L’efficacité de l’État et celle du privé

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Nous avions là une occasion rêvée de traiter comme il le convenait un modèle fondamentalement vicié, qui privatise les profits et socialise les pertes, ce qui peut se tolérer d’un point de vue fiscal quand il est question de petites sommes mais qui est intolérable quand on parle de milliers de milliards de dollars.

Ce n’est pas moi qui parle, mais Alan Greenspan dans une interview qui paraîtra demain dans le Wall Street Journal.

L’ancien patron de la Fed considère que la solution qui aurait dû être adoptée pour résoudre la crise qui affecte en ce moment les Government–Sponsored Entities américaines, Fannie Mae et Freddie Mac, aurait dû être la nationalisation… du moins dans une première phase.

[L’administration] aurait dû se débarrasser des actionnaires, nationaliser les GSE grâce à une législation stipulant qu’elles seront reconstituées avec le soutien indispensable du contribuable pour en faire cinq à dix unités détenues à titre privé [PJ: donc non-cotées en bourse] et vendues aux enchères. Les programmes sociaux d’habitations à prix modéré devraient être transférés à Ginnie Mae (GNMA) ou à toute autre agence gouvernementale. Quand viendrait la prochaine crise de l’immobilier résidentiel, ces cinq à dix compagnies auraient diversifié leurs activités dans d’autres secteurs de la finance. Il est bien possible que l’une ou l’autre échoue alors mais du fait qu’elles seraient chacune d’une taille significativement inférieure à celle des agences telles qu’elles existent sous leur forme actuelle, tout risque systémique serait éliminé.

Bien entendu, il s’agit toujours d’Alan Greenspan et il est clair que pour lui une nationalisation ne peut constituer qu’une solution tout à fait transitoire, prélude à une reprivatisation immédiate. La critique de cette démarche fut énoncée par un internaute dans les minutes qui suivirent la publication de l’entretien : qu’est-ce qui empêchera alors cette dizaine de petites firmes de se bouffer entre elles par fusion-acquisition et de reconstituer en un tournemain les géants qui représentent aujourd’hui un risque systémique ? Il y a là une allusion au destin des « Baby Bell », les petites compagnies téléphoniques américaines qui résultèrent du démantèlement d’AT&T en 1984, à la suite d’une action anti-trust, et qui se reconstituèrent petit à petit en nouveaux géants des télécommunications.

La remarque de l’internaute est bien vue et met le doigt sur l’ambiguïté fondamentale de toute approche qui confie à des intérêts privés le soin d’appliquer des programmes visant le bien général : la logique du bien particulier et celle du bien collectif non seulement ne coïncident pas mais sont – n’en déplaise à Adam Smith – irréductiblement antagonistes.

Mon billet d’hier consacré aux « auction-rate bonds » américains (Un scandale financier ordinaire) rappelait à point nommé que dans une situation où s’était ouverte une opportunité de comportement fondamentalement malhonnête, à savoir refiler aux clients des produits pourris dont les patrons cherchaient à se défaire, ce n’avait pas été l’une ou l’autre des entreprises concernées qui s’était rendue coupable du méfait, mais l’industrie tout entière, les mails saisis par la justice révélant la logique à l’oeuvre : « Ne soyons pas les premiers mais ne soyons pas les derniers non plus ! »

Ce type de scandale qui affecte la finance dans son ensemble est loin d’être rare et il n’y a donc pas lieu d’être surpris : quand il apparut en 2006 – à la suite de la découverte de configurations suspectes par un chercheur – que certaines compagnies avaient antidaté l’attribution de stock options à leurs dirigeants, la liste des compagnies coupables s’allongea rapidement, jusqu’à réunir les plus grands noms tels Microsoft, Apple, Monster ou McAfee. La conclusion qui s’impose alors est que le monde des affaires se montre absolument incapable de résister à toute tentation de malhonnêteté lorsque cette tentation existe.

Dans le commentaire qu’il avait rédigé à propos de L’implosion, (2008), Jean-Michel Le Bot notait :

… la rationalité axiologique semble à peu près complètement absente chez les acteurs de la finance (comme si le contexte ou le champ produisaient des “idiots axiologiques”). […] certains contextes sociaux conduisent à une sorte de forclusion des raisons autres qu’utilitaristes et notamment de la raison axiologique.

