« Eppur si muove ! »

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Christophe écrit à propos de l’un d’entre vous qui, convaincu il y a quelque temps que les banques commerciales ne créent pas d’argent ex nihilo, n’en est plus aussi sûr aujourd’hui :

C’est comme si on vous expliquait tous les jours que c’est la terre qui tourne autour du soleil avec toute la difficulté que cela suppose à vous l‘expliquer car il faut aller plus loin que les apparences et vous vous dites : « C’est compliqué mais c’est vrai : cela permet d’expliquer beaucoup de choses » mais dès que vous sortez dehors vous constatez que non : c’est bien le soleil qui tourne autour de la terre, c’est là devant vos yeux, le soleil tourne d’Est en Ouest et cela est bien la preuve que ces savants sont vraiment fous !

Je l’ai expliqué déjà : j’ai fait mon enquête pendant plusieurs mois, en votre compagnie et grâce à votre aide, pour voir si mes sens avaient pu être abusés durant la dizaine d’années où je travaillai pour des établissements de crédit parmi les plus grands de la planète. Voici la manière dont je présente les choses dans le manuscrit de mon livre « L’argent », à paraître en septembre chez Fayard :

Quelle ne fut pas ma surprise cependant de découvrir que le désaccord existe parmi les différents auteurs aussitôt que l’on aborde des questions pourtant aussi simples que de savoir si les banques commerciales, celles où nous déposons l’argent dont nous n’avons pas un usage immédiat, créent ou non de l’argent, ou bien si elles prêtent ou non l’argent que nous déposons sur un compte-courant auprès d’elles. La raison de tant de confusion est simple : nous disposons de plusieurs langages pour parler de l’argent et quand il s’agit de traduire de l’un vers l’un des autres, les problèmes de traduction peuvent rapidement devenir très sérieux. Ainsi nous parlons parfois de l’argent en termes purement économiques, et je veux dire par là en termes de flux monétaires : « Il court, il court, le furet : il est passé par ici, il repassera par là … ». Quand nous parlons de l’argent en tant que flux, rien ne se crée, rien ne se perd : quand je dépose de l’argent à la banque, que celle-ci le prête, qu’il lui revient augmenté d’intérêts qui lui ont été versés et qu’une fraction de ces intérêts me sont ristournés à moi, il ne faut pas qu’un seul centime s’en soit perdu : s’applique ici ce que j’appellerai tout au long de cet ouvrage un « principe de conservation des quantités ».

Ce langage économique aurait dû en toute bonne logique suffire à la tâche quand il s’agit de parler d’argent, à ceci près qu’on s’aperçut au fil des siècles que ce langage n’était pas suffisamment strict dans ses termes pour interdire que des sommes n’en soient aisément dérobées au passage par ceux que l’argent tente – à savoir par tout un chacun. On inventa alors ce qui s’appelle la « comptabilité en partie double », un nouveau langage qui présente la particularité que tout s’y équilibre toujours : que le passif y est par définition égal à l’actif mais qui enfreint à tout bout de champ le « principe de conservation des quantités » et qui, du coup, peut faire croire à celui qui ne maîtrise pas parfaitement ses subtilités que des sommes apparaissent, comme du chapeau du magicien, pour disparaître ensuite. Mais malgré les défauts de la langue comptable pour ce qui est de sa compréhension intuitive, elle présente l’avantage infiniment précieux qu’il y est beaucoup plus difficile de faire disparaître des sommes (de véritables « flux monétaires ») sans que rien n’y paraisse, et c’est pourquoi la comptabilité en partie double fut adoptée avec enthousiasme par ceux qui voyaient leurs bénéfices fondre comme neige au soleil au contact de certains de leurs employés industrieux sans doute mais aussi indélicats.

Répétons-le cependant : si le « principe de conservation des quantités » n’avait pas toujours été d’application stricte pour tout ce qui touche de près ou de loin à l’argent, le capitalisme serait mort au berceau et les Bourses ne seraient jamais nées car leur accès aurait été rendu impossible par les cohortes de plaignants encombrant les rues, massés devant les portes du tribunal de commerce.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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164 réponses à “« Eppur si muove ! »”

  1. Avatar de Jimmy
    Jimmy

    @ Holbecq

    Veuillez m’escusez j’ai confondu fonds propres et réserves obligatoires dans mon message du 25 avril 2009 à 14:08

    @ Paul

    Vous avez supprimé mon mon message d’hier, vous pensez que je me suis fourvoyé dans l’explication du fonctionnement monétaire ?

  2. Avatar de A-J Holbecq

    @JF
    « le déficit de l’assurance maladie est assumé par le pays pour le moment. »

    … mais tout le budget dépensé de la SS, la partie couverte par les cotisations comme la partie couverte par la collectivité (le déficit), n’est en définitive que du PIB, n’êtes vous pas d’accord? (puisque les dépenses de la SS correspondent à des revenus pour tout le « service de santé »). Qu’est ce que ça « couterait » au pays de rendre toute la santé gratuite pour tous?

    Donner à chaque citoyen une subvention (je dirais un revenu) est effectivement une bonne idée et c’est celle du Revenu Citoyen ou du Crédit Social. Mais en attendant que la production augmente, ce revenu ne doit pas correspondre à une émission monétaire sans contreparties, mais à un transfert de revenus (par l’impôt des plus riches)

  3. Avatar de A-J Holbecq

    Je m’aperçois que j’ai omis de répondre à MarcusH qui écrit

    je lis que le ratio de Bâle n’a rien à voir avec la création monétaire. Si ce ratio est le rapport entre crédits et fonds propres, le niveau de fond propre limite la capacité de crédit, et partant, la capacité de créer de la monnaie scripturale, non ?

    Tout à fait. Si le risque augmente (i.e. le ratio passe de 4 à 8%) la banque va devoir mobiliser des fonds propres supplémentaires pour couvrir ces actifs qui se sont dépréciés et donc déséquilibrer son bilan.

    Je ne voudrais pas m’embrouiller: les réserves obligatoires: c’est un niveau minimum de réserves en monnaie centrale sur les comptes de banques secondaires inscrits sur les livres de la banque centrale mais j’ai du mal à identifier toutes les conséquences. est-ce que je comprends bien : le niveau de passif permet un certain niveau d’actif ; les réserves obligatoires sont autant d’actifs qui ne pourront pas correspondre à des crédits, c’est bien cela ?

    Les réserves obligatoires sont des « fuites » de monnaie pour une banque (au même titre que les demandes de monnaie centrale fiduciaire du public)
    Le montant est faible (2% des dépôts de ses clients, à son passif), mais limite quand même la création de crédits, puisque au moment où elle émet un crédit une banque porte ce montant en dépôt sur le compte de son client.

    On en vient aux logiques diviseur de crédit ou multiplicateur de crédit. Pour donner un exemple pour le système bancaire (privé) dans son ensemble , en admettant un taux de réserves obligatoires ‘h’ de 4% et une demande publique de billet ‘b’ de 12% , un apport de 10000 de monnaie centrale va permettre de créer 64433 de crédits nouveaux (formule du multiplicateur k = 1/b+h(1-b) …) mais de la même manière, si les banques créent 64433 de crédits nouveaux, la banque centrale sera « obligé » de fournir 10000 de monnaie centrale (« chantage » des banques privées, théorie du diviseur)

  4. Avatar de johannes finckh

    @ JJ HOlbecq:
    Je suis évidemment bien d’accord, mais cela ne stimulera l’économie que si cela n’incite pas à davantage de reenue du côté des hauts revenus via l’évasion fiscale ou, plus bêtement, par davantage d’attentism des investisseurs.
    Dansmon précédent texte, vous n’avez pas relevé que ce genre de stimulation stimulerait l’importation aussi. Bien sûr, mais en se situant à un niveau plus international, je maintiens que l’on ne consomme que ce qui est effectivemnt produit.
    Et pour éventuellement stimuler l’investissement et la production de biens et services, je ne vois toujopurs rien d’autre que « obliger » la monnaie à faire ce qui est attendu d’elle, à savoir circuler en toute circonstance sans jamis pouvor se soustraire à cela!
    Quant la consommation « médicale », c’est du PIB évidemment, comme tout, mais je maintiens que ce qui est consommé en plus dans ce secteur revient à consommer moins ailleurs, tant que nous n’aurons pas le retour d’un climat d’investissement – grâce à la monnaie anticrise (fondante) par exemple!
    jf

  5. Avatar de Gérard P.
    Gérard P.

    Merci aux défenseurs de chacune des deux thèses de revoir leur analyse dans un système où il n’y aurait plus que de la monnaie scripturale, donc dans un système où il n’y aurait plus de billets ou pièces créés par la banque centrale.

  6. Avatar de A-J Holbecq

    @Gerard P.
    La formule du multiplicateur de crédit deviendrait k = 1/h .. la seule limite à la création monétaire bancaire serait donc déterminée par le taux de réserves obligatoires (mis à part évidemment la demande de crédit – des ménages des entreprises et des APU – qui est à l’origine de la création monétaire: s’il n’y a pas de demande de crédit, il n’y a pas de nouvelle monnaie de crédit )… et c’est bien ce que souhaitent les banques avec les systèmes de paiement électronique.

  7. Avatar de A-J Holbecq

    Je puis vous suggérer également
    Économie monétaire et financière Grand amphi (Rosny-sous-Bois), Par J-L Bailly, Jean-Luc BAILLY, Gilles CAIRE, Arcangelo
    http://tinyurl.com/dxnk4f

    Macroéconomie, Par Michael Burda, Charles Wyplosz, Jean Houard
    http://tinyurl.com/d4d3km
    (Partie 9 à partir de la page 205)

  8. Avatar de logique
    logique

    @Finckh,christophe

    J’ais beaucoup de mal a comprendre votre logique intellectuel. D’un coté vous dites qu’il n’y a pas création de monnaie et de l’autre vous voulez quand même changer le système monnaitaire.

    Pourquoi vouloir changer de système monnaotaire si celui dans lequel nous vivons est équilibrer dans ses quantités. J’ais plutot l’impression que votre argumentation gauchiste qui consiste a ne jamais argumenter par une contre démonstration, mais par un rabachage des mêmes arguments.

    Je pense que les personnes intelligentes ne sont pas dupe de cette attitude.

  9. Avatar de Shiva
    Shiva

    @A-J Holbecq

    Lorsque l’analyse conduit à remettre en cause les bases même de la réflexion, on peut; soit changer de paradigme, soit essayer de « tordre » le réel pour le faire correspondre à ses définitions.

    Lorsque vous dites: la monnaie est une réserve de valeur (ce qui est vrai) et, la monnaie est ce qui est écrit sur mon compte bancaire (ou dans les livres comptables de la banque) vous dites logiquement que la banque créée de la monnaie par une simple écriture.

    Or l’analyse des processus montre que si la banque ne possède pas la valeur monétaire inscrite sur le solde de votre compte elle est dans l’incapacité d’effectuer vos demandes de paiement.

    La somme inscrite sur votre compte ne permet pas d’effectuer un paiement, ce n’est donc pas une monnaie.

    Si je peux me permettre, je crois qu’il ne faut pas confondre; monnaie, moyen de paiement, agrégats monétaires.

    Dans le lien que vous donnez la monnaie est définie comme un instrument de paiement et d’échange accepté comme tel par le public…

    Un « instrument », le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne se mouillent pas !

