EN PLUS GRAND, LA PARTIE DE MISTIGRI SE POURSUIT… par François Leclerc

Billet invité.

Les quelques mille milliards d’euros achetés par les banques centrales nationales (BCN) ne seront que huit cent milliards, mais qu’importe ! Il faut en effet déduire le montant des titres des agences gouvernementales qui vont être achetés par la BCE, ainsi que la part des achats des banques centrales grecque et chypriote qui paraissent exclus.

Cela reste néanmoins substantiel et donne un nouvel éclairage à l’initiative de la BCE. Son programme va permettre de poursuivre le transfert vers des institutions publiques – les BCN – d’importantes quantités de dette détenues par des investisseurs privés. Qu’il s’agisse de banques, d’assureurs, de fonds de pension ou même de caisses de retraite (organismes de droit privé chargés d’une mission de service public, ou d’intérêt général). Dans la pratique, cela va constituer un obstacle de plus à toute restructuration de la dette, car le soulagement budgétaire qu’un gouvernement pourrait en retirer se traduirait immédiatement par des pertes équivalentes pour sa banque centrale, s’il se vérifie que chacune d’entre elle va privilégier l’achat de la dette de son propre pays.

Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, a soulevé dans le quotidien Bild un tout autre risque, pour le déplorer. Il constate également que les BCN vont devenir « parmi les plus gros créanciers des États » de la zone euro, mais en tire une toute autre conclusion : les BCN seraient susceptibles d’être exposées à une « pression politique » de leur État actionnaire, avec pour objectif de minimiser la charge de la dette. Cela représenterait une incitation à ce que les gouvernements n’accomplissent pas les réformes structurelles, ce point cardinal de la stratégie poursuivie.

Remarquons que les deux considérations ne sont pas incompatibles ! Adair Turner, qui a préconisé que la BCE fasse rouler la dette publique après l’avoir achetée en grand, ne s’est pas exprimé mais ne doit pas être mécontent de la tournure que prennent les évènements. Encore un petit effort : pourquoi ne pas transformer celle-ci en dette perpétuelle, cette formule déjà utilisée dans de très grandes occasions, qui permet de ne payer que les intérêts sans rembourser le principal ? Au mistigri, tous les coups sont permis !

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