La « raison axiologique » est celle qui est fondée sur un système de valeurs, et Le Bot attirait ainsi l’attention sur l’absence de référence morale qui semble caractériser la finance.

Le vent de privatisation qui balaya les entreprises d’Etat ou nationalisées au cours des vingt dernières années a présenté comme sa justification le fait que les entreprises privées sont plus efficaces, ont un meilleur rendement et offrent un meilleur service au consommateur. Je suppose que des chiffres ont été proposés pour justifier ce point de vue. Je ne les pas vu personnellement, mais il est vrai que je regardais ailleurs à l’époque. Quelqu’un peut-il me répondre : pourquoi le privé est-il une meilleure affaire pour le consommateur ? Ou bien est-il tout simplement une meilleure affaire ?

Mon père était haut fonctionnaire. On disait de lui avec respect : « Il a le sens de l’Etat ». J’ignore s’il s’agit là d’une qualité essentielle ou accidentelle du « sens de l’Etat ». Je sais seulement que quand il évoquait le bien général dont on lui avait confié la mission, ses propos – et pour autant que je sache, ses actes – reflétaient toujours une honnêteté scrupuleuse.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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19 réponses à “L’efficacité de l’État et celle du privé”

  1. Avatar de dhomih
    dhomih

    Je lis avec intérêt vos articles, travaillant dans une banque d’investissement. Sachez que la question que vous posez aujourd’hui, à savoir “Quelqu’un peut-il me répondre : pourquoi le privé est-il une meilleure affaire pour le consommateur ? Ou bien est-il tout simplement une meilleure affaire ?” est une question hautement politique à laquelle j’ai déjà répondu personnellement depuis longtemps. Je sais bien que vous-même connaissez la réponse, il suffit de regarder, liste non-exhaustive, l’état des infrastructures aux US (ponts, réseau ferré), UK (métro de Londres), France. Attardons-nous sur ce pays. Qui pouvait sérieusement imaginer, par exemple, que les sociétés d’autoroutes, après avoir acquis un réseau construit avec les impôts, les entretiendraient comme ils se doit et ceci en gardant des tarifs raisonnables, relisons les rapports de la cour des comptes et tirons la conclusion qui s’impose. Dois-je développer sur la mascarade de l’électricité, où des sociétés privées, subventionnées par l’état puisque rachetant à bas prix à EDF, devaient faire que le consommateur allait payer moins cher alors que l’expérience menée quelques temps auparavant avec les PME montrait tout le contraire (pourquoi personne ne parle des raisons de la séparation d’EDF-GDF pour ensuite faire GDF-Suez, le consommateur en tire-t-il un profit ou certains s’en mettent-ils plein les fouilles ? Quel est le ROI pour l’état, soit nous les citoyens imposables ?) . Quid de la volonté de privatiser l’éducation, la santé, etc. ? Les questions à poser sont trop nombreuses pour être abordées ici.
    Il est évident que le libéralisme (j’appelle libéralisme les politiques actuellement menées) n’est pas efficient, la question est “est-ce important ?”.
    Ma réponse est non, car si un peu de conscience politique permettrait de redresser la barre et d’aller vers un monde plus juste/sain tel que je (et je pense aussi vous et bien d’autres) l’ai rêvé à une époque, il apparaît que les électeurs et citoyens sont trop apathiques, ils n’ont aucune conscience et courage politique et leur sort est donc mérité (Presque tous les hommes sont esclaves faute de savoir prononcer la syllabe : non ). La seule solution pour ceux qui sont éveillés n’est justement plus d’avoir le sens de l’Etat mais de s’enrichir car cela vous apporte respect et considération de la part de la masse. Respect pour ceux qui l’ont eu ce sens de l’état mais aujourd’hui c’est une erreur car le peuple aime son sort d’esclaves. La fable de la Fontaine sur le chien et le loup est toujours d’actualité. Le chien ne risque de se révolter que s’il a faim, gardons-nous seulement d’affamer le peuple et n’oublions pas de le divertir de temps en temps.

