L’actualité de la crise : NÉFASTE BILLET VERT, par François Leclerc

Billet invité.

L’implosion ne suit pas les tracés des frontières. Elle emprunte également plusieurs dimensions: celle de la dette publique, ou bien celle de la dette privée, qui lui est étroitement liée. Elle a également une dimension monétaire, dans laquelle elle est désormais installée.

La faiblesse persistante du dollar continue de produire des dégâts, dans le contexte de ce que Celso Amorim, ministre des affaires étrangères brésilien de l’époque, avait alors appelé « la guerre des monnaies ». Depuis, elle n’a pas connu de trêve, comme toute guerre larvée appelée à durer.

Guido Mantega, le ministre brésilien des finances, vient en conséquence de prévenir que son pays allait mettre en place « un cordon sanitaire » pour se protéger. La libre circulation des capitaux et l’absence de toute entrave ou intervention sur le marché monétaire connaît de premiers coups de canif. Cela ne fait que commencer.

La croissance du Brésil diminue, passant de 7,5% en 2010 à 4% de prévu cette année. Résultat d’une demande plus faible des pays occidentaux, mais également de la hausse du real par rapport au dollar, qui affecte la compétitivité des produits brésiliens, lui même effet de l’entrée massive de dollars attirés par des taux d’intérêt très élevés. Les investisseurs procèdent à des opérations à court terme, dites de carry trade.

De premières mesures viennent d’être prises afin de contenir cette hausse du real qui n’arrête pas, en renforçant le contrôle et les taxes sur les transactions impliquant des contrats sur le marché des dérivés. Celles-ci pourront atteindre 25%, avec pour objectif de freiner la spéculation sur le marché à terme du change, en la rendant moins rentable.

Les industriels japonais ne sont pas mieux lotis, devant faire face à un renchérissement continu du yen par rapport au dollar, qui pénalise le volume de leurs exportations ou amoindrit leur marge. Transgressant l’interdit, le gouvernement est à nouveau intervenu sur le marché des changes – l’ayant déjà fait en septembre 2010 et en mars dernier – afin de faire baisser la valeur du yen. La banque centrale (BoJ) va parallèlement augmenter ses achats d’actifs financiers auprès des entreprises ou de l’Etat, multipliant par cinq l’enveloppe qu’elle va y consacrer pour atteindre 442,5 milliards d’euros d’ici à la fin de 2012.

Ce qui est en jeu, c’est le risque d’une délocalisation de la production vers des pays à monnaie faible, afin de rétablir les marges sans augmenter les prix. Une telle perspective serait très néfaste à une économie déjà sous le régime d’une quasi-déflation, aboutissant à l’augmentation du chômage et à la diminution de la consommation.

En réalité, la force du yen résulte d’un paradoxe. Monnaie du pays le plus endetté du monde occidental et dont l’économie est durement atteinte, il conserve envers et contre tout son statut de valeur refuge, comparé avec le dollar… A ce jeu, le yen a atteint par rapport à ce dernier son plus haut niveau depuis 1945.

Une telle situation est subie par d’autres devises, dont le real brésilien comme on l’a vu, et elle n’est pas étrangère à l’euro, qui ne cesse également de s’apprécier par rapport au dollar, en dépit de la crise européenne. La force relative de l’un résulte de la faiblesse de l’autre.

Dans le cas du franc suisse, cela atteint des proportions telles que la Banque Nationale Suisse (BNS) a du déjà massivement intervenir pour tenter de contenir la hausse de sa monnaie. Mais cette fois-ci, c’est l’euro et le dollar qui jouent ensemble le rôle de repoussoir. Depuis le début de l’année, le franc suisse s’est ainsi apprécié de 10% par rapport à l’euro, affectant les exportations du pays. La BNS vient cette fois-ci de resserrer ses taux directeurs et va accroître ses émissions de liquidité, afin de tenter de contrer la hausse de sa devise, ne voulant pas renouveler ses achats massifs d’euros et de dollar de 2009 et 2010, qui lui avaient fait subir d’importantes pertes de change.

Si le dollar fait toujours référence au plan monétaire et dans les échanges commerciaux, il est devenu un élément profondément déstabilisateur de l’économie dans de nombreux pays, à commencer par les pays émergents présentés comme les sauveurs. Soit en raison des débouchés qu’ils offrent, soit à cause des excédents dont ils disposent. Ce n’est pas le moins paradoxal des effets destructeurs de la crise américaine, même s’il est éclipsé dans l’immédiat par les événements en cours : on attendait un détonateur américain, il se présente européen.

Partager :

68 réponses à “L’actualité de la crise : NÉFASTE BILLET VERT, par François Leclerc”

  1. Avatar de Gudule
    Gudule

    http://www.leparisien.fr/economie/dette-la-note-des-etats-unis-abaissee-pour-la-premiere-fois-06-08-2011-1557227.php

    Extrait :
    Quelles conséquences ?

    Les bons du Trésor américains sont une référence incontestée et constituent un refuge pour les investisseurs dans les périodes troublées. L’abaissement de cette note devrait contraindre ces derniers à une réévaluation généralisée des risques.

