LE TEMPS QU’IL FAIT LE 2 SEPTEMBRE 2016 – Retranscription

Retranscription de Le temps qu’il fait le 2 septembre 2016. Merci à Marianne Oppitz !

Bonjour, nous sommes le vendredi 2 septembre 2016 et ce n’est pas tous les jours que, nous, l’opinion publique, les citoyens ordinaires, remportons des victoires sur la finance, sur le monde financier. Il y en a une qui est en train de se dessiner et l’autre qui a été remportée il y a quelques jours et il faut nous réjouir. Il ne faut pas, bien sûr, tout de suite crier victoire et nous reposer sur nos lauriers, mais la preuve est faite que la pression que nous pouvons exercer en tant que citoyens sur les milieux financiers est en train de porter ses fruits. Depuis 2008, il n’y a pas eu beaucoup de ces victoires, je les aurais signalées ici, mais, là, nous sommes en train de remporter des victoires importantes et il faut le souligner.

Alors, il faut analyser aussi comment cela a pu se faire, et puis, continuer, voilà : enfoncer le clou, porter le fer sur d’autres choses. Nous sommes en train de gagner. Bon, il y aura peut-être encore des revers, même sur ce qui est en train de se passer maintenant. Et c’est pour cela qu’il est important que nous intervenions de manière massive pour soutenir les efforts qui sont faits.

Alors, vous vous en doutez, il y a deux choses. Il y a le traité transatlantique qui a du plomb dans l’aile – je vais y revenir -, et il y a aussi les « rulings », les Tax rulings, ces cadeaux que font certains pays, souvent des petits pays, à de grandes compagnies en leur proposant de payer des sommes symboliques sur leurs impôts. Ce que ces grandes compagnies font avec enthousiasme. Et là, la victoire c’est que la Commissaire à la concurrence, Madame Margrethe Vestager, qui est de nationalité danoise, qui vient d’épingler la compagnie Apple qui réclame, au nom de l’Europe, qui lui réclame 13 milliards d’euros et si on calculait les intérêts à ajouter, il faudrait bien entendu, augmenter la somme qui pourrait monter jusqu’à 19 milliards : ces sommes sont dues à l’Irlande.

Elles sont dues à l’Irlande, c’est ça évidemment l’ironie, qui a permis à Apple de payer seulement des fractions des impôts qu’ils auraient dû payer à l’intérieur de la zone euro, de l’Union Européenne. Et bien sûr, ces sommes, ces 13 milliards, ont été volées essentiellement à d’autres pays que l’Irlande et c’est mis d’ailleurs dans les attendus de la décision : que les Européens se mettent d’accord sur quel argent revient à qui. Et le paradoxe, évidemment, c’est de mettre en situation un pays et qu’il dise à la face de ses citoyens : « Non, je refuse ces 19 milliards qu’on dit me rembourser. »

La Belgique s’était déjà retrouvée dans cette situation pour un montant moins élevé, 700.000 € si j’ai bon souvenir, que le gouvernement de droite en ce moment à la tête du pays avait refusés. Voilà, il faudra expliquer aux citoyens pourquoi on refuse des sommes dont la Commission européenne décide qu’elles sont dues.

L’affaire, vous la reconnaissez, c’est la même chose que dans l’affaire d’Al Capone. Al Capone qu’on n’avait jamais pu épingler pour les meurtres qui avaient été commis par sa bande, sous ses ordres. Et on a fini par l’épingler pour fraude fiscale. Ici, dans l’Europe, en raison du fait qu’on n’a pas réuni les conditions nécessaires pour que l’Europe puisse fonctionner et, en particulier, qu’il n’y a pas d’unification fiscale des pays de la zone euro, ni de l’Union européenne, alors, pour faire rentrer un peu d’argent, pour mettre un peu d’ordre là-dedans, on est obligé d’utiliser la question de la concurrence et de considérer, comme cela a été fait dans les attendus de la décision récente, on est obligé de dire que ces sommes, qui n’ont pas été perçues, sont des subventions implicites, des subventions cachées et que par conséquent, pour maintenir la concurrence entre les pays, il faudrait que ces sommes aient été perçues.

