Retranscription de Ce que je vais faire maintenant, le 1er février 2020. Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le samedi 1er février 2020 et je ne sais pas exactement de quoi je vais vous parler, mais comme j’en ai gros sur la patate, je me fais confiance que j’aurai des choses à vous dire.
Hier, j’avais fait un billet en milieu de journée qui s’appelait : « Ah la la, dure journée pour moi ! ». Je faisais allusion au Brexit qui allait être déclaré à 23 heures en Grande-Bretagne, au Royaume-Uni, heure locale, et je pensais aussi aux Etats-Unis, ce qui s’annonçait, c’est-à-dire que le Sénat américain allait voter contre le fait de faire venir des témoins. « Un jury qui vote contre le fait de faire venir des témoins… », ça révèle un pays, comme je le disais, je ne sais pas si c’était hier… ça doit être avant-hier, un pays qui est en train de tomber en vrille. Et on a encore eu la confirmation dans la nuit avec M. Trump qui ferme la frontière américaine à encore d’autres « bougnoules » – dans ses termes à lui – c’est-à-dire des gens qu’il n’aime pas. Je vais revenir là-dessus parce que voilà… je vais appeler cette vidéo : « Ce que je vais faire maintenant ». Je vais faire un peu un bilan, comme je le faisais, esquissais, dans mon billet d’hier, mon billet vite fait, mon billet d’humeur.
J’ai beaucoup parlé jusqu’ici, ces années récentes, du Brexit en Angleterre. C’est quelque chose qui me tenait à cœur parce que j’ai une loyauté envers ce pays. Je vais revenir là-dessus aussi. Surtout parce qu’il me semble que l’Union européenne est une structure sur laquelle on pouvait compter, non pas qu’elle soit fiable telle qu’elle est : elle n’est pas fiable essentiellement en raison de vous, de vous et moi, parce que nous votons pour des crétins et du coup nous sommes représentés par des crétins dans ces structures-là qui produisent un machin ultralibéral. Il n’y a pas nécessité que ce soit comme ça ! Ce n’est pas l’Europe qui, en soi, est un truc moche. C’est parce que nous votons pour des imbéciles et c’est eux qui nous représentent au niveau européen.
Donc, je vois l’Union européenne comme un tremplin : il faut aller vers l’intégration des peuples petit à petit. Il y a des trucs, comme la Société des nations, les Nations-unies, etc., qui sont des trucs qui sont déjà là. Il y a des organisations internationales mais l’Union européenne, c’était quelque chose et, là, perdre le Royaume-Uni, en plus que… Lui ne tombera peut-être pas en vrille parce qu’il va peut-être retomber sur ses pattes, mais ce n’est pas évident.
Les Etats-Unis, je viens de dire… – je ne sais pas si je l’ai dit – mais il y a là deux pays envers lesquels j’ai une certaine loyauté. Je vais dire pourquoi.
Le Royaume-Uni, quand je me suis présenté en 1975, à sa porte, le 1er janvier, il m’a ouvert, il faut bien le dire, il m’a offert des portes grandes ouvertes. Il m’a fait entrer dans le sein des seins d’une institution qui représente son élite intellectuelle : l’Université de Cambridge. J’y suis resté pendant 10 ans, d’abord comme étudiant puis comme jeune professeur.
C’est un pays qui paye maintenant les conséquences de sa faiblesse. Sa faiblesse, elle est là à Cambridge aussi. Elle est à Oxford de la même manière et quand Mme Fiona Hill expliquait devant le Parlement américain, devant le Congrès, qu’elle est allée aux Etats-Unis parce qu’avec son accent de la classe ouvrière, elle n’aurait jamais pu entrer dans ces institutions, je vous l’ai dit en l’entendant, j’ai dit : « Oui, c’est vrai ». Moi, je présentais les caractères extérieurs de ce qui convenait. Même si j’étais étranger, je n’étais pas suffisamment étranger pour qu’on me ferme les portes de cette institution. Curieusement, au moment où il y a eu un imbroglio administratif, ce sont les syndicats – ce n’est pas l’université elle-même, ce sont les syndicats – qui ont dit que comme je n’étais pas britannique, on ne pouvait pas me soutenir. Le « grand internationalisme de la classe ouvrière » faisait encore des dégâts [rires], : celui qui ne nous a pas évité la guerre de 1914, ni aucune des autres…
La fragilité de la Grande-Bretagne… j’ai peut-être déjà raconté cette histoire mais je la raconte à nouveau parce que le symbole, il est là.
