Retranscription de « La Chine, seule puissance mondiale ? », le 19 mars 2020.
Bonjour, nous sommes le 19 mars 2020 et mon petit exposé sera intitulé : « La Chine, seule puissance mondiale ? ». J’expliquerai.
Hier, dans un contexte tout à fait inédit, j’ai publié un livre conjointement avec Vincent Burnand-Galpin et, voilà : un livre qui sort alors que les librairies sont fermées.
Un des messages centraux, peut-être le message central de ce livre – vous le verrez quand vous aurez accès à un exemplaire, sous une forme numérique ou imprimée sur du papier – c’est qu’un jour ou l’autre, vu l’urgence du réchauffement climatique et d’autres catastrophes liées aux changements que notre espèce a induits sur notre planète, nous ne serons pas prêts et nous devrons improviser un changement d’attitude de nos pays : un changement radical. Si nous ne nous préparons pas rapidement, nous serons obligés, le jour venu, d’adopter clé en main la solution qui existe, qu’un pays a mise en place qui est la Chine. Ce pays, en effet, c’est la Chine.
Donc, nous lancions un avertissement en disant : « Préparons-nous si vous voulons créer un contexte qui nous satisfasse (par exemple, et en particulier sur le plan des libertés individuelles), si nous ne voulons pas acheter clé en main quelque chose qui existe déjà par une nation qui s’occupe de tous ces problèmes et qui s’en occupe de manière à la fois, décidée, déterminée, bien organisée et martiale, il faut que nous nous préparions! »
Le manuscrit a été déposé le 6 janvier. Nous sommes deux mois et demi plus tard. C’est très rapide pour un éditeur d’arriver à faire ça et, d’une certaine manière, nous arrivons quand même trop tard, non pas parce que le livre sera entre vos mains dans un certain nombre de mois mais parce que les choses ont déjà changé radicalement. Parce que la Chine, qui est le pays d’où est provenue cette pandémie, annonce aujourd’hui qu’il n’y a pas eu [sur son territoire] de nouveau cas dans la journée d’hier. Et, vous allez voir, ici et là, le président de la République italienne remercier la Chine non seulement pour un envoi massif de masques mais aussi pour l’envoi de médecins. La Serbie dit que le seul pays qui l’a aidée jusqu’ici devant la crise, c’est la Chine.
Qu’est-ce qu’il va se passer, qui se passe déjà ? L’Italie rencontre des difficultés considérables dans la gestion de cette pandémie. En France, en Belgique, en Suisse, on a quelque chose de l’ordre d’un retard de 8 jours, d’un décalage entre ce qu’on voit en Italie et ce qui se passe dans les pays que je viens de nommer. Et quand la question m’a été posée lors d’un entretien sur la chaîne Le Média : « Quel est le pays le plus exposé, celui qui rencontrera les plus grandes difficultés ? », il m’est suggéré par mon interviewer l’Italie, à très juste titre vu les difficultés de l’Italie maintenant, j’ai dit : « Non, il y a un pays qui sera encore bien davantage exposé, qui sera dans de réelles difficultés par rapport à celles que l’on voit déjà en raison de son impréparation, ce sont les Etats-Unis ».
Et effectivement, pourquoi ? Essentiellement parce que jusqu’à très récemment, on avait un président des Etats-Unis qui niait l’existence même d’une crise, ce qui obligeait les états fédérés à agir en ordre dispersé. Devant le négationnisme de la direction et des « sources d’information » de la présidence américaine, c’est-à-dire des sources complotistes d’extrême-droite, du suprémacisme blanc en particulier, le pays était dans un total désarroi.
C’est un pays qui refuse, par principe idéologique, d’intervenir. C’est un pays qui n’envisage pas une planification contraignante, qui compte surtout sur les initiatives individuelles. C’est un peu en train de changer depuis 48 heures essentiellement. Ça va arriver extrêmement tard vu la situation dans laquelle se trouve déjà cette nation qui couvre un énorme territoire avec des états qui sont plus ou moins bien équipés pour réagir à l’urgence. Il y a des états extrêmement peuplés qui ont une organisation extrêmement forte. Je pense par exemple à la Californie. Mais vous avez des états ruraux, le Wyoming [50e sur 50], l’Idaho [39e], le Dakota du Nord [47e] et du Sud [46e] pour donner quelques exemples, qui sont peu peuplés, où il existe de grandes distances entre les villes, qui ne disposent pas d’une organisation véritablement en place.
Alors, il y a des choses qui existent au niveau du pays tout entier, la FEMA [Federal Emergency Management Agency], etc. mais, on le sait, à la tête de ces grandes organisations ont été placés, depuis l’élection de Trump, des gens qui ne croient pas à l’Etat, qui sont souvent des lobbyistes, des personnes qui sont contre toute forme de gouvernement organisé, planifié, et qui ont joué essentiellement un rôle de détricotage à la tête de ces agences.