Alors, c’est un bon moyen ! Vous allez voir que la presse ultralibérale est en train de pousser des hauts cris disant que la décision est « à titre rétroactif ». Absolument pas ! si vous volez un million dans une banque et qu’on vous demande de les restituer le jour où vous êtes devant le tribunal, ça n’a rien de rétroactif. Non, le terme est appliqué par erreur ou … pour essayer d’enfumer ! Non : les sommes n’ont pas été payées là où elles devaient l’être, et quand on demande de les restituer, il n’y a rien de rétroactif là dedans. C’est un principe, voilà, de restitution, de rééquilibrage, et l’argument disant qu’il y a quelque chose de rétroactif là-dedans, est faux, il ne tient pas debout.

Ce qui est dommage, c’est que c’est en l’absence d’une politique fiscale européenne, unifiée, qu’on est contraint d’utiliser des moyens un peu détournés. Mais l’argument n’est pas mauvais que c’est une concurrence déloyale de certains pays vis-à-vis des autres. Alors, je suppose qu’on n’est pas en train de pavoiser dans les rues du Luxembourg, par exemple, ce matin, parce que si on devait appliquer ça au Luxembourg, vous pensez bien que le pays cesserait rapidement d’être le pays où on est le mieux payé en Europe. Je pense que c’est beaucoup d’argent belge qui a été pompé probablement au Luxembourg, au fil des années. C’est une subvention indirecte.

Mais vous vous souvenez de l’affaire des « Panama papers », je m’étais interrogé sur qu’est-ce que c’est que les « Panama papers » ? Et bien c’est une offensive d’inspiration de Monsieur Soros, pour rétablir un équilibre entre les petits pays et les grands, au sens où les grands pays qui ont besoin de rentrées fiscales, ont tapé un peu du poing sur la table en disant aux petits pays : « Cessez maintenant de nous parasiter avec ces machins de Tax rulings. On hausse le ton, préparez-vous à ce que ce système disparaisse ». Et ces « Panama papers » avaient pour but de mettre ça en place. Vous avez vu l’empressement des gouvernements à dire que le lanceur d’alerte « inconnu », inconnu entre guillemets, des « Panama papers », était un héros ? Ce qui n’est pas l’habitude, généralement, des gouvernements vis-à-vis des lanceurs d’alerte. Et donc, voilà, c’était quelque chose d’orchestré au niveau européen en tout cas pour faire rentrer des sous dans les caisses des états qui sont ponctionnées de manière excessive par le dumping fiscal, par le moins-disant fiscal des petits pays.

Alors, il faudra faire un geste, quand on aura interdit vraiment aux petits pays d’être des parasites, d’êtres des sangsues sur les autres, il faudra quand même penser au fait que ce sont des petits pays et que leur économie doit être soutenue d’une manière quelconque, parce qu’il y a des problèmes d’échelle : on ne peut pas faire avec l’économie du Luxembourg la même chose que ce qu’on peut faire avec celle des Etats-Unis. Et, il faut savoir qu’il faudra faire un geste vis-à-vis du Luxembourg, en particulier, quand on aura mis de l’ordre dans le système fiscal au niveau européen.

D’une certaine manière, c’est nous qui obtenons ce genre de choses. Si les gouvernements l’ont fait : si Monsieur Soros s’est lancé là-dedans, c’est parce que la colère gronde, on le sait, dans les pays. Ce qui s’est passé en 2008-2009, la solution du « Bail In » au lieu du « Bail Out », c’est-à-dire, d’aller prendre sur les comptes en banque des gens l’argent qui manquerait éventuellement, ça n’est pas vu comme une solution, véritablement , au problème. Il vaut mieux aller chercher l’argent là où il a été piqué, et, de le reprendre et de le faire revenir. C’est le message qui a été envoyé il y a quelques jours par Madame Margrethe Vestager, Commissaire européen à la concurrence.