Le symbole, il est là. Je suis un jour à Accra au Ghana. Je suis dans un hôtel et il y a là un blanc, manifestement un Britannique, qui est un train de traiter comme du pus le personnel. Il hurle : c’est une caricature de ce qu’on voit dans les films sur le colonialisme. Et je vais vers ce gars-là. Ce gars-là, il faisait deux fois ma taille et était super baraqué. Et je lui dis : « Monsieur, je vous demande d’arrêter ».
Et qu’est-ce que je fais en le faisant ? Je prends mon plus bel accent de Cambridge et en une seule phrase, je lui dis avec l’accent qu’il faut : « Monsieur, je vous demande d’arrêter ».
Et ce type, au lieu de faire ce que je m’attendais, et qui aurait eu lieu dans un autre pays que la Grande-Bretagne ou ses anciennes colonies, au lieu d’écraser son poing sur mon visage, il me regarde fixement et me dit : « Monsieur, « Sir », je vous promets de ne plus jamais faire une chose comme celle-là ! ».
Voilà, c’est une belle histoire mais c’est une belle histoire qui montre la fragilité de la Grande-Bretagne : une structure de classes qui est là, sous-jacente, et qui fait sa fragilité, et qui fait que… ça, c’est un truc que Keynes avait bien vu dans les années 30, et qui fait que le ressentiment est toujours à fleur de peau et que, quand on permet aux gens d’exprimer leur colère par un vote, ils vont l’exprimer : ils vont faire un vote de protestation quand on leur donne l’occasion de le faire et c’est ça.
Bien entendu, oui, je sais, la Russie, selon la doctrine Guérassimov, a profité de cette fragilité de la Grande-Bretagne, du Royaume-Uni, qui est une fragilité considérable puisque maintenant, ce Brexit, on ne sait pas si ça aura lieu ou pas. C’est « déclaré » mais comme je l’ai dit, la possibilité que ça n’ait pas lieu dans les faits : qu’on garde exactement ce qu’il y avait avant, est toujours là. Mais la fragilité, elle est apparue en surface mais il n’est pas impossible – et je prie le ciel que ça n’ait pas lieu ! – que ça relance les violences en Irlande du Nord. L’Ecosse, comme un seul homme, une seule femme, est prête à voter sa sécession.
Ce pays est en très mauvaise passe. Comme j’ai dit, il ne va pas tomber en vrille parce qu’il a encore un certain ressort. Et puis il va perdre une chose dont moi je ne serais pas particulièrement fier bien que j’aie travaillé là : la City de Londres. C’était quand même quelque chose même si je n’approuve pas du tout la manière dont ça fonctionne. Ils perdent ça d’intention délibérée ! Ce n’est pas du suicide : ils survivront à ça mais c’est quand même se tirer une balle dans le pied. Et je vous dis, quand je dis ça, ce n’est pas une approbation de la City ou de comment ça se passe là, un système que je connais de l’intérieur. Je sais exactement comment ça marche, la City de Londres. Voilà.
Donc, un pays que je connais bien. J’ai vécu là 11 ans. Je suis retourné un an encore après à travailler justement dans la City à Londres et un peu avant, j’étais retourné travailler dans l’intelligence artificielle à Martlesham Heath près d’Ipswich, siège de British Telecom.
Les Etats-Unis, un pays, là, qui n’est jamais sorti des séquelles de sa guerre civile : la « guerre de Sécession », comme on dit en français, qui a absolument bâclé la sortie de cette guerre, qui n’a pas donné aux anciens esclaves ce qu’on leur avait promis, qui a permis au Sud de réhabiliter rapidement ses politiciens, ce qui m’a conduit à parler de Trump comme étant « le dernier général de l’Armée sudiste en déroute » mais là, il est en train de prendre sa revanche et avec le soutien de la cavalerie, le soutien de la cavalerie qui s’appelle la Russie en l’occurrence et qui est un soutien massif.
Là aussi, avant que je termine là-dessus, une anecdote. Il y a une Amérique dont j’ai fait partie, là aussi, à une époque où l’Europe m’avait fermé entièrement l’accès au travail pour des raisons souvent médiocres – je pourrais encore trouver un qualificatif pire que ça : il est question de jalousie, d’envie, de bassesse – les Etats-Unis m’ont ouvert grand leurs bras : « Vous savez travailler ? vous savez faire ce que vous dites que vous savez faire ? Voilà, faites-le, faites-le et on sera très contents et on vous récompensera… ». Ça s’est passé comme ça.
C’était quoi 10 ans ? Non, 12 ans, 12 ans d’Etats-Unis. Aux Etats-Unis, il y a deux pays. Moi, mes Etats-Unis, ce sont ceux d’Haight-Ashbury à San Francisco avec le spectre d’Emmett Grogan, l’Amérique de Thoreau, l’Amérique de Steinbeck, l’Amérique de Kerouac, ou de Melville. L’Amérique d’auteurs moins connus que je lis en ce moment avec délectation : Albert Halper, William Saroyan, Robert E. Sherwood, l’Amérique aussi de Philip Roth, bien entendu.
