COMMENT J’AI APPRIS À AIMER LE CATASTROPHISME APOCALYPTIQUE

Deux exposés hier à « Penseurs d’avenir » au Lazaret d’Ajaccio : celui de Pascal Bruckner consacré à La passion de la peur et celui de Jean-Marc Lévy-Leblond, répondant à la question : La pensée scientifique a-t-elle un avenir ?

La thèse de Pascal Bruckner est que la pensée unique serait aujourd’hui le catastrophisme apocalyptique jouant de manière irrationnelle avec notre prédisposition trop naturelle à la peur.

L’exposé s’apparentait à ces exercices de style que l’on impose aux collégiens surdoués : de devoir démontrer une thèse paradoxale telle que « Les vices sont en réalité des vertus, et les vertus, des vices », ce à quoi, comme l’on sait, s’applique le monde financier depuis deux siècles et demi. Dans un cas comme dans l’autre, Bruckner et les banquiers, la démonstration est astucieuse et souvent brillante, mais la conclusion échoue à convaincre.

J’ai posé à Bruckner la question suivante. Les êtres humains disposent d’une centaine d’années tout au plus. Leur vie est menacée tout ce temps. Normal qu’ils aient parfois peur. L’espèce existe elle depuis plus d’un million d’années. Imaginons que la conscience soit attachée à l’espèce plutôt qu’à l’individu, l’espèce aurait-elle raison aujourd’hui d’avoir peur ?

Réponse de Bruckner : il y a en réalité deux peurs, l’une est mauvaise et l’autre salutaire. Celle de l’espèce est justifiée et salutaire. Fort bien. Mais si les mots ont en réalité deux sens opposés, tout paradoxe n’est-il pas aisément prouvé ?

Ce que Jean-Marc Lévy-Leblond nous a proposé, c’est la lecture du chapitre consacré à la science au XXIe siècle, extrait d’un ouvrage publié un siècle plus tard.

Quiconque imagine que le catastrophisme apocalyptique constitue la pensée unique d’aujourd’hui aurait mieux fait de se trouver au Lazaret d’Ajaccio hier soir. La stupeur qui saisit l’auditoire souligna son impréparation à ce qu’il s’entendit dire. Pour la plupart d’entre nous, le monde de Mad Max, c’est encore toujours du cinéma et non le portrait de ce qui nous pend au nez.

Nous avons reparlé lui et moi ce matin du scénario qu’il a présenté hier soir. Le mot qui m’est venu pour le qualifier est celui de « chréode », le mot qu’utilisait C.H. Waddington pour un chemin tout tracé au sein d’une dynamique. Il est possible d’échapper à une chréode mais cela demande un apport énergétique considérable. À bon entendeur, salut !

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