Affaire BNP Paribas : où la raison (d’État) le dispute à la raison, par Julien Alexandre

Billet invité

Invité ce matin à s’exprimer sur ce qu’il convient d’appeler désormais « l’affaire BNP-Paribas », le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a pris la défense de la banque en ces termes :

« S’il y a eu une faute ou une infraction, il est normal qu’il y ait une sanction. La sanction doit être proportionnée et raisonnable. Ces chiffres-là ne sont pas raisonnables ».

Si l’on ne peut être que d’accord avec les deux premières phrases de cette déclaration, qui sont en tout point conformes avec le droit en la matière, la dernière phrase, contestant par avance (alors que le montant final de l’amende n’est pas même encore connu !) le caractère raisonnable de la sanction, est sans doute un tantinet anticipé. Quel est le niveau de la fraude qui vaut qu’aujourd’hui non seulement la banque mais également plusieurs de ces employés, dont certains semblent faire partie de l’exécutif, soient poursuivis aux États-Unis ?

On se souvient que dans l’affaire Kerviel, qui concernait la consoeur mais néanmoins rivale Société Générale, le trader avait été condamné à une réparation équivalent à la totalité des sommes perdues lors du débouclage de ses positions spéculatives. Non seulement l’État n’y avait rien trouvé à redire, s’agissant d’une décision de justice basée sur la jurisprudence, mais bien avant que le jugement ne soit rendu, il était déjà intervenu dans le règlement du litige en permettant à la Société Générale de récupérer une grande partie des sommes perdues sous la forme d’une déduction fiscale.

Dans un cas comme dans l’autre, on constate au fond que l’exécutif français, de droite puis de gauche, n’a point besoin d’attendre des décisions de justice pour agir dans le sens qui lui semble fonder incontestablement l’intérêt général des Français en prenant à tout prix la défense des banques. On se risque alors à espérer, l’oeil dans le vague, que ce zèle servira un jour véritablement l’intérêt général, et que le véritable sens du mot justice ne se trouvera plus dévoyé par des décisions qui, si elles s’en parent des atours, ne sont au fond que l’expression au mieux d’une capture idéologique et au pire d’un oligarchisme incompatible avec l’idée que l’on se fait d’un État démocratique.

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