LA DICTATURE DES ACÉPHALES, par Bertrand Rouziès-Léonardi

Billet invité.

Il n’est pas beaucoup de sculpteurs qui sachent façonner une tête d’enfant sans lui donner une expression mièvre ou équivoque qui outrepasse son âge. Il s’en rencontre quelques-uns dans la France des Lumières, à une époque où la psychologie de l’infans, le petit d’homme qui ne parle pas, commence d’émerger, laissant d’abord filtrer un murmure, puis une voix pleine et entière, dont Rousseau fixe le diapason, au plus près de lui-même, dans l’Émile et dans Les Confessions. Ces maîtres du XVIIIe siècle ont pour noms Houdon, Clodion ou Pajou. Le XXe siècle, siècle saturnien qui dévora ses enfants, n’ayant plus le temps de les aimer, a eu son maître également, aujourd’hui tout à fait oublié : Pimienta. Rarement un artiste a plus travaillé à s’effacer dans son œuvre que Gustave Pimienta. C’était l’anti-Picasso. Il avait compris qu’on ne se sauve pas de la décrépitude en ayant des enfants – il n’en eut aucun –, mais en retrouvant la beauté sérieuse de l’enfance, en se frottant aux aspérités internes d’une sensibilité inquiète, en suivant cette ride imperceptible qui trouble la bonace d’un visage en porcelaine. L’enfance, dans les sociétés comme la nôtre, plus soucieuses du bien-être que du bien-vivre, est l’âge le plus difficile. La Jenny de Pimienta est une enfant mutique qui se livre pourtant. Son visage fermé parle à cœur ouvert. Quelque chose s’y est gravé du deuil maternel qui l’a frappée durant les séances de pose. Un crêpe invisible le recouvre. La fillette est ici, mais avec l’air d’être ailleurs, déjà, loin, très loin. Sa présence est ensemble un regret et un reproche, l’ombre projetée d’une âme en fuite. Qu’il me soit permis de faire de Jenny l’allégorie de la Démocratie, un régime politique encore jeune, dans sa forme la moins censitaire, mal affermi sur ses deux jambes, brimbalé d’une crise à l’autre, menacé d’abandon par ceux-là mêmes qui le nourrissent et dont il flatte les espoirs de promotion. Qu’il me soit permis de visser de force une tête sur un corps qui en rejette manifestement le fardeau.

Car la main invisible a voté, en France comme en Grèce, la main invisible et baladeuse d’intérêts sans visage. Dédaignons le cas français, qui ne laisse pas de désespérer les plus lucides d’entre nous. Arrêtons-nous sur les législatives grecques, qui, la semaine passée, focalisaient, à juste titre, l’attention des peuples et des agioteurs, pour des raisons sans doute divergentes, mais que la peur et la lassitude ont mises bout à bout, en consolidant les jointures avec plusieurs tours de sparadrap. Les piétinés se sont finalement entendus avec les piétineurs pour mourir de mort lente. Ils ont accepté la part de violence de l’apocalypse, pourvu que la part de révélation leur reste dissimulée quelque temps encore. Le vendredi 15 juin 2012, la version allemande du Financial Times adjurait les Grecs dans leur langue de sanctionner la campagne démagogique du parti Syriza d’Alexis Tsipras et de donner une majorité au parti Nouvelle Démocratie d’Antonis Samaras, en dépit de son implication avérée dans le trucage des comptes du pays. Cela donne, dans un style plus imagé : « N’écoutez pas le joueur de flûte Tsipras[1], rats imprévoyants, sybarites à longue queue, il vous entraîne vers l’abîme des solutions faciles pour vous y noyer. Choisissez le diable Samaras. Il ne vous conduira pas à l’abîme, puisque grâce à lui et à ses avatars du PASOK, vous y êtes déjà. Avec lui, vous ne courrez pas l’aventure. Le diable, au surplus, sait donner du ragoût aux tourments qu’il inflige. La peine vous semblera plus légère sous l’appellation de sacrifice. Sacrifice vaut autodafé. » L’éditorial du Financial Times n’a fait que relayer à l’étage médiatique, sans les circonlocutions d’usage, les pressions « amicales » qu’à l’étage diplomatique, les puissances de ce monde, par la bouche de leurs prêcheurs attitrés, exerçaient depuis des semaines sur leurs interlocuteurs grecs.

L’observateur extraterrestre, s’il est démocrate, s’étonnera qu’au nom de la démocratie, on se mêle d’orienter le vote du voisin. S’il connaît son grec, il se souviendra que l’accusation de démagogie, dans les époques déboussolées, peut être reçue comme un compliment. – Un compliment ?  Voyez-vous ça ! Le démagogue conduit le peuple par la faveur. La connotation négative est dans l’original grec du mot. Favoritisme et clientélisme avancent de concert, c’est bien connu. Ces deux maux affectent tout régime scalaire, construit sur un rapport de forces. La démocratie, qui se définit idéalement comme le gouvernement du peuple souverain, en est atteinte elle aussi. Cela vient de ce qu’elle laisse subsister, quand elle n’en reforme pas un à sa mode, un régime scalaire (voir le projet de TGV du pauvre sur la ligne Montpellier-Paris, rétablissement subreptice de la 3e classe supprimée en 1956[2]) qui marginalise d’office le citoyen qui n’aurait pas l’ambition d’en gravir les échelons. Avant de chevroter : « La faveur, c’est maaaaal ! », demandons-nous si, en l’absence d’une démocratie complètement réalisée, il ne serait pas souhaitable qu’un démagogue, de la stature, mettons, d’un Gandhi (exemple discutable, mais chacun peut lui substituer le sien), conduise le peuple en flattant le meilleur du peuple (l’action collective dirigée ne se fourvoie pas toujours). Flatter le meilleur du peuple, c’est encourager la seule concurrence de la bienfaisance. Par peuple j’entends coalescence d’énergies sympathiques en vue d’une amélioration raisonnée des conditions de vie. Interrogeons le degré de proximité du démagogue et du pédagogue. Éduquer le peuple, à commencer par ses soi-disant « élites ». Lui enseigner l’art de se choisir une ou plusieurs têtes. C’est le b.a.-ba de l’instruction civique. Je sais, cela sent son hussard noir et rappellera à certains les riches (et moins riches) heures de l’agitprop. Pourtant, à bien considérer les états respectifs de la solidarité républicaine et de la culture politique, on conviendra qu’en appeler à l’éducation relève moins d’un paternalisme condescendant que d’une opération de salubrité publique.

Se choisir une tête : c’est bien ça le problème. En juin 2012, le G20, rebaptisé GVain par Jacques Attali, se réunit à Los Cabos, au Mexique. El cabo, en espagnol, c’est le chef et le cap. Le cap, nul, parmi ces chefs d’états, ne s’est enhardi à le donner. La croissance, tant qu’il n’est pas spécifié de quoi et à quelles conditions, ne saurait en tenir lieu. GVain, en effet. La gouvernance idéale, si j’ai bien compris ce qu’il en est ressorti, consiste à caboter au petit bonheur entre Charybde et Scylla. Pour paraphraser Maurice Scève, poète lyonnais, une espérance de ce genre est à non espérer. En réalité, il n’y a plus de chefs d’états. Il n’y a plus que des commis voyageurs qui cherchent à refourguer leur camelote à des clients qui ne s’émerveillent plus de rien. Au-dessus du nœud de cravate, les têtes que nous voyons sont interchangeables non du fait de leurs traits (on parvient encore à distinguer Poutine de Hollande), mais du fait du vide idéologique qui les sous-tend. Jamais le pouvoir n’est aussi pompeux et démonstratif que lorsqu’il se trouve réduit à quia. Ces têtes qui nous gouvernent ne sont que des ballons peints. Le gouvernement mondial est un régime acéphale.