Alors, autre chose où nous sommes en train de gagner, c’est, bien entendu, c’est le traité transatlantique. Monsieur Sigmar Gabriel a dit en Allemagne que voilà, que l’affaire avait du plomb dans l’aile. Cela a été dit en France de manière directe et indirecte par les uns et par les autres. Si on abandonne ce traité transatlantique, ce sera une victoire véritablement de nous, de l’opinion publique. On dit beaucoup de mal de l’internet, on dit qu’il n’y a que des conneries qui sont dites sur l’internet, eh bien, c’est sur l’internet que cette campagne a été menée, il faut le souligner. Et si nous sommes en train de gagner, c’est parce que nous avons su utiliser cet outil et mobiliser l’ensemble des énergies contre ce système qui allait simplement, d’une certaine manière, comment dire ? confirmer ce qu’on sait déjà, c’est-à-dire que ce sont les compagnies transnationales qui dirigent le monde. Mais enfin, l’histoire de l’arbitrage qui leur permettrait à ces transnationales de contourner entièrement le droit qui fonctionne à l’intérieur des états, des justices nationales, cela aurait été une défaite considérable pour nous tous, nous qui gagnons notre vie essentiellement pas sur de la spéculation, pas sur des commissions sur des opérations financières. Cela aurait été terrible. Alors, là, nous sommes en train de gagner, mais il faut continuer l’effort, ce n’est pas tout à fait enterré, il faut qu’on continue à le faire.

Il y a une leçon à tirer, il y a une conclusion à tirer du fait que nous gagnons, que nous allons gagner là-dessus, c’est que, à partir du moment où l’on a créé l’Europe, et c’est une discussion que j’ai eue avec une personne. Il se fait que je me suis trouvé dans une des réunions quand j’étais en Belgique, je me suis trouvé avec une dame qui était la fille d’un Monsieur, je ne vais pas dire son nom, avec qui mon père avait collaboré, justement au tout début, au tout début de l’Europe. Et, j’avais dit dans la communication que j’avais faite, j’avais dit la chose suivante, j’avais dit une chose que je dis souvent, c’est que l’Europe qui a été faite est celle des marchands et pas celle des citoyens ordinaires : ce n’est pas celle du social, ce n’est pas celle de la culture, et ainsi de suite. Et cette dame est venue me dire, elle ne savait pas que mon père avait collaboré avec son père à elle. Et elle m’a dit : « Monsieur, je ne suis pas du tout d’accord avec ce que vous avez dit : le projet, au départ, c’était un projet véritablement d’une Europe qui serait une véritable Europe fédérale sur tous les plans : pas seulement celui du commerce ! Je ne suis pas d’accord avec vous ! » Et alors je lui ai dit : « Mais Madame, je sais qui vous êtes, mon père a toujours pensé beaucoup de bien du vôtre et je sais qu’eux deux pensaient ça ! Mais cela n’empêche pas que ce n’est pas ça qui se soit passé : qu’ils se soient contentés, ceux qui ont fait l’Europe, d’en faire une Europe des marchands. » Ils ont fait un grand marché commun. Vous vous souvenez peut-être de, eh bien l’Europe des six, on appelait ça Le marché commun. Voilà, c’est ça qu’ils ont fait et ils ont continué à faire des marchés. Alors c’est intéressant que quand, pour la première fois, nous citoyens, remportons une victoire, c’est justement sur cette histoire de marché. En mettant fin à ce qui aurait dû être l’aboutissement du processus. L’aboutissement du processus qui a commencé par le plan Marshall autrefois.