  2. Avatar de Sakhaline
    Sakhaline

    Comme dhomih, je pense que la réponse est claire : l’efficacité de l’Etat (français en l’occurrence) sera pleinement prouvée et reconnue lorsqu’il sera prévu légalement de rétrocéder annuellement et sans contrepartie une fraction négociable du budget de l’Etat à :

    (liste non-ordonnée et non-exhaustive) MM Mulliez, Arnaud, Lagardère, Bolloré, Zaleski, Louis-Dreyfus, Puech, Pinault, Dassault, Duval, Wertheimer, Servier, Halley, Bolloré, Peugeot, Bouygues, Rothschild, Decaux, Mme Bétancourt …

    Il n’est pas inintéressant, même si totalement HS, de noter au passage que l’espérance de vie moyenne de chacune de ces personnes une fois larguée en sous-vêtement en pleine forêt amazonienne est de 46 mn 25 sec.

    En revanche, les conclusions de dhomih sur l’amour du peuple pour l’esclavage est une niaiserie immonde, à laquelle l’Histoire apporte régulièrement contradiction, heureusement ! La révolte est partout et, en France, seul un niveau sans précédent de corruption financière et morale de nos élites intellectuelles retarde encore un peu son embrasement.

  3. Avatar de Thierry
    Thierry

    Mon idée est que nous avons besoin des deux, du privé et de l’Etat et qu’ils doivent être en « tension créatrice ». On ne peut nier que l’Etat est capable d’efficacité même dans le registre de l’entrepreneur. L’Empire romain, entre autres, l’a démontré. Les infrastructures routières et ferroviaires de la France – je parle peut-être de temps presqu’aussi anciens – le démontrent aussi.

    Le privé a fait également ses preuves. Je n’y reviendrai pas.

    La réponse – comme souvent à notre époque – n’est pas « ou » mais « et ». La musique suppose mélodie et rythme. Me revient à l’esprit un titre du biologiste Henri Atlan: « Entre le cristal et la fumée ». Entre le cristal et la fumée – entre l’ordre mortel du cristal et le désordre létal de la fumée – se trouve le moment de la vie. Entre l’économie dirigée et l’économie anarchique, entre la jungle et le zoo, il faut savoir définir les rôles et où placer le curseur.

  4. Avatar de dhomih
    dhomih

    La question est « Comment se fait-il que la démocratie qui devrait s’auto-réguler pour le bien commun ne fonctionne pas ? »

    En effet dans un système démocratique chacun vote pour son intérêt e(t éventuellement pour un intérêt commun), l’ensemble des intérêts particuliers définissant l’intérêt du plus grand nombre donc l’intérêt commun donc ce système ne devrait pas permettre l’accaparation des richesses par quelques-uns. Evitant ainsi les mouvements brusques, les ruptures i.e. révolutions.

    Ce n’est pas le cas (voir les rapports sur la répartition des richesses, la montée du nombres de travailleurs pauvres, etc…) donc quelles en sont les causes ?

  5. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    J’ai envie de dire : « l’efficacité, c’est d’abord l’efficacité avant d’être celle de l’État ou celle du privé ». Car, toutes ont leur efficacité et leur ratage.

    C’est l’État politique qui est, d’abord, le plus encombrant.

    On pourrait, je crois, « substituer la politique envers les hommes par l’administration des choses » (selon, je crois, Saint Simon, avec lequel, pourtant, je n’ai pas trop d’affinité).

    On l’a complètement oublié, et moi-même j’étais marmot à ce moment, mais la 4ème République française était une pétaudière politique, une vraie pantalonade à la petite semaine. MAIS : l’administration des choses (bien sûr dans le contexte d’il y a un peu plus de 50 ans et qui n’est plus du tout celui d’aujourd’hui) était un modèle technique d’efficacité, de plus, les circonstances s’y prêtaient, c’est pourquoi l’État se doit d’épouser les formes du moment SANS PLUS : donc durant la 4ème république il y eut : la reconstruction d’après-guerre, le développement des chemins de fer (électrification entre autre), la réorganisation industrielle, le service des ponts et chaussées qui était sans doute le meilleur du monde (grands compliments des étrangers), les postes qui fonctionnaient à merveille (grands compliment des étrangers), les services de santé parmi les meilleurs de l’époque, la création des branches industrielles comme le nucléaire (dans le contexte de l’époque naturellement), le développement formidable de l’aviation civile, les Américains n’avaient pas encore lancé de « jets » commerciaux et les avionneurs américains étaient ébahis de la finition technique de la Caravelle (les Américains s’employèrent largement un peu plus tard à barrer la route à l’aéronautique française..).