La fabrique moderne des monstres, dont Jean Clair, dans un essai récent[3], a feuilleté le catalogue pour ce qui touche aux Beaux-Arts, a remodelé le sujet politique. Jean Clair date de la Révolution et de la période romantique la mort des Beaux-Arts conçus comme école de l’harmonie. La reconstruction mathématique du visage, telle que pensée par Dürer ou Le Brun, fut mise à mal par l’industrie de la guillotine. La décapitation machinale, nette, sans ratés, anéantit le vis-à-vis dialogique, fait perdre la face, évacue l’âme avec le sang. Certes, quelques têtes célèbres, une fois tranchées, continuèrent brièvement d’en imposer. On crut voir cligner des yeux celle de Marie-Antoinette ; celle de Charlotte Corday aurait rosi aux joues. Il en tomba tellement, cependant, qu’on ne vit plus rien, à la fin, que des boules sanguinolentes. La guillotine est le sinistre guichet qui sépare les Lumières du roman noir romantique, plein de vampires, de momies et de zombies, de morts-vivants qui essaient de se donner une contenance. Bien sûr, il s’agissait alors d’abolir ces trois instances transcendantales, Dieu, le roi et le père, dont le règne sans partage était devenu insupportable. Mais par quoi les remplaça-t-on ? Par le moi. Le moi, lui, n’a de comptes à rendre à personne. Il se moque des codes. Il n’en fait qu’à sa tête. Le débordement de la subjectivité se substitua à la contention de la représentation ordonnée. Claude Lévi-Strauss voit dans cette substitution, bien illustrée par l’impressionnisme, l’origine de la déstructuration du visage dans l’art moderne. Comme si l’artiste ne supportait pas qu’on trouve beau ou remarquable un autre visage que le sien, surexposé. N’est-il pas significatif qu’on se souvienne davantage des visages d’un Picasso ou d’un Dali que de ceux, déformés, de leurs modèles ?

Le rapport avec le politique ? Une des premières choses que note Primo Lévi à son arrivée au camp d’Auschwitz, c’est l’absence de miroirs. L’abandon de l’étude du visage à l’anthropométrie judiciaire et à la chirurgie réparatrice a conduit l’art à servir le rêve totalitaire d’une mesure de l’homme affranchie de tout travail d’apprivoisement et d’acceptation des formes de l’altérité. Cette mesure aveugle de l’homme n’incluait évidemment l’individu mesurant, lequel pouvait passer la mesure en toute impunité. La démesure criminelle d’un Hitler ou d’un Staline n’a pas été rééditée par la suite, sinon à plus petite échelle (voir Pol-Pot ou Amin Dada, experts ès-décollations), et nos dirigeants acéphales en sont a priori exempts (comment voudriez-vous qu’un acéphale prenne la grosse tête ?). En fait, nous observons depuis quelques années un phénomène inverse de celui décrit par Jean Clair. L’effacement du visage de l’autre et l’avènement d’un individu despotique non transcendant (du moins au départ) étaient, jusqu’à l’ère « postmoderne », les produits d’une violence faite aux têtes de l’extérieur. Nos acéphales, eux, sont les produits d’une violence faite aux têtes de l’intérieur, d’une auto-décapitation en somme. La tâche des communicants se résume à leur donner une tête convenable, même s’il nous apparaît à tous qu’elle sonne creux. Maintenant, il faudrait se demander comment il se fait que nous votions pour des acéphales. La réponse ? La main invisible…



[1] Surizdô signifie « jouer de la flûte » en grec classique, mais aussi « siffler » – la fin de partie ?

[2] Le pire est que les pauvres applaudissent (http://www.midilibre.fr/2012/06/04/moins-de-25-eur-pour-un-montpellier-paris-en-tgv,512001.php). Quelle est l’utilité, pour la collectivité, de cofinancer une infrastructure aussi onéreuse si le partage des coûts n’ouvre pas des droits pour tous à un meilleur confort de voyage ?

[3] Hubris. La fabrique du monstre dans l’art moderne, Paris, Gallimard, 2012.

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87 réponses à “LA DICTATURE DES ACÉPHALES, par Bertrand Rouziès-Léonardi”

  1. Avatar de taratata
    taratata

    @ Bertrand Rouziès-Léonardi
    C’était l’anti-Picasso. Il avait compris qu’on ne se sauve pas de la décrépitude en ayant des enfants…  »
    ? ? ? ? ? ? ? ! ! ! ! ! ! ! ! !

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Bonsoir Taratata.

      Ne vous étranglez pas. Pimienta fut l’anti-Picasso non parce qu’il n’eut pas d’enfants, ce serait un critère d’opposition esthétique un peu étrange, mais parce qu’il travailla à s’effacer dans son œuvre pour faire toute sa place à l’intériorité de l’autre. Ceci posé, il y a plusieurs façons de combattre la décrépitude. On peut s’assurer de la relève par la procréation ou par la création ou par les deux. Pour un artiste, avoir des héritiers physiques ne comporte pas que des avantages.

      Cordialement.

    2. Avatar de Fredo

      ben si ! pourquoi ces ??????

      Si vous n’avez pas dès ce jour, le sentiment relatif de votre durée, il est inutile de vous transmettre

      Léo Ferré

  2. Avatar de RED
    RED

    Je vous répondrais ceci et vous me lirez entre les lignes si vous voulez bien ; je n’ ai jamais voulu me donner de mal, je n’ étais pas très courageux, j’ eus aimé avoir une vie facile.
    Tout le contraire me fut donné ; je vécus très mal (et vis encore très mal aujourd’ hui), du me montrer sans cesse courageux, j’ ai une vie très difficile. Quand je sors de la torpeur ou de l’ abrutissement que ces conditions procurent, je trouve le bien. C’ est de l’ alchimie.
    Rien ne va de soi, je me suis trouvé une tête ; mais à quel prix.

    Bien à vous.

    1. Avatar de Béa
      Béa

      Je me reconnais dans vos écrits !
      Merci

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Merci Lisztfr. Dêmokratia secourue par Angelos…

  3. Avatar de Hervey

    Compliqué l’exercice.
    Ai pas compris l’usage de vos sources ni saisi la lumière de leur confrontation.

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Bonsoir Hervey.

      Pour la lumière, le mieux serait que vous jetiez un œil sur l’essai de Jean… Clair. Il vous y conduira à sa façon, qui est sans doute moins capillotractée que la mienne.

      Cordialement.

      1. Avatar de Hervey

        Vaste sujet mais réponse courte (ai peu de temps),
        Jean Clair veut faire alliance avec le temps et être ainsi plus proche des vérités éternelles. C’est à sa manière un don Quichotte. En résumé c’est ce que je crois comprendre.
        Pas de doute, un grand et lourd combat.
        Mais pareille entreprise ne devient-elle pas aussi une obsession totalitaire (tout en étant utile) ? Et donc difficile à suivre si l’on entre dans le détail sans être soi-même l’apôtre de cette idée supérieure, car s’ouvre alors tous les malentendus possibles.
        Vouloir réintroduire du religieux dans l’art n’est pas une banalité, c’est même assez casse-gueule.
        Ne soyez pas trop surpris des suffrages et en vous retournant des suiveurs qui prendrons votre file.
        Regardez en Tunisie ce qui se passe et ne croyez pas que seuls les barbus soient capables de s’offusquer de cette liberté de l’art.
        Attention aux amalgames qui vont se faire autour de ces règlements de comptes !

    2. Avatar de Piotr
      Piotr

      De la difficulté de passer de l’esthétique à l’éthique,un douloureux problème d’articulation.

      1. Avatar de Hervey

        Oui, Piotr et ses tics… appropriés.

  4. Avatar de Fredo

    Moi qui suis un peu batteur de glaise, je mesure le travail, le génie peut-être de cet artiste… Merci pour cette photo.

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Bonjour Fredo.

      Si vous voulez en savoir plus sur ce sculpteur autodidacte, qui fut aussi et concurremment poète, savant et critique d’art, allez sur le modeste site qu’une association lui a consacré. Voici le lien : http://www.lesamisdepimienta.com.

      Cordialement.