    Plus sérieusement je crois que l’on est bien obligé de constater que seuls les établissements ayant un compte en banque centrale ont le pouvoir de manipuler la monnaie électronique.

    C’est peut-être un scandale, cela donne aux responsables du système bancaire un pouvoir peut-être exorbitant, insuffisamment moral et démocratique…

    Pourquoi devons nous passer par un système de dettes de banques commerciales pour effectuer nos achats ?

    Ne pourrions-nous manipuler directement la monnaie électronique en tant que particuliers non IFM ?

    Notre compte pourrait être un coffre privé personnel sur lequel serait déposé de l’argent électronique nous appartenant, sans intermédiaire commercial…

    @johannes finckh

    Merci pour le compliment :o)

  10. Avatar de johannes finckh

    @ logique:
    Encore une fois, je ne dis aucunement que notre système actuel serait équilibré!
    Je dis simplement que les banques centrales agissent et peuvent agir au niveau de l’émission de monnaie centrale et que les banques s’occupent des crédits (sans création monétaire aucune!), et crédit veut dire que l’emprunteur se substitue au prêteur dans la dépense!
    D’autre part, si les banques centrales peuvent bien approvisionner en monnaie centrale, ce qu’elles font très abondamment depuis six mois, elles n’ont cependant que peu de prise sur l’usage qui est fait sur cette monnaie émise!
    Et c’est bien là que le bât blesse!
    Est-il convenable d’émettre une monnaie qui ne circule guère?
    C’est comme construire des routes interdites à la circulation!
    Je dis que la banque centrale doit obtenir que la monnaie qu’elle injecte serve effectivement aux transaction sans être détournée comme VALEUR REFUGE ULTIME, comme c’est le cas actuellement pour une large part de cette monnaie centrale supplémentaire émise.
    C’est cautionner un usage spéculatif et purement capitaliste de la monnaie supplémentaire!
    Si je suis « gauchiste » comme vous dites, ce serait en effet le cas dans la mesure où mes propositions, inspirées de Silvio Gesell, auront un réel effet anticapitaliste, je vous l’accorde.
    Mais je dis cela, non pour fustiger les « riches » qui ont le droit de l’être peut-être, mais ce qui rend le capitalisme si instable et a conduit à la crise systémique c’est la monnaie se refuse à l’usage qui est attendu d’elle.
    Je rabâche aussi, mais il me semble que je démontre au moins autant que d’autres!
    Vos questions me font dire qu’il faut bien que je répète encore.
    Vous vous dites « logique », soit, mais appliquez donc la logique à ce que je dis, logique, non?
    jf

  11. Avatar de johannes finckh

    merci à shiva de me soutenir avec de si bons arguments qui contribueront, je suis sûr, à clarifier le débat!
    Je vous proppose, en cadeau, si vous le souhaitez et si vous ne l’avez pas encore un de mes derniers ouvrages de l’ordre économique naturel de Silvio Gesell, publié en 1948.
    Vous pouvez aussi le télécharger : Silvio-Gesell.de
    jf

  12. Avatar de logique
    logique

    Vous voulez savoir pourquoi les banques centrales arrose les banques de monnaie, je vais dire d’ecriture scripturale, tout simplement pour faire face aux contreparties entre les banques et éviter que tout l’édifice se casse la figure. Masi pourquoi se casserait il la figure puisque les bilans des banques sont suposé être équilibré. Tout simplement parce que les bilans ne sont plus équilibré parce que beaucoup d’actif considérer comme réserve ont perdu de leur valeur. Donc le raisonnement logique voudrait que l’argent des BCE ne sert qu’as renflouer et a faire en sorte que les réservent soient suffisantes pour évité aux banques des banqueroute en chaine.

    En quelques sorte les banques centrales ne font que remplir leur role d’assureur en dernier recours en emmettant des nouvelle écriture aux niveaux des BCE afin de garantir la solvabilté des banques. C’est d’ailleurs pour cela qui cette argent ne redescent pas dans l’économie réelle, puisque cette argent n’est pas réelle et qu’il ne doit pas sortir du système financier et venir perturbé la système économique réelle qu’est la production.

  13. Avatar de johannes finckh

    @ logique:
    logique!
    Sauf en ne « descendant pas dans l’économie réelle », il n’y a donc aucun espoir que cela reparte et que cesse la casse?
    Je rappelle que les emprunteurs subprime qui ont ainsi acheté leurs maisons sont des personnes physiques avec des familles! Même des bébés, et qui se trouvent dehors, exposés au chaud, au froid et à la pluie, logique, non?

    Les banques centrales n’assureraient donc rien du tout, sauf, peut-être un pseudoéquilbre des banques dont tout le monde s’en fout, étant donné qu’elles ne peuvent pas prêter à qui n’a plus rien!
    Celui qui touche un salaire par millions n’est nullement empêché de retirer autant de monnaie liquide qu’il veut, et, croyez-moi, ils le font plus souvent qu’à leur tour!
    Avez – vous vu circuler beaucoup de grosses coupures, dûment émises par les banques centrales?
    De même, les « actifs toxiques » n’ont pas été payés en « monnaie scripturale » mais contre de la monnaie centrale en numéraire, car les banques en avaient « besoin » entre elles!
    Et pour payer les épargnants devenus méfiants!
    logique, non?

  14. Avatar de logique
    logique

    Mais le problème des subprime, c’est tout simplement une perte nette, pour une partie des prêt. Pertes qui aurait pu être évité si les banques auraient rééchelloné les crédit, plutot que d’obliger les emprunteurs de faire faillite. M’enfin pour moi c’est juste un moyen comme un autre de créer des crises majeurs. Les USA n’en sont pas a leur coup d’essaie. A la seul difference que même si elle ont planté beaucoup d’autre pays, Se coup elle se sont tirrer aussi une balle dans le pied.

    Se n’est pas la monnaie qui est en cause, c’est tout simplement sa gestion. Si vous avez une arme chez vous et qui vous ne vous en server que pour tirzer sur une cible il n’y aura pas de problème. C’est a partir du momment ou cette arme vous sert a tirer sur votre voisin que l’arme devient un danger. Dans se cas se n’est pas en changeant le type d’arme que vous changerez le type de personne qui s’en sert.

  15. Avatar de Shiva
    Shiva

    @ johannes finckh

    J’accepte avec joie, je n’ai rien lu sur la monnaie fondante, à part quelques posts piochés au hasard sur ce blog.

    Je suis allé sur le site Silvio-Gesell.de mais comme c’est en Allemand…

    Est-il possible de télécharger une version Française ?

  16. Avatar de Étienne Chouard

    L’analyse passionnante d’Irving Fisher : 100% money
    pour mettre « la monnaie à l’abri des prêts ».

    Chers amis,

    Je vous signale ce travail de Sylvie Diatkine, une passionnante synthèse de l’œuvre d’un grand esprit – Irving Fisher était admiré des plus grands : Keynes, Friedman, Allais, Galbraith, etc. – où chacun pourra ici constater que notre débat sur la monnaie (« Faut-il continuer à autoriser les banques à nous imposer leur fausse monnaie à l’occasion du crédit ? ») est non seulement une vieille affaire mais surtout le possible cœur nucléaire, toujours actif, des crises économiques.

    Notre (parfois âpre) discussion est sûrement une excellente piste pour trouver une solution durable aux pires défauts du système actuel.

    J’ai encore mis dix nouveaux livres sur ma pile 😉

    Amitiés.

    Étienne.

    ___________________

    « Tout pour nous-mêmes et rien pour les autres » semble avoir été à toutes les époques du monde la vile maxime des maîtres de l’humanité. »
    Adam Smith, « La richesse des nations », Livre III, chapitre 4.
    ___________________

    « La monnaie à l’abri des prêts » : le plan de I. Fisher (1935)
    à l’origine des propositions de « narrow banking »
    (1)

    par Sylvie Diatkine (2)

    Communication aux 20èmes Journées Internationales d’Économie Monétaire et Bancaire, Birmingham, 5-6 juin 2003.

    Source : http://www.univ-orleans.fr/deg/GDRecomofi/Activ/diatkine_birmingham.pdf

    Les débats fondateurs des XVIIIe et XIXe siècles jusqu’au début du XXe siècle portent sur le lien entre la monnaie bancaire et le crédit et son influence sur les cycles. Les conséquences de la prise de risques par les banques au niveau de l’instabilité bancaire sont mises en évidence, notamment celles du risque de liquidité. Ce dernier est lié au caractère liquide du passif de la banque qui fournit ainsi une « assurance de liquidité » alors que l’actif est illiquide. Il en résulte la possibilité de crise de liquidité et la nécessité de l’intervention du prêteur ultime.

    En même temps, une question récurrente au sein de la théorie bancaire est justement celle des moyens de réduire ces risques source d’instabilité en agissant au niveau du rapport entre monnaie et crédit(3). L’étude de ce débat fait ressortir l’opposition entre deux conceptions de la banque. Soit une banque qui « transforme » des réserves préexistantes en monnaie bancaire soit une banque qui crée de la monnaie bancaire à partir du crédit. Certains auteurs choisiront une solution maximale en envisageant de séparer le crédit de la monnaie et en supprimant le risque de liquidité. Cette solution a donné lieu à diverses propositions de réformes bancaires. Nous étudierons celle de I. Fisher, présentée dans 100% Money, 1935. Les deux fonctions maintenant séparées soit de fourniture de crédit soit de gestion des paiements seront le fait de banques spécialisées afin de limiter les répercussions, sur le système de paiements, de l’instabilité introduite par le cycle du crédit. L’émission de monnaie bancaire doit être couverte à 100 % par des réserves, afin que la « monnaie ne soit plus à la merci des prêts ».

    Cependant, I. Fisher, s’il se préoccupe des crises bancaires, voulant éviter les conséquences du risque de transformation et de liquidité pris par les banques sur la monnaie, n’envisage de les réguler que par le moyen de la politique monétaire et la variation de la quantité de monnaie de base et non par une régulation du crédit. Ici la politique bancaire disparaît.

    On trouve aujourd’hui des propositions de réforme bancaire visant à instaurer des banques avec 100% de réserves chez M. Allais ou chez M. Friedman(4) ou des « banques étroites » (narrow banking). D’autres projets encore ont pour but de remplacer les banques par des institutions financières de type « money market funds » ou fonds mutuels investis en titres du marché monétaire(5).

    L’objet de cette communication est de retracer l’origine des propositions contemporaines de « narrow banking » dans l’histoire de la pensée économique. Pour ce faire, nous nous concentrerons sur le plan de I. Fisher exposé dans 100 % Money (Adelphi, NewYork, 1935). Il est aussi à la base du plan de l’École de Chicago(6) qui s’insère dans le débat entre partisans de règles ou d’une politique discrétionnaire en matière de politique monétaire. L’importance des crises bancaires durant la Grande Dépression du début des années trente incite en effet les auteurs à s’interroger sur leurs causes. Mais certains vont proposer des solutions radicales puisqu’il s’agira de faire cesser toute création de monnaie à partir du crédit. Ils vont donc proposer d’aller plus loin (mais dans la même ligne) que l’École de la circulation et l’Act de 1844 en Angleterre.

