L’actualité de la crise : UN TRÈS GROS BOUT DE GRAS, par François Leclerc

Billet invité

Les discussions à propos de la restructuration de la dette grecque font l’objet d’un marathon et sont depuis plusieurs jours annoncées comme allant incessamment aboutir ! Il serait plus que temps, car c’est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour que la Grèce ne fasse pas défaut le 20 mars prochain. L’enjeu est d’embrayer ensuite sur un second round de discussion avec la troïka, qui a débuté hier vendredi et porte sur les mesures que va devoir prendre le gouvernement afin de bénéficier d’un prêt dont le montant a été fixé en octobre dernier à 130 milliards d’euros.

Afin de ne pas avoir à y revenir, les dirigeants européens et le FMI voudraient que ce second plan de sauvetage soit cette fois-ci calibré comme il faut, ayant du admettre que ce n’était pas le cas du premier. Or ils rencontrent deux obstacles :

1/ La profonde récession dans laquelle la Grèce est plongée diminue les rentrées fiscales de l’État, un phénomène qui ne peut que s’accentuer en raison du contexte européen général et des nouvelles mesures que le gouvernement va devoir adopter pour satisfaire aux exigences de la troïka.

2/ La réduction de la dette grecque, afin qu’elle ne représente plus que 120 % du PIB en 2020 contre 160, dépend de nombreux facteurs, dont l’ampleur du ralliement à l’accord d’échange de titres. Celui-ci s’avérant moins important que prévu, plusieurs options restent à la disposition des négociateurs pour arriver au même montant.

Trois leviers peuvent en effet être actionnés pour rester dans l’épure qui a présidé au calibrage initial du nouveau plan. À réduction constante de la dette, les banques peuvent accentuer leur effort, si les créanciers sont moins nombreux à se présenter. Si cela se révèle encore insuffisant, les banques ne voulant pas assumer tout l’effort, il faut alors élargir le cercle de ceux qui s’impliquent dans la réduction de dette et trouver un accord avec la BCE, qui n’est pas un créancier privé mais se trouve être le principal détenteur de titres souverains.

Enfin, une dernière option est d’augmenter le prêt de 130 milliards d’euros. La partie se joue donc sur toutes les bandes, tous les paramètres étant sur la table afin de les combiner au mieux des intérêts des uns et des autres, qui sont bien entendu contradictoires.

Faisant suite à une téléconférence des dirigeants européens hier vendredi, le voyage impromptu de Charles Dallara à Paris, le négociateur en chef des créanciers privés en sa qualité de directeur de l’Institute of International Finance, éclaire l’état de la négociation. Il fait suite à une déclaration de Jean Leonetti, le ministre des affaires européennes français, qui a martelé vendredi matin que « l’Europe ne paiera pas davantage”, ce qui signifie que certains le demandent… Or c’est bien cela que vient probablement négocier Charles Dallara, qui est flanqué d’un second détaché par BNP Paribas, Jean Lemierre.

Une source non identifiée, présentée par Reuters comme un officiel de l’Union européenne, le reconnait indirectement en évoquant « les rapports complexes entre les financements privé et public ». Plus énigmatique encore, la même source a déclaré « Le résultat en termes de réalisation de l’objectif de pourcentage de la dette par rapport au PIB dépendra de la façon dont est analysée la viabilité de la dette, ce qui n’est pas une science exacte, mais tout au plus une forme d’art »…

Mais pour quelle raison l’Institute of International Finance, qui exerce le mandat de représentant des créanciers privés sans les représenter tous, n’est-il pas en mesure de garantir un ralliement suffisant à l’accord qu’il négocie ? Il est possible que certaines banques ont déjà fait savoir qu’elles n’en seraient pas ; il est établi que des fonds-vautours, dénommés hedge funds dans les cercles financiers, financés par des banques, préfèrent être remboursés au pair et à l’échéance par le gouvernement grec de titres qu’ils ont achetés à certaines banques avec une importante décote. À ces deux titres, les banques ne peuvent donc pas éluder la responsabilité qui est la leur dans cette situation.

Afin de faire rentrer tout le monde dans le rang, l’adoption de clauses d’action collectives par le Parlement grec a été agitée comme une menace, mais cette arme serait à double tranchant, car elle pourrait rendre nécessaire l’activation des CDS par l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association), ce qui reviendrait à constater un défaut et à pénétrer en territoire inconnu.

Michael Noonan, le ministre irlandais des finances, vient de trouver le mot de la fin : “C’était mortel de commencer un débat sur la restructuration de la dette en faisant porter le fardeau aux créanciers privés. Cela a rendu les marchés fous”. Assenant que “quand on prête de l’argent, la première question qui se pose, c’est vais-je le récupérer ?”. Pour conclure, péremptoire : “nous devons résoudre nos problèmes de dette, les marchés se calmeront ensuite”.

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