  5. Avatar de roma

    juste avant d’ouvrir le blog je lisais

    « (…) nous avons tous perdu l’habitude de la vie, nous sommes tous plus ou moins boiteux. Nous en avons tellement perdu l’habitude, même, qu’il nous arrive parfois de ressentir une sorte de répulsion envers la « vie vivante », et c’est pourquoi nous ne pouvons pas supporter qu’elle nous rappelle qu’elle existe. Car où en sommes-nous arrivés ? La véritable « vie vivante », c’est tout juste si nous ne la ressentons pas comme un travail, comme une carrière, presque, et nous sommes tous d’accord, au fond de nous, que c’est mieux dans les livres. Et pourquoi nous agitons-nous parfois, pourquoi délirons-nous, et nous demandons-nous – quoi ? Nous ne le savons pas nous-mêmes. Ce qui serait pire pour nous, si nos prières délirantes se trouvaient exaucées. Tenez, essayez-donc, mais oui, donnez-nous, par exemple, plus d’indépendance, déliez-nous les mains à tous, élargissez le champ de nos activités, relâchez la surveillance et nous… je vous assure : la première chose que nous ferons, c’est de redemander qu’on nous surveille. » (Dostoïevski, Les Carnets du sous-sol – à la fin).

    merci, condamnés à persévérer d’optimisme

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Merci Roma.

      Le sous-sol de Dostoïevski est souvent très éclairant. Quant aux accidents de Tati, ils nous réapprennent la souplesse ; ils forcent le corps à sortir de la gangue de la machine.

    2. Avatar de Leboutte

      Ce livre a eu six titres différents dans ses traductions en français ! (voir le blog de Pierre Assouline.)

      Je serais heureux que quelqu’un me donne le nom de l’écrivain qui assure avoir eu la vie sauve par cette lecture !

      Cela dit, cette ambiance, avec le personnage de L’Idiot</em<, ne sont qu'une des multiplissimes facettes de la psyché humaine… génialement décrite.

  6. Avatar de ig
    ig

    Merci pour ce très intéressant et très poétique billet.

  7. Avatar de moneyistime
    moneyistime

    Votre prestation m’émeut , elle a un fondement . Ce que je regrette c’est que comme Rousseau vous vous égarez par confusion , comme Rousseau qui appelait mme de Warens sa maman ,tout en couchant avec elle .
    Cette fillette est une infans , certes . Elle est naive , mais n’est plus candide , elle réfléchit et à une encéphale comme vous dites . Nos oppresseurs , comme les siens , sont encore plus fort en encéphale , et non dépourvus comme vous feignez de le croire , ce qui leur manque ce n’est pas cela . Pas plus qu’au pédophile , comme l’a révélé Nabokov , ni à la Vierge comme l’a montré Jeanne d’Arc . La question est ailleurs et vous ne semblez pas l’avoir perçu .
    Vous faites l’analogie avec le peuple , en général et la démocratie , astucieux , çà vaut le détour .
    Oui le peuple comme cette infans est naif . Mais son oppression vient de plus cérébraux qu’elle . Elle ne connait pas sa force , la force de la candeur , parce qu’on la contraint à y renoncer .
    Et elle y a renoncé par amour . Amour mal placé .
    Je ne vais pas m’étendre sur ce renoncement . Plutot comme vous sur ces séducteurs d’enfants . Ils ne manquent pas ce cerveaux , ils en ont trop ! Leur désir est le fruit de leur imagination . Vous faites un grave contre-sens , c’est pour cela qu’ils sont cruels , parce qu’ils sont abstraits , ils n’habitent plus leurs corps , et par là ne ressentent plus celui des autres . Là est la source du mal .

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Bonjour Moneyistime.

      Je voudrais croire comme vous que le règne des Machiavel n’est pas révolu. Au moins, dans l’intelligence du mal, il y a encore le mot « intelligence ». Triste consolation. Seulement, depuis quelques décennies, j’ai la nette impression – mais je peux m’abuser – que la real politik est un défaut de politique, davantage qu’un maléfice politique à l’œuvre. Il me semble que la « gestion » globale de la crise actuelle en donne l’illustration. Je vous mets au défi de me dire qui est aux commandes. Si j’écris quoi au lieu de qui, la réponse s’impose d’elle-même (http://www.pauljorion.com/blog/?p=38317). S’agissant des corps inhabités, je suis d’accord avec vous, à ceci près qu’ils le sont, selon moi, parce que la conscience, en tant que disponibilité sensible aux êtres et aux choses, les a désertés avec la tête. Une intelligence qui n’habite pas son corps, qui s’en abstrait pour ne pas avoir à ressentir, ne mérite pas le nom d’intelligence, déployât-elle des trésors de ruse pour arriver à ses fins. Nous sommes des céphalopodes, des cerveaux sur pieds. S’amputer de ses pieds ou déposer son encéphale, cela fait de vous un moins qu’humain, un monstre ou trop céleste ou trop terrestre. Je rêve un homme en pleine possession de tous ses moyens. Alors il fera le bien sur terre avec les moyens du ciel.

      Cordialement.

  8. Avatar de François78
    François78

    « une auto-décapitation »

    Pas seulement. la police de la pensée veille aussi – plus que jamais- à assurer son quota de décapitation pure et simple.

    Et bien sûr au laser et sous anesthésie générale, on est pas des monstres.

  9. Avatar de François78
    François78

    « La démesure criminelle d’un Hitler ou d’un Staline n’a pas été rééditée par la suite, sinon à plus petite échelle »

    Laissez-moi rire (c’est ma façon de m’insurger) . Vous n’êtes pas sans avoir noté que, chez nous et en Grèce, nous sommes passés à deux doigts d’une catastrophe (honteuse en plus).
    (Concernant Hitler c’est sûr, car pour ce qui est de Staline, j’ai n’ai pas bien noté).

    1. Avatar de Charles A
      Charles A

      « La démesure criminelle d’un Hitler ou d’un Staline n’a pas été rééditée par la suite, sinon à plus petite échelle  »
      Bien sûr que si !
      La République française a massacré des millions de gens
      luttant aussi pour leur liberté,dans divers colonies.
      L’hécatombe US dans toute l’Indochine n’est pas non plus une « petite échelle »,
      pas plus que les massacres sous sa direction dans tout le Cône Sud des Amériques.
      La liste est très longue…
      Et dans la crise en cours, à moins de soulèvements victorieux,
      le pire des barbaries est à attendre.
      Enfin, l’attitude des politiciens à Rio, au service de l’accumulation du capital,
      est bien, pour toute l’espèce humaine,et toute vie sur la planète,
      une démesure criminelle, à grande échelle !

      A part cela, quel billet riche d’analyses, d’émotions et d’écriture!
      Merci!

      1. Avatar de BRL
        BRL

        Merci, Charles A.

        Quand j’évoquais la démesure criminelle tout au long du XXe siècle, je le faisais en considérant non les chiffres des victimes (on ne met pas en concurrence les victimes, toute victime est un mort de trop), mais la personnalité des criminels et l’étendue de leur champ d’action. Je ne crois pas que les épigones d’Hitler et de Staline leur soient jamais arrivés au talon de la botte, quelques efforts qu’ils aient déployés pour y parvenir. Des garde-fous ont été érigés entretemps, qui bornent leurs ambitions à la nuisance locale (avec parfois, tout de même, de lointaines répercussions sous nos climats). Vous le dites vous-même, la démesure actuelle, si l’on écarte les despotes qui sévissent encore, se répartit entre des « politiciens » dont le crime principal, non moins irrémissible que les crimes des despotes, est d’avoir étendu le champ de leur impuissance. Une sorte d’inertie hyperbolique, d’extinction massive de la dialectique. Jamais les grands états démocratiques n’ont disposé de moyens humains aussi importants pour faire valoir pacifiquement les thèses démocratiques, jamais, pourtant, ils n’ont semblé si peu pressés de les mettre en branle. L’horrible impression d’être passé à côté d’une occasion historique me poigne.

        Cordialement.

      2. Avatar de Marlowe
        Marlowe

        Question : comment pourra donc être jugée dans le futur une civilisation qui a massivement introduit la mort brutale d’une partie de sa population par ce qu’il est convenu de nommer les accidents, du travail, de la circulation, etc. et la mort lente due aux maladies elles mêmes induites par la principale production du capitalisme industriel, la pollution ?

      3. Avatar de BRL
        BRL

        @ Marlowe
        Je crois que la qualifier de « primitive » serait une juste appréciation, si, du moins, il reste assez de victimes vivantes pour en faire le procès…

      4. Avatar de quelqu'un
        quelqu’un

        Les gardes-fous n’endigueront pas la folie humaine sans l’accord des fous. Sommes-nous d’accord?