    Le plan de la communication s’organise de la façon suivante. Nous rappellerons l’origine théorique de la réforme proposée par I. Fisher qui se situe dans les arguments de l’École de la circulation puisqu’il y fait référence lui-même (Fisher, 1935, p. 18 et pp. 46-48). Puis nous exposerons, dans un deuxième temps, la conception de la monnaie présentée dans l’ouvrage et la critique portée au système de réserves fractionnaire (« la monnaie ne doit pas être à la merci des prêts »). Dans une troisième étape, nous donnerons l’essentiel du contenu du plan de réforme tant du point de vue de la théorie bancaire que des règles de politique monétaire (« banques étroites et nationalisation de la monnaie »). Enfin, nous montrerons les liens entre le plan de Fisher et les propositions contemporaines de « narrow banking ».

    L’ensemble des propositions de réformes monétaires de Fisher et les recherches théoriques sur lesquelles elles s’appuient sont motivés par la volonté de stabiliser la valeur de la monnaie et par la conviction que les fluctuations de l’activité économique ont pour origine des faits monétaires. Elles débouchent sur la nécessité de la mise en œuvre d’une politique monétaire reposant sur une règle a priori et quantitative d’offre de base monétaire par la banque centrale pour réguler la valeur de la monnaie(7) et éviter tout rôle déstabilisateur de la monnaie, position qui n’a pas varié tout au long de son œuvre.

    Selon H.E. Loef et H.G. Monissen(8), le développement de ses projets de réforme par Fisher s’inscrit dans deux phases de recherche de leurs fondements théoriques. La première met en évidence la nature monétaire des fluctuations économiques dans The Purchasing Power of Money (1911). Plusieurs articles tels que « The Business Cycle Largely a « Dance of The Dollar » » (1923) en sont aussi des exemples. La deuxième se situe après la Grande Dépression qui incite Fisher à modifier ses vues théoriques sur l’origine des booms et dépressions qu’il attribue à des mécanismes d’endettement et de déflation par la dette(9). Cependant, on retrouve ses conceptions antérieures quant à l’offre de monnaie puisque la déflation se manifeste par une baisse du niveau des prix et trouve son origine dans la contraction du stock de monnaie sous forme de dépôts bancaires(10). Ses propositions de politique monétaire sont alors la « reflation » afin de sortir de la déflation, ce qui est compatible avec une règle de politique monétaire de long terme, qui elle-même doit s’appuyer sur une proposition de réforme du système bancaire lui imposant un coefficient de réserves de 100 %, afin d’assurer ainsi un complet contrôle de la base monétaire.

    1. l’origine du plan de réforme de 1935 de I. Fisher

    L’origine du plan proposé par I. Fisher se situe dans l’analyse des limites et insuffisances de la réforme de la Banque d’Angleterre de 1844 et des théories de l’École de la circulation pour éviter les crises bancaires et stabiliser le système monétaire. En effet, I. Fisher tire les conclusions de l’ensemble des débats entre l’École de la circulation et l’École de la banque(11), se situant ainsi du côté des théoriciens de l’École de la circulation, tout en complétant leurs propositions. Si la monnaie est créée par les banques à partir du crédit, ce qui est cause de crises bancaires. Les fluctuations de la quantité de monnaie et les fluctuations de prix en résultent. En effet, selon I. Fisher, si les crises bancaires sont néfastes, c’est parce qu’elles aboutissent à une diminution de la quantité de monnaie. Il faut donc empêcher cette production de monnaie à partir du crédit.

    Selon l’École de la Circulation, ceci est lié au fait que la Banque d’Angleterre, avant la réforme de 1844, ne respecte pas une liaison stricte entre ses émissions et l’évolution de ses réserves en métal. Ceci fonde l’argumentation essentielle de ses partisans pour justifier la nécessité de la réforme de la banque d’Angleterre en 1844. Car, selon eux, on peut même dire que, en retardant l’échéance, les directeurs de la Banque sont contraints ultérieurement à un freinage encore plus sévère qui provoque des faillites encore plus larges de banques(12) et des fluctuations amplifiées de l’activité économique. Le problème est donc d’abord celui de la proportionnalité entre réserves et émissions de monnaie bancaire(13).

    Les crises bancaires sont donc en réalité le résultat de l’action publique car, en raison d’une mauvaise politique, la structure du crédit et de la monnaie risque d’être détruite. Et si la banque d’Angleterre doit ensuite intervenir comme prêteur ultime, c’est du fait même de ses propres erreurs antérieures de politique monétaire(14). Dans ce cadre, la surémission de monnaie est créée par celle de la monnaie de base (les billets) et le remède relève seulement de la politique monétaire (une règle automatique de régulation de la base monétaire en stricte proportion de la quantité de réserves métalliques dans les coffres de la Banque). Ceci permettra d’éviter tout retard d’ajustement entre les mouvements de métal et ceux de la masse monétaire et des instruments de crédit. Il est alors possible de réguler l’activité de toutes les banques à l’aide de la politique monétaire de la banque centrale car les billets de la Banque d’Angleterre servent de monnaie de réserves pour les banques locales ; le système bancaire est déjà hiérarchisé. Les billets de la banque centrale ne sont mis en circulation que par l’escompte. Ils peuvent être redéposés en compte à la banque. Celle-ci peut faire de nouvelles avances à partir de ces dépôts. Ils sont ainsi reprêtés selon le mécanisme connu du multiplicateur de crédit qui a été introduit par Torrens(15). Bien que les dépôts puissent faire office de moyens de paiement, ils n’en constituent pas moins des instruments de crédit et non de la monnaie qui se limite aux billets et pièces. Ils ne forment que le prêt d’une monnaie préexistante et sont de la monnaie « déléguée »(16). Cette thèse caractéristique de l’École de la circulation s’écarte de l’analyse selon laquelle, à l’inverse, ce sont les instruments de crédit qui deviennent des moyens de circulation (la monnaie ne préexiste pas au crédit). Selon l’École de la circulation, si ce coefficient multiplicateur est suffisamment stable et si la création de billets est régulée, il en résulte que toute l’offre de monnaie et de crédit est contrôlée puisque la base à laquelle s’applique le multiplicateur est bloquée. Les dépôts se contractent selon un facteur multiplicateur (du fait du coefficient de réserves) en réaction à la contraction des billets. Cependant, un auteur comme Torrens se rend compte de l’instabilité du multiplicateur (Torrens, 1858).

    Apparaissent donc ainsi établis les principes d’une régulation du crédit à partir de l’offre de monnaie(17). Il n’y a donc pas lieu de distinguer deux fonctions séparées de la Banque d’Angleterre : d’une part celle de réguler la valeur et la quantité de la monnaie, et d’autre part, celle de soutenir la structure du crédit national c’est-à-dire, d’une part, celle de mener la politique monétaire et, d’autre part, celle de prêteur ultime. Car pour accomplir ces deux fonctions elle doit se reposer sur le même principe et le même mécanisme qui est celui d’une stricte proportion entre ses émissions et ses réserves, principe dont elle ne doit pas s’éloigner et qui ne souffre aucune exception même en des cas particuliers. La réforme de 1844 appliquée à la Banque d’Angleterre permettra justement de mettre en œuvre de façon indéfectible ce principe.

    L’Act de Peel divise la Banque d’Angleterre en deux départements : le département d’émission (issue department) et le département de banque (banking department). Le but est d’obtenir ainsi que la variation de la quantité de billets émis suive exactement la variation de l’encaisse-or de la banque c’est-à-dire les mouvements d’entrée et de sortie d’or du pays. Le mécanisme mis en place aboutit à limiter automatiquement les opérations de crédit du département de banque par le niveau de l’encaisse or du département d’émission. Seul le département d’émission émet les billets couverts à 100% par le métal et ne les remet au département de banque que contre l’or que celui-ci lui apporte. Les billets sont ensuite mis en circulation à l’occasion des escomptes par le département de banque. Les liquidités du département de banque sont donc obtenues sous forme de billets qu’il reçoit du département d’émission et dont il garde une partie en réserves. Ainsi son activité est limitée par ses possibilités d’obtenir ainsi de la liquidité. L’émission des billets à l’occasion des escomptes ne repose plus sur le comportement autonome et discrétionnaire de la banque d’Angleterre qui pourrait abuser de son pouvoir et imposer une « circulation forcée » mais sur la volonté du public de détenir des billets et sur les forces « naturelles » d’équilibre des paiements extérieurs. Il s’agit d’une première forme de ce que l’on appellera ensuite une caisse d’émission.

    Cependant, les insuffisances de l’Act de 1844 ont été notées. En particulier, s’il règle l’émission de billets, il ne permet pas de réguler les autres instruments de crédit qui servent aux paiements, tels que les instruments scripturaux (comptes qui circulent par chèques ou virements)(18). Donc la surémission de monnaie peut continuer sous d’autres formes que les billets. Celle-ci résulte de l’instabilité du multiplicateur et de la substitution entre formes de monnaie. À partir d’un même niveau de billets, une proportion variable d’autres instruments de crédit peut être créée. C’est ce que note I. Fisher.

    « In England the inadequacy of reserves against notes had scarcely been remedied in 1844 when it reappeared on the form of indequacy of reserves against deposits. When Sir Robert Peel applied essentially a 100% principle to part of the English note issue, checking deposits had not yet become a problem. They scarcely existed. But they speedily became a problem through the same abuse which had previously made bank notes a problem. (…)

    Instinctively, checking deposits were resorted to by banks as a way of circumventing the restrictions on note issues. This modern deposit peril thus takes place of the old bank note peril. » I. Fisher (1935), p. 46.

    Les erreurs de l’Act de 1844 ont été reproduites, aux États-Unis, par le Federal Reserve Board, qui se préoccupe de maintenir le niveau de réserves par rapport à ses billets et non par rapport aux dépôts (notamment les réserves en métal ; pour Fisher, le problème n’est pas le niveau des réserves métalliques, et il faut même supprimer l’étalon-or). Aux États-Unis se développe aussi la quasi monnaie par substitution aux billets. Or, il y a plus de risque de demande de remboursement par les clients des dépôts que des billets du FED.

    «Or if 40% is necessary for the notes, much more than 40% ought to be required for deposits. The reason why the two reserve requirements are so inconsistent is doubtless to be found in history. Bank notes had been subject to long abuse –« wild cat banking » -the memory of which now deters the bankers from exploiting notes ; but deposits have behind them no such history or memory. So deposits are exploited by the bankers of today as their forefathers exploited notes. The present depression is the logical result. » I. Fisher, 1935, p. 50

    C’est pourquoi, si l’on veut rendre les principes de l’École de la circulation efficaces, afin d’imposer une proportionnalité stricte entre circulation monétaire et réserves, il faut se concentrer sur le problème de la monnaie qui circule sous forme de chèques (checking deposits) et lui imposer aussi (ce que n’a pas fait l’Act de 1844) un coefficient de réserves de 100 %. Il faut réguler les dépôts, mettre la monnaie à l’abri des prêts qui créent les dépôts. Cette réforme est nécessaire car le système actuel est responsable des crises bancaires et de la destruction de monnaie qu’elles ont entraînée dans le cadre de la Grande Dépression.

