IA : Pourquoi ce dédain pour le feu d’artifice dans la QUALITÉ ?

Illustration par ChatGPT 4o

Dans notre petit groupe de discussion à l’Université Catholique de Lille, une collègue écrit tout à l’heure :

De temps en temps je me dis que je suis contente d’avoir soutenu ma thèse avant chatgpt, juste parce que c’est une preuve que ma recherche n’a pas été générée par IA. Ce qui doit quand même être une inquiétude pour certains doctorants aujourd’hui.
(Au-delà des enjeux pour l’enseignement)

Je viens de lui répondre :

« Tricher / pas tricher ? », « L’évaluation est-elle encore possible ? ». J’ai fait passer (oralement) les examens samedi à la fac de Droit ici (DU de criminologie interculturelle), à aucun moment je n’ai eu le sentiment que l’évaluation était truquée (21 étudiantes / 1 étudiant). Les meilleur(e)s ont compris l’usage qui peut être fait de l’IA. J’avais intitulé ma dernière leçon (2 heures sur les 20 heures du cours) : « Intelligences naturelle et artificielle » – c’est la deuxième année que je la donne. Ma question : pourquoi ce dédain hautain, paternaliste, pour la dimension essentielle selon moi in fine : le feu d’artifice auquel nous assistons dans la QUALITÉ du savoir en circulation ?

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31 réponses à “IA : Pourquoi ce dédain pour le feu d’artifice dans la QUALITÉ ?

  1. Avatar de Casalonga Francois
    Casalonga Francois

    Sans doute la peur d’être « dépossédé » de son savoir s’il n’a pas couté d’efforts? Oui, c’est tout à fait paradoxal, car qu’importe la façon dont on a pu synthétiser et analysé des informations, le but étant de les avoir réuni de façon pertinente et d’avoir su les communiquer.
    Je n’ai aucune compétence en IA, les seules informations, à priori fiables, que je possède viennent de ce blog ou de divers papiers ou interviews de personnes qui ont une réelle expertise sur le sujet. A ce propos, je viens d’écouter cet interview d’un ancien chercheur dans le domaine (il ne précise pas quel était son employeur) et qui milite dans une organisation qui s’appelle Pause IA, le nom parle de lui-même.
    Ce qu’il dit est tout à fait terrifiant, mais semble bien étayé. Je serais curieux de connaitre l’avis des contributeurs de ce blog (et pourquoi pas du Maitre des Lieux lui-même).
    Voilà le lien: https://www.youtube.com/watch?v=daBYdNNK8cE

    1. Avatar de JMarc
      JMarc

      François,

      Je ne regarderai pas cette vidéo de 1h51 mais voici mon avis :
      Le simple fait de demander une pause disqualifie son auteur. Comme nous l’avait indiqué PJ, une telle pause annoncée dans la recherche ne serait pas respectée par les Etats et leurs armées (les enjeux sont trop grands) et continuerait sans que le grand public ne puisse avoir la moindre info, la moindre prise.

  2. Avatar de gaston
    gaston

    Peut-être une réaction à cette nouvelle blessure narcissique ?

    https://psycurieux.ca/2023/03/13/chatgpt-la-quatrieme-vexation-de-lhumanite/

  3. Avatar de toutvabien
    toutvabien

    Le frisson de l’embrasement même des feux dits d’artifice n’empêche pas l’incertitude; https://www.axios.com/2025/06/16/ai-doom-risk-anthropic-openai-google

    1. Avatar de petit coton
      petit coton

      ce n’est pourtant quand même pas très difficile à comprendre : c’est parce qu’on a peur qu’en confiant tout à l’intelligence artificielle on soit dépossédés de nos savoirs et de nos savoir-faire ; ce que Stiegler appelait la prolétarisation. Et du coup on ne sera plus capables d’estimer la valeur de ce qu’on a produit l’intelligence artificielle. C’est si dur que ça à comprendre ? Si on a des enfants en pleine formation tout cela semble évident et inquiétant.

  4. Avatar de un lecteur
    un lecteur

    Démystification de notre inconscient qui renferme les ressorts des émotions qui pilotent nos vies, et ceci par un corps étranger à notre humanité, un envahisseur.
    Nous avons, au fil de nos existences, dû renoncer, céder la place à plus forts que nous.
    À quoi bon s’élever pour découvrir nos failles et devoir quitter le confort de notre réseau, notre territoire acquis de haute lutte. Si on le fait tous ensemble, alors pourquoi pas, mais tout seul dans mon coin, je ne vois pas l’intérêt.
    Heureux les simples d’esprits !
    Nous naissons et grandissons avec un rayon d’action dans le temps et l’espace qui contraignent nos élans de voyageur et de conquérant.
    L’important, c’est le savoir et non l’avoir.