      5. Avatar de Marlowe
        Marlowe

        à BRL,

        Je ne pense pas que « primitive » soit le bon qualificatif, surtout quand on pense aux forêts primitives massivement détruites, sauf à considérer que nous vivons encore dans la préhistoire de l’humanité
        Je pense que suicidaire est plus adapté.

      6. Avatar de BRL
        BRL

        @ Marlowe
        Par primitive j’entendais « qui vient de sortir de l’œuf », « qui entre dans l’âge premier de la vie », « qui n’a pas encore été mise au parfum des traditions orales et/ou écrites du monde qui l’accueille ni des expériences qui y ont été menées ». Cette amnésie, cette régression ad uterum sont proprement suicidaires, en effet.

      7. Avatar de Rosebud1871
        Rosebud1871

        @BRL 21 juin 2012 à 09:17

        Cher BRL, désolé de réagir si tard mais j’étais ailleurs…
        La démesure criminelle d’un Hitler ou d’un Staline
        Quand j’évoquais la démesure criminelle tout au long du XXe siècle, je le faisais en considérant non les chiffres des victimes (on ne met pas en concurrence les victimes, toute victime est un mort de trop), mais la personnalité des criminels et l’étendue de leur champ d’action.

        Je sais bien qu’avant Arendt mais surtout depuis, à l’ouest on associe le Führer et le petit père des peuples au point de les confondre sous l’appellation de dictateur et le régime de totalitarisme, mais ça me paraît beaucoup trop simple. Si vous parlez de « démesure » quelle serait la bonne mesure ? Pour ce qui concerne les affaires de « personnalité », j’entends bien qu’elles sont inéliminables, mais alors les victimes seraient victimes de types victimes de leur personnalité ? Décidément ça me paraît trop simple.
        Quand on visite le Musée Staline à Gori, on tombe d’abord sur une phrase a grosses lettres écrites sur un mur et de souvenir, à peu près traduite comme ça par le guide : « Quand je serai mort on écrira des choses horribles sur moi, tout ne sera pas vrai ». Signé Staline.
        Comme pour Louis XVI, Napoléon et d’autres, l’histoire avec ce qu’elle emporte de soucis politiques périodiques articulés, continuera de faire le tri.

      8. Avatar de BRL
        BRL

        @ Rosebud1871

        Bonsoir Rosebud. Mon terme « démesure » traduit (imparfaitement) le grec « hybris ». Je qualifie cette hybris de criminelle parce qu’il ne s’agit pas, dans le cas des deux personnages que je cite et que la coordination « et » apparie sans pour autant les confondre, d’un accès de colère passager, comme il arrivait au berserk scandinave d’y succomber au fort de la bataille. Hitler et Staline ont, pour des raisons différentes et fluctuantes, commandité des meurtres tout au long de leur carrière dictatoriale. Leur devise impériale, à tous les deux, c’était celle de Charles Quint : « plus ultra », « plus oultre », qui reprend en l’inversant le « nec plus ultra », « pas plus loin », expression que Hercule aurait gravée dans la roche des Colonnes portant son nom afin d’en interdire le franchissement. Le monomane Hitler rêvait d’atteindre avec ses armées l’Extrême-Orient, le couvain des Aryens ; le paranoïaque Staline rêvait d’assujettir les nations limitrophes de l’URSS pour s’en faire un glacis protecteur et une rampe de lancement pour sa propagande. Ces deux figures sont exemplaires en tant qu’elles illustrent, chacune à sa façon, l’intrication néfaste de la raison et de la volonté. Pour les anciens Grecs, la raison mettait des bornes à la volonté tout en lui restant extérieure. Pour les modernes, la volonté s’active au cœur même de la raison, la dévoie et la phagocyte. Si cela vous intéresse, Gustave Pimienta a écrit en 1939 un article intitulé « L’abstraction destructive » qui livre les clefs de l’hybris moderne incarnée par Hitler. Voici le lien : http://www.lesamisdepimienta.com/documents/Cahier-n1.pdf Je vous laisse fouiner.

        Bonne lecture.

  10. Avatar de timiota
    timiota

    N’y a-t-il pas une bifurcation sur la perception du visage ?
    Pile : Perception envahissante, dans la pub, qui use des visages comme vecteur privilégié des affects sur lesquels le marketing sait, littéralement pouvoir capitaliser.

    Le jeu video naissant fera tout pour avoir des visages captant l’attention (de SuperMario à Lara Croft)

    Face : réification du visage ainsi qu’il est expliqué dans cet article, de la part de nos tête communicantes qui doivent fermer leur visage à ce qu’il y aurait de trop humain.

    A l’étage supérieur une autre bifurcation vient se faire dans la paire visage+Vêtement ou visage +corps + vêtements, au moins chez la femme, dont les directions propres sont le décolleté et le voile.

    Fin de la déviation, retour sur la départementale…

  11. Avatar de Germanicus
    Germanicus

    Si je ne me trompe, Rembrandt a pour la première fois dans l’histoire de la peinture représenté un enfant baigné dans la lumière – dans son grand tableau « Ronde de nuit ».
    Je n’aime pas du tout Picasso, je n’accrocherais jamais un tableau de lui dans ma demeure. Idem « les abstraits », à l’exception de Kandinsky, car j’estime qu’il a plongé dans les secrets qui touchent les profondeurs de l’expression artistique.

    Par contre, j’adore le style de Clodion – je me suis même offert une oeuvre de lui.

    1. Avatar de Amsterdamois
      Amsterdamois

      « les abstraits », c’est une catégorie bien large, et Kandinsky ne fut point le seul à plonger dans lesdits secrets de l’expression artistique…

      1. Avatar de Germanicus
        Germanicus

        Mais lui a essayé d’aller au fond des choses – il faut lire ses écrits.

  12. Avatar de Otromeros
    Otromeros

    Les piétinés se sont finalement entendus avec les piétineurs pour mourir de mort lente.

    ……………………………………………..

    Tout est , tragiquement , dit.

  13. Avatar de arnaud
    arnaud

    En lisant votre article je pense aux énigmatiques tableaux de de Chirico. Et je découvre au hasard du net son « Cerveau de l’enfant ».

  14. Avatar de fnur
    fnur

    N’est-il pas significatif qu’on se souvienne davantage des visages d’un Picasso ou d’un Dali que de ceux, déformés, de leurs modèles ?

    Ben non, pour moi en tous cas, j’ai vu, regardé des toiles de Picasso ou de Dali, et c’est pas leur visage qui me reste en premier plan, mais plus le second plan, voir plan le tiers en passant par cap de Creus en Espagne où l’on envisage assez bien les inspirations d’ordre tellurique de Dali, qui n’était pas qu’un promoteur de chocolat à moustaches soignées.

    En retrait du visage déformé, il y a encore le visage déformé :
    http://www.google.fr/imgres?um=1&hl=fr&sa=N&biw=1600&bih=708&tbm=isch&tbnid=uPU_GYsTZahoVM:&imgrefurl=http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/02/21/une-des-quatre-versions-du-cri-de-munch-mise-aux-encheres-a-new-york_1646489_3246.html&docid=bV_H7SMW9p1-OM&imgurl=http://s1.lemde.fr/image/2012/02/21/540×0/1646491_6_5b18_c-est-une-version-meconnue-du-cri-qui-sera_2ab2d9faeb34f90d23193e1a3277172f.jpg&w=540&h=720&ei=VTXiT-KLF8LatAbBuoxw&zoom=1&iact=hc&vpx=442&vpy=295&dur=1789&hovh=259&hovw=194&tx=167&ty=165&sig=112207778377808694970&page=1&tbnh=161&tbnw=139&start=0&ndsp=24&ved=1t:429,r:10,s:0,i:102

    Du côté de Bacon, tout autant de visages difformes, ça devrait peut être dire du plan arrière :

    http://francoisquinqua.skynetblogs.be/archive/2007/11/13/francis-bacon.html

  15. Avatar de Papimam
    Papimam

    CATASTROIKA – Une note d’optimisme, de réalisme, en tous cas un autre son de cloche.
    Je viens de visualiser le film militant « catastroïka » qui revient sur les effets de la privatisation dans les pays développés et la Grèce.
    Je ne sais si ce film a déjà été signalé sur le blog, cette version comporte des commentaires en différentes langues (clic sur « cc »).
    Des intervenants remarquables comme Ken Loch, Naomi Klein et d’autres y contribuent.
    Des sacrés pages d’histoire contemporaine sont déroulées et soumis à la réflexion des peuples européens.

    http://www.catastroika.com/indexfr.php

    Points forts : privatisations sous Eltsine, néolibéralisme façon Hayek/Friedmann/Reagan, thatchérisme, systèmes marchand/financier et démocratie, réunification de l’Allemagne, TINA & Treuhand, multi-nationales, privatisation des chemins de fer british, réseau d’eau de Paris, privatisation distribution eau en Italie, Enron/Californie & énergie.

