Quand Darwin parle de « sélection naturelle », le processus implicite, sans lequel il ne pourrait y avoir sélection de certaines des combinaisons obtenues, est bien entendu la reproduction qui s’opère elle à proprement parler naturellement, c’est-à-dire mécaniquement.
Il en va en réalité de même pour ce que fabrique l‘homme : il ne produit pas véritablement à dessein, il produit au contraire « tout », c’est-à-dire l’ensemble de toutes les combinaisons possibles et, toutes les combinaisons qui « fonctionnent » trouvant nécessairement un acheteur, elles sont reproduites.
L’homme se contente de poursuivre, de manière « culturelle » et il faut entendre par cela, simplement : « au-delà du biologique », la dynamique de la sélection naturelle. Par ailleurs, l’homme se révèle incapable d’exercer le moindre contrôle, la moindre maîtrise, sur ce processus « culturel » de reproduction / sélection « naturelle », l’épithète « naturelle » renvoyant précisément à l’absence de choix, au fait que tout est tenté, et que tout ce qui « fonctionne » est reproduit.
Bien sûr, comme pour notre destin individuel et ses multiples péripéties, nous, êtres humains, sommes toujours capables de produire a posteriori un discours justificatif mettant en scène une intention préalable, un « but », que l’effet produit et constaté aurait en fait « réalisé », et un « choix » opéré entre différents buts possibles (*). Pour vous en convaincre, consultez votre quotidien imprimé ou en ligne, où vous trouverez des justifications érudites des O.G.M., du nucléaire civil, des armes de destruction massive, physique, chimique, et aujourd’hui, biologique, etc. en dépit du fait qu’avec eux le péril pour l’espèce grandit à chaque jour qui passe.
L’avantage de cette perspective, selon laquelle la maîtrise humaine du vaste processus « culturel » de reproduction / sélection « naturelle » est en réalité inexistante, c’est que l’avenir devient entièrement prévisible. Un simple calcul portant sur une combinatoire et les effets d’émergence dus à la complexité aurait pu nous prédire quand nous débarquerions pour la première fois sur la lune, et de même, quand nous a-mars-irons dans l’avenir. De même pour le calcul de quand nous serons tous morts en raison de la pollution, du réchauffement climatique, de la course aux armements, etc.
La variable qui rendait difficile la prédiction du destin humain était l’hypothèse d’une « volonté humaine », prenant des « décisions », en fonction de « choix », etc. En l’absence de cette hypothèse (dont nous pouvons considérer maintenant qu’elle a amplement été infirmée par les faits) la prédiction de notre destin relève du simple calcul des probabilités complété d’effets d’émergence dus à la complexité.
Deux questions qui s’imposent pourtant d’un point de vue intellectuel n’ont apparemment jamais été historiquement posées : 1) faut-il vraiment tester toutes les combinaisons physiques, chimiques et aujourd’hui, biologiques, possibles ? 2) faut-il vraiment reproduire tout ce qui « fonctionne » sous prétexte qu’il se trouvera toujours bien quelqu’un pour l’acheter ?
Répondre maintenant à ces deux questions ouvrirait une nouvelle option : celle d’une volonté délibérée d’interférer avec le processus « culturel » de reproduction / sélection « naturelle », qui nous conduirait à ne plus tout tenter, et à ne plus vendre tout ce qui, ayant été tenté, fonctionne. Il faudrait pour cela qu’une communication puisse s’établir entre les hommes qui comprennent et ceux qui décident, communication qui, elle non plus, n’a malheureusement jamais été constatée au cours de trois mille ans au moins de « culture » humaine.
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(*) Cf. Paul Jorion, Principes des systèmes intelligents (1989 ; 2012) ; « Le secret de la chambre chinoise » (1999).
@tata 1999: 7,4% de la population totale c’est un nombre beaucoup plus grand que 1975: 7% de la population active,…