Billet invité.
CANDIDE AU PAYS DE L’OR NOIR
Comme de nombreux visiteurs sur ce site je découvre un monde jusqu’à présent masqué au commun des mortels, mais qui, grâce aux interventions éclairées des uns et des autres devient un peu plus limpide à ma cervelle de Candide…
Mais un truc me chiffonne toujours… Quid du pétrole ?
Certes il est vient de repasser au dessus de 50$ après avoir flirté avec les 35$ en février. Logique si le dollar est appelé à baisser après ce que nous savons du 18 mars 2009. Mais tout le monde sait, ou devrait savoir, que (indépendamment des fluctuations monétaires) le cours du pétrole n’est que transitoirement bas, conséquence d’une baisse de la consommation (deux millions de b/j en moins comparé à juin sur les 85mb/j « habituels »), et à la marge d’une spéculation moins marquée. Baisse de la consommation, baisse des prix… rien de nouveau sous le soleil de l’offre et de la demande.
Néanmoins, que cela nous fasse plaisir ou pas, si le pic officiel n’est pas atteint (s’agit-il en fait d’un pic ou plutôt d’un plateau ondulant temporaire ?), le pétrole brut de qualité issu des champs classique a lui « piqué » en 2007 comme le montre ce schémas extrait du dernier rapport de l’AIE.
(J’ai rajouté une série de verticales pour situer le début de décroissance de la courbe bleue – crude oil currently producing fields.)
Pour rappel, notre consommation n’est autre que la somme de ces jolies intégrales colorées… du moins jusqu’en 2008 (date du rapport), au delà…
J’ai tout de même un sentiment étrange en lisant « crude oil YET to be developed or found ». Cela devrait laisser rêveur tout lecteur attentif. Sans être fin spécialiste (que je ne suis pas) cet extrait d’intégrale bleue ciel ne manque pas de sel et d’optimisme… Au passage on se référera à l’intervention du PDG de Total disant récemment que la production mondiale ne dépasserait jamais les 89 mb/j. Ici, on appréciera surtout la remarque concernant les « six times the current capacity of Saudi Arabia »…
En d’autres termes, ce beau triangle bleu clair nous indique que pour continuer à consommer ce dont nous avons besoin, il va nous falloir trouver tous les ans des quantités phénoménales de pétrole brut de qualité à un rythme que nous ne connaissons plus depuis… les années 60, 70 (date du pic des découvertes : autour de 1965). Depuis, les découvertes faites sont d’année en année de moins en moins importantes et depuis longtemps, inférieures à notre consommation.
« This is unsustainable » : sans commentaire
Pour information, voici la courbe des prix (non corrigée) du pétrole depuis 1999.
Dès lors, me viennent certaines questions.
– Les cours du pétrole ne risquent-ils pas de remonter très bientôt à une vitesse grand V avec ou sans crise ?
– Peut-on sérieusement envisager une relance keynésienne avec une énergie de plus en plus chère et de moins en moins abondante ?
– Peut-on imaginer encore une relance de la consommation dont l’essentiel passe toujours par une économie carbonée ?
– L’effondrement de l’immobilier aux USA ne peut-il être imputé en partie à l’augmentation continue du prix du pétrole depuis 1998 dont l’habitat dispersé et mal isolé implique de longs trajets dans de grosses voitures gourmandes ?
– La crise à venir ne serait-elle pas pire que celle que nous connaissons aujourd’hui, n’ayant à ce jour aucune capacité à remplacer un pétrole au niveau de sa consommation actuelle si ce n’est à la marge (éoliennes, agro-carburants, hydrogène et autres gadgets journalistiques), même le nucléaire ne produisant QUE de l’électricité ne peut faire voler les avions, naviguer les porte-conteneurs et rouler les camions (dans des projets technicistes peut-être, mais pas demain et encore moins à l’échelle du parc actuel !) ?
– Seul remplaçant crédible : le charbon ! mais à quel prix environnemental (!) et pour combien de temps encore ?
Posons des questions encore plus surprenantes car, comme dirait Michel Audiard, » Les Candides osent tout, c’est d’ailleurs à ça qu’on les r’connaît ! »
– L’histoire du capitalisme ne se calquerait-elle pas sur celle de l’énergie fossile : charbon dans un premier temps, pétrole et gaz dans un second ; production puis surproduction dans une première phase et pour finir délocalisation (habitat, tourisme, production…) dans une seconde ?
– La fin du pétrole abondant et gratuit (on ne paye que le travail nécessaire pour l’extraire, le raffiner et le distribuer), ne marque-t-elle pas la fin du capitalisme ? (je ne parle pas de libre-entreprise, ce que beaucoup confondent, détracteurs comme zélateurs ).
– Au sens de Jean-Maxence Granier dans Sémiotique de la crise, peut-on encore sérieusement évoquer une posture A, B ou même C ?
– In fine, peut on encore discourir du sexe des anges ou de mécanique financière quand énergie et matières premières ont atteint leur plateau de production et sont appelées à décroître inexorablement dans un monde de six milliards et demi d’habitants, bientôt sept, huit et davantage d’ici peu ?
– Quel dirigeant politique ou économique ici ou ailleurs a pris conscience de ce que représente réellement une augmentation de 2°C minimum à la fin de ce siècle, une élévation de 1m (voire 2 m ou plus) des océans à cette échéance ? A-t-on le droit d’attendre encore plus longtemps ?
73 réponses à “Candide au pays de l’or noir, par Alexis”