    1. Avatar de Arnould
      Arnould

      De tous les posts principaux et commentaires de ce blog, ce sont les interventions de arkao que je trouve toujours justes que j’apprécie le plus. Merci arkao.

    2. Avatar de JMarc
      JMarc

      arkao,

      Seuls y croivent (*) les benêts au QI négatif.

      Rien de vraiment nouveau, on avait déjà (en plus crédible) le film Danton d’Andrzej Wajda avec un Robespierre en monstre absolu ou une interview sur Le Media, Le grand méchant Robespierre sur le même présenté comme un saint.

      La multiplication des fakes représente bien un danger mais aussi l’espoir, solide, que l’on cherchera d’autant plus, face à leurs outrances, de bonnes références.
      Les fakes nous feront peut-être bien de moins en moins peur, seront de moins en moins crédibles au fur et à mesure que chacun pourra en produire facilement, ce qui est déjà assez largement le cas.

      (*) Complots faciles : « Il y a ceux qui sachent et ceux qui croivent sachoir. »

    1. Avatar de Paul Jorion

      Déjà multiplement débunké une semaine plus tard.

      1. Avatar de CloClo
        CloClo

        Oui mais comme il vient de Mars, c’est à cause de la constante C ! (Et je ne parle pas de la vitesse de la lumière)

  5. Avatar de Robin Denis
    Robin Denis

    Bonsoir Paul
    J’avoue que je ne comprends pas votre réponse.
    Pour moi il faudrait la développer ?
    Merci

  6. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
    Pierre-Yves Dambrine

    C’est sans doute la réponse de la bergère au berger à un moment où le débat se polarise non ?

    Ce que dit cette collègue porte-t-il essentiellement sur des questions de tricherie ?

    Cela me semble réducteur que de l’affirmer puisque dans l’extrait produit elle met littéralement entre parenthèse les enjeux liés à l’enseignement (et donc l’aspect évaluation) sans nier leur importance.

    Je suppute que pour elle l’enjeu se situe dans la manière dont on produit une thèse, ce qui est l’enjeu serait alors la manière de produire de la connaissance, de se l’approprier, à l’heure de l’IA. Et plus généralement ce que peut et doit être la connaissance dans notre société d’aujourd’hui.

    Dans la citation elle insiste sur l’aspect recherche dans la fabrication de la thèse. Il faudrait donc l’interroger plus avant pour savoir ce qu’elle penserait perdre en utilisant l’IA et ce qu’elle pense y gagner en ne l’utilisant dans ses recherches.

    Quelles sont pour elle les qualités attribuables à la connaissance « classique » que l’IA n’a pas, et inversement quelles seraient les qualités spécifiques que pourraient apporter la connaissance produite par l’IA ? Un type d’acquisition de la connaissance se substitue-t-il à l’autre, le remplace-t-il éventuellement avantageusement en tous points, ou bien sont-ils complémentaires ?

  7. Avatar de Garorock
    Garorock

    Si un doctorant a à sa dispostion  » la QUALITÉ du savoir en circulation » il pourra produire une thèse à plus haute valeur ajoutée que s »il n’avait en magasin qu’un savoir provisoire et parcellaire, non?

  8. Avatar de Ruiz
    Ruiz

    La question est de savoir si une thèse générée avec tout ou partie contribution de l’IA est meilleure que celle générée sans, voire sans aucune contribution humaine.
    Comme une thèse est reconnue par ses pairs, une IA est elle capable avec des performances raisonnables/acceptables de reconnaître une thèse, participer à la diriger, participer à un jury, constituer collectivement (plusieurs IA ?) un jury ?

    La raison d’être d’une thèse est-elle de faire progresser le savoir, ou de caractériser un individu qui l’aurait produite ?

    Suivant le cas peu importe que tout le travail ait été réalisé ou non par une IA.

    Le génie du prompt est il différent à l’organisation de recherches parmi les documents d’une bibiothèque dont le savoir est prééxistant ?