    En conclusion, surveiller étroitement les privatisations au minimum, ne pas hésiter à résister si nécessaire.

    Hier sur C dans l’air on démontrait que les privatisations étaient sous contrôle en Grèce et seraient effectuées dans le respect de l’Etat grec.
    Mais on soulignait aussi que le problème de la Grèce était qu’il n’y avait pas État.
    J’avais surtout retenu les dérives et la montée du parti d’extrême droite, très inquiétant.

  16. Avatar de Pierrot du Québec
    Pierrot du Québec

    Terre de feu.

    Feu à volonté,
    Feu sur la volonté,
    D’être libre et de vivre,
    A la vie qui se livre.

    Feu sur l’homme qui pense,
    Feu sur les dépenses,
    Des ministres en sourdine,
    Concoctent des famines.

    Feu à la volonté,
    A la feue volonté
    D’être libre et de vivre,
    A la vie qui se livre.

    Feu sur l’école encore debout,
    Feu sur l’hôpital à genoux,
    Et tout deviendra rouge
    Entre les corps qui bougent.

    Feu à volonté,
    Sur la feue volonté
    D’être libre et de vivre
    A la vie qui se livre.

    (1995)

    1. Avatar de Fredo

      Vive le Québec libre.

      à ma petite sœur exilée.

    2. Avatar de BRL
      BRL

      Merci pour ce feu poétique, qui est mon vrai foyer.

  17. Avatar de selene
    selene

    Jeunesse, enfant, aube, lumière rasante, nouveau monde? Vous voilà habité par l’obsession du renouveau?

    Je partage volontiers ce sentiment de l’aube, de l’attente de la vraie vie qui ne saurait manquer à arriver promptement..

  18. Avatar de Eric L
    Eric L

    Bien sûr, il s’agissait alors d’abolir ces trois instances transcendantales, Dieu, le roi et le père, dont le règne sans partage était devenu insupportable. Mais par quoi les remplaça-t-on ? Par le moi. Le moi, lui, n’a de comptes à rendre à personne.

    l’absurde , la meilleure des hypothèses, la plus drôle, nous dit vivement qu’on en ait fini , et en attendant qu’on jouisse de ce qui est là, ce qui n’implique pas de faire souffrir ses congénères . là, ni dieu, ni diable . c’est selon le contexte si l’on souffre ou si l’on peut jouir de la vie ; ce n’est jamais selon « moi ». mettons .
    mais hélas, il y a tous les mois qui font le contexte ( font suer quand même …)
    et même trop douloureusement souffrir les plus faibles , les moins bien armés .
    à tel point que c’en est diabolique , puisque sans cause réelle , sans finalité réelle ou absolues . ce ne sont que des causes relatives . moi étant une cause relative . il n’y a aucune culpabilité nulle part , rien que des responsabilités . et le monde est seul maitre de dicter ses lois ( en fonction de quoi, nul ne le sait , mais bon, sans doute la voix la plus forte ) .
    comment un monde qui marche ainsi ne se condamne -t-il pas ? si les lois sont issues des demandes de jouissance ? qui s’appuient forcément sur des peines . vu les différences , le faible et le fort, le malin et le naïf, etc.
    Il semble plus qu’évident qu’on ne puisse esquiver le fait démoniaque . ou l’existence comme ayant une face noire . presque comme une instance transcendante nous laissant tous sans trop de moyens . qui gouverne le monde, les hommes à leur insu, de leur plein gré. qui aliène les hommes et la nature , dans un processus qui reste aliénant aux limites que la face noire fixe, mais devant par ailleurs se protéger de sa destruction : ne pas donner trop de pouvoir à ce qui libère et adoucit . bref, toujours se situer dans un entre deux ambigu pour tenir le monde dans ses rets , sans que le monde puisse se retourner contre ce qui l’aliène , mais au contraire alimenter sa puissance « diabolique » et se présenter comme bienfaisante aux yeux du monde . perceptions , conditionnements inscrits sur des « murs de représentations naissants », des enfants, quoi . qui ne peuvent douter du bien fondé de leurs actes . étant convaincus qu’ils servent un bien et en assumant pleinement la responsabilité . ce qui est un fait , un bien effectif dans le monde , un bien relatif mais voilant l’autre face .
    Comme c’est difficile … on ne peut pas dire qu’il n’y a ni bien ni mal , non . On peut peut-être dire qu’il y a « quelque chose » qui les sépare , et ce faisant fait ou décide un mal et un bien . bien et mal , considérés dans l’absolu , étant , ou n’étant que de la force . des jeux de forces .
    savoir si ces forces donnent à vivre , ou à mourir , à jouir ou à subir ?
    nous autres ici, subissons sans savoir ces forces qui ne conduisent nulle part ?

    pourtant, reviennent sans cesse ces sentiments du merveilleux, de la face blanche .
    dont on ne pourra dire qu’elle porte une quelconque tyrannie* . ou alors c’est la fausse .

    * parce qu’elle nous laisse venir à Elle .

    le moi, les mois qui lui sont associés et n’en forment qu’un , cependant nous rendent compte de leur réalité . dans le sens d’émettre . d’appel , etc.

    amicalement
    E.

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Bonjour Éric L.

      La guerre des moi dure depuis des siècles… Le bien et le mal sont relatifs l’un à l’autre. Pris comme des absolus, ils font mal, en effet. La coalescence des moi ne constitue pas un surmoi, mais un nous, une autre créature, qui n’est pas la somme de ses organes. On ne parle pas au moi comme on parle au nous. Le moi, je crois, signifie empiètement s’il a l’ambition de faire son bien. Il fait société s’il a l’ambition de faire le bien commun (la philia aristotélicienne). Il est sans doute impossible de se débarrasser tout à fait de son bagage de ténèbres. Il a peut-être une vertu, celle de nous rappeler que le bien commun ne nous est pas livré, qu’il faut se dépenser pour en savoir le prix.

      Amicalement.

      1. Avatar de Eric L
        Eric L

        pourtant on ne peut faire le bien sans être bien . je pense légitime qu’on veuille d’abord le sien , nul n’étant tenu à plus d’abnégation de soi . mais comme il semble bien que nous soyons marqués de tout ce qui nous fait défaut, on ne peut s’en prendre qu’à soi pour essayer d’en sortir . mettons qu’on en sorte, normalement ce bien doit retomber sur le monde . sans forcer.
        je suis assez têtu sur cette idée de bénédiction malédiction et ce que ça implique . parole active qui d’ailleurs est transmissible .
        et c’est pour cette « raison » que la ligne de démarcation ainsi constituée est difficile à faire tomber .
        en sachant les légions qui occupent les camps respectifs . dire que le diable est légion, sous ce rapport , comme une humanité qui ne se serait pas reconnue ?
        l’homme providentiel , je crois, c’est fini . Il reste uniquement des hommes qui remplissent leurs devoirs en conscience ou non .
        Si on songe aux milliards d’enfants à naitre et à ceux qui sont nés , cela parait dément d’imaginer qu’ils puissent disparaitre ou vivre dans des conditions abominables .
        l’eau est à la disposition de tous pour un monde béni. et un mal bénin 🙂

  19. Avatar de cedric7693

    @ propos de Picasso et Dali : l’avènement de la photographie marque une rupture dans la représentation. Peut être que le travail de « l’artiste » (auparavant artisan) est alors de mettre en lumière ce qui est « invisible », ce que l’œil de l’appareil photo ne peut saisir. Donner Sa propre vision du réel.
    Pourquoi s’effacer dans son œuvre quand l’appareil photo permet une représentation bien plus saisissante du « réel » ?