    À présent l’État, c’est tout et rien, tout le monde et personne à la fois et dans le même temps. Selon les cas, c’est l’irresponsabilité et la défausse… après avoir laissé tomber le couperet… La seule organisation étatique en France qui marche impeccablement, essentiellement auprès des revenus salariaux bas de la moyenne la plus ordinaire, c’est le fisc. Mais si vous avez quelques justificatifs de situation de ceci ou de cela, un tout petit peu de capital ou de patrimoine, une pincée de conseils un peu professionnels, vous avez alors des chances de pouvoir passer à travers les mailles du filet… Et je ne parle même pas des revenus des plus gros payeurs d’impôts qui vivent quand même très bien avec les 50% de revenus qu’il leur restent après paiement de leurs impôts directs (évidemment, les impôts indirects sont pour tout le monde de A à Z), tandis que les 5 à 10% d’impôts directs arrachés aux revenus plus bas que moyens sont, précisément les 5 à 10% qui manquent au budget CHAQUE MOIS. Mais ici j’enfonce des portes sûrement trop connues, peu ou prou, de tous.

    On sait bien qu’il n’y a pas d’État idéal. De même ceux qui on voulu supprimer l’État : les libéraux et ultras, les libertaires de tout poil, les anarchistes toutes nuances, les post-soixantehuitards et leurs « communautés »ou les phalanstères à la Fourier, etc, etc, tous, dans leurs « laboratoires d’idées », ont refait quelque chose qui correspond à l’État (ici le nom importe peu) sans y faire attention…

    La sempiternelle question de l’ « État » devrait se borner à la question que l’État n’envahisse pas le reste et cesse d’être le si bon fromage pour une répartition des sinécures et prébendes, etc. En France il y a environ 4,5 millions de fonctionnaires (davantage paraît-il ?). Une proportion notable font leur travail honnêtement. Mais ce grand nombre de fonctionnaires est un nombre qui est devenu un véritable – vivier électoral – Ce qui fait que ce « nombre » paraît « intouchable »… Il semble qu’on pourra tourner en rond longtemps encore pour la « réforme en profondeur » de l’État…

    Alors je fais allusion brièvement sur le sujet « Notre débat sur la monnaie » car la question de l’État y tient une place de taille.

    Pour répondre à Samedi dit (son message dans ‘Notre débat sur la monnaie’ du 12 août, 16h33) où il a pleinement raison de poser et rappeler la question que je résume ainsi: « que faire ? », et à Étienne Chouard sur les termes d’une constitution où il faudrait, à mon avis, un débat supplémentaire sur la question « des dépenses d’investissements à l’exclusion des dépenses de fonctionnement qui doivent être financées par l’impôt », car je crois qu’il y a mieux, mais on pourrait y revenir, selon.

    L’on peut concevoir des « magistrats financiers » (provenant en tout ou partie de la profession bancaire, mais assermentés pour ne pas favoriser les « copains »), étant payés statutairement comme les juges. Un office central d’émission monétaire (et de destruction monétaire), ayant uniquement CE rôle-ci, pourrait fonctionner un peu selon le schéma du ministère de la Justice (en bien plus simple évidemment): émettre et réguler la monnaie étalonnée sur les statistiques de production économique d’un exercice donné et dans un espace donné (qui pourrait être un ou des réseaux dépassant l’ « Europe »). Car, en effet, on voit bien que le gouvernement s’est transformé en percepteur d’impôts et une grosse tranche de ses revenus avec les taxes, la tranche la plus sacrée, soustraite à toute discussion, est précis]ément l’intérêt sur la dette publique. « On a des lois pour protéger les remboursements aux faiseurs d’argent. On n’en a pas pour empêcher un être humain de mourir de misère. » Rappelle inlassablement Louis Even. Dans un de ses chapitres, ce dernier rappelle:

    Si les trois pouvoirs – le législatif, l’exécutif et le judiciaire – sont les grands pouvoirs constitués de tout gouvernement souverain, il en est un autre, non catalogué comme tel, mais qui les dépasse tous les trois, et qui domine les gouvernements eux-mêmes. Ce super-pouvoir, qui ne tient son autorité d’aucune constitution, et ne s’en soucie pas plus qu’un brigand pour l’exercice de sa puissance, c’est le POUVOIR MONÉTAIRE.