Alors, je souligne toujours que le plan Marshall a été un don des Etats-Unis. A été un don généreux de la part des Etats-Unis. Ce n’était pas tout à fait à l’abri d’arrières-pensées, parce qu’il s’agissait de diviser le monde entre le monde communiste et le monde capitaliste. Mais il faut souligner que les Etats-Unis étaient prêts à associer l’Union Soviétique dans les dons qu’ils allaient faire. Voilà, ce n’était pas paternaliste, si vous voulez, parce qu’il est vrai que l’économie américaine était la seule qui avait véritablement survécu à la guerre parce que la guerre ne s’était pas déroulée sur son territoire à proprement parler. Bien sûr, bien sûr, on n’aurait pas donné l’argent comme ça : les Américains n’auraient pas donné l’argent comme ça aux Soviétiques sans conditions de comptabilité dans une voie particulière. Et on le sait très bien, on l’a vu, c’est comme ça que l’ultralibéralisme est venu chez nous, sous la forme de la comptabilité qui avait été imposée autour du plan Marshall, de manière insidieuse. Ce n’était peut-être pas un plan délibéré, mais cela s’est fait de cette manière là. Et cela se serait fait de la même manière pour l’Union Soviétique.

Mais alors, ce qui est intéressant et ce sera ma conclusion pour aujourd’hui, c’est que quand nous remportons une victoire contre cette Europe qu’on nous a imposée, c’est contre l’unification totale de ce marché. Quand nous nous mobilisons pour une bataille, et que nous la gagnons, c’est pour montrer que cette Europe que l’on voulait au départ, ce n’est pas cette Europe des marchés. Non seulement nous ne sommes pas satisfaits d’une Europe qui ne serait qu’un marché , mais nous ne sommes pas du tout satisfaits d’une Europe qui est un marché simplement unifié avec les Etats Unis parce que c’est donner le pouvoir purement et simplement aux gens qui ont de l’argent : c’est leur permettre de transformer l’essai, de faire véritablement de leur richesse…, d’en faire un néo-féodalisme.

Et ça, nous sommes en train de leur dire non. Nous le disons par l’influence que nous avons sur la décision qui a été prise par Madame Vestager, au nom de la Commission Européenne. C’est très très bien : c’est une victoire pour nous, il faut la soutenir. Il faut la soutenir parce que, évidemment, cette dame va être attaquée de tous les côtés. On va lui trouver tous les défauts du monde. Déjà Neelie Kroes qui, si j’ai bon souvenir, était son prédécesseur à ce poste, dit qu’il y a un élément de rétroactivité. Si vous entendez cette histoire de rétroactivité, dites comme moi que c’est de la foutaise. C’est de la foutaise, c’est comme dire que le voleur qui devrait restituer l’argent qu’il a volé, ce serait à titre rétroactif. Non ! pas du tout ! On ne peut pas dire que la prochaine fois [qu’il vole], le voleur devra restituer les sommes, mais que pour le passé on met une croix dessus. Non, ce n’est pas comme ça que cela doit fonctionner ! Il faut soutenir cette Madame Vestager dans ce que nous allons dire, de la même manière que nous avons obtenu, d’une certaine manière, que nous l’avons soutenue dans sa victoire, même si nous ne savions pas qui elle était véritablement. C’est parce que nous avons gueulé au fil des années que cette décision a été prise dans ce sens là !

Et pour le TTIP, ce n’est pas terminé, c’est en voie d’être enterré mais il faut que nous continuions là aussi à enfoncer le clou.

Voilà, ce n’est pas souvent que je parle de victoires que nous remportons, alors, voilà : le 2 septembre 2016, nous sommes en voie, nous l’opinion publique, nous qui ne sommes pas…, qui ne faisons pas partie du monde financier, nous sommes en train de remporter des victoires. Il faut continuer l’effort, il faut souligner que nous le faisons : il faut poursuivre l’effort et à nous de jouer.

Allez, à la semaine prochaine.

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