    Au sujet du Moi et du Narcissisme, La culture du narcissisme de Cristopher Lasch est une référence.

    1. Avatar de Fredo

      l’avènement de la photographie marque une rupture dans la représentation. Peut être que le travail de « l’artiste » (auparavant artisan) est alors de mettre en lumière ce qui est « invisible », ce que l’œil de l’appareil photo ne peut saisir.

      Que cela est bien vu

  20. Avatar de xas
    xas

    Bof

    Votre commentaire se rapproche vaguement d’une expo récente sur la souffrance « pain » vue à Berlin
    http://www.dw.de/dw/article/1/0,,2441612,00.html

    Rien d’extraordinaire dans l’idée de beauté-douleur de beaucoup d’artistes du XVIIIème et XIXème siècle, La beauté et l’intériorité traversent allègrement les siècles, mais l’idée de « Je préfère ce qu’il y a à l’intérieur » n’est pas seulement l’apanage de Rousseau et plus tard de Claudel.

    La réalité des garçons de Lucian Freud apparaît beaucoup moins incongrue dans le monde d’aujourd’hui.
    http://www.lesdiagonalesdutemps.com/article-les-garcons-de-lucian-freud-81731365.html

    Voir aussi l’intériorité des visages d’enfants de Yu JIinyoung
    http://marieaunet.blogspot.fr/2009/05/yu-jinyoung.html
    http://www.union-gallery.com/content.php?page_id=3063

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Bonjour Xas.

      On pourrait ajouter à cette liste les noms de Balthus ou de Delvaux. Les artistes figuratifs n’ont heureusement pas tous disparu du champ médiatique. Ils continuent d’avoir leur public. Je pense même que l’abstraction n’a pas encore trouvé le sien, sinon parmi l’intelligentsia fortunée et les nouveaux riches en mal de respectabilité, plus ou moins convaincus de sa beauté, selon les variations de la cote. Cela dit, l’abstraction et les installations occupent l’essentiel des cimaises et du terrain. La critique d’art ne se lasse pas d’éreinter la figuration. Jean Clair y voit un signe qui ne trompe pas. Je lui emboîte le pas là-dessus.

      Cordialement.

      1. Avatar de xas
        xas

        Bonjour BRL

        Loin de moi de dénigrer la beauté ni même l’idée de la beauté, qui sont indispensables pour le « senti » d’une œuvre d’art. Bien au contraire, le rejet où l’abandon de la beauté par quelques enseignants des écoles d’art est aussi abscons que l’idée de « la fin de l’histoire ».
        Absurde et infécond

        Par contre assimiler systématiquement beauté intérieure à la notion de mysticisme incarnée par Rousseau me gêne. Trop d’ancrage dans une croyance qui passe par une reconnaissance obligée, voire obligatoire des institutions culturelles et du monde de l’argent. Comme pour les compositeurs de musique classique, le passage par une référence à un saint, ou à un mythe chrétien revêt encore aujourd’hui plus d’une obligation, voire d’une vanité vis-à-vis d’un collectionneur, d’un mécène ou de l’état.
        L’idée de la croyance ramène trop souvent à l’idée de la souffrance dans l’acte de création, un thème heureusement périmé mais toujours savamment entretenu.
        Dans nos démocraties, la recherche de l’image d’un père s’étiole, en témoigne l’abstention aux élections, la figure tutélaire d’un élu, pieds et poings liés à l’absurdité du système bancaire ne fait plus foi.

        En post scriptum… Timon d’Athènes plutôt que Saint François d’Assise.

  21. Avatar de octobre
    octobre

    Acéphales, schizophrènes tueurs, violence phallique, cerveau reptilien?
    Au fond peu importe les faits sont là : dictature.
    Affligeante bêtise systémique qui envahit tous les espaces – les têtes – marée noire montante infiltrante.
    Je serai heureux le jour où la grande mécanique à broyer la chair et les os s’arrêtera.
    Demain ou après. Un seul grain de sable dans les rouages et crrrac ! Patience.
    Tout redeviendra simple, vivable et pur. Ainsi marche mon imaginaire, puis faut tenir le coup.
    Du calme.

    Quelques portraits d’enfants par Odilon Redon.
    Re don avait dit ici un commentateur, voilà, et c’est important de le souligner.
    Un rapport magique avec la couleur chez cet homme artiste.
    Des portraits de p’tits Bouddha en fleur. Émouvant, concentré, sensible, je trouve.

    Si un de ces quatre t’as l’occasion de lire Perspectives de Calaferte. Ça crépite à chaque page. Hommage à la peinture non mièvre.

    UNDEUXTROISQUATRE

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Merci pour cette référence, Octobre.

      J’ai toujours eu un faible (un fort, devrais-je écrire) pour Odilon Redon, découvert durant ma phase symbolisto-décadente. J’y reviens parfois, comme en une chapelle intime. Ces quatre vitraux m’y ramènent fort à propos.

    2. Avatar de methode
      methode

      octobre,

      le mysticisme ne doit probablement pas être vôtre tasse de thé, mais je vous mets un poème, peut-être mon poème favori,

      O jour, lève-toi, les atomes dansent,
      Les âmes éperdues d’extase dansent,
      La voûte céleste, à cause de cet Être, danse;
      A l’oreille je te dirai où l’entraîne sa danse;
      Tous les atomes qui se trouvent dans l’air et le désert,
      Sache bien qu’ils sont épris comme nous,
      Et que chaque atome heureux ou malheureux
      Est étourdi par le soleil de l’âme inconditionnée.

      Tu n’es pas ce corps, tu es cet oeil spirituel…
      ce que l’oeil de l’homme a contemplé, il le devient…
      C’est sur le champ de bataille
      Que dansent et tournoient les hommes;
      C’est dans leur propre sang qu’ils dansent.

      Rûmî – Le chant du Monde

      1. Avatar de octobre
        octobre

        methode,
        Je cherche, modestement, à ajouter une chose : ce poème est sublime. Merci !

  22. Avatar de Rodrigue
    Rodrigue

    Merci de ce billet et de la réaction de moneyistime

    1. Avatar de Aster
      Aster

      Comme Rodrigue.

  23. Avatar de Circé
    Circé

    Le masque funèbre

    « Il était un homme, une fois, qui n’ayant plus faim, plus jamais faim, tant il avait dévoré d’héritages, englouti d’aliments, appauvri son prochain, trouva sa table vide, son lit désert, sa femme grosse, et la terre mauvaise dans le champs de son coeur.
    N’ayant pas de tombeau et se voulant en vie, n’ayant rien à donner et moins à recevoir, les objets le fuyant, les bêtes lui mentant, il vola la famine et s’en fit une assiette qui devint son miroir et sa propre déroute. »

    René Char. « Les matinaux »

  24. Avatar de Véronique
    Véronique

    Il y a plus simple ; Le petit prince puis Terre des hommes, après quoi : c’est tout droit.

    1. Avatar de Véronique
      Véronique

      (…) même si l’homme debout n’est qu’un meuble là où la nature a tout fait pour qu’il se dresse.

  25. Avatar de bernard louis marie
    bernard louis marie

    Magnifique billet,voudriez vous suggérer que la démocratie est malléable,comme un enfant,et qu’elle est sous la tutelle d’un tutorat acéphale,non pas à visage interchangeable impliquant une continuité mais totalement changeable,selon des modes décrits par Platon.
    L’artiste est le reflet de son siècle,de l’évolution des techniques et des moeurs de la société,de sa propre implication (subjective) ou du constat d’échec devant la barbarie menaçante ou patente le conduisant à adopter une attitude sceptique,cynique à la limite du pathos,je pense à Goya et Velasquez.
    N’est ce point là tout simplement l’engagement de l’artiste,son engagement et non pas son enrôlement idéologique,quoique il puisse y avoir coalescence.
    Merci Paul,les courbes,les statistiques,les algos,les LTRO et consort (FESF,MES,…) nous font perdre l’essentiel=l’homme

  26. Avatar de Moi
    Moi

    « Jamais le pouvoir n’est aussi pompeux et démonstratif que lorsqu’il se trouve réduit à quia. »

    Le problème de notre époque c’est qu’on se gave de mots et de virtuel. On finit par ne plus reconnaître les choses auxquelles les mots devraient correspondre.