    2. « la monnaie à la merci des prêts » et les cycles

    Cette réduction de la masse monétaire a accentué la crise économique dans le secteur réel. En effet, I. Fisher se réfère à son analyse de la déflation par la dette, une présentation de la récession accentuée par le surendettement (Fisher, 1935, chapitre 7)(19). Il montre l’enchaînement de causes qui conduisent à la liquidation d’une situation de surendettement : les ventes de détresse, la contraction de la monnaie bancaire qui circule par chèques lorsque les prêts bancaires sont remboursés, le ralentissement de la vitesse de circulation, une baisse du niveau des prix puisque la masse monétaire et la vitesse se réduisent, une baisse encore plus grande de la valeur nette des entreprises précipitant des faillites, une baisse des profits, de la production et de l’emploi, une perte de confiance et la thésaurisation, une baisse du taux d’intérêt nominal et une hausse du taux réel conformément à la théorie du taux d’intérêt de Fisher selon laquelle le taux d’intérêt réel est le taux nominal déflaté des prix. Selon lui, ce schéma est aggravé car la monnaie bancaire est créée à partir du crédit bancaire ; il en résulte que la contrainte de remboursement des crédits pèse sur la masse monétaire et la contracte. Ce fait est la cause primordiale de la baisse des prix si l’on applique la théorie quantitative de la monnaie et que le niveau général des prix est déterminé par la quantité de monnaie.

    Ainsi selon Fisher, le fait essentiel de la crise est la destruction de monnaie par les banques ; les booms et dépressions donnent lieu à des fluctuations de la monnaie émise par les banques. La monnaie est à la merci des prêts. Et ceci est dû au système de réserves fractionnaires qu’appliquent les banques car c’est dans ce système que la monnaie est créée par les crédits ; c’est donc pour éviter les crises que Fisher propose un plan de réforme de ce système.

    « Thus our national circulating medium is now at the mercy of loan transactions of banks ; and our thousands of checking banks are, in effect, so many irresponsible private mints.

    What makes the trouble is the fact that the bank lends not money but merely a promise to furnish money on demand – money it does not possess. The banks can build upon their meager cash an inverted pyramid of such « credit », that is , cheching book money, the volume of which can be inflated and deflated. » I. Fisher (1935), p. 7.

    En effet, la monnaie bancaire (sur les comptes de chèques) selon Fisher est totalement différente de la monnaie manuelle. La première représente la seconde et, pour être acceptée, nécessite la permission spéciale du créancier qui la reçoit. De plus, dans le cadre du système actuel de réserves fractionnaire, si tous les déposants demandaient en même temps leur monnaie sous forme liquide, les banques ne pourraient leur fournir à moins de pouvoir réaliser des actifs. Car, depuis le temps des « goldsmiths », les banques ne conservent pas toutes les liquidités qui sont déposées chez elles en caisse. Elles les reprêtent. Au-delà de la fonction de banques de dépôt ou de simple dépositaire en consigne (qui au début était liée à un coefficient de réserves de 100 %), elles ont acquis celle de banque de prêt qui implique un coefficient de réserve fractionnaire (inférieur à 100 %). Ce fut l’évolution de la Banque d’Amsterdam (Fisher, 1935, chapitre 3).

    Il est ainsi possible, par exemple, que la banque reprête ses réserves dix fois car I . Fisher parle du système actuel comme d’un système « 10 % réserves ». À partir d’un dépôt initial d’un premier client, elle fait un premier prêt sous forme d’une ouverture de découvert à un autre client (tandis que le premier, détenteur du dépôt initial, peut toujours aussi bien utiliser son dépôt pour payer), prêt qui donnera lieu à retour dans ses livres en un nouveau dépôt. À partir de ce nouveau dépôt s’opère un autre prêt à un autre client qui opère un nouveau dépôt et ainsi de suite… Le volume total des prêts et donc de la monnaie sur les comptes de chèques est donc égal à dix fois le volume des réserves initiales (la véritable monnaie manuelle) déposées chez elle(20).

    Le mécanisme suppose qu’il n’existe qu’une seule banque dans la communauté. Il y a donc multiplication de la monnaie bancaire sur les comptes de chèques(21). Les banques sont des firmes qui « produisent « de la monnaie. Le problème est que si la monnaie est créée à partir des prêts, elle est aussi détruite par leurs remboursements. Quand la déflation arrive, les banques cessent de prêter et le public est privé d’une partie de la circulation monétaire. Ce mode de création de la monnaie la soumet à des fluctuations très fortes. On retrouve donc le problème déjà posé par l’École de la circulation, à savoir la multiplication des crédits qui crée une surémission de monnaie et détend le lien entre monnaie et réserves, introduisant une source de fluctuations plus grandes de l’activité économique.

    « If the two parties, instead of being a bank and an individual, were an individual and an individual, they could not inflate the circulating medium by a loan transaction, for the simple reason taht the lender could not lend what he didn’t have, as banks can and do. (…)

    Only commercial banks and trust companies can lend money which they manufacture by lending it. The Savings Bank does not create its deposits. It lends the funds deposited in it. And by the same token, two individuals cannot deflate the circulating medium by liquidating ; neither can a savings bank and an individual. » I. Fisher (1935), p. 38

    De ce fait, les banques vont ainsi créer la déflation. Car elles cherchent à augmenter leurs réserves afin de diminuer leur risque de liquidité et il y aura une diminution nette de la quantité de monnaie.

    « The banks get cash from the public by calling such loans as are call loans, or by refusing to renew loans coming due, or by selling to the public some of their investments. They demand cash in order to meet demands for cash by their depositors, so that the actual cash they pay out now adds nothing at all to the public’s net total volume of cash, since it must come out of the public in the first place. The bank simply robs Peter to pay Paul. But the deposits, of course, shrink with every pay-off of deposits, so that the total circulating medium in the hands of the public shrinks by the shrinkage of deposits. » Fisher (1935), pp. 64-65

    « In this contest the banks will not be content to get money from the public merely fast enough to pay back to the public. They will, in most cases, get it faster than that, so as to be in a « more liquid » position to weather the storm. (…) But the dominant motive of the banks is to save their own skins, and the net result is to increase their cash reserve at the expense of the circulating medium of the public. In effect, they, for the time, become the enemies of the public » Fisher (1935), p. 68

    Il est vrai que ceci n’est possible que s’il n’existe pas de prêteur ultime. La crise selon Fisher ne se manifeste donc pas seulement au niveau microéconomique par des faillites bancaires mais aussi au niveau macroéconomique par une contraction du stock de monnaie selon la logique quantitativiste. On retrouve ce type d’explication des conséquences de la crise des années 1930 chez M. Friedman(22). D’où la nécessité d’une régulation monétaire.

    Durant les crises, il se produit en effet des variations du taux d’intérêt très abruptes. On se souvient des arguments des partisans de l’École de la circulation selon lesquels les fluctuations du taux sur le marché monétaire sont plus fortes dans un système à réserves fractionnaires du fait de la succession des booms et dépressions, due aux retards de la politique monétaire en cas de sorties de métal. Selon Fisher (1935, p. 106), les facteurs déterminants du cycle sont le surendettement par crédit bancaire et la déflation(23) qui s’en suit.

    Dans le cas d’un boom, qui peut démarrer s’il existe une différence positive entre le taux de profit et le taux d’intérêt, le taux nominal monte d’abord ; mais le taux réel d’intérêt baisse (en dessous de zéro) du fait de l’inflation et de la dépréciation de la monnaie, ce qui favorise encore les emprunteurs et les incite au surendettement. Il se produit donc une évolution divergente du taux d’intérêt nominal et du taux réel (Fisher, 1935, p. 130). L’inflation se développe de façon cumulative tant que le taux d’intérêt n’a pas retrouvé son niveau normal. Le retournement du cycle s’opère parce que les banques relèvent leur taux nominal, du fait de la baisse de leurs réserves. Le taux réel monte au-dessus de son niveau normal et il se produit alors une déflation cumulative, pour des raisons symétriques de celles de la phase précédente.

    L’effet de la hausse des taux d’intérêt réels se fait sentir sur l’ensemble de l’encours des dettes passées accumulées et non seulement sur les nouveaux prêts. Fisher décrit, certes, l’enchaînement des événements de la déflation par la dette qui inclut une baisse de la valeur nette des entreprises, précipitant les faillites (Fisher, 1935, p. 108). Mais il insiste sur un second effet, qui est lui monétaire, puisqu’il consiste en une contraction des encaisses nominales agrégées et en une baisse du multiplicateur de base monétaire (par fuite des dépôts mais aussi par augmentation des réserves des banques par rapport aux dépôts puisque les banques cherchent à contracter le volume de leurs prêts, ce qui est indépendant des paniques bancaires), qui empêche le mécanisme stabilisant de l’effet d’encaisse réelle de jouer(24). Ce dernier effet monétaire n’est pas une nouveauté par rapport aux analyses de 1911. On retrouve un cadre quantitativiste. Car on doit noter que, dans le texte de 1935 (100 % Money) que nous analysons, Fisher insiste particulièrement sur l’effet monétaire pour justifier son plan de réforme bancaire.

    C’est pourquoi, en réalité, le système actuel de « 10 % réserves » ne favorise pas les emprunteurs. Il semble que le taux d’intérêt nominal soit plus bas en raison de l’accroissement de la quantité de prêts permis par l’existence des banques mais cet avantage est illusoire du fait des booms et dépressions. Car les emprunteurs y perdent en fait plus qu’ils n’y gagnent car ils perdent leur solvabilité et crédibilité et subissent la réduction de l’offre de crédit lorsque les banques ont besoin de liquidités.

    Il faut bien comprendre, selon Fisher (1935, p. 124), que, si l’emprunteur quelconque (c’est à dire de petite taille et qui n’a pas de poids dans la négociation avec la banque) paiera peut être un taux nominal plus haut dans le système à « 100% réserves », sur le long terme celui sera plus stable. Alors qu’aujourd’hui il varie grandement et de plus, dans certaines circonstances comme les dépressions, d’ailleurs créées par les banques, cet emprunteur ne peut pas emprunter du tout, même à n’importe quel taux, car les banques doivent reconstituer leur liquidité et cessent de prêter.

    3. le plan de réforme de I. Fisher

    L’idée essentielle consiste à supprimer le lien entre crédit et monnaie. Les banques devront observer un coefficient de réserves de 100 %. Tous les comptes de chèques ne pourront faire circuler que de la monnaie déjà « en caisse ». Le but est d’aligner toutes les formes de monnaie bancaire sur les billets ; aller au-delà des principes de l’Act de 1844 en imposant la même règle aux dépôts qu’aux billets. Fisher pense même que le problème des billets n’est plus important puisque la monnaie est principalement composée de comptes chèques.

    La monnaie sera émise par une commission spéciale et gouvernementale ; elle sera remise aux banques contre la partie de leurs actifs qui correspond à leurs prêts. Elle servira donc de réserves aux banques et ne pourra pas, par elle-même, faire varier la circulation monétaire du pays. Il y aura donc substitution de cette monnaie aux titres des banques et à l’avenir, une fois ce processus terminé, un coefficient de réserves de 100 % en cette monnaie sera observé à tout moment. Les dépôts étant entièrement reliés aux réserves, tous les instruments de paiement se comporteraient comme les réserves, comme s’il s’agissait d’une circulation de monnaie manuelle uniquement. On retrouve les propositions de l’École de la circulation : une circulation de papier qui se comporte comme s’il s’agissait d’une circulation métallique (des certificats de métal), comme si les réserves métalliques circulaient. Dans le système proposé par Fisher (« 100 % money » à distinguer du système actuel de « 10 % money »), il n’y a plus de différence entre ce qui est monnaie manuelle (monnaie effective) et instruments de crédit qui circulent.

    Fisher précise qu’il s’agit d’un plan de nationalisation de la monnaie mais non de l’activité de banque ou de crédit (Fisher, 1935, p. 18). L’émission de monnaie est gérée par l’État et elle est distribuée et mise en circulation (sa répartition entre les utilisateurs d’une masse prédéterminée par l’État) par les banques privées.