    Les régulateurs financiers américains ont publié vendredi une circulaire à l’attention de leurs banques affirmant que l’abaissement de la note ne changeait rien les concernant. Le Japon a de son côté renouvelé sa confiance dans les bons du Trésor américain. L’archipel a investi la plupart de ses réserves de changes dans ces bons du Trésor et est le deuxième plus important créancier des Etats-Unis.

    Il reste seize pays notés «AAA» chez Standard and Poor’s, dont quatre du G7: l’Allemagne, le Canada, la France et la Grande-Bretagne.  »

    Quelqu’un sait il où en sont les finances , taux d’endettement du Canada ?

    D’avance Merci.

  2. Avatar de Gudule
    Gudule

    Il me semble que La Chine a egalement acheté beaucoup de BT américains ?
    Seront ils aussi confiants que les japonais ?

  3. Avatar de BA
    BA

    Selon l’Italie, la BCE achètera des obligations italiennes lundi.

    La situation de l’Italie dans la crise de ladette dervrait trouver une accalmie lundi. La Banque centrale européenne (BCE) est d’accord pour commencer à acheter des obligations d’Etat italiennes à partir de ce jour. Elle le fera en échange de l’engagement du gouvernement italien à accélérer la réduction des déficits, a annoncé un ministre italien.

    «Tout le monde craint que nos obligations ne deviennent des bouts de papier sans valeur mais avec le retour à l’équilibre budgétaire un an plus tôt (que prévu), la BCE a garanti qu’à partir de lundi elle achèterait nos obligations», a déclaré aux journalistes le ministre des réformes institutionnelles Umberto Bossi.

    Interrogée dans la nuit, l’institution monétaire de Francfort a refusé de confirmer cette déclaration.

    «La BCE refuse de commenter», a indiqué une porte-parole.

    http://www.tdg.ch/italie-bce-achetera-obligations-italiennes-lundi-2011-08-06

    Le plus fort, c’est Jean-Claude « Canadair » Trichet ?

    Ou alors c’est Ben « Helicopter » Bernanke ?

    On va voir qui est le plus fort.

    1. Avatar de Gudule
      Gudule

      Bernanke, Trichet et autres…………PFFFFFFFFFF………

      Pour pouvoir changer de logiciel il faut qu’il reste de l’espace sur le disque dur………..les leurs sont complètement saturés.

      terrible ! 🙁

      1. Avatar de liervol
        liervol

        Il n’a qu’une manière de changer et celle là ils n’en veulent pas les Bernanke, les Trichets et les autres donc ………….. to be continued………..

    2. Avatar de liervol
      liervol

      Chaque fois que je lis la BCE achetera du papier, je me rappelle justement qu’on nous l’a vendu indépendante de ses états actionnaires justement pour ne pas faire ça.
      En plus elle est sympa la BCE elle rachète sur le second marché pour en faire profiter les banques privées au dépends des états. Trop cool, qu’il est ce capitalisme financier, trop bons qu’ils sont ces peuples de ne pas mettre leur pseudo élite dirigeante en place de grève, trop cons pour parler vrai comme le Sarkozy… Admirez le style de cette syntaxe digne de cet homme politique qui se la joue peuple.

  4. Avatar de Harry Corouge
    Harry Corouge

     » Ce n’est pas le moins paradoxal des effets destructeurs de la crise américaine, même s’il est éclipsé dans l’immédiat par les événements en cours : on attendait un détonateur américain, il se présente européen.  »

    Le GEAB avait visé juste alors ? Il parlait aussi de l’imminence d’un sommet euro brics.

  5. Avatar de karluss
    karluss

    sur le billet vert : in god we trust !
    sur les billets du blog : in Paul we trust !

  6. Avatar de liervol
    liervol

    Et si d’avoir osé dégrader la note des USA donnait à la Dynastie Mondialiste au pouvoir la dynamique encore plus évidente de dynamiter ce qui reste de nos sociales démocraties ?

    En effet je vois mal les capitaux sortir du dollar pour aller où au juste ?
    C’est que nous parlons là de sommes colossales.

    Par contre maintenant on peut jouer encore plus la dette des autres pays….qui n’étaient pas encore atteint puisqu’on a osé toucher aux USA, au temple du capitalisme….

    Quand le système explosera ceux qui s’enrichissent aujourd’hui continuerons de le faire de plus belle à tout racheter pour rien comme l’histoire nous l’a déjà enseigné… Sauf si les hommes savent changer ce dont je doute.

  7. Avatar de Gudule
    Gudule

    @Sam ‘s

    « Si les hommes sont incapables de réguler eux-mêmes les conséquences de leurs propres dérives, la nature et les lois qui régissent l’Univers les y contraindra. »

    Oui c’est exactement ce qu’il se produit.
    I do agree !

    cordialement.

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Et donc, le scénario possible, c’est une condamnation suffisamment solide pour que Donald soit inéligible, ce qui serait en mesure…

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote bancor BCE Bourse Brexit capitalisme centrale nucléaire de Fukushima ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta