R.I.P. Ambac

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Ambac, le « monoline », le rehausseur de crédit américain a donc vu ses actifs adossés à des crédits hypothécaires saisis jeudi dans le Wisconsin en raison de sa faillite imminente. On ne peut pas dire que ce soit la surprise puisque sa fin prévisible a fait l’objet d’un feuilleton sur le blog en 2008. En voici les principaux épisodes pour ceux qui voudraient d’abord se rafraîchir la mémoire.

Les assureurs d’obligations (I. Résumé des épisodes précédents)

Les assureurs d’obligations (II. Le contexte)

Les assureurs d’obligations (III. Les deux prix du risque)

Les assureurs d’obligations (III bis. Le train sifflera trois fois)

Les tribulations d’Ambac en 2008 étaient essentiellement dues au fait que, non contente d’assurer les détenteurs d’obligations « muni », c’est-à-dire émises aux États-Unis par des communautés locales, États, villes, communes, académies, elle s’était petit à petit aventurée à assurer les détenteurs de Collateralized–Debt Obligations, dont les crédits subprime sont un composant majeur. Ce dernier secteur de son activité était en train d’être restructuré, ce qui avait sauvé la compagnie d’une faillite imminente : ses pertes en 2008 s’étaient montées à 5,6 milliards de dollars mais elle avait pu limiter la casse en 2009 et ne perdait plus « que » 573 millions de dollars au cours du troisième trimestre 2009. Elle s’était cependant montrée incapable de publier ses résultats pour le quatrième trimestre 2009 ainsi que pour l’ensemble de l’année, prétextant précisément cette restructuration.

Ambac garantit au total des instruments de dette pour un montant de 696 milliards de dollars, et en particulier 256 milliards sur le marché des « munis » dont le volant total s’élève à 1 400 milliards de dollars. Quand la saisie conservatoire est intervenue hier dans le Wisconsin, un CDS (Credit-Default Swap) pour se protéger contre des pertes éventuelles du fait du défaut d’Ambac (ou pour parier sur sa perte puisqu’il s’agit après tout d’un CDS !) avait atteint le taux vertigineux de 60,5 %, ce qui veut dire que pour couvrir un engagement de 10 millions pendant cinq ans, il fallait verser 6,5 millions cash au vendeur de CDS, plus 500 000 en prime annuelle.

Quand Ambac se montra incapable de faire un paiement de 120 millions, les autorités du Wisconsin intervinrent et saisirent son portefeuille de Residential Mortgage–Backed Securities s’élevant à 35 milliards de dollars. On compte que les créanciers récupéreront en liquide 25 cents du dollar.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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3 réponses à “R.I.P. Ambac”

  1. Avatar de Phev
    Phev

    « Ah la sale bête, elle en a mis du temps… »
    Les diaboliques…

  2. Avatar de ybabel
    ybabel

    Ha ! c’est pour ca que les taux sur les bons aux trésors américains se tendent tout d’un coup ?
    Je me demandais ce qui se tramait …
    http://www.ustreas.gov/offices/domestic-finance/debt-management/interest-rate/yield.shtml

    On passe de 3.69 a 3.91 en 2 jours alors que c’était stable a 3.70 depuis des mois.

  3. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    « avait atteint le taux vertigineux de 60,5 %, ce qui veut dire que pour couvrir un engagement de 10 millions pendant cinq ans, il fallait verser 6,5 millions cash au vendeur de CDS, plus 500 000 en prime annuelle. » : je sors ma calculette. 500.000 sur 5 ans = 2,5 millions lesquels, ajoutés au 6,5 payés cash, font 6,5 + 2,5 = 9 millions, soit 90% des 10 millions couverts. A ce tarif-là, ça veut dire que le vendeur est quasiment sûr qu’il y aura défaut, donc qu’il perdra 1 million. Pour être gagnant, il doit faire fructifier les 9 millions, donc spéculer sur autre chose.

    Au fait, petite question : et si aucun défaut n’est constaté sur la durée de couverture, le vendeur du CDS garde tout pour lui ? Si oui, il se fait des c… en or, on comprend qu’il soit tenté.

    Note: l’article de Jean-Pierre, Pas si fous, les émetteurs de Credit-Default-Swaps ne répondait pas à cette question.

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