    L’idée d’une constitution (spécifiquement économique ou non, c’est à voir) est tout à fait dans la mouvance des préoccupations qu’on a ici, tout le monde sera sûrement d’accord que plus de gens seront sensibilisés et mis au « parfum » de la question monétaire incontournable désormais débusquée, plus l’instance politique se trouvera sommée de se débusquer elle-même et d’agir en conséquence, sinon…

    C’est Henry Ford qui disait en substance (je cite de tête): « si les populations avaient une idée claire de comment fonctionne le système monétaire, ce serait la révolution avant demain matin ».

  6. Avatar de zoupic

    Pour moi :

    L’Etat c’est le peuple
    Le privé, ce sont les capitalistes, les rentiers et leur soif de capitaux.

    L’Etat peut créer sa monnaie, l’Etat peut faire des projets non rentables mais nécessaires, l’Etat ne paye pas d’intérêt (théoriquement).

    Le privé fait la même chose, gouverné par la compétition, la soif de rentabilité, la création de monopoles, et la nécessité de payer des intérêts pour se financer.

    La situation d’aujourd’hui où l’on revend successivement tous les organes de l’Etat au privé, après les avoir financé par l’impôt du peuple, est encore une arnaque. On nous a fait payé, via l’impôt ou l’inflation monétaire, la construction des autoroutes, des systèmes nationaux. Aujourd’hui une fois rentabilisés, ces systèmes sont revendus des bouchées de pain à des groupes privés qui ayant le monopole fixeront les prix selon leur bon vouloir, et à nous de repayer.

    Le privé permet, on imagine, des progressions plus fulgurantes et plus incroyables, des prises de risques plus grandes, mais ne prévoit rien pour le long terme si ce n’est son retour sur investissement.

    L’Etat permet, on imagine, un retour sur impôt, des structures développées sur le long terme.

    L’Etat lorsqu’il est poussé à l’extrême engendre la magouille et la corruption, alors qu’on peut croire que le privé n’engendrera qu’une augmentation de la soif de rentabilité.

    Le privé profitera à un groupe plus restreint. L’Etat est censé rendre la valeur des investissements à tous.

    Faites votre choix, pour moi, je crois que c’est tout vu.

  7. Avatar de Alain A
    Alain A

    Je suis parfois étonné de la teneur de certaines des réactions aux analyses de Monsieur Paul ou plus généralement sur les sites débattant d’économie et de finance. Je suppose qu’elles proviennent en majorité de lecteurs Français. J’apprécie souvent l’esprit critique de mes voisins d’Outre-Quievrain mais dire que l’Etat ne fonctionne pas dans nos pays du centre Europe est un manque de lucidité. Rien n’est jamais parfait mais ne pas réaliser que les systèmes de santé, de sécurité sociale, d’éducation, de mobilité, de la culture sont, en gros, très efficaces est faire preuve de myopie.

    A dhomit, qui parle de chiens, je voudrais dire que son cynisme m’a un peu choqué. Si le peuple est soumis ce n’est pas par bêtise mais par un manque d’information et de capacité à s’opposer aux forces dominantes (qui aujourd’hui sont bien organisées, notamment pour cultiver l’ignorance – merci aux blogs et à Paul 😉 ). Quand on se croit, à tort ou à raison, plus informé ou plus malin que le autres, on n’est pas obligé de dire « La seule solution pour ceux qui sont éveillés n’est justement plus d’avoir le sens de l’Etat mais de s’enrichir car cela vous apporte respect et considération de la part de la masse » et donc de se comporter comme ceux que l’on critique. Mais j’ose penser que votre réflexion comportait une bonne dose de second degré et dans ce cas je crois que, en cultivant lucidité, courage et solidarité, vous serez de ceux qui, demain, essaieront de reconstruire un monde meilleur après les temps difficiles que nous vivrons suite à la double crise écologique et financière.

  8. Avatar de Vince

    monsieur Jorion je ne vois pas trop l’intérêt d’opposer le public et le privé, ou ne serait-ce que les comparer : les deux sont nécessaires, simplement leur fonction est différente, non ?

    et l’autre dhomih qui se prend pour Warren Buffet, non mais au secours…

  9. Avatar de SG
    SG

    A dhomih :

    Votre raisonnement, s’il est cynique, présente un étonnant paradoxe.

    Vous dites que la « seule solution pour ceux qui sont éveillés est de s’enrichir car cela vous apporte respect et considération de la part de la masse ».