    Un pouvoir réduit à quia, c’est pas un pouvoir.

    Les têtes à couper existent. Il suffit de bien regarder.

    PS: le style de l’article est excellent. Il ne manque plus que le fonds. Peut-être qu’une association avec PSDJ…

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Bonjour Moi.

      Il n’y a pas une chose d’un côté et une chose de l’autre. La réalité est sédimentaire, me semble-t-il. Si les mots servaient à faire un tri exact, c’est que leur sens serait arrêté. Vous avez toute la glose, c’est-à-dire la littérature, contre vous. Le pouvoir peut être une impuissance avec les apparences de la puissance. Les choses avancent souvent masquées et le langage ne lève qu’un coin du masque, quand il n’ajoute pas une couche de fard. J’essaie de trouver l’expression la plus adéquate possible à ce que je perçois, mais je n’aurai pas la présomption d’en épouser au micron près le contour. La forme accroche le fond, mais pas en tout point. Quant aux têtes à couper, je voudrais bien m’y atteler, mais, chose bizarre, tranchez les mauvaises têtes, elles repoussent, infectées des mêmes vices. C’est donc que ce ne sont pas des têtes ou bien j’ai manqué mon coup. Je sais bien que nos dirigeants sont des êtres concrets et tangibles, mais ils le sont à la façon des épouvantails.

      Cordialement.

      1. Avatar de Moi
        Moi

        @BRL:
        « Si les mots servaient à faire un tri exact, c’est que leur sens serait arrêté. »

        Le signifié d’un signifiant change avec le temps, vous avez raison. Ce qui complique déjà bien assez les choses que pour en plus utiliser un signifiant en lui donnant un signifié erroné, au présent.
        Cette phrase par exemple « Le pouvoir peut être une impuissance avec les apparences de la puissance. » utilise le signifiant « pouvoir » avec un signifié qui n’est pas le concept de pouvoir mais le contraire (l’impuissance). Du point de vue littéraire, ça fait une jolie phrase. Du point de vue scientifique, c’est nul et confus, il aurait fallut dire pour coller à la réalité : « Ceux qui ont officiellement la charge du pouvoir sont impuissants et ont de plus en plus de mal à le cacher ». C’est moins baroque, plus commun, mais c’est plus vrai et on comprend donc mieux. Cela permet ensuite de se poser la bonne question du point de vue politique: « Où sont les têtes? Comment les couper? » en lieu et place d’une digression poético-psychanalytique sur l’absence de têtes et l’auto-décapitation.

        « C’est donc que ce ne sont pas des têtes ou bien j’ai manqué mon coup. »

        Et les mauvaises herbes repoussent, c’est donc que ce ne sont pas des herbes ou bien je ne les ai pas coupées. CQFD.

      2. Avatar de BRL
        BRL

        Il y a une chose que vous ne voulez pas voir, Moi, c’est que la pensée est un déploiement et qu’elle passe par plusieurs étapes avant de trouver la formule qui lui semble la plus frappante. Le principe du billet, de tout billet (passez au peigne fin les billets circonvoisins du mien), est qu’il livre un cheminement vers l’idée ramassée dans le titre, titre qui m’est venu dans les derniers moments de l’aventure. C’est mon cheminement que je partage avec vous. Puisque vous connaissez son point d’aboutissement, le plaisir que vous prendrez à me lire (ou pas, mais vous en avez pris un peu) viendra de ce que vous glanerez en cheminant à mes côtés. Tout ça pour ça, me direz-vous ? Ben oui, vous répondrai-je. C’est le principe même de la littérature, de proposer un cheminement personnel vers une idée souvent rebattue. Une expression n’est jamais qu’une étape, mais cette étape est parlante. Quant aux formulations paradoxales, de la bande des paralogismes, elles sont un procédé rhétorique banal qui fait encore son effet, y compris dans les écrits scientifiques. Les exemples sont pléthores. Elles sont comprises et goûtées par bon nombre de lecteurs. Pas par vous, visiblement. Votre commentaire de la phrase « Le pouvoir peut être une impuissance avec les apparences de la puissance » manque son coup car d’une part il saute par-dessus le modalisateur « peut », qui corrige la stricte équivalence établie par le verbe « être », et d’autre part néglige le fait que le mot « impuissance » est qualifié par le groupe prépositionnel « avec les apparences de la puissance ». J’évoque une impuissance déguisée, pas une impuissance tout court. Une meilleure glose de l’ensemble, meilleure que celle que vous proposez, serait celle-ci : « Le pouvoir peut être une puissance factice. » Cette glose a l’avantage de mettre l’accent sur l’importance de l’image dans l’exercice du pouvoir, image souvent trompeuse, et sur les jeux de dupes qui en résultent. Ma formulation colle au plus près, contrairement à ce que vous dites, de ces jeux-là, qui trompent jusqu’aux experts de l’image eux-mêmes (voyez les dictateurs récemment déboulonnés dont il nous était dit et répété, preuves par l’image à l’appui, qu’ils étaient inamovibles).
        Un petit syllogisme, pour conclure : soit une tête qui repousse après qu’on l’a coupée ; seules les mauvaises herbes, les ongles, les cheveux et les queues de lézards repoussent après la coupe ; donc, cette tête est soit une mauvaise herbe, soit un ongle, soit un cheveu, soit une queue de lézard.

      3. Avatar de Moi
        Moi

        @BRL: je crois vous l’avoir déjà dit, je prends plaisir à vous lire de par votre style qui me plait, mais je préfère vos billets où il me semble que le fonds est vrai. Ici il me semble le contraire, donc je le dis. Et ce n’est pas une formulation comme celle-ci « Le pouvoir peut être une puissance factice. » qui me fera changer d’avis car le pouvoir n’est jamais une puissance factice. L’impuissance peut avoir l’apparence de la puissance, le pouvoir peut avoir l’apparence de l’impuissance mais le pouvoir ne peut pas être impuissant (même en disant « puissance factice » car c’est l’impuissance qui est « une puissance factice », pas le pouvoir), ce sont là des contradictions dans les termes. Ce que vous appellez « pouvoir » (en gros les dirigeants politiques) ne désigne pas le pouvoir mais une apparence de pouvoir et une réalité d’impuissance. Et vous le remarqueriez si vous vous attachiez moins aux mots (laissez cela aux journalistes de la propagande) et plus à ce qu’ils désignent. Exemple encore ici: « l’importance de l’image dans l’exercice du pouvoir ». Si vous parlez là de nos hommes politiques, vous auriez dû dire « l’importance de l’image dans l’exercice de l’apparence du pouvoir » et on aurait tout de suite compris qu’effectivement l’image est essentielle pour sauver les apparences. Certes, l’image est relativement importante aussi dans l’exercice réel du pouvoir et en est pour ainsi dire constitutive mais elle est d’autant moins importante que le pouvoir est réel; lorsque ce « pouvoir » n’est qu’illusion de pouvoir (c’est-à-dire n’est pas un pouvoir, d’où les guillemets), l’image est tout ce qu’il reste.

        Concernant le petit syllogisme: les têtes de l’Hydre peuvent repousser.

