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Anthropologie de la (dé)raison technologique
« Il nous faut comprendre dans quoi nous sommes plongés, car nous n’avançons pas dans les solutions face au risque de notre extinction », estime l’essayiste Paul Jorion(@pauljorion). « Qu’est-ce que la technologie par rapport à nous ? Qu’est-ce qui nous pousse à produire un discours critique sur la techno et que nous fait ce discours ? » La psychanalyse pose comme constat la méconnaissance que nous avons de nous-mêmes, où le raisonnement rationnel obscurcit les effets d’inconscients… Au niveau de l’espèce, nous pouvons faire le même constat : nous faisons autre chose que ce que nous avons conscience de faire… C’est ce que Hegel appelait la ruse de la raison. Notre espèce peine à se connaître elle-même. Nous avons besoin de poser un regard anthropologique sur ce que nous sommes, ce que nous faisons et sur le monde autour de nous, estime Paul Jorion. La science nous donne l’impression de comprendre beaucoup, mais bien des sociétés se sont imposées en ayant une compréhension très partielle du monde. Pour Jorion, nous sommes subordonnés à la survie de notre espèce, mais elle est mal équipée pour cela. Nous n’avons disposé longtemps que d’une seule méthode pour assurer notre survie : la reproduction. Aujourd’hui pourtant, nous avons une différence avec les autres espèces : nous cherchons à résoudre notre survie, le problème de notre extinction probable, par un autre moyen que la reproduction : la raison !
Et avec elle viennent les outils et la technologie. Les outils et la technologie ont été des solutions pour créer de l’énergie depuis notre environnement. Du feu aux vêtements en passant par le langage et l’écriture, nous avons construit des outils de plus en plus perfectionnés de manière cumulative pour pallier nos manques. Et de plus en plus, la technique produit notre propre survie. La science appliquée et les mathématiques nous permettent désormais de produire des choses qu’on ne savait pas produire par la technique de l’essai-erreur, comme les technologies atomiques. Cela nous a permis d’étendre notre capacité de charge sur notre environnement tant et si bien que nous consommons désormais chaque année l’équivalent de 1,7 planète en terme de ressources naturelles. Mais la technologie permet aussi d’envisager d’innombrables solutions pour assurer notre survie. On pourrait envisager une nouvelle révolution verte en améliorant l’efficacité du principe de la photosynthèse. Mais la techno peut aussi nous permettre de développer l’eugénisme, c’est-à-dire de diminuer de manière volontaire le nombre d’humains sur terre. Ou encore de modifier notre constitution génétique pour nous adapter à un environnement dégradé… Ou d’aller nous établir sur d’autres planètes ou envisager de remplacer l’humain par des logiciels…
Nous sommes mal équipés pour interdire certaines de ces options, constate un peu désabusé Paul Jorion. Résister n’a jamais rien donné… Et ce d’autant que la technologie est liée à ce manque, à ce besoin d’assurer notre survie et notre reproduction. La disparition du travail pourrait pourtant être une chose excellente, sauf que les personnes qui sont remplacées par un outil ne bénéficient pas de la richesse créée par la machine qui les remplace. Le problème n’est pas tant la technologie que la mauvaise organisation de la société, constate l’auteur de Se débarrasser du capitalisme et du Dernier qui s’en va éteint la lumière. « le capitalisme et l’environnement sont incompatibles, ça doit nous crever les yeux ! »
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