    « Let the Government, through an especially created « Currency Commission », turn into cash enough of the assets of every commercial bank to increase the cash reserve of each bank up to 100% of its checking deposits. In other words, let the Government buy (or lend money on) some of the bonds, notes, or other assets of the bank with money(25), especially issued through the Currency Commission. Then all check-book money would have actual money – pocket-money – behind it » Fisher (1935), pp. 8-9.

    Les banques sont donc divisées en deux départements : un département qui continue à faire du crédit mais sans émette de monnaie ou gérer des comptes chèques, et un département d’émission qui gère les paiements en chèques dont les dépôts sont entièrement couverts par de la monnaie manuelle (qui est de la monnaie manuelle émise par le gouvernement). On reconnaît les principes de la séparation de la Banque d’Angleterre en deux départements selon l’Act de 1844 : un département de banque et un département d’émission.

    « The money subject to check would, as elsewhere stated, be kept in a separate « Check Bank » which would be a department of the original bank, or affiliated with it. Each original commercial bank would thus be split into a Check Bank or Department and a Loanand-Investment Bank or Department.

    The Loan Department, could, of course, like any other depositor, deposit its own cash in the warehouse-bank or department, and draw out this cash or transfer it by check » Fisher (1935), p. 53.

    Les avantages sont d’abord que le risque de liquidité ou de transformation des banques disparaît ainsi que les « runs » et faillites bancaires. Les déposants ne craindront plus que la banque ne puisse les rembourser puisque la monnaie qu’ils demanderaient est toujours dans la banque (Fisher, p. 10). Le risque bancaire est donc réduit, y compris le risque de défaut car la monnaie qui est émise est gagée sur le crédit du gouvernement des États-Unis.

    Ceci constitue notamment une solution au problème du risque de liquidité tel qu’il est traité dans le cadre du modèle de Diamond et Dybvig (1983), mais alors il n’y a plus d’assurance de liquidité fournie par les banques. Wallace (1996) développe ce point. Il montre que les propositions actuelles de « narrow banking », qui sont la version contemporaine des projets de banques ayant 100% de réserves(26), visent à établir des banques n’émettant que des dépôts gagés entièrement par des actifs liquides. Cependant, ces propositions ne se basent pas sur une théorie (ou un modèle) bancaire. En particulier, elles ne montrent pas en quoi leur solution est nécessaire car elle permettrait logiquement de résoudre les effets néfastes de l’illiquidité bancaire. Car le problème que les propositions de « banques étroites »sont supposées résoudre n’existerait pas si les banques n’étaient pas illiquides. Or il existe des théories qui explicitent ce point. En particulier, le modèle de Diamond et Dybvig (1983) est utile car il montre pourquoi les banques sont illiquides et quel service elles rendent ce faisant. Wallace (1996) prolonge la version originale de ce modèle pour traiter explicitement des propositions de « narrow banking »( que ces auteurs ont cependant aussi critiqué dans Diamond et Dybvig (1986) et Dybvig (1993)) et montrer de façon fondée théoriquement comment ces propositions, en supprimant la prise de risque de liquidité par les banques, auraient des conséquences négatives sur l’économie.

    Car les propositions de « narrow banking » sont interprétables dans les termes du modèle de Diamond et Dybvig (1983) si l’on introduit dans ce modèle le cas où le système bancaire est liquide au sens où il peut « accomoder » tout schéma de proportion des retraits entre agents qui sont « impatients » et ceux qui sont « patients » ; en ce sens il n’a plus d ’exigibilités fonction de celles des déposants. Cependant, puisque ce système bancaire fournit alors une allocation équivalente à celle d’autarcie aux agents, ceci aboutit à supprimer le rôle du système bancaire qui améliorait justement cette allocation ; résoudre l’illiquidité bancaire aboutit à supprimer le problème qui l’avait fait naître (27).

    4. La régulation monétaire et bancaire

    Revenons à I. Fisher. Selon lui, les variations de la masse des dépôts qui circulent par chèques et de toute la circulation monétaire seraient régularisées. En effet, la monnaie ne serait plus créée au rythme du crédit, c’est-à-dire de l’accroissement des prêts et de leurs remboursements ainsi que de leur ralentissement. Il en résulte une limitation des cycles économiques et une plus grande stabilité de la valeur de la monnaie.

    Dans le système bancaire actuel (dit à « 10 % réserves »), les liquidités peuvent être reprêtées à l’infini. La multiplication des dépôts se fait à partir d’une base faible en liquidités. Au contraire, selon Fisher, son plan de réforme permettra une plus grande stabilité du taux d’intérêt. Il évitera ainsi toute contraction de la circulation monétaire en cas de déflation et même il favorisera une plus grande régularité de l’offre de monnaie et donc évitera des variations de prix, si l’on suit la théorie quantitative. La variation de la quantité de monnaie n’est plus contrôlée par les banques mais par la commission gouvernementale d’émission de la monnaie qui suit une règle monétaire (Fisher, 1935, p. 15). Elle doit « diriger » la monnaie de façon à ce que l’indice des prix retenu soit stable. La monnaie n’étant plus émise en fonction du crédit, si le public rembourse ses emprunts (faits non à partir de monnaie « nouvelle »), cela ne diminue en rien la quantité de monnaie ; il y a simplement une nouvelle répartition.

    « Under the 100% system, when bank loans increased or decreased, the volume of the checking deposits would not be affected any more than when any other sort of loans increased or decreased. These deposits would be part of the total actuel money of the nation, and this total could not be affected by being lent from one person to another. » Fisher (1935), p. 13

    Les buts poursuivis dans la régulation d’un système bancaire sont doubles et distincts : d’une part, la stabilité du niveau des prix obtenue par la gestion de l’offre de monnaie par la commission monétaire et d’autre part, la stabilité des banques par la mise en place d’un coefficient de réserves à 100 %. Les objectifs de la politique monétaire (la monnaie) et de la politique bancaire (ou du crédit) sont séparés analytiquement mais sont en fait confondus dans leurs moyens. Cependant, la politique monétaire a un rôle primordial.

    Il est nécessaire que la quantité de monnaie suive le mouvement des affaires, mais ceci ne peut s’opérer en liant monnaie et endettement. Car, ainsi que nous l’avons vu, dans le système actuel, le développement des prêts entraîne un développement des comptes de chèques (la monnaie) plus rapide que celui de l’activité économique. Il en résulte une hausse des prix et des profits durant les phases de booms. Il y a d’autre part une tendance permanente au surendettement et donc à la trop grande prise de risque de défaut par les banques. Et la liquidation de ces prêts amène normalement la quantité de comptes chèques à se contracter plus vite que l’activité économique, de telle sorte que le niveau des prix et des profits baisse habituellement lors de la dépression (Fisher, 1935, p. 160). Au contraire, si le niveau de la quantité de monnaie restait stable (ou augmentait lentement et non plus rapidement que l’activité économique) durant les phases d’expansion de l’activité économique, il ne se produirait pas de hausse des prix, et pas de baisse des prix en phase de récession. Ceci est possible dans le système « 100 % réserves » car les prêts augmentent avec l’activité économique, mais pas la monnaie.

    La banque centrale n’a, dans ce cadre, qu’une seule fonction : celle d’assurer la stabilité de la valeur de la monnaie. Celle-ci est définie par un indice des prix. La stabilité de la valeur de la monnaie ne doit pas être appréciée par rapport à un étalon tel l’or, qui est instable et parce que la convertibilité en or rend le système bancaire encore plus instable, vu la faible quantité d’or disponible. On retrouverait les mêmes problèmes qu’avec le système de « réserves à 10 % ». Les banques n’auraient jamais assez de liquidités. Il faut donc gérer la monnaie à l’aide d’une règle prédéfinie (28).

    La politique bancaire est très réduite. Dans le nouveau système « 100 % réserves », la banque centrale n’a pas la fonction de prêteur en dernier ressort car le risque de transformation n’existe plus pour les banques et elle n’a donc pas à leur fournir de la liquidité en urgence. Les banques sont toujours liquides. Il en résulte que, dans ce système, il suffit de petites variations de la quantité de monnaie pour assurer la stabilité des prix. Il n’est pas besoin de la faire varier fortement puisque la déflation n’existe plus. On retrouve les propositions de l’École de la circulation selon lesquelles la banque centrale n’a pas à assurer le rôle de prêteur en dernier ressort. Fisher critique les modalités d’action de la Federal Reserve Bank, depuis sa création, en tant que prêteur en dernier ressort. Ses prêts peuvent accroître les réserves des banques, mais en fait ceci leur a permis de supporter des coefficients de réserves encore plus petits et ceci n’a pas supprimé les faillites bancaires (notamment en 1920) qui ont même été de plus grande ampleur qu’avant sa création (Fisher, 1935, p. 44).

    5. Les « banques étroites »

    Dans le système de réserves à 100 %, les banques n’ont pas besoin de reconstituer leurs réserves ou leurs liquidités puisque ces dernières sont fixées une fois pour toutes ; il ne peut donc se produire de restriction du crédit de ce fait. Le crédit n’est pas lié à la monnaie que les banques créent mais à l’épargne (Fisher, 1935, p. 75). On retrouve donc la tradition classique puisque les investissements et les prêts bancaires ne sont possibles qu’à partir d’une épargne préalable déposée chez elles.

    Les banques deviennent alors de simples intermédiaires financiers entre épargnants et investisseurs. Dans le projet de réforme de Fisher, les banques prêteraient de l’argent, soit à partir de leur propre capital, soit à partir de l’argent reçu de leurs clients et placé en épargne (Fisher, 1935, pp. 12 et 16). Les dépôts qui circulent par chèques (checking deposits) sont très différents des dépôts d’épargne (saving deposits). Ces derniers représentent un investissement tout comme un titre qui rapporte un intérêt. Cet investissement, tout comme n’importe quel titre, ne requiert pas d’être gagé sur des réserves à 100 %.

    « But loans normally come out of savings, and the growth of the loans should depend on the growth of the savings, and not be either stimulated or hampered, as they are now, by a monetary system unduly expanding and contracting.

    Of course the volume of loans can exceed the volume of money just as sales do. The same money can negotiate one loan after another just as it can negotiate one sale after another. It can even come back to the same savings bank and be relent. So long as the loans are made out of real money and not out of money manufactured by the lender, for the purpose, they will not violate the principle of the 100% system. » Fisher (1935), pp. 79-80

    « Thus, under the 100% system, the chief function of the loan department would be that of a broker between savers and enterprising borrowers of the savings. The rate of interest would register the supply and demand of theses savings. This might mean at various times a slower or a faster increase of production and productive enterprise than now, but the net increase in the long run would be faster than now, as well as steadier, because not interrupted by so many, or so severe, depressions. » Fisher (1935), p. 82

    Les banques sont alors neutres et non distinguables des marchés ou des autres agents individuels opérant sur les marchés. De plus, étant plus liquides dans le cadre du projet de réforme, elles pourront améliorer la qualité de leurs prêts. Elles pourront détenir des actifs à plus long terme et en plus grande quantité, et des actifs plus rentables que ceux qu’elles étaient obligées de détenir avant par peur des « runs » car il s’agissait d’actifs à court terme (Fisher, 1935, p. 138).