      4. Avatar de BRL
        BRL

        @ Moi
        Je ne prétends pas être convaincant en toute circonstance et, du reste, je me trompe souvent. Si au commencement était le Verbe, je n’y étais pas. Je suis, comme vous, un produit de la confusion babélienne des langues. Le sens est un éternel fugitif et le mieux que nous puissions faire, c’est de lui coller aux basques. La chose amusante (je le dis sans ironie aucune) est que, tout en m’accusant de brouiller le sens pour masquer la vacuité du fond, vous montrez que vous m’avez compris, même si vous n’êtes pas d’accord avec l’affirmation qu’il n’y a plus de tête au sommet (ce désaccord, soit dit en passant, ne justifie pas que vous qualifiiez ma réflexion de nulle ou de confuse, puisque d’autres y souscrivent ; vous pouvez en revanche la qualifier de contestable et argumenter, comme vous l’avez fait et bien fait). Maintenant, j’aimerais savoir, par curiosité, de quel œil vous considérez la métaphore, une figure qui, elle, ne prend même pas la peine de modaliser les équivalences les plus tarabiscotées ? Oublions ma prose passagèrement défectueuse. Un énoncé de ce type, que vous inspire-t-il :

        « – Je suis un cimetière abhorré de la lune,
        Où comme des remords se traînent de longs vers
        Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
        Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
        Où gît tout un fouillis de modes surannées,
        Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,
        Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché. »

        Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Spleen » (LXXVI).

        Je ne pense pas m’exprimer dans un charabia poétique, même si j’écris à tâtons. Je ne vous ai pas convaincu cette fois-ci. Je ferai peut-être mieux la prochaine fois. Mais, je vous en conjure, soyez un peu plus indulgent avec les figures de style. Un style sans figure, c’est comme une tête sans visage.

      5. Avatar de Moi
        Moi

        @BRL: « tout en m’accusant de brouiller le sens pour masquer la vacuité du fond, vous montrez que vous m’avez compris, même si vous n’êtes pas d’accord avec l’affirmation qu’il n’y a plus de tête au sommet »

        Je ne pense pas avoir dit que le fonds était vide mais qu’il était erroné. Et si je l’ai dit, j’ai eu tort.

        « ne justifie pas que vous qualifiiez ma réflexion de nulle ou de confuse »

        Ce n’est pas à cause du désaccord sur le fonds que j’ai dit cela mais à cause d’expressions telles que « pouvoir impuissant » qui ne signifient rien d’un point de vue scientifique et logique. Mon intention n’était pas de vous vexer car je vous l’ai dit aussi, j’apprécie beaucoup la lecture de vos articles (même si comme ici je suis en désaccord).

        « de quel œil vous considérez la métaphore »

        Si l’analogie est respectée, je la trouve utile. Mais je n’apprécie pas du tout les oxymores qui n’apprennent rien mais au contraire induisent en erreur.

        « Je ne pense pas m’exprimer dans un charabia poétique »

        Je n’ai jamais parlé de charabia. J’ai au contraire dit que votre style est excellent. J’ai parlé de votre conclusion comme « d’une digression poético-psychanalytique » pour marquer non pas son absurdité mais son inutilité politique.

      6. Avatar de BRL
        BRL

        @Moi
        Je ne suis pas vexé, Moi. J’accepte tout à fait que vous ne me suiviez pas sur tout. C’est tout l’intérêt de ce blog que d’autoriser et d’encourager des échanges comme ceux que nous avons. Si je ne souffrais pas la contradiction, j’irais comater dans l’un de ces colloques ronronnants où le seul mouvement d’envergure consiste à lisser les griffes du pacha à l’honneur. J’insiste néanmoins sur le fait que certains détours ou enfumages rhétoriques que vous condamnez, comme l’oxymore, ont généralement – pas chez tous les auteurs, il y en a de bêtement systématiques – pour fonction de dire une réalité, d’exprimer un sentiment complexe et pas encore bien formé qui ne se coagulent pas dans un mot du lexique disponible. Voyez le « soleil noir de la mélancolie », exemple rebattu. Nerval ne veut pas dire que la mélancolie est une éclipse. Il veut dire que c’est un astre au rayonnement obscur, qui fait la nuit hors de lui et en lui, une mauvaise étoile sous laquelle il est né. Mais les astronomes ne connaissent pas cette sorte d’astre. Plutôt que d’inventer un mot pour le désigner, que personne ne comprendra, il opte pour l’oxymore. A un niveau plus profond, Nerval joue avec une fausse étymologie du mot mélancolie : il entend melas aquileia, « ancolie noire » et non melas kholê, « humeur noire ». L’ancolie est une fleur inclinée comme un astre, un soleil incliné. On retrouve l’inclinaison de tête de l’ange couronné de Dürer dans la Mélancolie qu’il a peinte. Du bon usage de la figure…

      7. Avatar de Moi
        Moi

        @BRL: Je crois que j’apprécie trop la logique et pas assez l’art. Je vois bien l’aspect esthétique dans l’exemple que vous donnez, mais… 🙂

  27. Avatar de methode
    methode

    comme une impression d’attente de l’homme providentiel qui se dégage de vôtre billet.

    La démesure criminelle d’un Hitler ou d’un Staline n’a pas été rééditée par la suite, sinon à plus petite échelle (voir Pol-Pot ou Amin Dada, experts ès-décollations), et nos dirigeants acéphales en sont a priori exempts (comment voudriez-vous qu’un acéphale prenne la grosse tête ?).

    sans parler du bomber command dont l’ampleur des largages sont sans commune mesure avec ceux du blitz, il faut savoir que les fameux alliés larguèrent sur le vietnam plus de bombes que durant toute la seconde guerre mondiale sur tous les fronts… difficile de souscrire au mythe bien encré en france des dirigeants alliées propres.

    en matière de bombardement, la mort est sans visage.

  28. Avatar de BRL
    BRL

    Bonjour Methode.

    J’ai dit ailleurs combien je me méfiais des hommes providentiels. La providence, c’est à nous de l’orienter en faisant travailler nos têtes pour nous choisir une (ou plusieurs) tête(s) qui soi(en)t digne(s) de ce titre. Ce travail devrait nous conduire à accepter la complexité du monde (une question appelle plusieurs réponses, à plusieurs niveaux, et touche à d’autres questions) et à rejeter les araseurs de tables et les décrocheurs de lunes.

    Cordialement.

    1. Avatar de methode
      methode

      bonjour brl,

      puissiez-vous avoir raison car accepter la complexité du monde c’est aussi en accepter les absurdités, comme par exemple celles des électeurs, bruns et rouges, dans le cadre à plusieurs têtes, d’un passage à plus de proportionnelle.

      1. Avatar de BRL
        BRL

        C’est juste, Methode. Le spectacle de la complexité peut être effrayant. Ceci étant, voir les extrêmes sur l’estrade, en pleine lumière, obligés de parler à découvert et de répondre de leurs thèses, cela peut aider à en cerner les intentions – ainsi que les intentions plus ou moins suspectes de leurs sympathisants dans les autres partis – et à en déjouer les menées. Le nombre de leurs partisans ne décroîtra sans doute pas, mais, au moins, il nous sera loisible de les asticoter aux défauts de l’armure. C’est un risque à courir, dans l’hypothèse, bien sûr, où les oies du temple républicain seraient constamment sur le qui-vive et prêtes à mordre. Il ne s’agit pas de dérouler le tapis rouge au démon.

    2. Avatar de Eric L
      Eric L

      La providence, c’est à nous de l’orienter

      là, c’est étrange, vous refusez ce que vous acceptez ici

      accepter la complexité du monde

      la complexité n’est elle pas une providence, qu’on déguise et qu’on manipule ?

      personnellement, je vois la providence comme rare et indépendamment de la volonté .
      et verrais plus intéressant de rendre le monde plus simple, (sachant qu’il est bien assez complexe, tissé, compliqué ) le sentier plus aplani .
      c’est d’autre part assez étrange qu’on puisse effectivement être d’accord sur le refus du démon , mais que d’autre part le monde ne veuille pas de l’éternité ( Éternel) providentielle . située , quand même, un peu en dehors des temps . et envoyant parfois des signaux .
      en ce sens accepter la complexité , et manipuler la providence, c’est faire aussi le jeu du démon .
      sans doute de bonne foi, et sans intention « mauvaise » mais surement pas consciemment, parce qu’il manque au « savoir » ( la science rationnelle ) quelques éléments qui ne « peuvent pas  » lui appartenir .
      comme les presciences , prémonitions etc et tout ce champ d’intuition , qui opère de façon « providentielle  » . les rêves et pourquoi pas les arts , pour peu qu’on s’y rende disponible , qu’on donne sa main , qu’on se laisse agir .
      ça ne se contraint pas . enfin, c’est mon point de vue .

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