Alors, qu’est-ce qu’il va se passer ? La Chine, dans 15 jours, 3 semaines, va proposer aux Etats-Unis aussi – le pays le fera très modestement, d’abord parce que c’est dans les habitudes du pays puis en sachant quelle serait la réaction réflexe des Etats-Unis, de refuser une aide qui vienne de la Chine.
Mais, allons-nous voir dans 3 semaines, des médecins chinois délégués aux Etats-Unis pour essayer de sauver la situation ? Je ne parierais pas que ça ne va pas se produire ou qu’il n’y ait pas des envois massifs d’équipement pour aider les Etats-Unis, qui seront dans une situation catastrophique.
Nos pays devront faire un examen de conscience au moment où on sortira de tout ça, je suppose – espérons-le ! – au milieu de l’été, à l’automne. Les Etats-Unis aussi. Et, quand nous nous réveillerons, nous nous rendrons compte à quel point la situation dans laquelle nous sommes est exceptionnelle, exceptionnelle pour un pays. C’est effectivement une situation comparable à un état de guerre.
D’une certaine manière, nous avons vu venir cette pandémie. L’information, telle qu’elle est maintenant, nous a permis de savoir tout de suite ce qui se passait en Chine en décembre, en janvier. Ça nous a donné un tout petit peu de temps pour réfléchir – pas vraiment pour nous équiper pour la suite – mais nous avons pu petit à petit entrer dans la situation dans laquelle on est. J’ai discuté avec quelqu’un tout à l’heure qui était entré dans ma maison. Nous portions tous les deux un masque. Les voisins d’en face nous ont vu sortir avec nos masques. Eux, ils étaient à distance. Voilà, ils nous ont vus dans la situation qui est la nôtre : une situation de confinement dans laquelle on ne peut sortir que pour des raisons impératives, comme dans ce cas-là, qui était de penser aux enfants [en cas de malheur]. Nous pouvons sortir avec une attestation pour faire un certain nombre très limité de choses.
Notre économie part en vrille bien entendu. Les marchés financiers ne savent plus où donner de la tête pour essayer de soutenir une situation qui devient extrêmement difficile à gérer. On se remet à injecter des milliards dans l’économie mais nos économies sont des économies où, vous le savez, les milliards déversés par le haut n’arrivent pas aux consommateurs individuels, au travailleur, à la travailleuse individuelle, ce qui a conduit, ce qui conduit les Etats-Unis – c’est dire où on en est – à envisager simplement d’attribuer 2.000 dollars à chaque famille : la fameuse proposition de M. Milton Friedman de distribuer de l’argent par hélicoptère en cas de nécessité.
M. Friedman, un grand théoricien, Milton Friedman, prix Nobel d’économie bien entendu, grand théoricien de l’ultralibéralisme avec von Hayek, et von Mises avant, qui avait envisagé… C’est quelqu’un – il faut le savoir – ni von Mises, ni von Hayek, ni Milton Friedman ne sont des gens qui croyaient véritablement à l’avenir du capitalisme. Ce sont des gens qui ont toujours – malgré leur caractère radical, malgré le fait que Friedman et von Hayek se soient portés volontaires pour être des conseillers de Pinochet – ce sont des gens qui ont toujours pensé que l’avènement du socialisme était en réalité inéluctable et qui ont réfléchi à ce qu’il faudrait faire en cas de transition, des choses de cet ordre-là. Milton Friedman, c’est aussi quelqu’un qui a pensé au revenu universel sous la forme d’un impôt négatif, c’est-à-dire d’aides apportées systématiquement aux ménages qui se trouveraient en-dessous d’un certain niveau de revenus.
On a parlé de « fin du capitalisme » en 2008. Je crois qu’on va en reparler beaucoup, beaucoup. Pour un avant-goût, lisez donc cet ouvrage qui s’appelle « Comment sauver… » non pas le capitalisme : j’ai écrit, vous le savez, un livre qui s’appelle : « Le capitalisme à l’agonie » (2011) et un autre qui s’appelle : « Se débarrasser du capitalisme est une question de SURVIE » (2017). Le nouveau s’appelle : « Comment sauver le genre humain », et une transition douce, une sortie douce du capitalisme est décrite longuement dans cet ouvrage, sous forme, je dirais, de conseils véritablement pratiques : comment le faire dans la pratique, en s’inspirant de choses qui ont été faites ailleurs, par exemple aux époques de crise, comme des économies de guerre, des choses de cet ordre-là.
Voilà, une réflexion sur le fait que, dans 6 mois, on ne se posera peut-être pas la question de savoir si la Chine est la principale puissance mondiale mais on sera peut-être obligé de constater qu’elle est la seule puissance mondiale encore en état de fonctionnement.
Voilà, allez, à bientôt !

Et bien, bon anniversaire à Élisa. J’en connais une autre un peu plus jeune, la petite amie de mon fils.…