    1. Avatar de pierre guillemot
      pierre guillemot

      « La raison d’être d’une thèse est-elle de faire progresser le savoir, ou de caractériser un individu qui l’aurait produite ? »

      La réponse est dans Ivan Illich, « Deschooling society » et autres : le but de toute institution scolaire est de faire la démarcation entre les diplômés et les non-diplômés, en créant chez les non-diplômés la conscience de leur manque et de leur infériorité. Le savoir et les compétences (skills) sont une autre question.

  9. Avatar de Thomas
    Thomas

    À propos de l’IA et de l’éducation
    Voici enfin une bonne nouvelle : même nos tout-petits vont pouvoir bénéficier de l’IA ChatGPT puisque Barbie devrait être bientôt capable de tenir une conversation avec son ou sa propriétaire. C’est magnifique, Mattel a annoncé un partenariat avec OpenAI (ChatGPT) pour donner la parole à la poupée la plus emblématique.
    Merci Mattel, merci OpenAI. Nos petits sont en de bonnes mains, celle des entreprises tournées vers le progrès et qui n’ont qu’un objectif, l’éducation de nos enfants.

    https://geeko.lesoir.be/2025/06/13/mattel-va-integrer-chatgpt-a-ses-poupees-barbie/

  10. Avatar de Dni_br
    Dni_br

    Ce n’est pas la « triche » qui dérange, mais la mise en crise du monopole académique sur l’« intelligence ». Comme dirait Foucault : quand les rapports de savoir vacillent, c’est tout un agencement de pouvoir qui se défend.

  11. Avatar de Claude Roux
    Claude Roux

    Si j’avais eu une IA à ma disposition quand j’ai écrit ma thèse, je pense que je me serais épargné l’angoisse de la page blanche qui m’a fait perdre une année complète. Incapable d’organiser mes idées, persuadé d’être à côté de mon sujet, je n’ai pas été capable de rédiger une ligne pendant des mois, parmi les plus stressants de ma vie.
    L’IA est aussi un magnifique partenaire de composition, non pas qu’elle doive tout écrire, mais on peut lui soumettre des idées et lui demander de produire des contre-arguments. Elle peut aussi nous éviter l’enlisement dans un minimum local, autrement dit, nous aider à sortir du trou quand on s’est enfermé dans une logique de pensée qui nous fait tourner en rond, autre syndrome de la page blanche.
    Et enfin, et je crois que c’est l’utilisation la plus intéressante, l’IA ne nous juge pas. Nous pouvons lui poser les questions les plus idiotes, qui montrent l’étendu de notre ignorance, sans nous sentir gêné ou humilié. Or on sait qu’une grande partie des étudiants passent à côté de certains sujets, parce qu’ils n’ont pas osé poser à leur professeur la question qui les aurait débloqués.
    Il ne faut pas aussi diminué le risque de gens qui vont laisser l’IA tout faire, sans tenter de comprendre ce qu’elle a produit. La fainéantise intellectuelle a toujours fait partie du jeu.

  12. Avatar de gaston
    gaston

    Question criminologie, dans sa nouvelle « Le Double Assassinat de la Rue Morgue », Edgar Poe, s’il était de retour aujourd’hui, aurait probablement choisi comme auteur des crimes, non pas un orang-outan, mais une bestiole venant de Palo Alto :

    https://www.lesnumeriques.com/intelligence-artificielle/chatgpt-provoquera-des-morts-c-est-l-ia-elle-meme-qui-le-dit-et-ca-aurait-deja-commence-n238097.html

    1. Avatar de JMarc
      JMarc

      gaston,

      ça me rappelle cette anecdote, pas forcément authentique :
      Comme un Anglais demandait à Goethe ce qu’il pensait du fait que des jeunes gens se suicidaient après avoir lu Les Souffrances du jeune Werther, Goethe lui aurait répondu : « Monsieur l’Anglais, votre système économique fait des milliers de morts chaque année, vous pouvez bien m’en laisser quelques uns. »

  13. Avatar de Régis Pasquet
    Régis Pasquet

    Quelques réflexions :

    — Tous les élèves, tous les étudiants ne sont pas confrontés à la production d’une thèse/sanction d’un savoir universitaire acquis…

    — Lorsque les élèves/ étudiants composent dans une salle d’examen soit on autorise le recours aux IA soit on les interdit… L’important n’est-il pas de veiller à la justice des conditions dans lesquelles on les installe.