Mais il y a l’autre : il a celle qui a voté par 51 voix contre 49 au Sénat pour dire que non, Trump n’a rien fait, et s’il a fait quelque chose, ce n’est pas important. Il y a cette Amérique-là. Moi, aux Etats-Unis, j’ai vécu essentiellement… j’ai vécu un tout petit peu au Texas, qui n’était pas ma tasse de café, et puis j’ai vécu en Californie et là, voilà, Los Angeles, San Francisco, San Diego, Laguna Beach, ça me convenait parfaitement, Mais, ça m’est arrivé une fois. Avec ma mère et ma nièce, on va dans le désert, vers la droite [sur la carte] et on se retrouve à une station service, vous savez une comme on voit encore, j’allais dire « dans les westerns » : dans les westerns, il n’y a pas de stations services ! mais dans les films des années 1920 ou des années 1930, comme dans La forêt pétrifiée justement sur un scénario de Sherwood. Et là, le type, tout de suite, le pompiste, menaçant au point que je commence à m’énerver un peu, et à ce moment-là arrive le shérif et le type, il arrête de me servir : il va vers le shérif et il tape sur l’épaule du shérif et il me fait comprendre que « Le shérif ici, c’est un gars comme moi ! » et, ça, c’est l’Amérique de Trump. Ça, c’est le Make America Great Again, traduisez Make America WHITE Again.
Cette Amérique-là, heureusement, elle est en train de disparaître. Il peut mettre toutes les murailles qu’il veut, Trump, sa muraille, elle vaudra ce qu’a valu le mur de Berlin : les Indiens reviennent. On peut les appeler « Hispaniques », on peut les appeler « Mexicains », ce sont les Indiens. Ils sont en train de revenir. Ils viennent petit à petit et ils reprennent possession d’un pays qu’ils ont occupé bien avant les blancs qui n’ont pas pris de gants d’abord pour les annihiler en Amérique du Nord. En Amérique centrale, ils n’ont pas été entièrement éradiqués et du coup, ils reviennent. Là aussi, je vous ai raconté cette anecdote de cette jeune fille de 10 ans dont les parents sont « mexicains » et que nous emmenons, ma copine et moi, en haut d’une colline à Los Angeles et nous lui demandons si c’est beau. Elle regarde le paysage et sans nous regarder, elle dit : « Oui, mais c’est à moi ». Et ça, M. Trump, vous ne pourrez rien y faire.
Bon alors, est-ce que je vais continuer à vous parler de ça, du Brexit et de l’impeachment ou bien est-ce que je vais laisser ces pays après avoir expliqué ici ma loyauté envers eux, et que j’ai bien besoin d’eux : du Royaume-Uni en Europe et d’un pays, d’une Amérique qui ne soit pas en croisade contre l’environnement, contre la survie de l’espèce.
Ce n’est pas uniquement par loyauté que j’ai parlé beaucoup de ce pays. Maintenant, il est… je ne vais pas dire : « Ils sont laissés à eux-mêmes ». Si, ils sont laissés à eux-mêmes mais pas parce que je vais moins parler d’eux [rires], parce que j’ai le sentiment que je ne peux pas faire grand-chose, je ne peux pas faire grand-chose pour les aider dans l’état où ils sont maintenant.
J’ai un peu de ressources en termes de temps de travail. Je vais les consacrer à essayer de sauver la tâche générale, qui est donc « Comment sauver le genre humain » et comme je l’ai dit, moi, je ne travaille jamais sans plan B (c’est un peu une chose qu’on a apprise dans la famille). Je vais continuer et me remettre un peu sérieusement à cette idée de « Si jamais il n’y a que les robots qui nous survivent, eh bien, qu’au moins on ait pu faire ça ! ». Je l’ai déjà dit, aux yeux de l’univers, ce sera peut-être ça notre réelle contribution.
Je l’ai déjà dit, ça : quand on nous regarde de loin, on dira : « Ecoutez, ces gens, ils étaient vraiment très collés à leur planète. Ils ne pouvaient rien faire sans leur planète. Ils étaient vraiment un produit de leur planète qui était dans un équilibre qu’eux ont foutu en l’air mais enfin bon, c’est simplement parce qu’ils étaient une espèce comme les autres et ils ont tellement bien réussi qu’ils ont complètement dépassé la capacité de charge de leur environnement mais ils ont eu le talent d’inventer autre chose de beaucoup plus robuste, de beaucoup plus résilient, de beaucoup plus intelligent qu’eux (ce qui n’était pas très difficile) mais enfin bon, il fallait quand même inventer le successeur et ça, ils l’ont réussi ».