    Les prêts sont donc de la monnaie déjà existante épargnée et transférée d’un individu à un autre par l’intermédiaire de la banque. Il n’y a donc pas d’augmentation du volume total de la monnaie. Un individu en reçoit si un autre s’abstient de consommer. Ceci est opéré sur le marché des prêts et non celui de la monnaie (« le soi-disant marché de la monnaie », selon Fisher, 1935, p. 166). Sur ce marché des prêts se détermine le prix des prêts ou de l’épargne, le taux d’intérêt (qui est donc fondamentalement réel) et non le prix de la monnaie, qui est le niveau général des prix. La monnaie n’est que l’intermédiaire des échanges et le véhicule en lequel se font les prêts. Les banques n’ont pas alors un comportement différent d’un autre agent prêteur. La politique monétaire de régulation de la quantité de monnaie n’ a pas à se préoccuper de l’activité des banques, mais de celle de la commission gouvernementale que veut créer Fisher.

    « The so-called « money market » should be simply the market for loans from Jones to Smith, not the source of the circulating medium for Jones and Smith. Intrinsically, loans have nothing to do with putting more money or less money into circulation.

    The true abundance or scarcity of money is never registered in the loan market. It is registered by the index number of prices. » Fisher (1935), pp. 166-167

    On peut citer des prolongements contemporains des idées introduites par Fisher.

    M. Allais ou M. Friedman(29) proposent de séparer banques de dépôt qui effectueraient les paiements en monnaie de base et banques de prêts qui feraient des crédits à partir d’emprunts de même terme (des intermédiaires financiers) afin de mieux contrôler l’émission de monnaie bancaire et d’éviter l’instabilité bancaire. La même suggestion a été faite par Tobin (1985)(30). Plus récemment, d’autres propositions tendant à réduire les banques à une activité « étroite » (ou à des prêts à court terme) (narrow banking(31)) sont apparues. D’autres encore visent à remplacer les banques par des institutions financières de type « money market funds » ou fonds mutuels investis en titres du marché monétaire. Ceux-ci utilisent les fonds qu’ils collectent pour acheter des titres financiers sans risque. Ils peuvent fournir des services de paiement aux détenteurs de leurs parts émises dans le public c’est à dire faire des opérations analogues à celles effectuées sur des comptes de dépôts bancaires (virements etc…).

    C.A. Goodhart (1990) considère que ces fonds mutuels sont aussi à même que les banques de fournir des services de paiements(32). Différents intermédiaires financiers peuvent le faire. Il propose donc que les services de paiement soient effectués par des fonds mutuels qui investiraient en titres de marché dont la valeur fluctuerait. Ils émettraient en contrepartie des parts dans le public dont la vente servirait aux paiements(33). Car, selon lui, ce n’est pas la fonction de gestion des moyens de paiement qui est caractéristique des banques et nécessite qu’elles soient soutenues par une banque centrale, mais le fait qu’elles détiennent à leur actif des titres non négociables et illiquides (du fait qu’ils « incorporent » une information privée) ; c’est du côté du rôle particulier que le crédit bancaire joue pour certains emprunteurs qu’il faut chercher leur raison d’être (ce qui détermine à son tour le caractère particulier de leur passif qui sont des dettes à valeur fixe). Il s’agit donc bien de définir le rôle des banques à partir du risque de transformation. Selon lui, la source de l’instabilité bancaire subsiste et n’est pas résolue par l’existence de fonds mutuels qui prennent en charge la gestion des paiements. Ce point le différencie donc de l’analyse de Fisher ; cependant « la monnaie est aussi à l’abri des prêts »et ne subit plus les effets de l’instabilité bancaire.

    Fama (1980) décrit les banques comme ayant deux fonctions : l’une de fourniture de services de transaction et l’autre de gestion de portefeuille. Il propose que la première soit remplie par des « banques » qui deviendraient analogues à des fonds mutuels investissant en titres de marché. La monnaie est remplacée par des actifs financiers. Il est cependant possible de maintenir une « monnaie manuelle » (billets et pièces) dans le système financier qui serait émise par le gouvernement. Le problème de l’inflation est alors uniquement réduit à celui du contrôle du stock de cette monnaie.

    Conclusion

    Nous avons pu établir la similarité des arguments en faveur de l’existence de banques ayant un coefficient de réserves de 100% utilisés par les partisans de l’École de la Circulation (en faveur de la réforme de la Banque d’Angleterre en 1844) et par I . Fisher dans son plan de 1935. La même volonté de supprimer le risque de liquidité des banques et les conséquences sur la fluctuation de l’offre de monnaie en est l’objet. les mêmes préoccupations sont à l’origine des propositions contemporaines de « banques étroites ». Il en résulte alors une conception de la monnaie séparée du crédit et des banques comme de simples intermédiaires financiers.

    ________________

    Notes :

    1 Le texte de la communication sera disponible en anglais lors des 20 èmes Journées Internationales d’Économie Monétaire et Bancaire, Birmingham, 5-6 juin 2003, sous le titre « Circulating medium not at the mercy of loan transactions » : from I. Fisher’s plan (1935) to present proposals of « narrow banking ».

    2 Université de Paris XII, Faculté de sciences économiques et de gestion, et PHARE (Pôle d’histoire de l’analyse et des représentations économiques, FRE 2541)

    3 Nous avons tenté de retracer une partie de ce débat dans Diatkine S (2002).

    4 M. Allais, 1967 ; M. Friedman, 1959.

    5 Nous reviendrons sur ce point plus loin.

    6 H. Simons (1934). On peut aussi citer dans le même ordre d’idées L. Currie (1934). Pour une analyse de ces textes, voir les articles rassemblés par F. Capie (1993, vol. 6 et 10).

    7 Sur ce point, voir D. Patinkin (1969).

    8 H.E. Loef et H.G. Monissen (1999).

    9 I. Fisher, 1932.

    10 W. Allen, « I. Fisher and the 100 percent reserve proposal », Journal of Law and Economics, 26, p. 704, cité par H-E. Loef et H. G. Monissen, op. cit, p. 87.

    11 Schwartz A. (1989) , Skaggs (1999). Nous avons présenté ces débats dans Diatkine S. (2000) et Diatkine S. (1995).

    12 Torrens R., 1837 ; réédité in O’Brien, 1994, p. 34.

    13 Contrairement à une interprétation souvent admise, les propositions de réforme du système monétaire de D. Ricardo ne sont pas identiques à celles de l’École de la Circulation car il n’envisage pas d’instaurer un coefficient de réserves de 100% mais seulement de fixer à la banque centrale un objectif en prix à respecter ( et non en quantité). Elle doit faire varier la quantité de billets de façon à stabiliser le prix de la Livre en métal. Sur ce point voir Diatkine S. (1998)

    14 Torrens R., ibidem, p. 61.

    15 Torrens donne un exemple numérique par lequel il montre que les banquiers ne vont pas garder dans leurs coffres tout le montant de monnaie redéposée chez eux. « They would reissue the greater part of the sum , say 800000 of the 1000000 in the » discount of merchant bills, or in the purchase of government securities :… »( Torens, 1837, p. 11) Après plusieurs vagues de multiplication de crédits, qui dépendent de la partie de la circulation monétaire qui reste « in the hands of those who do not keep their cash with bankers ; while the remaining portion will be in the hands of those who do keep their cash with bankers […] Whatever sums they may advance upon securities in the morning, the same sums will be returned to them in the evening, in the form of new deposits ; and in this way the amount of their deposits must continu to increase, until they bear that proportion to the fixed amount of the returning cash, which the experience of the bankers may suggest to say and legitimate…Thus we see that, in consequence of the system of banking prevalent in this country, a fixed amount of circulating money be the basis of a fluctuating amount of credit money, even though the circulating money should be purely metallic. « (Torrens, 1837, pp. 11-16).

    16 « He failed (Adam Smith- S.D.-) to recognise the important and generic distinction between issuing notes and making advances from deposits , – in other words, between creating additional circulation and lending upon securities portions of the circulation already in existence ; … » (Torrens R., 1858 ; réédité in O’Brien ed., 1994, p. 301 ; voir aussi, p. 318-319.)

    17 O’Brien, 1994, IV, « Introduction », p. IX.

    18 Ce fait a été confirmé par D.P. O’Brien (1998) qui montre, par une étude statistique et économétrique, que l’Act de 1844 a échoué dans la mise en œuvre d’une politique de régulation de l’offre de monnaie par la base monétaire (celle-ci comprend, outre les billets, les dépôts à la Banque d’Angleterre) et à stabiliser les agrégats monétaires et le niveau des prix. Il n’a, de plus, pas fait disparaître les crises bancaires.

    19 Voir la note 23, p. 8.

    20 Fisher, 1935, p. 30-31.

    21 On retrouve l’analyse de Torrens (voir ci-dessus, p. 4).

    22 M. Friedman et A. Schwartz, 1963.

    23 I. Fisher intitule le chapitre 7 de 100% Money, « Booms and depressions », qui est le même titre que celui de son livre paru en 1932 ; il s’y réfère ainsi qu’à son article où il a développé une analyse de l’effet sur l’endettement de la déflation, « The Debt-Deflation Theory of Great Depressions », 1933, trad. 1988 (Fisher, 1935, p. 105). Sur ces ouvrages, voir R. Dimand, 1994.

    24 Fisher, 1935, p. 108 .

    25 Une note n’a pas été reproduite.

    26 Wallace N. (1996), p. 3.

    27 It shows that in this model narrow banking eliminates the role of banking. The proposition implies that using narrow banking to cope with the potential problems of banking illiquidity is analogous to reducing automobile accidents by limiting automobile speeds to zero. « Wallace (1996), p. 9.

    28 Fisher, 1935, p. 169-170. On rejoint ici le débat entre règle et discrétion en matière de politique monétaire ouvert par les débats du XIXe siècle et qui continue jusqu’à nos jours.

    29 M. Allais, 1967, p. 17-31 ; M. Friedman, 1959, p. 65-75.

    30 J. Tobin (1985), p. 20.

    31 Pour un exposé et une discussion de ces propositions, voir par exemple, N. Wallace, 1996.

    32 C.A. Goodhart (1990), p. 86

    33 ibidem, p. 96.

    ____________

    BIBLIOGRAPHIE

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    Allen R.L. (1993) : Irving Fisher. A Biography, Basil Blackwell.

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    (2002) : Les fondements de la théorie bancaire. Des textes classiques aux débats contemporains. Dunod. Dimand R. (1994) : « I. Fisher’s Debt Deflation Theory of Great Depressions », Review of Social Economy, 52. Fama E. (1980) : « Banking in a Theory of Finance », Journal of Monetary Economics, 6 (1). Fisher I. (1911) : The Purchasing Power of Money, Macmillan (1930) : The Theory of Interest, Macmillan. (1932) : Booms and Depressions. Some First Principles, Adelphi. (1933) : « The Debt-Deflation Theory of Great Depressions », Econometrica, 1 (4), 1933 (1935) : 100 % Money, Adelphi, ; réédité in The Works of Irving Fisher, vol. 11, Barber

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    Macmillan. Simons H. (1934) : A Positive Program for Laissez Faire , University of Chicago Press. Skaggs N. (1999) : « Changing Views : Twentieth-Century Opinion on the Banking School-

    Currency School Controversy », History of Political Economy, 31, 2. Tobin J. (1985) : »Financial Innovation and Deregulation in Perspective », Bank of Japan Monetary and Economic Studies, vol. 3, n° 2.

