Le Monde Economie, lundi 10 novembre

Dans l’édition datée de lundi-mardi, une chronique où je reprends à Mr. Jironovski, et à Mr. Gorbatchev lui-même, le rapprochement Obama / Gorbatchev.

Une resucée du New Deal rooseveltien est à la portée d’Obama mais pourra-t-il aller plus loin ?

La donne de Mr. Obama

Mr. Jirinoski, le politicien russe ultra-nationaliste a commenté l’élection de Barack Obama à la présidence des États–Unis en le qualifiant de « Gorbatchev américain ». Il ne s’agit pas dans sa bouche d’un compliment puisqu’il a précisé que, dans une démarche parallèle à celle du dernier président de l’URSS, il conduirait les États–Unis à leur perte.

Mr. Gorbatchev ne renie pas la comparaison puisque, saluant la victoire d’Obama, il prédit que celui-ci apportera à l’Amérique l’équivalent d’une perestroïka. Deux points de vue opposés sur la fin de l’Union Soviétique et sur ce qui est perçu, par l’un et par l’autre, sinon comme la fin des États–Unis, en tout cas comme la fin pour eux d’une époque.

Quels sont donc ces États–Unis dont la présidence d’Obama signalera nécessairement la fin ? Le gendarme du monde ? Probablement pas, en l’absence d’autres candidats. La fin d’un monde dominé par Wall Street ? Sans aucun doute, car si l’on trouve toujours à la une des journaux les fluctuations de la bourse et les manifestations les plus récentes de la mauvaise santé du secteur bancaire, leur contraction massive au cours des derniers mois signale un recul de fait des activités spéculatives comme moteur de la vie économique, situation qui était devenue la norme depuis les années 1980.

Différence majeure toutefois entre Msrs. Gorbatchev et Obama : l’économie soviétique connut une érosion lente qui permit au premier de consacrer six ans à ses réformes, alors que le capitalisme américain exige du second une réponse immédiate car il a subi un effondrement brutal, précédé seulement de quelques rares signes avant-coureurs.

La tâche d’Obama est donc plus ardue encore que celle de l’ancien président de l’URSS. Autre avantage dont celui-ci disposait : un modèle sur lequel s’aligner, celui du capitalisme américain aujourd’hui en faillite mais où rien ne transparaissait alors des zones de fracture qui se révéleraient en août 2007.

Le seul modèle dont dispose Obama est celui du New Deal rooseveltien de 1933, un modèle social-démocrate que les États–Unis n’excluent donc pas d’office, mais seulement en tant que mesure temporaire, le soutien de la Chambre de Commerce lui étant à jamais refusé. Or, celle-ci demeure historiquement un centre névralgique de la prise de décision aux États–Unis, y compris en matière de politique étrangère : qu’on pense au renversement de Mossadegh en Iran en 1953 dont le monde subit encore aujourd’hui les conséquences, mais aussi à Cuba, à l’Asie du Sud-Est, au Chili et à l’aventure irakienne.

Un nouveau modèle de société est indispensable, mieux adapté que le New Dealà une prise de conscience de la finitude de notre planète et à la nécessité d’une redistribution plus juste du surplus entre investisseurs, dirigeants d’entreprise et salariés. Pris de court par la rapidité de l’effondrement, le monde politique est à la recherche de solutions. Il s’est vainement tourné vers les économistes dont l’attention, retenue par les points de détail, s’était désintéressée de toute vue d’ensemble.

Dans un premier temps, Obama n’aura donc pas d’autre choix qu’un New Deal remis à jour, dont les priorités devraient être de transformer la semi-nationalisation du secteur bancaire par Mr. Paulson en nationalisation franche afin de prévenir le détournement des fonds publics transfusés dans de nouvelles prébendes, une mobilisation de la main d’œuvre libérée par la récession et la contraction des secteurs immobilier et financier en vue de la réfection des infrastructures et d’une reconversion du pays aux transports en commun, le sauvetage de l’immobilier par l’accès des ménages à un refinancement de leurs prêts, en se fixant pour objectif un prix du logement de 15 % moins élevé que son niveau actuel, enfin la mise sur pied d’un système nationalisé d’assurance-maladie.