    Si tel est l’objectif d’un individu « éveillé » (quelle prétention de s’auto-juger éveillé !), il appartient à la « masse » puisqu’il représente la « réussite » (matérielle) selon les critères de la « masse » comme vous dites, et agit selon les codes de respectabilité présumée de la « masse » (avoir une grosse voiture rouge et une femme blonde ?).

    Or, pour un individu « éveillé », une des formes de réussite les plus avancées ne serait-elle pas justement de réussir à s’extraire des critères de respectabilité de la « masse », et ne plus agir sous leur contrainte ?

    Votre individu « éveillé » m’a tout l’air d’un prisonnier.

  10. Avatar de A-J Holbecq

    Je pense que vous jugez « mal » le raisonnement de dhomih

    Il remarque, ce que je remarque aussi, qu’une majorité se complait dans la situation « d’endormis » , se contentant du pain et des jeux (surtout en ce moment où est célébré le pire exemple des instincts destructeurs de la compétition) et n’est plus capable de dire « non ».

    Je pense néanmoins qu’il existe une frange de la société, « éveillée » pour le bien commun et non pas pour ses propres envies égoïstes.

    J’espère que dhomih nous précisera sa pensée et ce qu’il a voulu dire.

  11. Avatar de Vince

    je ne « juge » pas mal dhomih, je me contente de lire ses propos.

    la « masse », c’est quoi, c’est qui ?
    c’est étrange parce que quand je marche dans la rue je vois des gens, simplement. la « masse » : une représentation assez vaine pour tenter de se sentir supérieur, ce qui est assez comique dans le cas de dhomih :

    « En effet dans un système démocratique chacun vote pour son intérêt (et éventuellement pour un intérêt commun), l’ensemble des intérêts particuliers définissant l’intérêt du plus grand nombre donc l’intérêt commun donc ce système ne devrait pas permettre l’accaparation des richesses par quelques-uns. Evitant ainsi les mouvements brusques, les ruptures i.e. révolutions.

    Ce n’est pas le cas (voir les rapports sur la répartition des richesses, la montée du nombres de travailleurs pauvres, etc…) donc quelles en sont les causes ? »

    je n’en suis pas sûr, mais je crois que ma voisine qui a 80 ans pourrait répondre à cette question.

  12. Avatar de A-J Holbecq

    Je suis d’accord, Paul, que  » la logique du bien particulier et celle du bien collectif non seulement ne coïncident pas mais sont – n’en déplaise à Adam Smith – irréductiblement antagonistes. »

    La question est de définir le périmètre du « bien général », ce qui doit être du rôle de la collectivité (l’État, les régions, les communes).

    Ce serait bien d’ouvrir un débat sur ces « limites souhaitables ».

  13. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    À mon (très) humble avis, ce sont les communes qui, normalement devraient prendre de plus en plus d’importance, ainsi que les espaces aurour d’elles, par exemple les régions ou provinces, la nation restant une structure ou charpente de divers services. Les communes seraient les entités les plus adaptées à toutes les productions agricole possibles, envisageables et autres, par rapport à la régulation des énergies qui, avant de possibles avancées peut-être déterminantes dans la production d’énergie, risque de s’imposer tôt ou tard, tant sur le plan du prix que de la quantité physique disponible d’énergie. Je persiste à penser que c’est l’efficacité (trouvailles, astuces, inventions, etc, etc) à avoir qui doit l’emporter dans la considération: publique-privé. Dans la vérité recherchée et à pratiquer, ces deux instances devraient trouver leur place toute naturelle, selon les circonstances des lieux et époques et leurs exigences. Une finance saine et éprouvée, certes, ne nous affranchirait pas de la déplétion du pétrole par exemple, cependant, en restant modeste et prudent, il est certain qu’une finance SAINE résoudrait ~50% du problème énergétique, lequel est perçu actuellement comme à peu près insurmontable.

  14. Avatar de karluss
    karluss

    petit rappel indispensable pour accorder certains commentaires ; je cite Nietzsche, qui n’est pas un farceur : « l’Etat est le plus froid de tous les monstres froids, il ment froidement, et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : moi, l’Etat, je suis le Peuple. »

  15. Avatar de A-J Holbecq

    @karluss

    Permettez moi de ne pas être d’accord avec Nietzsche. C’est bien vite mélanger la politique et l’administration.. et le choix démocratique

  16. Avatar de dhomih
    dhomih

    @Vince,

    Monsieur Jorion n’oppose pas le privé et le public, sa question est : « Le vent de privatisation qui balaya les entreprises d’Etat ou nationalisées au cours des vingt dernières années a présenté comme sa justification le fait que les entreprises privées sont plus efficaces, ont un meilleur rendement et offrent un meilleur service au consommateur », sous-entendu pour les entreprises qui ont été privatisées.