    — Quels est l’objectif des examens ? Que veulent savoir les professeurs ?

    — Je ne me rappelle plus qui disait : » Je ne sais pas tout mais je sais où chercher. » Autrefois dans les livres, les encyclopédies, les documentaires, les essais… On trouvait.
    Aujourd’hui dans les IA, on trouve.

    — Mais cela n’a guère d’importance. Et pourquoi les lieux où nichent les savoirs n’ont-ils guère d’importance ? Parce ce qui compte est bien de savoir utiliser tout ces outils et produire une sorte de chef-d’œuvre tel qu’on les réclamait naguère aux Compagnons de Tour de France.

    — Inspiré par les pédagogies du projet ( coopération, Freinet etc…) Il me semble qu’il serait pertinent de réclamer des élèves des étudiants quel que soit leur niveau de proposer un projet en lien avec les situations vécues par les uns ou les autres dans un monde effondré pour, par exemple venir en aide à l’humanité . Et sauver le vivant.

    — Bon, voilà sans doute qui ne va pas plaire à l’Université, mais qu’importe ! Mais il faudra bien parvenir à organiser nos sociétés comme elles ne l’ont jamais été. Il faudra juste un peu d’intelligence, n’est-ce pas ?

  14. Avatar de Manuel Guérin
    Manuel Guérin

    Votre confrère n’est-elle pas simplement déprimée de faire partie d’un club en voie d’extinction ?

    Je ne saurais que recommander l’intégralité de l’interview de Hinton sur DOAC.

    Le chapitre « Why is AI superior to human » apporte une lumière crue sur la relégation en cours de l’élite intellectuelle dans des divisions inférieures.

    Passer le flambeau, même à meilleur que soit, est un exercice difficile. Apprécier la qualité supérieure des vainqueurs demande beaucoup de fair-play.

    https://m.youtube.com/watch?v=giT0ytynSqg&t=1s&pp=2AEBkAIB

  15. Avatar de Yannick
    Yannick

    Bonjour,
    Je ferai ici un parallèle avec la mondialisation.
    Par l’ouverture des frontières et la circulation peu régulée des capitaux, la mondialisation a permis à nos industriels d’aller produire ailleurs à bas côut ce qui était vendu ici un certain prix. L’amélioration des marges était évidente.
    Partant ailleurs, les usines ont fermé ici. On parlait alors de miser sur les services, édulcorant la question de la richesse qui les paierait.
    Quand une usine ferme, il y a des conséquences non monétisées, un genre d’externalité sociale à cette belle marge dégagée par les délocaliseur.
    Quand l’usine est fermée, sa valeur est réduite à néant. Le long travail de sa construction est détruit. Pourtant il en avait fallu des mains et du savoir faire pour la construire. Ce savoir faire d’industrialisation n’est plus utilisé si d’autres usines ne sont pas construites. Peu à peu, on ne sait plus construire des usines.
    Récemment l’Europe a rencontré un problème lorsqu’elle a cherché – et floppé – à construire des usines de batteries: personne ne savait les construire et la majorité des projets ont été abandonnés pour cette raison, même après avoir été cherché des ingénieurs… en Chine.
    Quand l’usine est fermé, ce sont aussi les savoir-faire de ses opérateurs qui disparaissent. Imaginons une usine de tissage ou de production de médicaments. Les métiers ne peuvent plus être pratiqués, les seniors partent ailleurs, les jeunes ne sont plus formés. Plus personne ne saurait régler une machine, ni résoudre un problème de fabrication, voire simplement faire fonctionner le système. Ainsi, redémarrer une activité dans ces domaines prendrait des années, voire pourrait se révéler impossible.
    C’est ici l’externalité principale des délocalisations: la perte du savoir et de l’expérience. C’est une perte humaine, une régression.
    Si la peur « primale » face à l’IA est de perdre son emploi, le réel danger est sans doute du même ordre que celui exposé ci-dessus. Il y a risque de déracinement local des savoirs par concentration de ces derniers dans bien peu de mains.
    Si en biologie – domaine où je ne connais presque rien – les jeunes se servent massivement de l’IA pour générer de potentielles molécules et étudier ces dernières, comment sauront-ils avec expérience comment ces molécules peuvent se construire ? comment auront-ils l’intuition que c’est dans une direction ou une autre qu’il faut aller pour progresser ? comment sauront-ils eux-même faire ce que l’IA fait 1000 fois plus rapidement qu’eux ? En fait, ils ne le sauront plus car ils cesseront de pratiquer les savoirs de base.
    Je pense que c’est ça qui doit faire peur.
    Je suis certain que les thésards ont raison d’utiliser l’IA à sa plus grande puissance. Ainsi, ils peuvent aller plus loin, et progresser est bien leur mission. Mais aujourd’hui, ces thésards bénéficient encore d’avoir été à la paillasse pendant leur formation. Je me demande par contre ce qu’il en sera dans 10 ans, quand leur paillasse n’aura été qu’un clavier d’ordinateur ou Siri.
    Si ces thésards sont la pointe de la science, qu’en sera-t-il des armées de techniciens ? Que sauront-ils encore faire dans 10 ans ? Combien en restera-t-il ?
    Enfin, ces IA, qui sont-elles ? ou sont-elles ?
    Un chercheur Français aidé d’une IA Américaine ou Chinoise n’est il pas quelque peu en dépendance ? Ne serait-il pas possible de lentement le tromper ? Ne serait-il pas possible de le maintenir dans le noir ? Ne pourrait-on pas simplement lui bloquer l’accès à l’utilisation ou à ses résultats ou à ses données ?
    Ah Ah… Comme pour les graines, peut être faudrait-il se doter d’un conservatoire de chercheurs! Un endroit dont on se moquerait un peu avec ses chevelus et sa « slow science », mais un endroit où on préserverait des savoirs-faire fondamentaux, juste « au cas où ».