L’opinion américaine accorde généralement cent jours à une nouvelle administration présidentielle pour faire la preuve de son changement de cap. Il reste à Obama un peu plus de deux mois pour s’y préparer. Souhaitons-lui que parvenu à leur terme ce soit toujours à Mr. Gorbatchev que l’on pense à le comparer et non à un chef d’état dont les cent jours tournèrent au désastre.

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6 réponses à “Le Monde Economie, lundi 10 novembre”

  1. Avatar de jo-vial
    jo-vial

    Une des qualités principales du président Obama est d’avoir été un travailleur social dans une banlieue difficile de Chicago.

    (Qui imaginerait que le parti socialiste français désigne Harlem Désir comme candidat à l’élection présidentielle ?
    Ou ne serait-ce qu’au poste de secrétaire général du PS ?)

    Tout le monde tente de rapprocher le président Obama de F.D. Roosevelt.
    Mais si l’on tient compte de sa qualité passée de travailleur social, il vaudrait mieux le rapprocher d’Herbet Hoover (président de 1929 à 1932).
    D’ailleurs si la crise financière ne s’était déclenchée que quelques mois après l’élection, c’est bien à H.Hoover que tout le monde aurait pensé.

    Herbert Hoover avait fait voter en 1932 un plan de 2000 milliards de dollars en son temps pour soutenir l’activité économique par l’état…

    En l’absence de modèle et de plan tout est ouvert, tout repose entre les mains des conseillers, de leur compétence, de leur ouverture d’esprit, de leur « vertu ».

    La difficulté d’aujourd’hui est d’ordre pédagogique : comment expliquer aux conseillers des principaux dirigeants du monde dans quel cap l’humanité doit prendre, sans leur donner l’impression de devoir renier tout ce qu’ils ont appris comme des dogmes (i.e. : la libre concurrence permettant d’arriver au prix minimaux, l’autorégulation des marchés libres de toute contrainte, les actions sont les placements qui fructifient le plus à long terme, privatiser les services publics et la santé fait faire des économies, réduire des impôts payés par les riches les fait revenir dans leurs pays avec leurs fortunes), bref tout ce qu’ils ont cru naïvement depuis tout qu’ils sont tous petits et qui vient de leur claquer à la figure !

    Monsieur Jorion vous avez une longueur d’avance, bravo.
    Encore une fois espérons que les conseillers influants lisent vos blogs, vos livres, qu’ils en comprennent ne serait-ce que quelques phrases, et surtout y apprennent à réfléchir autrement…

  2. Avatar de jicé
    jicé

    Pour un contrepoint sur B. Obama qui prolonge certaines perplexités exprimées ici où là :

    http://tokborni.blogspot.com/

    Une nouvelle fois on a peu parlé de R. Nader. Qu’en pensent les uns et les autres?

  3. Avatar de jacques
    jacques

    En lisant La Crise de Paul Jorion à propos des GSE,on apprend que leur  » semi-privatisation de 1968 improvisée par le président Lyndon B. Johnson « (un Démocrate) a pour but  » d’éliminer un poste budgétaire encombrant à une époque ou le cout de la guerre du Vietnam commencait à grever lourdement les finances de la nation ».Autres temps,autres moeurs.Depuis les Républicains ont « renationalisé » ces GSE avec le commentaire de Mr Greenspan,cité par Paul Jorion : »Un modèle fondamentalement vicié,qui privatise les profits et socialise les pertes ».A y perdre son latin!
    PS: Au Canada, on dit « fonds de couverture » et pas « hedge funds ». Tabernacle!

  4. Avatar de YBM
    YBM

    L’idée (ou l’illusion) apparaît chez d’autres analystes :
    http://www.dedefensa.org/article-american_gorbatchev_29_10_2008.html

  5. Avatar de leduc
    leduc

    Euh oui encore un article sur la comparaison Gorbatchev – Obama sur dedefensa. Dans son esprit Obama devrait logiquement être comme Gorbatchev quelqu’un qui amène un vent de changement sur un système sclérosé et figé, mais au final devrait être emporté et dépassé par cet élan et devenir liquidateur du système américaniste ?

  6. Avatar de Emmanuel
    Emmanuel

    Humour noir ou visionnaire…
    <>
    http://www.energybulletin.net/node/23259

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