    Chacun apportera sa réponse en fonction des ses idées politiques.

    Effectivement il n’est pas question de comparer une entreprises privée comme Arcelor-Mittal avec un des services régaliens de l’état car normalement leurs objectifs sont différents et les deux sont nécessaires sauf à être un « communiste ». Je ne suis pas communiste et je pense que les entreprises privées ont leur place (dans un marché libre et transparent).

    Mais cette théorie entraine même la privatisation des armées, je n’ai pas écrit une armée de métier, mais bien des armées privées comme les sociétés existant aux US et possédant une marine et aviation.

    D’après ce que j’ai lu sur le sujet, la notion de rentabilité est maintenant appliquée à la guerre.

    Je ne developpe pas plus, je vous laisse imaginer ce qu’il adviendra quand le concept sera poussé à bout comme il est d’usage dans notre monde libéral d’aujourd’hui. Avec les subprimes vous avez peut-être perdu de l’argent, que vous reste-t-il à perdre maintenant ?

    J’avoue être cynique, mais je pense être largement battu de façon volontaire ou involontaire parce tous ceux qui roupillent benoîtement.

  17. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Encore un petit mot.

    Ce sujet: L’efficacité de l’État et celle du privé a déjà eu un avis, celui de Paul Jorion avec lequel, ici, je suis assez d’accord, c’est : La France et la crise : un an déjà.

    Voilà une belle description du : comment un pays s’assied entre deux chaises, celle du public et celle du privé. Le « système français » n’avoue jamais s’il est étatique ou privé. Ses « élites » comprennent seulement qu’elles peuvent tirer un très bon parti de la combinatoire française Privé-Public (ou inversement). Il existe en France : le secteur Public, soit tout ce qui rôde dans et autour de l’État, mais surtout le secteur Privé pour qui la combinatoire État-Privé, ou Privé-État est très juteuse. Très juteuse y compris pour les créanciers de l’État français (créanciers français et étrangers) qui apprécient hautement la « bonne organisation », « sérieuse et efficace » que constitue son administration fiscale, modèle du genre… L’agence France-trésor en témoigne! Quel merveille d’organisation d’utiliser la loi fiscale de cette « superbe » organisation étatique française de « ramassage » et « recouvrement » d’impôts et taxes auprès de « citoyens » qui ne disposent pas de ce qu’ils produisent et qui paient ainsi les déjà plus riches qui ont prêté si « généreusement » à l’État. Que ferions nous ? Que deviendrions nous ? Sans ces créanciers qui nous aiment tant! (quant aux propriétaires de capital et de capital, leur sort est bien différent). En France, tout spécialement, si vous ne faites pas partie de cette combinatoire française État-Privé, vous êtes broyé comme entre deux meules contrarotatives. J’en est fait la très pénible expérience au cours de mon parcours professionnel, et j’ai vu souvent pire que ça.

    Les services publics, s’ils sont seulement cela, peuvent être notoirement plus efficaces et meilleurs marché au final qu’un système de « tout marché » vers lequel nous avons marché à marche forcée depuis environ 25 ans (l’exemple de la réorganisation des services publics sous la 4ème république est édifiant en comparaison), quant au privé et au marché il peut largement avoir les coudées franches dans nombre d’activités sans aucunement nuire à la structure générale.

    Il en est ainsi dans le modèle de l’architecture. Il y a là le gros-œuvre, les fondations, les maîtres murs, toutes les structures obligatoires d’un bâtiment (c’est le domaine public), et il y a tous les aménagements accessoires, mais eux aussi étant déterminants, pour la salubrité, le confort, l’isolation, cloisons diverses, le second-œuvre, etc, etc, et j’en passe beaucoup (c’est le domaine privé). Le secteur public détermine en partie le secteur privé, et le secteur privé détermine en partie le secteur public. Cette détermination partielle et mutuelle des deux secteurs se retrouvera toujours sous de multiples formes, c’est ce que Louis Even souligne d’ailleurs à de nombreuses reprises. Les deux sont imbriqués, c’est ainsi, classiquement, jamais l’un ne doit prévaloir sur l’autre, tout en sachant bien qu’il y a de nombreuses variantes selon les circonstances de l’époque.

