Billet invité.
Convoquer un Bretton Woods dès aujourd’hui est une urgence absolue : le défaut sur la dette publique étatsunienne est avéré et profond même si un relèvement provisoire du plafond est voté. Il n’y a plus aucun étalon international sûr pour adosser la liquidité internationale. L’implosion est enclenchée.
Un système monétaire multi-étalons n’aura aucune viabilité car les zones monétaires vont être en conflit permanent pour l’évaluation des dettes internationales. Le système financier exacerbera les conflits pour faire monter les primes de change et les primes de crédit. La spéculation va exploser et mettre États et économie réelle à genou. Les peuples auront le choix entre l’esclavage ou l’émeute.
Si les politiques veulent garder la main et conserver un minimum d’État de droit, ils n’ont pas d’autre possibilité que la compensation internationale des crédits et des monnaies. C’est aux Européens de le proposer aux États-Unis à partir de l’expérience européenne de régulation financière publique multinationale. Une compensation mondiale par une monnaie commune d’équité financière.
L’objectif de la compensation doit être de retrouver un équilibre international des parités monétaires qui répartisse les potentiels nominaux de croissance afin que toutes les dettes soient remboursables. Sans dévaluation ordonnée du dollar, les États-Unis vont s’asphyxier et rentrer en conflit ouvert avec la Chine. Sans dévaluation des monnaies du sud de l’Europe, l’Allemagne règnera sur un champ de ruines.
Comme tout autre, le totalitarisme financier détruit. La réalité humaine ne peut pas être enfermée dans la seule rationalité des prix, des dettes et des modèles de risque. Le vivre ensemble est au-dessus de la finance. La politique au service exclusif de la finance perd sa raison d’être.
Le défaitisme de la finance internationale non régulable est une démission de la raison et de la pensée. Pire, renoncer à la civilisation a cause de son impéritie financière est un non sens. La politique n’existe pas qui ne fixe pas le cadre de négociation des prix. La politique dictée par les prix n’existe pas non plus.
Le monde est dans la même situation qu’à la veille de la Révolution Française ou qu’à la veille de la Première Guerre Mondiale. On imagine quelques péripéties à venir alors qu’on va en prendre pour 10 à 30 ans. Les élites qui hypnotisent les opinions sont faillibles. Le déclenchement de la Première Guerre puis les combats qui suivirent furent complètement improvisés. Les élites politiques engagèrent l’Europe dans quatre ans d’horreur absolue avec une légèreté confondante.
En 1918, élites et peuples n’avaient toujours pas compris. Les traités de paix posèrent en toute inconscience les conditions de la deuxième guerre mondiale avec encore plus d’horreurs méthodiquement pensées et organisées. Le passage de la première à la deuxième guerre s’est fait par la monnaie en dépit de Keynes ; il avait prévenu de ce que donnerait l’absence d’ordre monétaire international et d’équilibre raisonnable des dettes entre pays.
Toute la Révolution Française a été rythmée par la crise financière publique qui a mis le peuple parisien en colère et a livré les débats parlementaires aux extrémistes et aux démagogues. Il a fallu la dictature et les guerres napoléoniennes pour rétablir un ordre politique et financier. Quand les élites ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités, cela dégénère très très vite ; et il faut des décennies pour remonter la pente.
La science économique et financière aux États-Unis apparaît désespérante de platitude. Personne aux États-Unis ne semble capable d’expliquer la vraie fonction du dollar dans le système monétaire international actuel ; ni le processus de création monétaire à partir de la dette fédérale. Avec l’effondrement du dollar, les États-Unis s’apprêtent à revenir chez eux comme en 1919 et laisser le monde s’écrouler avec la finance de marché néo-libérale soi-disant autorégulée.
L’Union Européenne et le monde se bercent d’illusions sur la bataille à venir de la régulation financière. Tous les gouvernements ont profité de l’endettement facile pour ne pas avoir à tenir les comptes de l’action publique. Toutes les dettes sont internationales et non exhaustivement contractualisées ni comptabilisées. Il faut des règles internationales de civilité financière surveillées par le consensus des États qui garantissent les dettes publiques au-dessus des dettes bancaires. IL FAUT CONVOQUER UN BRETTON WOODS CETTE SEMAINE. Après, il sera trop tard.
Les plans d’austérité imposés à l’Europe du Sud ressemblent à la politique de la République de Weimar et de la France qui préparèrent le terrain du nazisme. Les partis de gouvernement qui prétendent monter la garde contre les extrémismes se décrédibilisent. Les institutions européennes jouent le rôle de la défunte Société des Nations. La société étatsunienne éclate. Le gouvernement des États-Unis est paralysé. Et le reste du monde assiste effaré au sabordage de l’économie mondiale. N’est-il pas temps que la politique reprenne ses responsabilités ?
89 réponses à “CONVOQUER BRETTON WOODS SUR LE DÉFAUT DU 2 AOÛT, par Pierre Sarton du Jonchay”