Ça, je vous en ai déjà parlé, ce n’est quand même que le plan B, le plan A, c’est tout de même qu’on arrive à continuer à vivre sur cette planète-ci et là, quand Vincent Burnand-Galpin et moi, quand on s’est posé la question : « Qu’est-ce qu’il faut dire à ce moment-là ? », on est obligés de dire des choses un peu dures.
C’est dans une conversation avec Attali, il n’était pas le premier à l’avoir dit mais il disait : « Quand on se rendra compte du péril dans lequel on est, il n’y aura que des régimes autoritaires qui nous permettront d’en sortir ». Et c’est vrai : plus on tergiverse, plus on retarde de faire un effort de guerre pour la survie, de remettre en place de la planification, plus on sera obligés de laisser à d’autres… de prendre leurs solutions clé en main.
Et comme ça se dessine, il faudra qu’on prenne la solution chinoise clé en main. Ce sont les seuls qui s’occupent des problèmes véritablement, des problèmes qui se posent.
Vous avez vu la couverture de ce livre qui s’appellera « Comment sauver le genre humain ». Il y en a un qui vient de paraître. Je ne l’ai pas lu. Je viens de lire la préface. Pourquoi est-ce que je ne l’ai pas lu ? C’est parce que je l’ai trouvé dans ma boîte aux lettres avant-hier. C’est par un collaborateur de longue date du blog et quelqu’un d’autre. Je vais dire les noms : Cédric Chevalier et Thibault de La Motte avec une préface d’Olivier De Schutter. Voilà, c’est un livre qui s’appelle : « Déclarons l’état d’urgence écologique ». Ça ressemble fort au titre que j’avais donné à l’origine à notre manuscrit qui était : « Déclarons l’état d’urgence pour le genre humain » mais pourquoi ? Cédric Chevalier n’y est pour rien, c’est le titre d’un de ses papiers que j’avais plus ou moins repris pour le livre donc c’est moi qui reprenait son titre.
C’est un collaborateur de longue date, Cédric. En tout cas, c’est un collaborateur de longue date du blog. On ne dit pas des choses qui sont identiques. Je vois que le livre prend le problème par d’autres bouts. Les sources d’inspiration sont très différentes de celles de Vincent et moi. Les bouts par lesquels… ils prennent le problème davantage par le bout de choses qui sont déjà en train de se faire alors que Vincent et moi, on a plutôt décidé de produire un manuel complet de ce qu’il faut faire en réfléchissant peut-être d’une plus haute altitude au problème général – ce n’est pas une critique – que le livre de Cédric Chevalier et Thibault de La Motte, d’autant que, si j’ai lu tous les papiers de Cédric bien entendu quand ils sont parus sur mon blog, je n’ai pas lu l’ouvrage terminé comme il est là. Ça apparaîtra, j’en suis sûr, comme extrêmement complémentaire. En plus, c’est un livre qui paraît en Belgique et qui parle de manière… s’adresse essentiellement aux Belges donc il n’aura pas la même portée géographique, bien entendu, qu’un livre qui paraît chez Fayard, où on ne distingue pas les nationalités des gens dont on parle, sauf à parler de l’économie de guerre américaine dans un cas, de la planification telle qu’elle a existé en France, etc.
Qu’est-ce que j’avais d’autre en route ? J’ai parlé de ce projet qu’on m’encourage à faire… (je regarde le pigeon qui vient se mettre là [sur une branche juste devant moi]). Le projet d’autobiographie, ça n’a pas d’urgence : les robots connaissent la partie qui les concerne [rires] : c’est un livre qui s’appelle « Principes des systèmes intelligents » où ils se reconnaîtront. Les autres volumes sur Trump, là, il faudra qu’on me dise si ça intéresse quelqu’un qu’on publie la suite. C’est quasiment prêt. Ce sont des billets qui ont été faits. Il faut écrire des introductions, introduire les parties les unes et les autres. Est-ce que ça a une grande urgence ? Si Trump ne tombe pas, ce qui est probablement le cas d’ici mercredi, il faudra sans doute que je continue à dire des choses s’il continue à être Trump mais l’urgence, c’est peut-être le plan A et le plan B. Quant à mes romans, je continuerai à les écrire quand j’ai envie de faire autre chose [rires] et les éditeurs me diront s’ils ont envie que ça se publie ou non. Voilà.
Mon programme, c’était « Ce que je vais faire maintenant » alors je viens de vous l’expliquer. Allez, à bientôt !
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