  16. Avatar de timiota
    timiota

    En somme, si notre intellect n’est plus qu’un solliciteur d’IA, les émotions (le plaisir d’avoir accès à tel ou tel « connaissance ») reprennent le dessus sur ce qui est logique cartésienne. Ou du moins sur son cheminement façon Aristote (« qualité analytique » et non « dialectique » ou « rhétorique »).

    Du fait que le retour des droites extrêmes en politique m’apparait aussi lié à un primat des « émotions » sur la rationalité, ça m’inquiète. Ce « primat des émotions » est entre autre la thèse de Eva Illouz. C’est aussi, d’une autre façon, ce que pointe Giuliano da Empoli (itw samedi dernier dans « Signe des Temps sur FC » ) dans son dernier livre « L’heure des prédateurs », où il souligne comment des Bukele (Salvador) et des Trump appuient (de fait ou de discours) sur un gouvernement impulsif (pulsionnel aurait dit Bernard Stiegler), qui se débarasse de la couche technocratique. C’est ainsi que Bukele a fait emprisonner les membres des gangs salvadoriens sur la simple foi de leurs tatouages (documentés par des guides publiés), sans les garde-fous démocratiques de type habeas corpus. Et ayant obtenu la sécurité dans son pays, il s’est fait réélire comme « gentil dictateur » avec 80% des voix (3000 observateurs ont vérifié que c’était sans fraude).
    L’incapacité de la rationalité à « tenir sa place » en terme de résultats et de liens avec le savoir des peuples est l’élément clé dans cette affaire. Si on fait fi de « notre » (orgueilleuse, trompeuse, …) rationalité, on peut certes éviter ses travers et avoir accès à « quelque chose de supérieur », mais le recâblage vers les émotions induit un bruit qui désynchronise les efforts des peuples vers des formes d’émancipation tels qu’on a pu les connaitre depuis en gros les Lumières ou depuis 1776/1789.
    C’est que dans l’émotion il y toujours aller et retour (l’insatisfaction qui se mue en colère est un retour) , tandis que dans les technocraties plus ou moins paralysées (façon PS de Faure sans parle du pseudo-PS de Hollande), le retour est simplement nié, et le peuple se sent méprisé. Le carré dignité/organisation/savoir/émotion me semble un outil d’analyse de tout cela.

  17. Avatar de Paul V.
    Paul V.

    Certaines personnes pensent que l’IA nous veut du bien et qu’elle va nous sauver. Que penser alors du contrat de 200 millions de dollars qu’OpenAI a décroché pour développer des outils d’intelligence artificielle au service de la défense américaine (1)? Comme toujours, l’homme utilise toutes ses inventions pour le meilleur ET pour le pire. Ce n’est donc pas l’IA qui nous aidera mais un changement de mentalité (peut-être impossible) des hommes.