    Torrens R. (1837) : A Letter to the Honourable Lord Viscount Melbourne on the Causes of the

    Recent Derangement in the Money Market and on the Bank Reform, Longmans ; rééd. in O’Brien D.P. (ed.), 1994. (1858) : « Lord Overstone on Metallic and Paper Currency », Edinburgh Review,

    January, vol. CVII ; rééd. in O’Brien (ed.), 1994. Wallace N. (1996) : « Narrow Banking Meets the Diamond-Dybvig Model », Quaterly Review of the Federal Reserve Bank of Minneapolis, 20 (1).

    Source : http://www.univ-orleans.fr/deg/GDRecomofi/Activ/diatkine_birmingham.pdf

  17. Avatar de A-J Holbecq

    Eh bien je suis content de voir que d’autres économistes que ceux que je connaissais (Allais, Friedman, Fisher, Robertson, etc) défendent cette idée de monnaie nationalisée (monnaie émise uniquement par la Banque Centrale, ce qui équivaut à imposer des réserves de 100 %)
    Merci Étienne d’avoir découvert cet article qui va aussi se retrouver bientôt sur « fauxmonnayeurs.org »

  18. Avatar de Shiva
    Shiva

    @ johannes finckh & logique

    Un tableau BCE où l’on voit les emprunts réalisés par les banques auprès de leurs BC (refinancement à plus long terme) passer sur des comptes de dépôt (Facilité de dépôts) pour simplement équilibrer les bilans des IFM, et au passage faire augmenter la base monétaire.

    Les soldes des comptes courants des établissements de crédit correspondent eux aux RO exigées.

    http://www.banque-france.fr/asp/ouvrirpdf.asp?strurl=fr/poli_mone/telechar/regle_poli/LiqPosition_FR.pdf&title=Position%20de%20liquidit%C3%A9%20du%20syst%C3%A8me%20bancaire

  19. Avatar de Oppossùm
    Oppossùm

    En faisant mes longueurs à la piscine, hier, l’idée m’est venu, malgré mes faméliques connaissances économico-financières, de clarifier les deux conceptions en lice.

    J’ai un a-priori très favorable à la création monétaire ex-nihilo. Mais l’aspect un peu magique du procédé qui fait disparaitre l’essence de ce qu’est la monnaie pour la réduire à un scandale me gêne.

    La monnaie est d’abord un ticket permettant la ronde des échanges. Il faut donc, à peu prêt autant de ticket qu’il y a de choses à échanger, en moyenne disons. Et il faut, en amont , une instance introduisant ou ayant, à un moment donné, ces tickets. Une instance ou un principe, une règle du jeu.

    Ce pouvoir de fabrication , d’introduction de ticket est considérable et dangereux pour la société, puisque celui qui le possède pourrait facilement ‘acheter’ et dominer le monde. C’est pourquoi le ticket n’a pas fonctionné tout de suite. Les sociétés lui ont toujours préféré des monnaies ‘pleines’ c’est à dire contenant leur propre valeur, donc gagées sur elle même, soit réellement en travail (es premières monnaies auraient été les céréales) , soit dans un matériau à valeur symbolique (presque) éternelle et universelle, l’or.
    Certaines sociétés ‘primitives’ se sont approchés de l’abstraction du ticket avec l’utilisation de coquillages, plumes, pierres etc … mais avec la condition essentielle , caputale, irrémédiable , que cela soit des choses rares et non reproductibles : sinon ce serait trop facile et suicidaire puisque cela pousserait l’activité humaine à chercher des coquillages sur la plage et non pas à produires des biens et services, seuls richesses matérielles réelles.

    Bref, dans tous ces cas on laisse l’introductions des jetons d’échanges à la nature ou au hasard. La règle étant que ce système ne doit pas être exploitable par un agent à son profit, et qu’il doit donc, de par la force de ces règles organiser un système ou personne ne puisse voler l’autre c’est à dire où chacun amène à la collectivité autant que ce qu’il prélève.

    Bien entendu , ce système n’est pas parfait car celui qui découvre l’or ou le coquillage peut ‘voler’ la société en prenant sans rien apporter. Mais l’intérêt de ce système est que personne ne peut s’en servir de façon systématique et organisé contre les autres : la découverte de coquillage-monnaie étant faite tantôt par l’un , tantôt par l’autre … cela équilibre les choses … en les laissant au Dieu hasard.

    Dans ces systèmes, pas de banques commerciales. Pas de ex-nihilo humain . Et pourtant ces systèmes n’étaient pas si primitifs que cela et connaissaient également des ‘crises’ diverses de même natures que les nôtres, au sujet desquels ils se posaient des questions …
    Et dans ces systèmes la création et la quantité de monnaies obéissaient obligatoirement et définitivement au « principe de conservations des quantités » . Enfin presque puisque la nature ou l’histoire pouvait amener une jonchée de coquillage à marée haute ou bien la découverte d’ or ici ou là … .

    Bref dans ces systèmes, les ticket-jetons, une fois introduits, n’ont pas à être détruits . Ils sont là : ils tournent éternellement, il faut faire avec. Leur valeur s’adaptent , dans un sens ou un autre à la réalité des biens et services d’un instant. Ils sont épargnés, thésaurisés, disparaissent, réapparaissent, ils sont recherchés, ils ont eux mêmes un prix etc …

    Toute cette longue digression pour dire que notre système économique fonctionnant en gros de la même façon , (entre le XV eme et le XIXe par expl) , ce sont les mêmes tickets-jetons qui circulent , d’une certaine manière. Nos sociétés ont une certaine quantité de biens et services à échanger : il faut , en face, une quantité de jetons permettants ces échanges. Le processus juridique est un peu différent , il y a quelques coudes en plus .
    En gros c’est pareil, mais avec des pesanteurs en moins …. et des risques en plus ….

    Et quand bien même les banques commerciales n’existeraient pas ou que le ex-nihilo ne serait pas , le commerce fonctionnerait tout de même et une monnaie existerait d’une façon ou d’une autre.
    La monnaie serait comme un liquide dans une piscine, qui ne se renouvellerait pas mais qu’on recyclerait par des circuit interne.
    A ce propos , je vous laisse un instant pour aller faire quelques longueurs méditatives , l’oeil rivé sur les lignes de faience bleue , qui me servent d’horizon et de repère pour nager droit, car elle ferme bientôt , ma piscine.
    ….
    Reprenons donc notre raisonnement …

    Et pourtant le ex-nihilo existe bel et bien et ses conséquences ne sont pas neutres. (Il serait curieux que l’ensemble de tous les acteurs du système se trompe si lontemps et complètement sur lui-même ! Quoique parfois …)
    Lorsqu’ au XVI et XVII eme, les banquiers se mettent à prêter plus qu’ils n’ont , il ne s’agit pas d’une arnaque (en fait si, mais on s’en fout), mais d’une conceptualisation à un niveau d’abstraction plus élevée de la nature réelle de la monnaie.

    La monnaie du banquier se dégage alors de son gage, la monnaie commence à se détacher conceptuellement de l’or . (Je ne pense pas au billet qui n’est qu’un dégagement physique assez simple) Elle commence à être pensée en d’autres termes que comme l’expression d’une richesse en épargne pre-existante. Elle se dégage également , en partie, de la notion d’épargne comme consommation différée . L’épargne n’est pas l’or, mais à l’époque l’épargne n’est qu’en or , d’où une certaine équivalence de ces notions pourtant distinctes. La monnaie anticipe la formation de l’épargne . Le futur s’invite. Et ce système marche.

    On commence à envisager la monnaie comme quelque chose qu’on peut maîtriser , et non pas simplement soit laborieusement constituer soit bricoler par des techniques douteuses, quelque chose pouvant être au service de l’économie. Créer de l’argent selon ses besoins , mais selon des règles strictes toutefois.

    Car le ex-nihilo ne porte pas toute les promesses d’indignation qu’on lui prête . Il s’agit tout simplement de l’introduction de jetons-tickets suivant la règle simple que même si cette avance ne suppose pas une épargne pré-existante, elle doit impérativement , dans un délai raisonnable, humain, se résorber, disparaître par remboursement destructeur : l’épargne après coup.

    Bref le ex-nihilo doit respecter d’abord l’antique règle que personne ne doit pouvoir profiter du système et du travail des autres : au ex-nihilo correspond une destruction de valeur monétaire sans laquelle le système ne peut tenir. C’est effectivement la naissance de l’argent-dette. Les jetons sont introduits avant que la richesse permettant l’épargne ne soit créée. C’est un peu comme le miracle de la marche qui ne se réalise que par un déséquilibre avant.

    Le ex-nihilo est devenu peu à peu un principe. Principe qui coexiste avec la logique de l’épargne . Il y a donc deux logiques en oeuvre. Mais le fait est qu’aujourd’hui la monnaie est bien créée par le mécanisme du ex-nihilo, par le crédit parce que la monnaie est toujours anticipée.
    le système bancaire crée la monnaie par le crédit , sans trop se soucier de la présence de l’épargne … mais les mécanismes d’épargne sont encore là et fonctionnent , dont certains vont tout naturellement ‘financer’ en partie le crédit … et le système va se débrouiller par différents bricolages … pour équilibrer comptablement et pratiquement les choses , en mélangeant à la fois ce qui releve de l’instant présent et ce qui releve des promesses et créances futures, et tout ceci, sans que personne ne manque de ce dont il a besoin à l’instant t0, le reste étant ‘reporté’ à l’instant t1, ou t2 ou … bien plus loin.

    De telle sorte qu’on a l’impression que toute la création monétaire passe par du ex nihilo, ce qui est vrai, mais qui n’empêche pas qu’en fait il ne s’agisse que d’une anticipation sur une masse monétaire qui serait là de toutes façons. Il s’agit donc d’une sorte d’ombre devant nous, dans laquelle nous tombons parce qu’elle est calibrée pour se caler dedans.

    Le principe de conservation des quantités a l’intérêt d’ôter l’aspect vaguement magique au ex-nihilo pour ceux qu’ ils abuseraient en leur faisant oublier que ce qui sort du néant doit impérativement (pouvoir) y retourner d’une part, et de l’ autre , presque de même que d’un certain point de vue l’investissement sera forcément au moins égal à l’épargne, le crédit n’est qu’une anticipation de ce qui va ‘déjà’ exister. ( !!!) .

    Mais le principe de conservation des quantités – s’il rappelle une réalité- ne permet pas de comprendre ce qui , me semble-t-il, s’est passé. A savoir que le ex-nihilo , libéré de la notion de ‘gage’ pour celle de la destruction programmée du jeton ex-nihilo, a en fin de compte réduit cette règle à un tripotage perpétuel et frénétique , et essayé de faire avaler au futur une créance à la fois trop importante, trop iréelle et trop étalé dans le temps . Le ex-nihilo a généré une masse monétaire qui contient trop de futur, qui anticipe trop sa raison d’être , à savoir une richesse à créer et à échanger, une épargne à (re)constituer, une promesse à payer –à la collectivité- , en retour de ce qu’on aura prélevé.

    J’irai même joyeusement beaucoup plus loin, en disant que le crédit s’est , au délà de ses promesses à payer trop étalées dans le temps, construit une richesse justificative illusoire, irréelle, perpétuellement différée , imaginée . Et sur ces sables mouvants , qui déjà lorsqu’ils restent confinés dans les casinos des marchés où un petit nombre de personnes s’auto-persuadent qu’elles ont pu créer de la vraie valeur sans production de richesses ni vol, sont déjà perturbants, sur ces sables mouvants donc, on a construit d’autres systèmes encore plus fragiles.
    L’édifice était à la merci d’une faille prudentielle et/ou d’une conduite immorale.

