L’actualité de la crise: Zorro est arrivé !, par François Leclerc

Billet invité.

ZORRO EST ARRIVE !

La crise du déficit public monte inexorablement, apparaissant de plus en plus sans solution au fur et à mesure que le temps passe et qu’il faut passer des mots aux actes. Tous les gouvernements occidentaux sont placés devant un même dilemme, passé les rodomontades de tribune : comment réduire leur déficit sans plonger franchement dans la récession ?

L’un cherche à associer les républicains à de très impopulaires décisions, mais il n’y parviendra pas, sa stratégie bipartisane étant dans l’impasse dans tous les domaines, à propos de la régulation financière comme de la réforme de la santé. Les autres, en Europe, se sont pris les pieds dans le tapis avec leur démonstration ratée en Grèce, ne parvenant qu’à déclencher une crise majeure de l’euro, à la faveur d’une spéculation qui semble appelée à prendre de l’ampleur.

Figés dans une rigueur doctrinale qui ne les emmène nul part, les Européens s’avèrent incapables, eux aussi, de faire face aux remises en cause qui s’imposent et s’essayent une fois de plus à un vain jeu de constructions institutionnelles à propos de la gouvernance économique. Les Britanniques, quant à eux, jouent les prolongations en attendant des élections qui risquent de se terminer dans la confusion, sans vainqueur et avec deux vaincus. La coalition allemande au pouvoir étant en ce qui la concerne comparée au règne de la discorde.

Les marchés obligataires apparaissent de plus en plus comme allant être très sollicités, avec comme inévitable conséquence une hausse des rendements exigés et un surenchérissement de la dette publique, tandis que les interrogations les plus sombres se développent sur la politique menée par les autorités chinoises en matière d’achat de la dette américaine. Et que les Japonais, franchement entrés dans la déflation, s’inquiètent de l’épuisement de leurs capacités à financer leur dette par leur propres moyens.

Parallèlement à cela, les deux tests européens de la Grèce et de l’Islande ne fonctionnent pas du tout comme prévu. Le plan grec de réduction du déficit est jugé totalement injouable et non crédible, tandis que les gouvernements britannique et hollandais, cultivant l’intransigeance, prennent le risque de mettre l’Islande en situation de faire défaut. Au lieu de montrer la voie, ces deux situations dont on a voulu faire les symboles d’une stratégie générale ne vont bientôt exprimer qu’une seule et même réalité : l’impasse d’une politique d’intransigeance et d’austérité dont ils étaient sensés démontrer que l’on ne pouvait y échapper.

L’affaire des swaps de change montés par Goldman Sachs pour camoufler une partie de déficit grec, ou celle de la spéculation sur le marché des CDS atteignant de plein fouet le marché obligataire public européen, suscitent des réactions dérisoires des gouvernements. La Fed engage une enquête à propos de Goldman Sachs, dont elle gardera probablement les conclusions pour elle, afin de ne pas déstabiliser les marchés. La chancelière allemande fait savoir qu’elle fait étudier l’interdiction des usages spéculatifs des CDS, avec comme précision que celle-ci ne pourra qu’être internationale pour être effective et efficace.

On sent donc que l’on est actuellement à une véritable croisée de chemins. Faute d’avoir engagé une véritable régulation financière, les pays occidentaux subissent les effets de spéculations financières à grande échelle sur tous les marchés : actions, obligations et monnaie. Ils n’en restent pas moins comme paralysés, ne prenant à un rythme d’escargot que des demi-mesures (ou quart de mesures mêmes), aussitôt contestées avec succès par des milieux financiers qui mènent la danse et imposent leurs quatre volontés.

Une lueur, puisqu’il faut toujours en détecter une (quitte à ce qu’elle soit trompeuse), apparaît dans cet univers plongé dans l’aveuglement, le désarroi et l’improvisation (dissimulé sous de mâles certitudes). Prenant acte de la nouvelle dimension de la crise, devenue celle des Etats après avoir été celle de la finance, puis celle de l’économie, le FMI vient de postuler, par la voix de son directeur général Dominique Strauss Kahn, au rôle de sauveur suprême. Il vient de demander que lui soit accordé un mandat élargi de supervision du système financier international, assorti d’un droit d’intervention, en contrepartie duquel il mettrait largement à disposition des Etats des lignes de crédit à court terme (sans qu’ils soient obligés d’aller sur le marché obligataire), comme le fait une banque centrale mais à l’échelle internationale. A plus long terme, le FMI serait susceptible, est-il expliqué, de fournir « un actif de réserve émis mondialement, semblable, mais dans des aspects importants différent, aux Droits de tirage spéciaux (DTS)».

Ceci signifie tout simplement que le FMI, mettant à profit ses capacités inutilisées de création monétaire, serait intronisé – si cette proposition était acceptée – dans une nouvelle fonction. Celle de mégabanque centrale assurant la liquidité de tout le système financier international. Une approche qui supposerait que le dollar soit à terme détrôné de sa position actuelle, ce qui est considéré de toute façon comme inévitable, mais qui présenterait en contrepartie l’irrésistible avantage de donner de l’oxygène financier aux Etats et de trouver, ainsi, une solution à l’équation sans solution de la dette publique.

Les esprits chagrins – il n’en manque pas – feront remarquer qu’un tel dispositif financier revient à faire marcher à l’étage au-dessus de celui à laquelle elle fonctionne actuellement (les banques centrales) une super planche à billets. Permettant – essayant en tout cas- de contourner la problématique, usée sans avoir eu à s’en servir, de la refonte du capitalisme financier. Une illusion de plus, mais comment y résister  ?

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102 réponses à “L’actualité de la crise: Zorro est arrivé !, par François Leclerc”

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  1. Ajouter qu’en termes de « faux-jetons » … me semble-t’il…. ceci devrait frôler un record.. : https://www.lalibre.be/international/europe/2025/07/05/un-couple-neerlandais-implique-dans-79-accidents-comparait-pour-fraude-a-lassurance-ce-sont-les-autres-conducteurs-qui-ne-font-pas-attention-4CR4LQWSHBBMHC77BXUG75NR7Q/ … » Autre élément surprenant :…

  2. La vraie question…à nouveau donc , me semble-t’il , reste : https://www.pauljorion.com/blog/2025/07/05/video-les-faux-jetons-sont-au-pouvoir/comment-page-1/#comment-1078536

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