    L’exemple actuel (bien décrit par Paul dans La France et la crise: un an déjà) où la privatisation d’un pays, puis celle du monde, passe par le canal des banques qui, toutes, finalement, sont reliées peu ou prou au système financier anglo-saxon de l’axe Londres–New-York et ses « dépendances ». Cette privatisation donc, qui ne s’annonce jamais comme telle, vient dénaturer les autres pays et les autres continents, silenciensement, par l’intérieur… C’est un piège magistral. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard!…

  18. Avatar de karluss (hervé)
    karluss (hervé)

    @ Stilgar AJH : le choix démocratique est parfois dangereux, l’histoire se caricature régulièrement à ce sujet. Sans ressasser l’obscure période du nazisme, il suffit de contempler certaines options contemporaines pour comprendre qu’un sombre travail de propagande et de spectaculaire bien huilé peut orienter le fameux choix sur des candidats pas toujours très appropriés à la représentation du Peuple, ni fortement favorables à son épanouissement. Les vrais problèmes ne sont jamais développés lors des campagnes électorales, et les rouages de la démocratie restent tributaires du nivellement et de la manipulation. Ceci dit, il est vrai que Nietzsche est bourré de paradoxes, mais c’est une pensée se ramifiant en diverses directions, une constante évolution malheureusement brisée trop tôt par la maladie.
    Bon week !

  19. Avatar de Eugène
    Eugène

    La raison axiologique à laquelle Jean Michel Le Bot fait référence n’est pas un système de valeurs, tout simplement parce que ds la théorie de la médiation, la fonction de valorisation est une fonction naturelle, partagée avec l’animal le faisant, comme nous, échapper à l’indifférence. La raison axiologique est donc ds cette théorie, une dialectique, aboutissant certes à la morale mais où le projet valorisé est analysé implicitement dans une instance éthique formelle totalement abstraite. Je résume:
    1- la fonction naturelle de valorisation
    2- l’instance formelle analysant en nous cette fonction naturelle
    3- par contradiction des deux pôles antérieurs: le réinvestissement moral phénomènologiquement observable

    Par recoupement avec une autre raison, sociologique en l’occurence mais également dialectique, une gestion sociale de la valeur n’aboutit qu’à une économistique; à l’inverse d’un recoupement avec la deuxième phase éthico-morale qui, elle, aboutit à ce que Jean Gagnepain appelait ds sa théorie Hégétique soit l’art de guider.

    Du coup, la crise actuelle était prévisible depuis longtemps déjà, ds la mesure où le politique abandonnant ce qui devrait constituer l’essentiel de son job (légalisation de processus minimaux de légitimation), le système économistique ne pouvait que s’emballer à un moment ou à un autre, et ce furent les subprimes comme facteur déclenchant, mais le ver était déjà ds le fruit depuis longtemps.

    Ainsi, lorsque J M le Bot parle d’idiots axiologiques ou de forclusion de l’ethique, il ne fait que dire que le monde était piloté par des individus (des structures) sans raison morale mais guidés par le seul sens du profit, soit ni plus ni moins que des animaux qui sacrifient (font un effort) un projet P(n) pour un projet P(n+1) ds le sens d’un bénéfice.

    Le relativisme des valeurs n’est donc pas plus un problème que le relativisme moral civilisationnel. Le seul truc qui pose pb est, au contraire, chez certains individus, la disparition de ce relativisme qui les rend prédictibles. Quand une même catégorie d’individus avec ce défaut parvient auX pouvoirS, la fin d’un cycle civilisationnel n’est pas loin. Vous voulez un exemple d’individus prédictibles: les alcooliques; ils ne pourront que vider la bouteille quii sera devant eux.

    La difficulté pour refonder une civilisation (N Sarkozy….E Morin….) consiste justement, et quand tout s’y oppose par la présence d’individus de mon § antérieur, à la construction de cette « légalisation de processus minimaux de légitimation »
    Je ne connais qu’un exemple permettant de l’illustrer, et ce sera loin d’être suffisant, d’autant qu’il se heurte ds l’immédiat à la doxa.

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  1. @ Ruiz, Un savoir c’est l’ensemble des connaissances/informations acquises par une personne ou une collectivité via l’étude, l’observation, l’apprentissage et/ou…

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