L’Europe veut-elle se saborder ?, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

Dans La fuite en avant de la dévaluation compétitive, François Leclerc nous décrit le suicide européen par la mécanique de l’euro. L’euro contrairement à son nom n’est pas une monnaie européenne mais le cheval de Troie du non-système monétaire et financier en dollar dans le système des démocraties européennes.

Comme la BCE n’a pas d’objectif de change dans sa politique monétaire en vertu de la doctrine libérale de la neutralité politique de la monnaie, la non-compétitivité globale de l’économie européenne dans le marché unique mondial n’est officiellement pas un problème. La zone euro contrairement à toutes les autres zones monétaires n’est pas un système d’adossement réciproque de la politique à l’économie.

Comme il n’y a pas d’état européen, que les institutions européennes ne sont pas un gouvernement des intérêts proprement européens, il n’y a en zone euro qu’un marché unique sans État et sans lois économiques ! Le prix de l’euro dans les autres monnaies n’est ni un sujet politique ni un sujet économique. En euro, le change n’existe pas et les conséquences économiques, politiques et sociales de la parité sur les marchés financiers est une non-question.

Comment peut-on vivre dans un tel délire idéologique à propos duquel, faute de mieux, les Britanniques se roulent par terre de rire ? Parce que les élites politiques et économiques allemandes et françaises vivent encore au XIXème siècle dans l’affrontement du Reich et de la République unitaire. Et parce que l’aristocratie du mérite s’est muée en ploutocratie. L’euro est une fiction intellectuelle pour éluder le débat démocratique sur la réalisation économique des droits du travail dans la zone de monnaie unique.

Que font les non-euro, c’est à dire toute l’économie mondiale, dont et y compris les entreprises de nationalité européenne opérant dans la zone euro ? Toute entreprise, même un état de droit institué, se doit d’être rentable. C’est à dire d’avoir dans la réalité financière, par ses activités quelles qu’elles soient, un compte de dépôt avec un solde positif dans une banque. La rentabilité est en droit réel mesuré par un crédit positif de liquidité monétaire sur un compte d’une banque moralement crédible.

Qu’ont fait les non-européens qui gouvernent l’Europe avec la BCE ? Ils ont imposé par une institution non politique, la Commission Européenne, une autorité législative au-dessus de la souveraineté des États. La politique monétaire a été sortie du champ de la politique et confiée à une institution non politique qui est la BCE. La dépolitisation de la monnaie a été verrouillée par le cours forcé légal de l’euro dans tous les pays de la zone de monnaie unique.

Que font actuellement les non-européens européistes qui gouvernent l’Europe ? Ils vident en toute légalité l’Europe de sa substance économique, donc de sa substance politique et humaine. Les laboratoires, les usines, les universités, les services publics, les entreprises culturelles, les partis politiques ferment ou se vendent à des non-résidents qui dirigent tout de l’extérieur. L’espace européen de droit est une fiction financière.

L’euro est un artifice financier pour masquer le pillage de l’Europe par des intérêts privés européens domiciliés hors des frontières juridiques de l’espace légal de l’euro. Cette réalité politique et économique désormais parfaitement palpable tient à une seule réalité armée dans le champ de l’idéologie : la liberté de circulation du capital.

Les élites germano-anglo-italo-hispano-françaises ont le cœur vide de toute idéologie sauf d’un principe fondamental : liberté d’utiliser son argent hors de toute considération morale selon le seul critère monétisé de la rentabilité. Bien sûr une rentabilité financière qui ne doit en aucun cas se raccrocher à une quelconque réalité mesurable d’économie politique et sociale.

Nier la réalité politique de l’économie est bien sûr la meilleure façon de ne pas comprendre la théorie keynésienne de la compensation internationale en droit des monnaies.

Avec une chambre de compensation financière de l’euro-bancor, les dividendes calculés en euro mais versés en dollar, livre et franc suisse se transforment en « stock-options » contractuellement adossés à des primes de change calculées réellement sur l’économie du droit. L’euro-bancor adosse la politique des prix à la vérification économique du droit dans son espace de juridiction.

En compensant les dividendes économiques par les dividendes politiques négociables publiquement dans un vrai marché des changes en euro, toute option de capital public de n’importe quelle entreprise d’économie politique devient la prime de crédit personnel des dirigeants politiques et économiques de toute société cotée ; prime qui actuellement n’existe pas et n’est pas cotée afin que les fondés de pouvoir des soi-disant personnes morales ne soient pas sanctionnés de leurs prises de risque perdante contre les sociétés réelles.
Ces primes de crédit actuellement négatives des élites dirigeantes sont « rachetées » contre rien par les banques centrales qui font la liquidité indistincte des emprunteurs « too big to fail ». La BCE prête sans demander de comptes « fidèles et sincères ». Comptes qui sont construits aux normes IFRS pour n’exprimer aucune vérité. La zone dollar et la zone euro sont des lessiveuses à dividendes fictifs. « Grâce » à la « liberté de circulation des capitaux », notre système monétaire et financier est totalement mafieux.
Nos institutions politiques sont des vitrines de légalité d’un « droit » purement privé qui n’a rien à voir avec le bien commun, la république et la démocratie. Nos amis Allemands, Italiens, Espagnols, Portugais, Irlandais et Grecs comprennent-ils cela ?

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