    (1) https://invezz.com/fr/actualites/2025/06/17/openai-decroche-un-contrat-de-defense-de-200-millions-de-dollars-aux-etats-unis-pour-developper-des-outils-dia/

    1. Avatar de JMarc
      JMarc

      Très Saint Père,

      Et si l’IA, nous dépassant, nous donnait une leçon d’humilité, réduisant notre hubris ?

  18. Avatar de pierre guillemot
    pierre guillemot

    Dans une vie antérieure, j’avais rencontré un méchant vieux qui persécutait les jeunes en leur parlant de leurs « organes exosomatiques ». Il annonçait aux porteurs de calculettes (une nouveauté en ce temps là) que bientôt ils ne sauraient plus calculer de tête ni sur un papier, qu’ils seraient dépendants.

    Raconté par quelqu’un qui venait de vivre la grande panne d’électricité en Espagne : elle était allée acheter du pain avec son petit-fils, 9 ans ; scène de désolation ; le boulanger privé de lecteur de carte bancaire et de caisse enregistreuse ne servait que les gens qui avaient de l’argent en espèces ; il faisait les additions sur une ardoise et la montrait pour annoncer le total à payer. Le petit-fils contemplait la scène ; en sortant il a déclaré « Maintenant j’ai compris pourquoi j’apprends à compter, c’est pour les jours comme aujourd’hui. »

    Il y a quelques années (il y a longtemps maintenant, le téléphone portable n’était pas encore smart) j’ai eu l’occasion de faire un tour en baie de Quiberon, aller à Houat et revenir en rivière d’Auray, sur un petit bateau qui avait la VHF. Beau temps un peu brouillé, sans vent, on voyait à peine la côte ; j’ai entendu un plaisancier en détresse qui appelait : son GPS était en panne, il ne savait plus où il était et demandait de l’assistance.

    Que se passera-t-il quand l’usage quotidien de l’intelligence artificielle aura fait perdre la capacité de poser un problème le moindrement intellectuel, quand la maîtresse de maison ne saura plus dans quel ordre préparer le repas pour que tout soit prêt à l’heure du dîner.

    Entretemps, Guillaume Pouget (1847-1933, Jean Guitton « Portrait de Monsieur Pouget »), qui pouvait consulter dans sa tête toute la Bible et les textes des Pères de l’Eglise, dans les langues originales, et répondre ainsi aux questions d’interprétation que ses visiteurs lui posaient (il était aveugle, et aussi interdit d’enseignement par le Vatican) sera considéré comme une légende.

  19. Avatar de konrad
    konrad

    « De quelle manière le visible est-il relié à l’invisible, le sacré au profane, le corps à l’âme ?
    Par mille fils entremêlés les uns aux autres et réunis en un nœud.
    Des sages d’Asie Mineure demandèrent à Alexandre le Grec en désignant le nœud gordien :  » Sais-tu de quelle manière les mondes sont reliés entre eux ?  »
    Il répondit à la texane comme un quelconque terminator au rabais, par un geste qui lui valut l’admiration des sots : d’un coup de sabre !
    En coupant en son milieu le nœud, il entérine le drame de l’Occident : la mort de la relation, l’ère de la dualité, le terrorisme du « ou bien, ou bien  » qui traverse toute l’institution de notre imaginaire, du politique à l’informatique (élaboré sur le deux).
    Dès lors le prodigieux déploiement de la richesse qui habite entre les pôles, l’espace même de la respiration est sacrifié.
    Le monde moderne est né.
    Que veut dire ce nœud ? Ce nœud que, dans le commentaire talmudique, Dieu porte dans la nuque quand Moïse l’aperçoit de dos.
    Le nœud exprime le mystère du monde créé.
    Rien n’est ni linéaire, ni causal, ni prévisible.
    Le nœud nous dit : prends soin du monde et de tout ce qui te rencontre.
    L’inattention te couterait cher, te ferait rater les plus grands rendez-vous.
    Tu ne sais jamais à quoi le fil que tu tiens est relié de l’autre coté.
    A l’autre bout.
    Chaque inconnu qui te rencontre peut être le messager des dieux. »

    Christiane Singer. Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? Livre de poche.

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  2. Le lien ad hoc : https://video.lefigaro.fr/figaro/video/lambassadeur-israelien-aux-etats-unis-previent-que-des-surprises-arrivent-dans-la-nuit-de-jeudi-a-vendredi/

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