Ce texte est un « article presslib’ » (*)
M. Geithner, le Secrétaire au Trésor, le ministre des finances américain, est récemment venu se joindre à une réunion de ses homologues européens pour leur expliquer qu’ils ne comprennent pas grand-chose à la finance. Le Fonds Européen de Stabilité Financière s’apprêtait à mettre en garantie les sommes que les Européens de la zone euro ont péniblement réunies pour venir en aide aux nations les plus exposées de leur club. Utilisez la formule de rehaussement du crédit propre aux produits financiers structurés, leur dit-il, et par un effet de baguette magique encore appelé « effet de levier » vos fonds de garantie seront multipliés par le facteur X. « Voilà ! », comme s’exclament les Américains quand ils veulent exprimer l’enthousiasme qui accompagne une évidence irréfutable.
M. Geithner aurait dû dire : « Utilisez la formule de rehaussement du crédit propre aux produits financiers structurés qui nous a si bien servis jusqu’ici ». Il ne l’a pas dit, retenu sans doute par une pudeur quelque peu excessive.
Quoi qu’il en soit, certains Européens furent immédiatement convertis. Mais pas le ministre des finances allemand, Wolfgang Schaüble, qui a parlé lui d’« une idée stupide » qui « n’a aucun sens ».
M. Schaüble n’a pas partagé mon expérience « de terrain » dans le monde des produits structurés mais cela ne l’empêche pas apparemment d’être parvenu aux mêmes conclusions : que la logique assurantielle qui sous-tend ces formules de rehaussement du crédit est inappropriée et fautive. Fautive sur le plan logique : les « événements de crédit » de la dette souveraine, le risque de défaut des États, ne sont pas rares et dispersés comme les sinistres que couvre le secteur traditionnel de l’assurance mais, soit absents durant les périodes de vaches grasses, soit fréquents et regroupés aux temps de vaches maigres (*). Fautive aussi sur le plan « expérimental » puisque démentie par les faits durant la période 2007 – 2008.
Le démenti par les faits est donc une valeur en baisse : la « science » économique l’a exclu de sa méthodologie dès sa mise en place dans le dernier quart du XIXe siècle et les autorités financières l’ignorent elles aussi depuis la même époque. Tous nos vœux les accompagnent dans ce téméraire défi à la dure réalité !
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(*) Pour une démonstration complète voir mon L’implosion (Fayard 2008), pages 89-96.
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