    Mais alors là , je veux bien réintroduire le « principe de conservation des quantités » ! en le concevant non pas comme l’explication de quoi que que ce soit mais comme la sanction de nos dérives. Le principe qui fait rentrer le futur et toutes ses bulles dans la piscine bien délimitée du présent. Le présent et ses petites épaules bien fragiles, qui doit maintenant supporter le retour de ce très long terme qu’on a bricolé avec des bouts de ficelles de court terme.
    Et les joyeux effets multiplicateurs et autres leviers s’exercent à présent à rebours , ajoutant aux victimes qui ne seront jamais ‘remboursés’, celles qui voient leur richesse perdre de sa valeur, celles qui , elles , perdent leur emploi, et pour finir celles qui en perdront leur bol de riz.
    Bref le principe qui va appliquer de force une conservation des quantités par adaptation des valeurs à la richesse réelle … ou ce qu’il en restera après son passage.

    En rédigeant ma construction baroque, j’écoute Ike Quebec et son merveilleux Soul Samba -qui sait encore souffler aussi charnellement? et gratter comme Kenny Burrel ?- mais j’aurais dû mettre l’Apprenti Sorcier de Dukas. Faudrait-il revenir donc à un système indexé sur l’étalon or ? Se serait une regression intellectuelle d’un certain point de vue, mais ce serait peut-être une façon de poser un interdit de façon raisonnable et efficace à l’ensemble du Monde.

    Bon, voilà, je fais don à Paul de mes élucubrations d’amateur, mais j’aimerais bien l’avis de A-J Holbecq dont les analyses sont bien structurées mais les conclusions complètement distordues par la confiance naïve qu’il partage avec beaucoup d’autres que l’Etat -tel qu’il l’idéalise dans une démocratie de contes de fées- ne peut pas vouloir autre chose que le bien collectif. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas -au moins au USA- impérativement nationaliser le système bancaire, au point ou l’on en est.

  20. Avatar de johannes finckh

    @shiva

    J’accepte avec joie, je n’ai rien lu sur la monnaie fondante, à part quelques posts piochés au hasard sur ce blog.

    Je suis allé sur le site Silvio-Gesell.de mais comme c’est en Allemand…

    Est-il possible de télécharger une version Française ?

    non, il y a aussi la version française, mais j’ai eu aussi quelques difficultés pour la télécharger;
    si vous m’indiquer une adresse postale par mail, je vous enverrai un exemplaire de silvio gesell,
    bien à vous,
    jf

  21. Avatar de Oppossùm
    Oppossùm

    Damned ! Etienne , le grand déverseur, est de retour !
    Après lui , le commentaire trépasse …

  22. Avatar de johannes finckh

    @logique:
    Paul Jorion vous répondra plus précisément que moi, mais le rééchlonnement jusqu’à 50 ans (!) avait été proposé pour certains.
    Paul disait pertinemment que l’on a essayé de faire « propriétaires » de très pauvres absolument insolvables…
    La crise a certainement été déclenchée par cela, mais la cause reste monétaire!
    Avec la monnaie anticrise, nous aurions eu des krachs bancaires peut-être, mais JAMAIS de crise systémique!
    jf

  23. Avatar de Christophe
    Christophe

    @Johannes finckh
    @Shiva
    @diablotins

    Merci Johannes pour votre commentaire
    Shiva vos commentaires sont très bons.

    Mais comment terrasser ces diablotins de créationnistes ?

    Si on réfléchit bien tout leur édifice est bâti sur les compensations interbancaires qui s’annulent où presque, de telle sorte que les banques privées émettent leur monnaie scripturale sans l’avoir financé en monnaie centrale.
    Je crois que toute leur théorie foireuse est là.

    Alors essayons de casser cet argument et les diablotins repartiront sur leur planête…
    Je vais essayer avec un exemple.

    Premier cas de figure:
    Une banque accorde un crédit à un client et ce crédit finit en dépôt dans une autre banque sans qu’en fin de journée celui ci ne soit compensé par un autre crédit du même montant d’une autre banque.
    La banque paye en monnaie centrale ce qu’elle doit à l’autre banque et c’est fini pour elle.
    Le bilan pour la banque c’est qu’elle a une créance sur son emprunteur mais elle ne doit rien à personne.

    Deuxième cas de figure:
    Une banque accorde un crédit à un client et ce crédit finit en dépôt dans une autre banque mais cette fois ci, ce crédit est compensé le même jour par un autre crédit provenant d’une autre banque qui a finit en dépôt chez elle.
    A la fin de la journée, il y a compensation et les deux sommes s’annulent, aucune des deux banques n’a besoin de financer en monnaie centrale les deux crédits (donc peut-être création ex-nihilo?)
    Le bilan
    La banque a une créance sur son emprunteur mais aussi une DETTE envers son client qui a été payé avec le crédit de l’autre banque et est venu déposer son chèque sur son compte.

    Résumé:

    D’un coté le crédit accordé par la banque n’est pas compensé par un autre crédit d’une autre banque et la banque paye en monnaie centrale ce qu’elle doit et au final elle n’a plus de dette, simplement une créance sur son emprunteur.
    De l’autre coté les crédits se compensent, il n’y pas de monnaie centrale en jeu mais une DETTE apparaît pour la banque. Cette dette se matérialise comptablement en créditant le compte de son client en monnaie scripturale.

    Donc les banques qui émettent du crédit en se débrouillant pour marcher au même pas selon Keynes s’économisent de la monnaie centrale mais en contrepartie contractent une DETTE à hauteur de cette économie ce qui me semble t il démontre qu’il n’y a aucune création monetaire ex-nihilo.

  24. Avatar de A-J Holbecq

    @Christophe
    Quelques grands économistes enfoncés en quelques lignes … ça vaut un Nobel 🙂

  25. Avatar de logique
    logique

    @christophe,

    Tu y est presque, Les banques pensant se compencer les unes les autres peuvent dans se cas emmettre autant de crédit quelles le désire. Et c’est a ce momment précis que survient le gros problème, le moindre problème de remboursement met au grand jours cette pyramide de ponzi du crédit. Et ont s’apperçoi alors que le principe de compensation et devenu dangeureux. Donc sa bloque aux portillons et tout le monde recupere ses actifs placé dans l’autre banque pour être sur de respecté la quantité de valeur dis de réserve. Et c’est a partir de se momment que l’on se rends compte que l’emmission de crédit a grandement dépassé cette réserve. La je ne parle que des subprimes, mais il y a les credit de fusion-acquisition, la construction d’entreprises en chine et ailleurs et je ne parle pas des paradis fiscaux. Mais rassure toi il y a bien création monnaitaire puisque l’argent et devenu un produit de necéssité.

  26. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    le prix Nobel de la foiritude ? 🙂

    plus sérieusement, la logique des arguments anti-créationnistes m’échappe complètement.
    Si l’on accepte la monnaie comme un moyen d’échange, je ne vois pas ce qui permet de réfuter la création ex nihilo de monnaie par les banques. On parle bien de monnaie scripturale pour désinger les fonds sur DAV, non ? tous les textes normatifs utilisent ce terme en tout cas…
    Donc les banques commerciales ne pourraient pas créer de monnaie scripturale ??? Comme le faisa

  27. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    houps bugg je poursuis

    comme le faisait remarquer Etienne Chouard, les anti-créationnsites ne donnent aucune référence. Ce n’est pas en martelant ses propres vérités que l’on va convaincre le lectorat.

    Je n’ai pas d’a priori idéologique, mais j’attends des sources crédibles et des arguments logiques pour capter cette vision anticréationniste.

  28. Avatar de MarcusH
    MarcusH

    pour reprendre un passage du cours de Mario Dehove:
    il explique que l’abondement d’un DAV peut se faire en contrepartie d’un titre de dette mais aussi par l’achat d’actions, obligations…voire même d’actifs corporels. Il écrit ainsi:

    « Ainsi, par simple jeu d’écritures, la banque dispose du pouvoir, du privilège conviendrait-il de dire,
    de créer ex nihilo cette chose extraordinaire, totalement immatérielle, sans valeur, une écriture dans un
    livre de comptes, qui lui permet de devenir propriétaire d’un objet matériel possédant une valeur
    propre.
    Cet exemple montre que si le crédit crée les dépôts, que si c’est la voie principale de création de la
    monnaie pour des raisons qui seront exposées ci-après, la monnaie c’est le dépôt, et le dépôt n’est
    monnaie que parce qu’il est émis par une banque, et que de ce fait, il sera accepté en général en
    paiement par une collectivité nombreuse.
    Cette approche générale montre que la monnaie se définit autant par ses conditions que par ses
    fonctions. Cet exemple suggère également la nécessité de limiter le pouvoir ainsi conféré aux banques
    d’acquérir des biens ou des droits par un simple jeu d’écritures.
    Comment ? En dépouillant l’actif contre lequel la monnaie est émise du maximum de propriétés
    sociales et économiques, soit comme chose, soit comme rapport aux choses. Cet actif le plus
    « neutre », c’est le crédit qui n’a qu’une exigence, celle d’être remboursé. Pour cela, la législation
    bancaire limite en général le montant des actifs réels (immeubles, actionsÂ…) qu’une banque peut
    acquérir comme contrepartie à la monnaie qu’elle émet. Ainsi, en matière d’actions, le Comité de la
    réglementation bancaire dans un règlement du 20 juin 1990 précise que les participations prises par
    des établissements de crédit ne doivent pas excéder :
    – pour chaque participation, 15 % du montant des fonds propres de l’établissement de crédit
    prenant la participation ;
    – pour l’ensemble des participations, 60 % du montant des fonds propres de l’établissement de
    crédit. Pouvant se constituer des portefeuilles de participations, les banques ne peuvent donc
    pas s’approprier, par création monétaire, le capital d’une entreprise. »

    la monnaie scripturale n’a pas cours légale mais elle est réglementairement convertible en monnaie fiduciaire.
    décidément je n’arrive pas à comprendre pourquoi il faudrait ne considérer comme monnaie que la seule monnaie fiduciaire. Surtout à l’heure où le recours aux moyens de paiement électroniques se développent tant.

    Par ailleurs, dans le raisonnement des anticréationnistes, on fait toujours fi du fait que les fuites ne représentent pas 100 % de la création initiale. Oui, il y a compensation et oui au terme de cette compensation, la banque X conserve une certaine part de dépôt qu’elle n’a donc pas à refinancer.

  29. Avatar de Paul Jorion

    @ MarcusH

    « Scriptural » veut dire que c’est écrit, c’est une référence au support. Ce n’est pas un synonyme de « fantaisiste » ou « arbitraire ». Il faut que vous fassiez l’effort de comprendre comment ces mécanismes fonctionnent. Le raisonnement qui conduit à l’hypothèse de la création ex nihilo est faux, le nombre de personnes qui ont fait la même erreur – même si elles sont célèbres – n’est pas pertinent (la plupart du temps, vous pourrez le constater, elles se citent d’ailleurs les unes les autres).

    Nous avons refait ici tout le parcours : il n’y a aucun doute possible. Si vous me dites « C’est ma parole contre la vôtre ! », je vous réponds : « Très bien ! »

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