« Gagner les cœurs et les esprits ! », par Roberto Boulant

Billet invité.

La contre-insurrection, aussi appelée guerre contre-subversive, guerre contre-révolutionnaire, guerre contre-insurrectionnelle ou COIN (de l’anglais Counter-Insurgency), est une doctrine militaire qui vise à obtenir le soutien de la population dans le cadre d’un conflit opposant un mouvement insurgé à une force gouvernementale de contre-insurrection. Elle se base sur des actions civilo-militaires, des activités de renseignement, de guerre psychologique et sur le quadrillage par des patrouilles mobiles afin de mailler le territoire. (Wikipédia).

C’est dans le contexte militaire des opérations psychologiques (psyops), qu’est apparu le slogan « gagner les cœurs et les esprits ». Avec le succès que l’on connait sur les théâtres irakien ou afghan, où l’irréalisme de la politique de l’administration Bush Jr, transforma immédiatement l’armée de libération américaine en armée d’occupation. Le résultat fut sans appel : le chaos s’installa et les soldats américains traduisirent le slogan d’origine, par « une dans la tête, deux dans la poitrine ». L’Irak, d’État constitué, se transforma en un Erasmus mondial du terrorisme, avant de devenir un simple terrain de bataille entre clans, communautés religieuses et États étrangers. La population des campagnes afghanes, elle, en est toujours au moyen-âge. Mais les talibans sont devenus des interlocuteurs présentables et grâce aux dollars US, les chefs de guerre roulent désormais en Toyota Hi-Lux climatisées.

On reste coi devant les résultats de ce Nation building.

Eh bien, le premier ministre n’a pas trouvé mieux que ces références pour camper les enjeux de l’actuel congrès du PS à Poitiers ! « Il faut que ce congrès marque le début de la reconquête des cœurs, des esprits et de l’espérance » a-t-il déclaré le 28 mai dernier.

Simple maladresse, ou traduction d’un schéma de pensée qui exclut d’office toute notion de débat démocratique (hors discours obligés) ?

La question peut légitimement se poser au vu des déclarations, faites lors de la présentation à l’Assemblée Nationale du projet de loi légalisant les écoutes électroniques massives et indistinctes. À cette occasion, le Premier Ministre n’hésita pas à présenter les contestations de la société civile, comme autant d’intolérablespressions ! Alors qu’au même moment, le Congrès américain obligé de tenir compte des révélations d’Edward Snowden, restreignait les moyens de surveillance de la NSA sur le sol des États-Unis.

Passons également sur les effets contre-productifs d’une telle loi : les véritables terroristes ne sont pas des imbéciles, ils ont les moyens techniques  de passer sous le seuil de détection radar. Pendant que le citoyen lambda horripilé par la mise à nu de son intimité (par les gouvernements ou des opérateurs privés), sera lui fortement tenté de crypter ses communications…

Suicide de notre démocratie, une tentative d’explication

En 2011, le Premier Ministre actuel représentait moins de 6% de l’électorat socialiste, qui lui-même ne représentait plus que 5,73% des voix au second tour des dernières élections municipales de 2014. Bref, en un mot comme en cent, le Président de la République et le gouvernement souffrent manifestement d’un déficit majeur de légitimité. Et c’est justement ce déficit irrattrapable, acté et reconnu comme tel, qui pourrait expliquer la politique du Premier Ministre. Oubliée la démocratie, l’intérêt commun ou le vivre ensemble ! Seule compte désormais la conquête du Parti, afin de mettre les électeurs au pied du mur lors des prochaines présidentielles : Moi ou le chaos de l’extrême-droite (variante : Moi ou le retour dePaul Bismuth).

Dans ces conditions, se demander si nous vivons encore en démocratie, me semble être une interrogation réservée uniquement aux classes moyennes. On peut facilement imaginer que la question ferait sourire les ploutocrates, dont les lobbies font voter les lois à Paris ou à Strasbourg… et qu’elle provoquerait un rictus chez les millions de travailleurs pauvres et de chômeurs, qui peinent à accéder à un logement décent, au chauffage ou plus simplement… à une nourriture de qualité !

Tout un chacun(e) peut désormais constater l’écart abyssal qui sépare les paroles et les actes en politique. C’est devenu un truisme de le dire, tant la vérité s’impose avec évidence : en laissant privatiser dans les faits, nos politiques macro-économiques, nous avons abandonné toutes nos valeurs démocratiques. Qui – pour prendre un exemple dans l’actualité la plus brulante – pour demander que ceux qui exigent une baisse des pensions de retraites en Grèce, soient amenés devant des juges pour y répondre de leur demande criminelle ? (alors que le taux de pauvreté atteint 45% et que plusieurs membres d’une même famille survivent sur une seule pension).

Gagner les cœurs et les esprits M. Valls ? Vous plaisantez ?

Aujourd’hui 6 juin 2015, les sanglots longs des violons de la com, blessent mon cœur d’une langueur monotone. Tout suffocant et blême, quand sonne l’heure, je me souviens des jours anciens et je pleure.

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