-être »*, avec l’analogie œuf totipotent/Dieu tout puissant :

      « L’image de l’arbre de Porphyre me suggère une échappée en « Métaphysique extrême » que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu’aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d’être déterminé par l’expérience. En revanche, lorsqu’on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d’ « hypergenre », dont on a vu qu’elle n’était guère susceptible d’une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l’Être en soi. Le métaphysicien est précisément l’esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu’au contact avec l’Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l’espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l’ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l’ontologie, d’où il pourra redescendre par paliers jusqu’à nous, individus d’en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur. Mais très fréquemment, épuisé par l’effort de son ascension dans ces régions arides de l’Être, le métaphysicien s’arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une « idéologie », prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu’est le cancer.

      Aristote a dit du germe, à la naissance, qu’il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n’a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l’esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d’Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n’existera-t-il pleinement qu’une fois sa création achevée: « Premier selon l’être, dernier selon la génération ». »

      * : mais que PJ ne lui a pas encore pardonné, préférant rester jusqu’à présent dans les basses branches de l’arbre de Porphyre, enfermé dans son idéologie, pour moi cancéreuse, qui consiste à ne pas vouloir « monter » en métaphysique (cf. son PSI).

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